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  l’antiquité au cinéma
studios romains IN.CI.R.-De Paolis. Selon ses mémoires
(
Nato col cinema
, Rome 1992), c’est un des films dont
Bragaglia était le plus fier, surtout pour la séquence de la
crucifixion au Golgotha. Grand admirateur du
Golgotha
de Duvivier (1935), le producteur Poggi choisit Philippe
Hersent pour succéder à Jean Gabin dans le rôle de Ponce
Pilate, film dans lequel Hersent interprétait l’apôtre Jac-
ques. Une curiosité : Terence Hill en Lazare. Projeté pen-
dant les fêtes de fin d’année,
La spada e la croce
pulvérise
les records d’entrées et engrange en un seul mois les recet-
tes annuelles d’une production courante. US :
The Sword
and the Cross (Mary Magdalene)
.
1959
The Big Fisherman
(Simon le pêcheur)
(USA) Frank
Borzage [d’apr. Lloyd C. Douglas] ; Buena Vista-Centu-
rion (Rowland V. Lee), 180 min. – av. Howard Keel (Si-
mon Pierre), Susan Kohner (la princesse Fara / Esther),
John Saxon (Voldi), Herbert Lom (Hérode Antipas),
Martha Hyer (Hérodiade), Jay Barney (Jean Baptiste),
Brian Hutton (Jean), Herbert Rudley (l’empereur Ti-
bère), Thomas Troupe (Jacques), Rhodes Reason (An-
dré), Peter Adams (Hérode-Philippe I 
er
), Stuart Ran-
dall (Arétas IV, roi nabatéen de Pétra), Marian Seldes
(princesse Arnon, sa fille), Charlotte Fletcher (la reine
Rennah, sa mère), Ray Stricklyn (le prince Deran). –
En
Arabie romaine (Jordanie), la princesse Fara est convoitée
par Deran, le capricieux fils du roi bédouin, auquel elle
préfère le prince Voldi. Avant de mourir, sa mère Arnon,
fille d’Arétas IV (roi de Pétra) lui révèle qu’elle est à moi-
tié juive, son père étant Hérode Antipas, qui répudia en-
suite son épouse nabatéenne pour sa belle-sœur Hérodiade.
Depuis cet affront, les tribus arabes vouent une haine sans
merci aux Judéens et Fara décide d’assassiner le tyran. En
route pour la Galilée, elle est hébergée par Simon le pê-
cheur, devient traductrice de grec au palais à Tibériade,
est perturbée par le sermon de la montagne, puis renonce à
se venger d’Hérode qui est tombé en disgrâce à Rome. Mé-
tisse, elle ne peut épouser Voldi, le nouveau roi bédouin,
et elle retourne en Judée avec Simon pour œuvrer à la
réconciliation des peuples arabe et hébreu. Au lointain, elle
entend l’injonction du Nazaréen d’« aimer son prochain
(son voisin) comme soi-même ».
Le scénario s’éloigne fortement du roman ampoulé du ré-
vérend Lloyd C. Douglas (auteur de
La tunique
), paru
en 1949, Borzage focalisant moins son attention sur le
Christ et saint Pierre que sur les jeunes amants et l’in-
fluence que l’apôtre exerce sur leur destinée. Son Simon-
Pierre est un personnage robuste, imposant, pourvu d’un
solide humour et qui a beaucoup de peine à ne pas rendre
une gifle selon les préceptes de son maître. Utilisé à contre-
emploi, Howard Keel, un bariton athlétique de 1 mètre
90, jadis pilier de la comédie musicale à la MGM (
Seven
Brides for Seven Brothers
de Stanley Donen, 1954), dé-
pouille le saint homme de toute emphase bondieusarde, un
choix voulu par Borzage et représentatif de sa conception
du spirituel. (Keel n’était d’ailleurs pas religieux.)
The Big
Fisherman
est une superproduction atypique, entièrement
tournée en Californie (Universal City, Chatsworth, Palm
Springs), avec des lourdeurs, certes, mais aussi des touches
très inhabituelles, comme l’intrusion de tribus bédouines
avec mention de la Ka’bah dans un récit biblique, des al-
lusions sans parti pris au conflit israélo-arabe, l’utilisation
répétée de flash-backs, etc. Le film renonce aux ingrédients
traditionnels du péplum – batailles ou saturnales – en fa-
veur de la caractérisation (l’opportunisme ou la paranoïa
d’Hérode, les hésitations de Fara). Les scènes religieuses sont
amenées sans grandiloquence ni musique. Du Christ, on ne
voit qu’un pan furtif de robe immaculée : une présence in-
visible et une voix sensibles à travers toute l’action. Salomé
est inexistante. La décollation de Jean-Baptiste est suggé-
rée en silhouette, derrière des tentures rougeâtres. «Où est
ta voix à présent, faux prophète ? » s’exclame Hérodiade à
qui l’on amène la tête de l’Annonciateur. En guise de ré-
ponse, un orage surnaturel s’élève et ravage le palais d’Hé-
rode, renversant le trône, emportant rideaux et ornements ;
le claquement des étoffes qui zèbrent l’écran et la panique
des courtisans créent un ballet mémorable. Visuellement,
l’ensemble de l’œuvre dénote également un travail surpre-
nant sur la couleur (vert Véronèse, bleu cobalt, carmin et
or), un traitement stylisé, presque majestueux de l’espace
et des compositions plastiques proches du maniérisme flo-
rentin d’un Bronzino ou d’un Pontormo (nominations à
l’Oscar pour photo, décors et costumes). Enfin, le film est
empreint d’une singulière sérénité (c’est le dernier de Bor-
zage), mais ses recettes s’avèrent très moyennes en raison de
son manque de sensationnalisme. Au moment où sort ce
film à la gloire de saint Pierre, Frank Capra envisage une
vie de saint Paul, interprétée par Frank Sinatra (qui vient
de tourner pour lui
A Hole in the Head
, 1959). Presse
et public réagissent avec tant d’indignation que Capra
renoncera à son projet.
1959 Ø
Ben-Hur
(US) WilliamWyler. – av. Jose Greci (Ma-
rie), Laurence Payne (Joseph), Claude Heater (Jésus-
Christ, vu seulement de dos). –
Un prince hébreu tour-
menté par la haine trouve la paix en rencontrant le Christ
et en assistant à sa crucifixion, cf. 6b.3.2.
Saint Pierre (Howard Keel) dans
The Big Fisherman
(1959)
Un groupe de lâches assiste impuissant au drame de la Crucifixion
dans
Milagro a los cobardes
de Manuel Mur Oti (1961)
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