Page 507 - Hervé Dumont - L'antiquité au cinéma

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forcé de modifier le titre de son film pour le différencier de
celui de la concurrence. Le résultat est certes moins baroque
et moins original, mais, empreint de moquerie et de mé-
lancolie, il s’avère plus léger et plus piquant que la fresque
délirante du génial Federico. Il sort sur les écrans alors que
Fellini tourne encore, et bénéficie d’une lettre élogieuse de
Michelangelo Antonioni. Une saisie judiciaire pour obs-
cénité met cependant fin à sa brève carrière.
1969 Fellini Satyricon (IT/ FR) Federico Fellini ; P.E.A. (Al-
berto Grimaldi)-Artistes Associés, 135 min. – av. Martin
Potter (Encolpe), Hiram Keller (Ascylte), Max Born
(Giton), Magali Noël (Fortunata), Lucia Bosè (la ma-
trone), Alain Cuny (Lichas), Gordon Mitchell, Capu-
cine (Triphène), Mario Romagnoli (Trimalchion), Ta-
nya Lopert (l’empereur [=Néron]). – Guidés par leurs
instincts de jouissance, deux jeunes étudiants se plongent
dans un univers trouble, trivial, cruel et mortifère, peuplé
de créatures et cérémonies bizarres (enfant hermaphrodite
accomplissant des miracles, épousailles homosexuelles dans
les cales d’un navire impérial peuplé de travestis, de ma-
giciennes, de pirates, d’un faux Minotaure, etc.). Avec son
adaptation très libre de Pétrone, Fellini signe une œuvre
de moraliste et de poète ultra-personnelle, aux antipodes de
la reconstitution habituelle, l’Empire romain étant pour
lui un monde foncièrement étranger (« plus éloigné que la
Lune »). Rompant avec la mémoire historique transmise par
la tradition classique, il imagine la vie de ses personnages
comme le ferait un paparazzo d’aujourd’hui. Le cinéaste
filme donc une succession de tableaux délirants, démesurés,
obscènes, cruels, où l’Antiquité semble réinventée à chaque
plan avec une luxuriance barbare. C’est sa première colla-
boration avec l’étonnant Danilo Donati, qui crée les cos-
tumes et 89 décors fantasques (d’après les dessins du maî-
tre), entreprise aboutissant à l’occupation la plus massive
des studios de Cinecittà depuis le Ben-Hur en 1958. Les
extérieurs sont photographiés à Fregene, à Maccarese, àVen-
totene (Latium), sur l’île de Ponza, sur la plage de Focene
Haut et bas : dans Fellini Satyricon (1969), le grand cinéaste italien invite à une mémorable descente aux enfers à la découverte de Suburre