6b – la rome impériale 
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fastes du muet. Les peintures sur verre de Peter Ellenshaw
font merveille. A côté d’un spectacle hors du commun, opu-
lent, kitsch en diable mais historiquement acceptable (si
l’on tient compte des distorsions de Sienkiewicz), ce
Quo
Vadis
en Metrocolor rutilant offre du mélodrame primaire,
une cascade de chromos édifiants, des tableaux vivants (
La
Sainte Cène
de Léonard de Vinci) soutenus par les vio-
lons de Miklos Rozsa, et quelques séquences jouissives. En
particulier celle du suicide de Pétrone (l’auteur présumé
du
Satiricon
) lors d’un banquet où il a convié ses amis, et
au cours duquel il dicte une lettre d’adieu féroce à l’empe-
reur. Le scénario est fluide, solidement construit, les dialo-
gues font souvent mouche. «Qui leur a demandé de survi-
vre ? » s’exclame le divin César outré quand le petit peuple
de Rome s’amasse au pied du Palatin après l’incendie pour
demander des comptes. Puis il conclut : « La plèbe ne veut
jamais la justice, elle veut la vengeance ! »
Enfin, il y a Peter Ustinov en Néron roux et efféminé, ty-
ran veule, cabot boudeur et malin, pleurnichard pervers,
pleutre, paranoïaque et cruel, qui se pique de cultiver les
beaux-arts et inflige à ses courtisans d’abominables com-
positions poétiques. Une performance autoparodique qui
est un véritable délice et vaut à elle seule le déplacement.
Les producteurs n’avaient d’abord pas voulu engager Us-
tinov, prétextant qu’il était trop jeune pour le rôle ; le co-
médien dut leur rappeler que Néron était mort à l’âge de
30 ans, le sien ... L’interprétation qu’en donne Ustinov va
du reste à l’encontre de l’Antéchrist de Sienkiewicz et des
auteurs chrétiens (Commodian, Ernest Renan) : son empe-
reur est faible, infantile et influençable, mais jamais dia-
bolique. Ce sont Tigellin, son âme damnée, et Poppée qui
lui suggèrent d’accuser les chrétiens. Contrairement à ce que
montre le film, Poppée est morte accidentellement trois ans
avant la chute de son époux, et Tigellin s’est suicidé sous le
règne d’Othon. Le palais n’a jamais été pris d’assaut par la
foule et l’empereur s’est suicidé aux portes de Rome. Quant
au Colisée où périssent massivement les chrétiens, il ne fut
construit que sous Vespasien. Pour la mort du tyran, Le-
Roy introduit une citation d’un de ses propres films, le cé-
lèbre
Little Caesar
(1931) : en tombant criblé de balles,
le gangster Rico Bandello (Edward G. Robinson) murmu-
rait « Is this the end of Rico ? » ... « Is this the end of Nero ? »
Néron, Poppée et Marcus enchaîné (R. Taylor) assistent au supplice de Lygie dans le Circus Maximus reconstruit à Cinecittà (
Quo Vadis
, 1951)
Les amants attendent la mort : Robert Taylor et Deborah Kerr
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