6c – rome : l'antiquité tardive 
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Rusticius, Skottas), et les couches supérieures jouissaient d’un style de vie relativement raffiné avec banquets,
épices rares. Rien ici ne rappelle le primate hirsute des manuels scolaires.
L’authentique armée d’Attila n’avait rien non plus d’une horde nomade, composée qu’elle était de contin-
gents de fantassins germains (Gépides et Ostrogoths, l’élite de l’infanterie hunnique), de balistes et même de
machines de siège. Quant aux légions commandées par Flavius Aetius, des mercenaires issus d’un conglomérat
de peuplades alliées, elles n’avaient plus de romain que le nom. Dans le film de Sirk, Attila méprise bijoux et tis-
sus rares, tout juste « bons pour les femmes ». Sa remarque traduit la mentalité de l’homo americanus des années
cinquante, qui ignore la fonction des ornements personnels dans la vie sociale romaine du Bas-Empire comme
ailleurs. Selon Priscus, les Huns étaient d’excellents métallurgistes (notamment pour l’or), possédaient un ar-
tisanat très développé, appréciaient tissages élaborés, diadèmes sertis de pierres précieuses, fibules et boucles
d’oreilles masculines. Mais montrer cela à l’écran n’aurait pas concordé avec l’image de la primitivité hunnique
que le film voulait transmettre 
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. «Rome est imprenable, parce qu’elle a déjà été conquise par le christianisme »,
dit le général Marcien au Hun dans ce même film, « et le dieu des chrétiens est invulnérable ». Effectivement,
l’Attila campé par Palance périra littéralement « poignardé par la croix ».
L’autre film,
Attila flagello di Dio
de Pietro Francisci, s’inscrit dans une logique très similaire, si ce n’est
qu’il ne montre pas l’anéantissement de la Bête, mais son recul devant l’Eglise catholique romaine. Les légions
d’Aetius ont été écrasées
(sic)
, Aetius lui-même tombe au combat
(re-sic)
, le pouvoir temporel est impuissant de-
vant les Huns, mais la curie vaticane oppose au déferlement des hordes asiatiques une muraille humaine d’une
blancheur immaculée qui protège la Ville sainte. Conclusion : les évêques de la vraie foi sont les seuls remparts
efficaces contre les envahisseurs athées. Jordanès met le renoncement des Huns devant Rome sur le compte de
craintes superstitieuses, et les auteurs chrétiens se sont fait une joie d’enjoliver la suite de l’histoire par quelque
succédané miraculeux (cf. la fresque de Raphaël où le pape Léon, protégé par saint Pierre et saint Paul, fait
reculer le Hun). La volte-face d’Attila fut présentée comme une victoire du catholicisme romain et renforça la
position de Léon face aux autres concurrents chrétiens (l’évêque d’Arles, les arianistes). En réalité, les sources
les plus fiables nous dépeignent Attila non pas terrifié devant la croix du Christ, mais en pourparlers avec une
délégation impériale dirigée par le préfet du prétoire Trigetius (qui avait déjà négocié en 435 la paix avec les
Vandales), le consulaire Gennadius Avienus et Léon, l’évêque de Rome. La rencontre eut lieu en Lombardie,
sur les rives du Mincio. Moyennant le versement d’un tribut conséquent, les Huns, affaiblis par la faim et les
épidémies, inquiets aussi de la coordination militaire inattendue qui se dessinait entre Aetius à Ravenne et les
Anthony Quinn campe un Attila brutal et barbare qui recule devant les représentants de la Sainte Eglise (
Attila flagello di Dio
, 1954)
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