6b – la rome impériale 
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d’une part, paralysé par le Code Hays et la Legion of Decency catholique de l’autre, Hollywood ne produit pas
de films ouvertement religieux dans les années 1930 / 40, mais la guerre froide au début des années cinquante
ravive l’esprit biblique : on mobilise Jésus et ses disciples en Technicolor, puis en CinemaScope pour combat-
tre le communisme en Corée. L’insécurité politique à l’échelle mondiale et la nouvelle menace atomique font
que le superspectacle à message évangélique s’avère non seulement rémunérateur, mais constitue une sorte de
palliatif contre la peur. Cependant, de tous temps, ce sont les sujets autour du Christ et non sur lui qui ont la
réelle faveur du public (notamment les fictions pieuses du révérend Lloyd C. Douglas) : la tunique abandonnée
à Golgotha (
The Robe
, 1953 ;
Demetrius and the Gladiators
, 1954), le calice de la Sainte Cène (
The Silver Cha-
lice
, 1955), les destinées de Marie-Madeleine et de saint Paul (13 films), celui de Judas (12 films), de la Vierge
Marie (11 films), le dilemme de Ponce Pilate (8 films), les errances du brigand Barabbas (4 films) et, bien sûr,
le martyre des premiers chrétiens à Rome (
Quo Vadis
, etc.). La plus malmenée reste Myriam de Migdel ou de
Magdala, dont l’aura ambiguë conjugue sexe et religion, péché et extase – pour les frissons des bien-pensants.
Premier témoin de la Résurrection, la Magdaléenne fut considérée par l’apôtre Jean comme étant, bien avant
Paul sur son chemin de Damas, la fondatrice du christianisme. L’Evangile selon Marie, texte apocryphe en
copte attribué à cette fervente disciple du rabbin galiléen, a été retrouvé à Nag-Hammadi (Haute-Egypte) en
1945. Ce n’est qu’au VI
e
siècle que Marie-Madeleine fut qualifiée de « pécheresse » par le pape Grégoire I 
er
, suite
à une confusion avec Marie de Béthanie (sœur de Lazare), voire avec la fameuse pécheresse anonyme sauvée
par Jésus dans l’Evangile de Luc (7 : 36-50). Un malentendu tellement juteux que le cinéma se complaît à le
prolonger en accouplant la belle repentie tantôt à Judas, tantôt à Barabbas, quand on ne lui invente pas une
liaison avec le Messie en personne.
Variations indéfinies sur un thème connu
Après avoir combattu le sexe par la piété (DeMille), s’être trouvé plongé dans les conflits idéologiques de son
temps sur fond d’Holocauste (Ray), après avoir stigmatisé la société en révolutionnaire proto-marxiste (Paso-
lini), Jésus redevient à l’écran ce qu’il n’a jamais cessé d’être, mais que deux millénaires de christianisme ont
tenté d’effacer : Yéshoua, un rabbin assumant pleinement sa judaïté et fidèle aux prescriptions de sa tradition
(Zeffirelli). Puis les années 1970, marquées par l’irrespect d’une génération en révolte, la déchristianisation et
les remises en question tous azimuts, ouvrent les vannes aux interprétations divergentes, provocatrices ou car-
rément farfelues. Echappant au contrôle des Eglises traditionnelles, Jésus devient un agent de la contestation
Richard Fleischer filme la Crucifixion lors d'une authentique éclipse (15.2.1961) pour
Barabbas
, adaptation du roman de Pär Lagerkvist
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