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  l’antiquité au cinéma
Mason (Joseph d’Arimathie), Laurence Olivier (Nico-
dème), Isabel Mestres (Salomé), John Duttine (Jean),
KeithWashington (Matthieu), Bruce Liddington (Tho-
mas). –
Un méga-feuilleton de sept heures (réduit à deux
fois 2h15 pour le grand écran) filmé avec la bénédiction
papale pour 12 millions de $ en Tunisie (le temple de Jé-
rusalem est érigé près de Monastir, le Golgotha à Sousse,
l’oasis de Gabès, le désert autour de Douze et Chot Djerid,
le lac d’Ishkeul) et au Maroc (le palais d’Hérode à Ouar-
zazate, Nazareth à Fortussa près de Volubilis, puis à Fez,
Azrou, Tinghir et dans le Haut Atlas). Le scénario est si-
gné Suso Cecchi d’Amico, la collaboratrice fétiche de Vis-
conti, et l’écrivain catholique Anthony Burgess (
Clockwork
Orange /Orange mécanique
de Kubrick) qui, pour se li-
bérer des contraintes œcuméniques du film, fait paraître
simultanément son roman
L’homme de Nazareth
, une
vision très personnelle du récit biblique (le Christ se marie
aux noces de Canaan). Initialement, la RAI veut à tout
prix Ingmar Bergman comme réalisateur, mais celui-ci leur
envoie un projet de scénario jugé inacceptable, basé sur
La
dernière tentation du Christ
de Kazantzakis (que Scor-
sese filmera en 1988). En plus des chaînes de télévision,
Lord Grade, le producteur, s’assure un cofinancement par
Procter & Gamble (General Motors s’étant retiré de l’af-
faire après les protestations des chrétiens intégristes amé-
ricains, le « Bible Belt », qui s’opposent à un Christ sur le
petit écran).
Alors que Pasolini (1964) ou Rossellini (1975) sont des
agnostiques que l’Evangile a inspirés, Zeffirelli est un ca-
tholique florentin qui s’aligne publiquement sur la politi-
que duVatican (condamnation fracassante de l’avortement
dans la presse). Son film est mis en chantier à l’instiga-
tion directe du pape Paul VI. Admirateur du
Golgotha
de
Duvivier (1935), le réalisateur enchaîne avec le raffine-
ment esthétique qu’on lui connaît, tableaux vivants sur
images pieuses, en reprenant la formule de Stevens (
The
Greatest Story Ever Told
, 1965) : sa distribution a des al-
lures de bottin mondain. Claudia Cardinale, Rod Steiger
(préfet brutal et pressé), Laurence Olivier, Anthony Quinn,
James Mason, Peter Ustinov, etc. y jouent les seconds vio-
lons, ralliés autour de l’Américain Robert Powell, 33 ans,
yeux bleus. Le film offre des compositions somptueuses, à
dominante ocre et orangée, que le cinéaste, en homme de
culture formé à l’opéra, nimbe d’une lumière dorée (avec
une crèche en clair-obscur hollandais). Une mise en va-
leur franche, intelligente, populaire des textes sacrés, mais
dénuée d’originalité sur le plan cinématographique.
Tout en respectant à la lettre le dogme chrétien, le scéna-
rio présente quelques particularités. La Palestine y est un
territoire occupé qui attend un libérateur plus politique
que spirituel, et Judas n’est pas un traître, mais un Zélote
qui cherche sincèrement à rapprocher son maître du San-
hédrin (cf.
King of Kings
de Nicholas Ray, 1961). Il sera
dupé par le conseiller politique de Caïphe. Les adversaires
du Messie sont moins méchants que bornés, le film s’appli-
quant à détruire la légende de la culpabilité collective des
Juifs lors de la crucifixion et sectionner ainsi la racine reli-
gieuse de l’antisémitisme. Enfin et surtout, Zeffirelli insiste
sur la judaïcité de Jésus, un rabbin qui fait sa Bar-Mitzva
(un anachronisme très parlant !) et dont la foi est profondé-
ment ancrée dans la tradition mosaïque. Un réformateur,
non un contestataire. Zeffirelli rappelle que Jésus ne prêche
ni contre sa religion ni contre Rome, et que le christianisme
est né
après
le Christ. L’ambiance nord-africaine renforce
l’authenticité sociohistorique (authenticité relative : bour-
nous et turbans arabes au lieu de l’habillement gréco-ro-
main, une Galilée désertique au lieu des terres fertiles de
l’époque, des mélodies hassidiques de la Pologne du XVIII 
e
siècle, etc.). En Italie, le film fait un malheur à l’audimat
avec 85% de spectateurs, malgré les attaques de la presse
communiste. On estime que le film a été vu par deux mil-
liards de personnes à travers le monde. Plusieurs nomina-
tions à l’Emmy Award et BAFTA Award, Prix national de
la télévision à Salsomaggiore, Ruban d’Argent du Syndicat
national italien des journalistes cinématographiques.
Epilogue : fort de ce succès, Zeffirelli monte en 1986 à Mo-
nastir un projet télévisuel intitulé
*The Bible
, 42 heures de
feuilleton à coréaliser avec Martin Ritt, John Schlesinger et
Mohammed Lakhdar-Hamina, qui mettrait en scène un
discours commun aux trois religions monothéistes et aurait
un casting hollywoodien (Brando, De Niro, Liz Taylor).
Sans suite.
1978 (tv)
The Nativity
(La Nativité)
(US) Bernard L. Ko-
walski ; D’Angelo-Bullock-Allen-20th Century-Fox
(ABC 17.12.78), 96 min. – av. Leon McKern (Hérode
le Grand), Madeline Stone (Marie), John Shea (Joseph),
Leo McKern (Hérode Antipas), Kate O’Mara (Salomé),
Paul Stewart (Zacharie), Jane Wiatt (Anne), Audrey
Totter (Elisabeth), John Rhis-Davies (Nestor). –
Télé-
film pour les fêtes de Noël.
1978 (tv)
La Passion
(FR) Raoul Sangla (A2 23.3.78), 90
min. – av. Alain Claessens (Jésus-Christ), Véronique Sil-
ver (Marie), Anne Wiazemsky (Véronique), Jean-Pierre
Sentier (Ponce Pilate), Armand Babel (Caïphe), Frédéric
Santaya (Simon de Cyrène), Patrick Meunier (Pierre),
François Dyrek (Judas), Henri Deus (Jean), Martine
Drai (Marie-Madeleine), André S. Labarthe (un larron).
Jésus (Robert Powell) dans
Gesù di Nazareth
de Franco Zeffirelli, 1977
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