550
 l'antiquité au cinema
un appauvrissement dramatique de l’Urbs, mais la représentation sanglante qu’en donne Cinecittà avec
La ven-
detta dei gladiatori
(1964) de Luigi Capuano verse dans la caricature. Il est plus honorable de se faire dépouiller
en résistant, fierté nationale oblige. On y fait donc périr le grand Aetius, vainqueur d’Attila et défenseur de la
cité, sous les coups d’épée des Vandales – les Barbares ont bon dos – alors qu’il fut poignardé par son propre
empereur, Valentinien III (les deux étaient du reste morts quand Genséric s’empara de Rome). En réalité, les
divers passages des Barbares au V 
e
siècle ne ressemblèrent en rien au fameux sac de Rome de 1527 lorsque les
lansquenets du très chrétien Charles Quint, champion du catholicisme, se livrèrent dans la Ville sainte à un car-
nage d’une rare sauvagerie. En fin de compte, la seule peinture favorable – sinon idéalisée – des Goths à l’écran
est à chercher dans une superproduction allemande,
Kampf um Rom
de Robert Siodmak (1967), adaptation
ruineuse d’un roman hyper-nationaliste de Felix Dahn qui enchanta Bismarck. On n’est jamais mieux servi que
par soi-même.
Hormis
Romulus der Grosse
, la merveilleuse satire anarchiste de Friedrich Dürrenmatt présentée plusieurs
fois à la télévision depuis 1965,
The Last Legion
(2007) de Doug Lefler est l’unique film à montrer l’abdication
de Romulus Augustule en 476, date marquant la fin de l’Empire romain d’Occident. Officier issu d’une famille
romaine de Pannonie (Hongrie), bras droit et secrétaire personnel d’Attila pendant une décennie, le patrice
Oreste a placé l’année précédente son fils Romulus, 15 ans, sur le trône. Odoacre, chef des Hérules, relègue
l’adolescent dans une villa en Campanie et s’autoproclame premier roi germanique d’Italie après avoir renvoyé
les insignes impériaux à Constantinople, affectant ainsi de reconnaître la tutelle (toute théorique) de l’empereur
romain d’Orient, Zénon. Mais contrairement à l’illustration classique de cette époque, riche en coups de cymba-
le et destructions les plus diverses, la déposition de Romulus ne provoquera en fait pas de changements majeurs
puisque Rome a déjà perdu l’hégémonie sur ses provinces, que les Germains dirigent les armées « romaines » et
que des généraux goths et christianisés, comme Odoacre, exercent depuis longtemps le vrai pouvoir derrière le
trône. Ce dernier facteur est peut-être la principale raison pour laquelle le péplum néglige ou travestit les IV 
e
et V 
e
siècles de notre ère : le déplacement successif de la résidence impériale de Rome à Trèves (dès le III
e
s.),
puis à Milan (IV 
e
s.), à Ravenne, enfin à Constantinople (V 
e
s.) est représentatif d’une confusion, d’une perte
de repères et d’identité tant politiques que culturels. Les mélanges ethniques se répercutent sur ceux des parures,
des costumes, des armes, etc. De facto, d’italien et latin, l’Empire romain est devenu « européen » – avant de se
cantonner autour du Bosphore.
Les fastes de la cour de Justinien I 
er
à Constantinople mis en scène par Riccardo Freda (
Teodora imperatrice di Bizancio
, 1953)
I...,540,541,542,543,544,545,546,547,548,549 551,552,553,554,555,556,557,558,559,560,...674