6c – rome : l'antiquité tardive 
        
        
          
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          domaines au détriment de l’Empire romain d’Occident, le roi Gondichaire /Gundicarius /Gunnar (=Gunther)
        
        
          s’était jeté sur la Belgique en 435. Mal lui en prit : l’année suivante, Flavius Aetius, général et patrice romain
        
        
          au service de Valentinien III, et ses mercenaires huns annihilèrent 20 000 Burgondes, Gondichaire compris 
        
        
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          .
        
        
          Quant à Siegfried, le héros des
        
        
          
            Nibelungen
          
        
        
          , il pourrait bien être la mythification d’Arminius /Hermann le Ché-
        
        
          rusque (dont le patronyme autochtone est inconnu), prince germanique qui anéantit une armée romaine dans
        
        
          la forêt de Teutberg en l’an 9 apr. JC (cf. 6b.1.2). Balmung, son épée invincible, doit correspondre au glaive,
        
        
          arme prestigieuse chez les Germains que cet ancien otage promu chevalier d’Empire à Rome était autorisé à
        
        
          porter. Le dragon Fafnir qu’il terrassa serait alors une métaphore des légions cuirassées de Varus, et l’or du
        
        
          Rhin le butin de la bataille, demeuré lui aussi introuvable. Enfin, comme Siegfried, Arminius fut assassiné par
        
        
          des envieux de son propre clan. La saga des Nibelungen, rapportée par des trouvères burgondes, fut fortement
        
        
          romancée et enrichie, au fil des siècles, de personnages plus tardifs comme Dietrich von Bern (Théodoric de
        
        
          Vérone, roi des Ostrogoths au V 
        
        
          e
        
        
          s., dans sa jeunesse otage à la cour des Huns) et Brunhilde (Brunehaut), reine
        
        
          germanique des Francs cent ans plus tard 
        
        
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          .
        
        
          Certains chroniqueurs médiévaux considèrent Attila comme le prédécesseur des rois de Hongrie, et il
        
        
          devient ainsi l’un des héros nationaux du peuple magyar. Plusieurs drames hongrois du XVII 
        
        
          e
        
        
          au XIX 
        
        
          e
        
        
          siècles-
        
        
          chantent la grandeur tragique du fondateur de la patrie, contraint de tuer son frère Buda (Bleda), un lâche et
        
        
          un intrigant. En France, dans sa tragédie
        
        
          
            Attila
          
        
        
          (1667), Pierre Corneille fait du roi une figure mélodramatique,
        
        
          déchirée entre sa passion pour deux princesses, l’une wisigothe, l’autre romaine. Mais ces variantes marginales
        
        
          ne modifient en rien la figure déformée par les chroniqueurs et la tradition religieuse. Les peintres de la Re-
        
        
          naissance le représentent sous les traits d’un satyre cornu avec des oreilles de chien. Le
        
        
          
            Libro d’Attila
          
        
        
          , poème de
        
        
          38000 vers de Nicolò de Casola (1472), réédité d’innombrables fois, en fait le fils d’un lévrier et d’une prin-
        
        
          cesse hongroise ! C’est au XIX 
        
        
          e
        
        
          siècle, alors que l’Occident impose sa loi à l’Extrême-Orient, que s’opère avec
        
        
          Attila un glissement révélateur d’icône démoniaque à celle de repoussoir politique aux forts relents racistes. Les
        
        
          Champs catalauniques, où Aetius défait « le monstre », représentent dès lors le combat entre l’Occident civilisé
        
        
          et les continents incultes, entre l’ordre et la bestialité. Eugène Delacroix, dans sa fresque de l’Assemblée natio-
        
        
          nale à Paris (1843), illustre exactement cela, de même que l’opéra
        
        
          
            Attila
          
        
        
          de Giuseppe Verdi (1846).
        
        
          Là où passent les Huns d'Attila (Jack Palance),
        
        
          « 
        
        
          l'herbe ne repousse plus...
        
        
          »,
        
        
          vision terrifiante de
        
        
          
            Sign of the Pagan
          
        
        
          de Douglas Sirk (1954)