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 l'antiquité au cinéma
percutants et cyniques; sa découverte de l’amour avec Eunice,
son esclave, et leur double suicide sont des moments forts.
Malheureusement, le film s’essouffle, la réalisation ralentit
dès que les premiers chrétiens entrent en scène, pour s’abi-
mer dans une suite de considérations soporifiques et caté-
chisantes. Son souci de fidélité quasi « religieuse » au ro-
man (Sienkiewicz le voulait clairement édifiant) dessert
la trame, à l’écran les adeptes du Nazaréen sont d’une fa-
deur redoutable. Quant à la passion dévorante de Vini-
cius, au départ un goujat brutal et peu scrupuleux, pour
la gracieuse Lygia, otage lugien (Kallina de son vrai nom),
elle aboutit à une romance lénifiante entre deux trop jolis
tourtereaux. La fresque retrouve du nerf avec le supplice
des chrétiens, d’un réalisme inégalé dans le genre, aux li-
mites du « gore » : une trentaine de lions affamés se jettent
sur les victimes agenouillées dans l’arène, femmes, nouris-
sons, vieillards, les déchiquètent en gros plan, têtes et mem-
bres arrachés jonchent le sable ensanglanté tandis que la
foule assiste fascinée et stupéfaite à la boucherie. Des es-
claves empilent ensuite les corps ou ce qu’il en reste sur des
chariots, des images glaçantes qui évoquent irrésistiblement
celles d’Auschwitz ou de Katyn. Réussies aussi les séquences
de Lygie, garrottée nue sur l’échine d’un auroch qu’Ursus
parvient à terrasser, et le baptême de l’ignoble Chilon, ho-
quetant, tremblant, par Paul de Tarse au milieu des tor-
ches humaines.
Kawalerowicz place la rencontre de l’apôtre Pierre, fuyant
la capitale, avec le Christ («Quo vadis, domine ? ») dans
les dernières images du film. Convaincu qu’il doit soutenir
ses brebis dans la détresse, Pierre rebrousse chemin et rega-
gne Rome, non plus l’ancienne cité mais celle du XX 
e
siè-
cle, avec son trafic et le dôme de Saint-Pierre. «Où vas-tu,
homme d’aujourd’hui ? », interroge le cinéaste, à l’instar,
sans doute, de Sienkiewicz. Le film fête son avant-première
mondiale au Vatican, où le pape polonais Jean-Paul II ne
tarit évidemment pas d’éloges, mais l’exploitation en salle
en Pologne est décevante, comme sa diffusion en six épiso-
des sur petit écran. Le film ne trouve pas de distributeurs
en Europe de l’Ouest, ni aux Etats-Unis : le public de
Gla-
diator
n’est plus sensible aux bons sentiments et les lenteurs
de la fresque de Kawalerowicz rebutent. Grand Prix polo-
nais du cinéma pour les décors, les costumes et l’acteur Je-
rzy Trela (Chilon). Présenté aux festivals de Mar del Plata
et de Moscou 2002.
Le « Satiricon»
Roman picaresque attribué à PÉTRONE (Gaius Petro-
nius Arbiter, 20 ?-66), arbitre des élégances et du bon goût,
ancien gouverneur de Bithynie et ami intime de Néron.
Les aventures d’Encolpe, jeune étudiant romain, d’Ascylte
et de l’adolescent Giton (son amant) qui entreprennent
diverses pérégrinations à travers la Rome décadente du I 
er
siècle. Leur errance aboutit au banquet extravagant de
l’affranchi Trimalchion, symbole d’une classe de parvenus
vulgaires, de l’inversion de toutes les valeurs et de la tyran-
nie impériale.
1969
Satyricon
(Les dégénérés)
(IT) Gianluigi Polidoro ;
Arco Film-Cineriz, 119 min. – av. Don Backy (En-
colpe), Mario Carotenuto (Ascylte), Francesco Pau
(Giton), Tina Aumont (Circé), Valérie Lagrange (Try-
phène), Laura Antonelli, Franco Fabrizi, Ugo Tognazzi
(Trimalchion). –
Les jeunes Encolpe et Ascylte sont atti-
rés dans les appartements de la belle Tryphène, découvrent
l’esclave Giton pleurant sur le corps de son maître Mela
(suicidé avec son épouse par crainte de Néron), participent
au banquet de Trimalchion, etc. Encolpe dispute Giton à
Ascylte, puis s’enfuit avec le premier sur un navire qui som-
bre, le laissant seul en vie. – Petit film mis sur pied par
le producteur Alfredo Bini, qui s’était réservé le titre de
Pétrone en 1962 déjà, pour prendre de vitesse l’œuvre de
Fellini – il coûte un quart de son budget – et profiter du bat-
tage publicitaire de son lancement. Le tournage a lieu dans
les studios Vides à Rome et à Sperlonga, avec UgoTognazzi
dans le rôle du noceur Trimalchion. Grimaldi, producteur
de Fellini, intente à Bini un procès qu’il perd, et il se voit
s
6b.6.3
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