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b
– la rome impériale 
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remplace ici significativement la séquence où Jésus chasse
les marchands du Temple. L’entrée du Christ dans l’édi-
fice sacré qu’il va purifier par une sainte colère, sa sortie
du monde politique sont pour Barabbas le signal de l’in-
surrection. Ray souhaite que le climat de violence, de cor-
ruption, de cruauté et de névroses contraste avec celui de
paix, de sérénité et d’élévation chaque fois que le Messie
apparaît. La cour d’Hérode est un nid de vipères, et la rue
en constante ébullition subit l’humiliation des occupants.
En même temps, le film traduit les tensions inhérentes à la
société juive d’alors, entre Sadducéens (conservateurs nan-
tis), Pharisiens (érudits intégristes), Zélotes (insurgés ar-
més) et Esséniens (messianistes représentés par Jean-Bap-
tiste). En quelque sorte, Jésus, Judas et Barabbas forment
un triumvirat de la résistance juive à la tyrannie romaine
représentée, elle, par Ponce Pilate et ses collabos, Caïphe
et Hérode. Dans son Evangile (18 : 40), Jean qualifie Ba-
rabbas de « lestes », terme grec signifiant « voleur » mais qui
était souvent appliqué aux Zélotes insurrectionnels.
Sur conseil de John Ford, Nicholas Ray (qui dirigea James
Dean dans
Rebel Without a Cause
) utilise sa vedette de
The True Story of Jessie James
, Jeffrey Hunter, pour figu-
rer un Christ à la fois jeune, autoritaire et doux, au re-
gard intense. Un Messie ni tourmenté ni pompeux, irra-
diant une certaine paix intérieure, aux antipodes du sup-
plicié angoissé et efféminé du
Golgotha
de Duvivier. Pour
la première fois à l’écran, l’interprète de Jésus aura l’âge
du rôle (comme la Salomé-Lolita jouée par Brigid Baz-
len, 17 ans). Par ailleurs, Ray ne cherche pas des grands
noms, mais des comédiens sachant s’effacer derrière leur per-
sonnage. Quant au scénario, il le confie à Philip Yordan
(son collaborateur de
Johnny Guitar
) et à Ray Bradbury
(l’auteur de
Fahrenheit 451
). A première vue, le cinéaste
conte le destin de jeunes rebelles « avec une cause », le film
vivant du rapport dialectique entre Jésus et Barabbas, qui
ne se croisent pourtant jamais (« Je suis le feu, il est l’eau,
comment pourrions-nous jamais nous rencontrer ? » dit le
terroriste). Le titre de travail du film, certes plus adéquat,
était
The Sword and the Cross
 : si Barabbas et Judas, les
agitateurs politiques, s’y autodétruisent, le Christ réconcilie
Le regard intense de Jeffrey Hunter en Jésus (
King of Kings
, 1961)
La dernière image de
King of Kings
(1961) : le Christ ressuscité, que l'on ne voit pas, ordonne aux apôtres de propager la « bonne nouvelle »
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