6c – rome : l'antiquité tardive 
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miné ni de culture propre, ce n’est qu’une catégorie générale qui doit clairement se distinguer de la romaine. Il
devient le principe actif devant la caméra, en quelque sorte l’antihéros, les Romains étant, eux, tragiquement
paralysés et leurs villes vouées à l’incendie. Le cliché a la vie dure. En réalité, les Barbares n’envahirent pas l’Em-
pire, sinon métaphoriquement : on assista plutôt à une immigration massive de peuplades qui cherchaient à se
mettre à l’abri d’un nouveau venu, le Hun (cf. Attila, commentaire 6c.3), et comptaient sur la protection de
Rome. Ils n’avaient nullement l’intention de saper la civilisation romaine mais, au contraire, d’y trouver subsis-
tance et sécurité, et si possible de s’y intégrer. On assiste à un déferlement en vagues successives de Francs qui
s’installent en Belgique et au nord de la France, d’Alamans qui s’établissent en Alsace, de Burgondes qui fuient
depuis la Rhénanie en Savoie, puis dans la vallée du Rhône et de la Saône. En Italie même, les incohérences et
l’inanité du pouvoir provoquent des débordements. Il est révélateur que le cinéma italien n’ait jamais évoqué la
figure tragique du général romain d’origine vandale Stilicon, qui maintint en échec plusieurs menaces barbares
et parvint même à incorporer à l’armée les redoutables Wisigoths d’Alaric, utilisés comme un rempart contre
d’autres Germains. Devenu l’homme le plus puissant de l’Empire et probablement son serviteur le plus loyal,
Stilicon ne chercha jamais à s’emparer du trône. Il fut victime de l’explosion de haine xénophobe qui se déve-
loppa en Italie et coûta la vie à des milliers de Goths paisiblement installés dans les cités de la Péninsule. En
408, l’empereur Honorius, son gendre, ordonna son exécution par traîtrise en sortant d’une église à Ravenne ;
Stilicon avait refusé de faire appel à ses soldats, afin d’éviter la guerre civile. Seules deux docu-fictions très ré-
centes et anglo-saxonnes mentionnent son sort (
The Fall of Rome
en 2006,
The Barbarian General
en 2008,
cf. 6c.2.2), lié à des déséquilibres ethniques qui ne sont pas sans rappeler le paysage européen d’aujourd’hui et
la crispation de l’Italie berlusconienne.
Faute d’obtenir les territoires promis par Honorius, les Wisigoths d’Alaric prennent Rome en otage en
410 et s’y livrent pendant trois jours à un pillage en règle. Le cinéma qui illustre ces faits avec les frémissements
d’usage (
La vendetta dei barbari
de Giuseppe Vari en 1960, le téléfilm
The Fall of Rome
d’Arif Nurmohamed
en 2006) se garde bien de mentionner que les pillards sont chrétiens et ne touchent en principe ni à la popu-
lation ni aux églises. Il en va de même pour les Vandales de Genséric, tous convertis à l’arianisme. Maîtres de
l’Afrique romaine depuis quinze ans, ceux-ci débarquent à l’embouchure du Tibre en 455. Rome n’a plus de
quoi se défendre. Le pape Léon I
er
conjure Genséric de s’abstenir d’incendier, de torturer et de tuer. Le Vandale
accepte, mais exige en échange de piller la ville pendant deux semaines. Le palais impérial (contenant le trésor
du temple de Jérusalem dévalisé autrefois par Titus) et les églises sont vidés, un énorme butin et plusieurs mil-
liers d’otages sont chargés sur les navires. Cet acte de piraterie motivé par de faux prétextes politiques constitue
Pour contenir la poussée des Barbares, l'Empire fait édifier des fortifications le long des frontières (
The Fall of the Roman Empire
, 1963)
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