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 l'antiquité au cinéma
un cycle héroïque situé à la frontière entre la légende et l’histoire (120 films, cf. commentaires 5b.1-2). Les
protagonistes de ces récits n’agissent ni à Athènes, ni à Sparte : ce sont de grands voyageurs, des navigateurs, des
aventuriers ou des demi-dieux dont les exploits se déroulent en Asie Mineure, en Méditerranée, voire dans des
royaumes mythiques. La Grèce profonde n’est ici qu’une référence toute rhétorique. Reste, troisième domaine
de prédilection, la formidable épopée d’Alexandre le Grand qui a tenté quelques réalisateurs de renom, de
Robert Rossen en 1956 à Oliver Stone en 2004, et a même séduit Bollywood (env. 40 films, cf. commentaire
5c. 6). Mais le conquérant macédonien est plus cosmopolite que grec dans le sens classique du terme, son in-
fluence a été moins intellectuelle que civilisationnelle, son terrain d’action s’est étendu jusqu’en Babylonie et en
Inde. L’hellénisme qu’il engendre voit l’épicentre culturel grec se déplacer d’Athènes à Alexandrie, avant d’être
assimilé par Rome.
Quoique premier concerné, le cinéma national grec s’est peu investi pour ressusciter le passé du pays. Hor-
mis quelques transpositions littéraires de prestige (les tragédies d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide, les mises
en scène austères d’un Michael Cacoyannis), il a préféré des sujets plus contemporains – et sans doute moins
coûteux. Quantitativement, les Etats-Unis sont, eux aussi, peu présents : une poignée de grosses productions
à partir des années cinquante (Troie, Alexandre, les Thermopyles). L’essentiel des films sur la Grèce ancienne
provient d’Europe, plus précisément d’Italie, avec un important apport français durant les années dix. Dès les
débuts du cinématographe, les producteurs latins ont reconnu la valeur des mythes fondateurs pour conquérir
les classes cultivées de leurs pays et se fabriquer une respectabilité sur le dos d’Œdipe, de Phèdre, de Thésée et
d’Achille. Cinecittà n’a rencontré qu’un seul obstacle dans ses évocations historiques : la conquête romaine de
la Grèce au II
e
siècle avant JC, qui soulève une question épineuse à laquelle le cinéma italien peine à répondre.
Qui, de la Rome envahissante ou de l’Hellas libre mais désuni, représente « la civilisation» et la puissance pacifica-
trice ? Et comment chanter l’un sans offenser l’autre ? (cf.
Il conquistatore di Corinto
de Mario Costa, 1961).
1
Cf. Pierre Brulé,
Périclès – L’apogée d’Athènes
, coll. Découvertes, Gallimard, Paris 1994/ 2007, et Benjamin Isaac,
The Invention of Racism in Classical
Antiquity
, Princeton University Press, Princeton N. J. 2004.
Pâris et Hélène sont mal reçus à la cour du roi Priam (
Helen of Troy
de Robert Wise, 1956)
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