6b – la rome impériale 
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Bible Society se lance dans la production vidéo avec la série
The Visual Bible
dès 1994, suivie en 1995 par les
bondieuseries du Trinity Broadcasting Network (Paul Crouch) et en 2001 par celles du
Bible Stories Video
Project
de l’International Media Ministries (John Merrell). Cette montagne de pellicule pieuse, dépourvue de
subtilités théologiques et fabriquée au mépris de la grammaire cinématographique la plus élémentaire, fait la
joie des bastions fondamentalistes concentrés dans les Etats du Sud (« the Bible Belt »). Une nébuleuse nimbée
d'un militantisme pastoral souvent détaché du socle culturel sur lequel il était fixé, qui explique la prolifération
impressionnante de sujets néotestamentaires entre 1990 et 2008, avec près de 90 titres réservés presque tous
à la télévision ou au marché vidéo. On peut interpréter ce phénomène à la fois comme une conséquence de
la déculturation du religieux, mais aussi comme une crispation face à la crise des vocations dans les Eglises et
aux remises en cause savantes par les facultés théologiques, dont les enquêtes filmées du type de
Corpus Christi
(1997),
L'origine du christianisme
(2004) et
L'Apocalypse
(2008) de Gérard Mordillat et Jérôme Prieur se font
l'écho. A l'écran, la matière est devenue le terroir de l'intégrisme, du sectarisme et de la contestation.
L’écueil de l’antisémitisme
Quels que soient l’approche, l’éclairage et les comédiens choisis, le casse-tête majeur des scénaristes est le pro-
blème soulevé par l’antisémitisme. Comment rester fidèle aux Evangiles sans offenser la communauté juive, en
particulier après l’Holocauste ? La Chrétienté est née d’un refus juif et la croix représente l’emblème d’un Messie
tragiquement rejeté par les siens. Au vu de ses effets historiques pervers, ce discours peut toutefois apparaître
contestable et la théologie récente a suscité une abondance d’écrits en la matière 
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. Le cinéma, à son niveau de
vulgarisation et de caisse de résonance émotionnelle, ne peut échapper à la question, rendue plus aiguë encore
par le fait que l’industrie elle-même est dirigée ou animée en partie par des juifs. Selon Matthieu, Ponce Pilate
rejette la responsabilité de l’exécution du Christ sur la société israélite et le Sanhédrin qui aurait manipulé la
plèbe (27 : 20-24). Les Ecritures concordent unanimement pour dire que Jésus fut amené devant Caïphe et
voué à la mort pour blasphème. Elles ne condamnent cependant pas la collectivité hébraïque – un non-sens
puisque le rabbi Yéshoua alias Jésus et ses disciples étaient aussi juifs que leurs persécuteurs, et qu’ils prêchaient
l’authentique judaïsme de leur communauté – mais uniquement la caste de privilégiés, de fonctionnaires et de
religieux ultra-orthodoxes qui ont demandé sa tête («malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites »). Accusés
absurdement de déicide envers un Dieu ressuscité, les juifs sont victimes de pogroms depuis les croisades : « ven-
ger le sang du Christ » devient un prétexte aisé pour s’enrichir par l’épée. Les persécutions anti-juives en Russie
à la fin du XIXe siècle provoquent une vague d’émigration aux Etats-Unis. Sur pression des milieux israélites de
Californie, D. W. Griffith doit – à tort ou à raison, car les penchants racistes du cinéaste sont connus – sacrifier
Entouré de ses apôtres, le Christ protestant joué par Max von Sydow dans
The Greatest Story Ever Told
de George Stevens (1965)
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