6a – rome : de romulus à césar 
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César (Louis Calhern) et les conspirateurs qui s'apprêtent à l'assassiner, dans
Julius Caesar
(1953) de Joseph L. Mankiewicz
cieux, donc suspects (Cicéron, Catulle, Curion) ; il n’y a pas vraiment d’histoires de boudoir ni de perspectives
de valet de chambre à exploiter – hormis sa relation avec Cléopâtre qui était intéressée de part et d’autre. On ne
lui connaît pas d’attaches sentimentales profondes 
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Dictateur ou homme providentiel ?
A la Renaissance, Boccace, Chaucer, Pétrarque tentent de cerner le personnage au-delà du mythe de la littéra-
ture courtoise. Tirant ses informations de Plutarque, Shakespeare, en 1601, le dépeint comme un égomaniaque
vieillissant, vantard et querelleur ; l’âge l’a rendu superstitieux, le pouvoir l’a entouré de flatteurs. Vivant, il est à
la merci des faiblesses que lui reprochent ses détracteurs, mais à partir du 3
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acte, mort, il accède à la grandeur.
Cet ultime chapitre de la vie de César, du complot visant à l’assassinat jusqu’à la défaite des conjurés à Philippes,
est celui qui interpelle le plus souvent les créateurs, car il permet de soulever des questions toujours actuelles sur
la relation entre le droit et le pouvoir, la morale et la politique, la liberté et la soumission, l’Etat et le citoyen.
La puissance de César repose sur le mépris des lois et traditions de la République, mais un homme de sa stature
ne devrait-il pas avoir le privilège de les ignorer si sa vision, à long terme, s’avère bénéfique pour la collecti-
vité ? Shakespeare ne donne pas de réponse, il laisse la parole à ses protagonistes qui s’entredéchirent. Joseph
L. Mankiewicz réussira une transposition cinématographique mémorable de sa tragédie avec James Mason en
Brutus et Marlon Brando en Marc Antoine : un « thriller politique » en toge qui doit être déchiffré à la lumière
des campagnes maccarthystes et de la manipulation des foules par les dictateurs récents (
Julius Caesar
, 1953).
Les XVII
e
-XVIII
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siècles – sous la plume de Voltaire, Montesquieu, Rousseau, Schiller ou Goethe – prennent
parti tantôt pour César, tantôt pour Brutus. Le recours à l’idéalisation et à l’héroïsation du Romain développé
depuis la Révolution française (la Rome républicaine pour Robespierre, Napoléon en nouveau César) est reprise
par la mouvance romantique sensible aux hommes d’exception, mais aucun roman d’importance n’est consacré
à César lui-même. Il n’y a guère non plus de drames ou d’ouvrages qui traitent exclusivement des amours de
César et de la reine d’Egypte, à l’exception de
La mort de Pompée
de Pierre Corneille (1644) et de l’amusant
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