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– la rome impériale 
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d’enfants. DeMille a choisi ce comédien de 52 ans à cause
de sa stature imposante et de son autorité naturelle, en
protestation contre l’image efféminée et bigote de Jésus qui
aurait détourné tant de gens de la religion. Les protagonis-
tes qui l’entourent semblent tous issus de la classe aisée ou
moyenne. Les enfants sont propres, les femmes soignées, il
n’y a pas de pauvres ou de lépreux en vue. «Notre Sauveur
est des nôtres » dit le film : blanc, masculin et protestant.
C’est le Messie d’un capitalisme discret mais heureux, en-
touré de familles laborieuses, rejeté par les individualistes
riches ... et sémites. Pierre ne le renie à aucun moment.
Marie-Madeleine cherche à reconquérir son amant Judas,
un rebelle séduisant, fier et ambitieux que le Christ lui a
enlevé, et veut le rencontrer pour le réprimander (l’épisode
proviendrait d’une légende germanique du Moyen Age).
La conversion de cette orgueilleuse vamp antique – « j'ai
aveuglé plus d'hommes que Jésus n'en a jamais guéri ! »
– est montrée à travers les yeux du Christ : la courtisane
est entourée des sept péchés capitaux sous forme humaine
qui cherchent une ultime fois à la tenter avant de dispa-
raître, confondus par la volonté divine. En mettant l’ac-
cent d’abord sur les périls de la chair, DeMille ne veut pas
seulement titiller son public. Il révèle que son Jésus meurt
pour les seuls péchés de désir sexuel, d’avidité et d’orgueil,
les péchés de l’Amérique du Jazz Age.
L’art de DeMille à visualiser avec force (dans une peinture
au premier degré) les passages les plus expressifs du récit bi-
blique explique la phénoménale popularité de son film, qui
restera au programme des missions et des circuits religieux
pendant plus de deux décennies, avec des milliers de copies
16 mm en chinois, turc, arabe, hébreu ou hindi. Le film
est toutefois violemment pris à partie par certains révérends
protestants choqués par les séquences de luxure avec Marie-
Madeleine, et surtout par la toute-puissante loge sioniste
B’nai B’rith qui avait déjà donné du fil à retordre à Grif-
fith pour
Intolerance
onze ans plus tôt. Le rabbinat lui
reproche de perpétuer l’anti-sémitisme en montrant Caï-
phe hurler le premier «Crucifiez-le ! », même si, plus tard,
il demande à Jéhovah « que Ta colère se détourne du peu-
ple d’Israël, car je suis seul fautif ». (Caïphe et Judas sont
interprétés par des comédiens juifs fortement typés, Rudolf
Schildkraut et son fils Joseph, et le père est grimé en un
Shylock de caricature.) De mère juive convertie, DeMille
aurait été très affecté par ces attaques. Son film, dont la
sortie coïncide avec l’inauguration du fameux Grauman’s
Chinese Theater à Hollywood, comptabilisera en 30 ans
d’exploitation 8 milliards d’entrées à travers le monde. Il
« épuise » pratiquement le sujet à l’écran jusqu’en 1961 (le
Golgotha
français de 1935 et les fictions pour paroissiens
mis à part). Remontage à 112 min. en 1928, réédition
sonore avec musique et bruitages en 1931. The Harmon
Foundation fabriquera une série de 13 bobines intitulée
I Am the Way
à partir de scènes non utilisées ou remon-
tées du film de DeMille pour la location aux salles de pa-
roisse. DeMille lui-même envisagera vers 1938 un autre
éclairage en portant à l’écran la vie de la Vierge Marie,
*Queen of Queens
, sur un scénario de Jeanie Macpherson
et William C. de Mille : la mère de Jésus y tente de sauver
Jean-Baptiste des griffes d’Hérode tandis que Judas a une
liaison avec Salomé ... Les autorités catholiques de Cali-
fornie conseilleront prudemment au cinéaste de renoncer
à son projet.
1928
Jesus of Nazareth
(US) Jean Conover ; Ideal Pictures,
5700 ft. – av. Philip Van Loan (Jésus-Christ), Anna Lehr
(Marie), Charles McCaffrey (Ponce Pilate). –
La vie du
Christ, film à budget modeste qui semble avoir emprunté
ses scènes les plus spectaculaires (la Crucifixion) à d’autres
productions, probablement européennes.
1930
Δ
La fin du monde
(FR) Abel Gance. – av. Abel Gance
(Jésus-Christ).
1931
Corianton. A Story of Unholy Love
(US) Wilfred
North ; Lester Park-Corianton Corporation, 90 min.
– av. Emile Yosuff (le prince Seantum). –
Deux épisodes
de
The Book of Mormon : Another Testament of Jesus
Christ
de Joseph Smith Jr. (1830), la « bible » des Mor-
mons. Situé en pays aztèque aux temps du Christ, le récit
illustre la rencontre de l’Antéchrist Korihor avec le prophète
chrétien Alma, et les égarements du fils de ce dernier, Co-
rianton, séduit par la belle Isabel lors de sa mission auprès
des Zoramites ... Le scénario d’Orestes Utah Bean est adapté
d’une pièce de B. H. Roberts (
Corianton. An Aztec Ro-
mance
, 1902) qui fut également jouée à Broadway en
1912. Cette fresque parlante, prévue pour fêter le cente-
naire de l’Eglise des Saints des Derniers Jours, est tournée
à grands frais aux studios Metropolitan à Fort Lee (N. J.),
mais la Dépression et une première désastreuse à Salt Lake
City brisent sa carrière. Les Mormons s’attaqueront à nou-
veau à la fiction pseudo-biblique en 2000 seulement, avec
The Testaments
de Kieth Merrill (cf. infra).
1934
Δ
AreWe Civilized ?
(US) Edwin Carewe. – av. Char-
les Requa (Jésus-Christ).
1935 Ø
The Last Days of Pompeii
(US) Ernest B. Schoed-
sack. – av. Basil Rathbone (Ponce Pilate).
– cf. 6b.7.3.
1935
Golgotha
(FR) Julien Duvivier ; Ichtys Film, 95 min. –
av. Robert Le Vigan (Jésus-Christ), Jean Gabin (Ponce
Pilate), Edwige Feuillère (Claudia Procula), Harry Baur
(Hérode Antipas), Juliette Verneuil (Marie), Vana Yami
Duvivier exploite lumière et figuration de l'Afrique du Nord (1935)
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