6c – rome : l'antiquité tardive 
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devant Rome en 540, mais en même temps que Justinien,
25 ans plus tard. Théodora ne s’est pas empoisonnée, elle
est décédée dans son lit en 548, vraisemblablement d’un
cancer.
Dans les années cinquante, le roman de Dahn reste, avec
les œuvres de Karl May, une des lectures de chevet de tout
adolescent entre Berlin et Munich. Visant le marché in-
ternational, le producteur berlinois Artur Brauner charge
Robert Siodmak (en fin de carrière) de mettre en scène
« le plus grand film allemand depuis que les Allemands
font du cinéma ». Cela donne une fresque en Ultrascope
de 8 millions de DM, avec des acteurs de dix nations dif-
férentes, et 1700 figurants massés devant l’immense mu-
raille de Rome érigée sur les terrains des studios Bukuresti
à Buftea, puis à Gradistea-Giurgiu et à Bucarest (Rouma-
nie), enfin aux studios CCC de Brauner à Berlin-Spandau.
Pour les remparts de le cité, on réutilise les décors, rallon-
gés et modifiés, de la forteresse vue l'année précédente dans
Les fêtes galantes
de René Clair. Sergiu Nicoalescu et An-
drew Marton dirigent les batailles. Harald Reinl (artisan
des westerns allemands d’après Karl May) est d’abord an-
noncé comme réalisateur, mais la liste des vedettes pressen-
ties (dont Stewart Granger et Gina Lollobrigida) effraie les
banquiers qui exigent un cinéaste de renom international.
Peu inspiré, malade, épuisé par un tournage anarchique,
Siodmak, jadis maître du Film Noir à Hollywood, peine
cependant à tenir le cap, même si le climat humain nau-
séabond du scénario ne doit pas lui être inconnu : comme
dans
The Killers
(1946) ou son chef-d’œuvre,
Criss Cross
(
Pour toi j’ai tué
, 1948), on assiste ici à une suite inin-
terrompue de trahisons, de duplicité, de volte-face, chacun
trompant chacun. Les rares âmes innocentes de ce « crépus-
cule des dieux » romano-gothique sont victimes de leur can-
deur et tués. On retrouve la touche sardonique du cinéaste
dans la peinture de la cour byzantine, avec une Théodora
nymphomane que Narsès accule au suicide, tandis que Jus-
tinien-Welles, en satrape oriental faussement léthargique,
manœuvre avec majesté pour éliminer de son échiquier et
les Goths, et les Romains d’Occident. Plongé dans la ré-
daction de son Codex et la construction de Sainte-Sophie,
Justinien laisse son épouse se dévergonder ou intriguer avec
son favori, Bélisaire. Siodmak joue des perspectives pour
mettre en scène les échanges à double sens entre l’empereur
et Narsès, nain dévoré d’ambition qui déambule autour
du monarque comme la lune autour du soleil. (L’authenti-
que Narsès, ministre et brillant chef militaire, n’était bien
sûr pas un nain.) Même débarrassé de ses scories idéologi-
ques les plus choquantes, le sujet souffre de l’éléphantiasis
de Brauner, trop long, boursouflé, surchargé de personna-
ges secondaires et d’intrigues parallèles : le script part dans
toutes les directions et la majorité des copies ont été tron-
quées à divers endroits. Ricanements des critiques, indiffé-
rence du public. Et une douche froide pour Brauner avec
un déficit de 4 millions de DM. La vague des péplums
Haut et bas : l'assaut des Ostrogoths de Vitigès contre les murailles de Rome, érigées en Roumanie (
Kampf um Rom
de R. Siodmak, 1967)
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