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 l’antiquité au cinéma
routes maritimes des Grecs. L’entrée du port de l’île est sur-
plombée par une gigantesque statue d’Apollon, une des sept
merveilles du monde, mais aussi une redoutable machine
de guerre. Darios, un général athénien, participe à une ré-
volte fomentée par Pélioclès contre Sersès. Le soulèvement
est écrasé, les révoltés tués ou torturés, Darios s’échappe et
délivre les prisonniers enfermés dans le colosse. Entre-temps,
le premier ministre Thérion complote pour livrer l’île aux
Phéniciens et fait assassiner le roi. Alors que la flotte phé-
nicienne s’approche, un tremblement de terre détruit le co-
losse qui s’effondre dans la mer en engloutissant bourreaux
et traîtres.
Première mise en scène officielle de Sergio Leone (suite à sa
reprise de
Gli ultimi giorni di Pompei
que Mario Bon-
nard a dû abandonner). Rory Calhoun, vedette améri-
caine d’innombrables westerns, remplace Steve Reeves à la
dernière minute. Leone cherche à transformer le film en
comédie épique, et son coscénariste Duccio Tessari ajoute
quelques notes satiriques. Très distrayant et parfois même
ambitieux, malgré une absence totale de fondements his-
toriques, car on ne sait exactement où fut érigée cette lé-
gendaire statue de bronze, construite au III 
e
siècle avant
JC et détruite par un tremblement de terre en – 227. L’in-
trigue s’inspire lointainement de l’expulsion de la garnison
macédonienne de Rhodes après la mort d’Alexandre, mais
aussi du siège mémorable de Rhodes par Démétrios Polior-
cète en 305-304 qui souhaitait faire de l’île un satellite
de sa politique et dont les puissantes machines de siège ont
frappé l’imagination. C’est d’ailleurs en souvenir de cette
résistance que les Rhodiens édifièrent près de leur port le
fameux Colosse. A mi-chemin entre la fidélité au genre et
l’outrance qui la démystifie, Leone applique un mélange
assez personnel de références et de dérision qui feront plus
tard merveille dans le spaghetti-western. Comme les prota-
gonistes désabusés de
Per un pugno di dollari
ou
Il buono,
il brutto, il cattivo
(1964-66), le héros, l’Athénien Da-
rios, est étranger au conflit de l’île et se montre réticent à
prendre parti pour un camp ou un autre, une attitude qui
témoigne déjà du scepticisme chronique de Leone à l’égard
des grandes idéologies de son temps. Nonchalant, goguenard
et méfiant, Darios pratique le cynisme fatigué (« Si Rhodes
est l’île de la paix, je préfère la guerre »).
Le film offre une sorte de science-fiction à rebours, le géant
d’airain qui enjambe l’entrée du port étant supposé faire
plus de 110 mètres de haut alors que le vrai, œuvre de
Charès de Lindos, ne devait en excéder trente ; son crâne
est une casemate emplie de catapultes projetant du plomb
en fusion et ses mains déversent des matières enflammées
sur tout bateau assez téméraire pour forcer l’entrée du port.
L’intérieur du colosse abrite une prison et une chambre de
torture. Les décors sont construits à Laredo, dans le golfe
de Biscaye (Espagne), à la Ciudad Encantada à Cuenca,
avec des intérieurs à Cinecittà et aux studios C. E. A. à
Madrid où Jorge Grau et Michele Lupo sont les assistants
de Leone. On y repère des statues pseudo-assyriennes, des
fresques murales minoennes, des remparts romains et une
réplique de la Porte du Lion de Mycènes. La partie supé-
rieure du colosse (tête, bras et buste) et ses jambes jusqu’aux
genoux sont bâtis en grandeur nature (63 mètres). Malgré
une logistique complexe, ce péplum est réalisé sans décou-
page préétabli, car son scénario est rédigé au fur et à me-
sure du tournage. Il sera amputé de vingt minutes lors de
son exploitation, notamment à cause de scènes de tortures
jugées trop réalistes, comme celle où, enfermé à l’intérieur
d’une cloche sur laquelle frappent ses tortionnaires, Pélio-
clès alias Georges Marchal en ressort avec les oreilles ensan-
glantées. Un grand succès populaire qui rapporte 900 mil-
lions de lires rien qu’en Italie. Coproduit en Espagne par la
Procusa, société de l’Opus Dei qui a déjà financé
Gli ul-
timi giorni di Pompei
et prépare un
*Goliath contro los
gigantes
qui demeurera à l’état de projet. US :
The Colos-
sus of Rhodes
.
1961
Il conquistatore di Corinto /L’assedio di Corinto /La
bataille de Corinthe
(IT / FR) Mario Costa ; CFDFP-
Europa, 77 min. – av. Jacques Sernas (Caius Vinicius),
Geneviève Grad (Hébé), John Drew Barrymore (Diéos
de Mégalopolis, hypostratège de Corinthe), Gianna Ma-
ria Canale (Artémis), Gordon Mitchell (gén. Quintus
Cecilius Metellus), Gianni Santuccio (le stratège Cri-
tolaos), Nando Tamberlani (Callicrate d’Athènes), An-
drea Fantasia (le consul Lucius Mummius). –
En 146
av. JC (alors que Scipion Emilianus assiège Carthage),
en Grèce, la Ligue achéenne menée par Critolaos se re-
biffe contre la tutelle romaine. A Corinthe, l’ambassadeur
de Rome est tué par la foule. Ebé, la fille de Critolaos,
s’éprend du centurion blessé Vinicius qu’elle soigne à la co-
lère d’Artémis, l’épouse jalouse de Callicrate, un vieillard
qui dirige la faction philoromaine. Tandis que Diéos de
Corinthe, l’instigateur secret de la révolte, assassine ce trop
zélé « collaborateur », Vinicius rejoint les légions du consul
Le colosse de Rhodes, géant d’airain imaginé par Sergio Leone (1960) Darios (RoryCalhoun) à l’intérieur de la statue (
Il colosso di Rodi
, 1960)
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