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 l'antiquité au cinéma
auprès de la « sirène du Nil » pour la tuer, mais s’en éprend
à son tour et trahit ses complices. Cléopâtre lui arrache
le secret du trésor des pharaons et séduit Marc Antoine à
Tarse. Après la tragédie, c’est Pharon qui procure à Cléo-
pâtre l’aspic mortel.
L’intrigue a été imaginée par le romancier victorien Henry
Rider Haggard (l’auteur d’
Allan Quatermain
et de
She
)
en 1889. Un film perdu, comme tous les autres du team
gagnant J. Gordon Edwards-Theda Bara, emblématique
par son interprétation de Cléopâtre en lascive Orientale à
moitié nue. Le nom de la star est une anagramme d’«Arab
Death » et la publicité Fox affirme même qu’elle serait née
en Egypte, « nourrie au venin de serpent » (en vérité, Theo-
dosia Goodman est la fille d’un tailleur juif de Cincinnati).
Theda Bara, qui campera par la suite Mme Dubarry et Sa-
lomé, se présente carrément comme la réincarnation de « la
plus célèbre vamp de l’Histoire ». Marquée par la Cléopâtre
de Victorien Sardou (1890) qu’interpréta sur scène Sarah
Bernhardt, elle contribue à forger au cinéma l’image de la
femme fatale, créature exotique et destructrice, énigmati-
que aussi, les affiches du film plaçant son visage sur le corps
d’un sphinx, un renvoi iconique à Gustave Moreau et à
la morbidité fin-de-siècle. Le film bat le record des chan-
gements de costumes du cinéma muet, la star revêtant 50
atours différents au cours du récit. La Fox ne possédant pas
d’équipe pour la recherche historique et documentaire, c’est
Theda Bara qui aurait travaillé préalablement plusieurs
mois avec le conservateur du Département d’égyptologie
du Metropolitan Museum of Art de New York. Le film est
ensuite tourné à grands frais (500000 $) dans le désert de
Ventura County, où sont érigés les pyramides et le sphinx,
à Venice (le palais d’Alexandrie), au port de Balboa (Ac-
tium) et aux studios Fox à Fort Lee, New Jersey. La super-
production aurait rapporté à l’époque plus d’un million de
dollars.
1918
Cleopatsy (Toto et Cléopâtre)
(US) Hal Roach ; Rolin
Comedies, 2 bob. / 535 m. – av. Toto [=Armando No-
vello] (Marc Antoine), Dora Rogers (Cléopâtre), Bud
Jamison, Lige Conley. –
Parodie burlesque des amours de
Cléopâtre et de Marc Antoine (dirigée contre le film précé-
dent).
1918
Romans and Rascals
(US) Larry Semon ; Vitagraph,
2 bob. – av. Larry Semon (Jules César), Madge Kirby
(Cléopâtre), Pietro Aramondo, Owen Evans, Frank
côté de la Méditerranée, en particulier les guerres puniques
(
Cabiria
) et l’épisode de Cléopâtre. C’est la juste conquête
de l’Egypte par Rome qu’il s’agit d’illustrer en priorité,
la victoire occidentale masculine sur un Orient féminisé.
Sexisme et racisme sont au rendez-vous à travers cet amal-
game entre la femme et l’Orientale, le péril de l’interdit et
ses attraits. Le film présente une Egypte « dominée par les
superstitions païennes » (et Rome alors ?), « où les esclaves
vivaient dans une peur abjecte des nobles » (sic). Ces com-
paraisons cocasses font écho à la vision propagandiste d’un
Pline l’Ancien ou d’un Dion Cassius, qui dépeignaient ja-
dis Cléopâtre comme un monstre détournant les Romains
de leurs devoirs civiques, une maîtresse d’eunuques, une pu-
tain et une ivrogne. Les images insistent lourdement sur le
contraste entre un Marc Antoine débauché, portant un cos-
tume oriental (un keffieh arabe), et la rigueur toute virile
et martiale d’un Octave-Auguste, imperator chargé de la
«mission civilisatrice » de Rome. La conclusion (aux anti-
podes de celle de Mankiewicz) parle d’une « fin sans gloire
pour la dernière des Ptolémées », de « l’étoile descendante de
l’Egypte qui salue l’aube du règne d’Auguste ». Suit la pa-
rade triomphale du vainqueur dans la capitale avec aigles
et étendards, et le carton « Ave Roma Immortalis ». Rome
octroie à Octave les titres d’Auguste et d’Empereur (sic) et
lui confère de surcroît, en toute modestie, celui de « Prince
de la Paix et de Pacificateur de l’Univers ».
Cléopâtre est interprétée par GiannaTerribili-Gonzales, la
diva la plus populaire du cinéma italien de l’époque (avant
l’arrivée de la Bertini et de la Borelli). La Cines (contrôlée
par la Banco di Roma qui possède plusieurs placements en
Afrique du Nord) met le film en chantier simultanément
à
La Gerusalemme liberata
, deux œuvres grandioses « à
la gloire du passé de l’Italie », dirigées contre le monde mu-
sulman. 3500 figurants participent au débarquement noc-
turne des légions d’Octave en Egypte (scène filmée à An-
zio) et à la prise d’Alexandrie, et Guazzoni, qui depuis son
triomphe de
Quo Vadis
(6b.6.2) est un homme arrivé, se
permet une petite bizarrerie, un « flash-forward » dans le-
quel la souveraine s’imagine humiliée à Rome, où on l’ex-
hibe enchaînée au char d’Octave. Succès commercial ful-
gurant, distribution aux Etats-Unis, en Amérique latine,
en Russie et en Extrême-Orient. US :
Anthony and Cleo-
patra
.
1914 Ø
Caius Julius Caesar /Giulio Cesare (La conspiration
de Jules César)
(IT) Enrico Guazzoni. – av. Amleto No-
velli (Jules César), Pina Menichelli (Cléopâtre). –
Dans
cette biographie de César, toutes les scènes avec Cléopâtre
sont éliminées au montage, malgré la présence d’une diva
comme Pina Menichelli. – cf. 6a.5.1.
1914
Cléopâtre
(FR) Maurice Mariaud, Louis Feuillade (su-
pervision) ; Gaumont. – av. Renée Carl (Cléopâtre),
Henri Keppens.
1917
Cleopatra (Cléopâtre, la reine des Césars)
(US) J. Gor-
don Edwards [d’apr. Henry Rider Haggard] ; Fox Film,
11 bob. – av. Theda Bara (Cléopâtre), Fritz Leiber (Jules
César), Thurston Hall (Marc Antoine), Henri de Vries
(Octave), Albert Roscoe (Pharon [=Harmachis]), Hers-
chel Mayall, Dorothy Drake (Charmian), Dell Duncan
(Iras), Art Acord (Kephren), Genevieve Blinn (Octavie).
Cléopâtre veut dominer le monde. Chassée d’Alexandrie
par les légions de César, elle décide de faire de celui-ci l’es-
clave de ses charmes. Subjugué par l’Egyptienne, César rentre
à Rome pour se faire proclamer empereur et périt. Pharon,
fils du Grand-prêtre d’Osiris et prétendant au trône, se rend
Theda Bara, première vamp de l'écran, sème la mort dans
Cleopatra
(1917) de J. Gordon Edwards, d'après le roman de Rider Haggard
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