6b – la rome impériale 
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pas fait un jour de guerre. Populiste et populaire, il ne fut ni destitué, ni renversé, mais périt poignardé par des
ennemis du palais dans une galerie souterraine alors qu’il revenait d’un spectacle de mimes. Sa femme Milonia
subit le même sort, tandis que la tête de leur petite fille fut fracassée contre un mur.
La désastreuse réputation de Caligula fut d’abord le produit des traditions anti-césariennes de son temps,
puis, quelques siècles plus tard, de l’idéologie judéo-chrétienne. On la retrouve dans la littérature (par ex.
Cali-
gula
d’Alexandre Dumas, 1838) comme au théâtre (le
Caligula
philosophique d’Albert Camus, révélé sur scène
en 1945 par le jeune Gérard Philipe), enfin au cinéma. Certes, Caligula est moins choyé que Néron (tout le
monde ne peut pas se prévaloir de l’incendie d’une capitale et de chrétiens à jeter aux lions), mais son incar-
nation à l’écran n’en est pas moins caricaturale. On se souvient en particulier de Jay Robinson dans
The Robe
(La tunique)
et
Demetrius and the Gladiators
(1953 / 54) campant à Hollywood un empereur paranoïaque
« dont la stupidité est bien plus terrifiante que sa burlesque cruauté » (Domenico Carro) 
2
. Portrait d’ailleurs
doublement grotesque par le fait qu’il n’y eut jamais la moindre persécution de chrétiens sous son règne, ni sous
celui de Tibère. Quinze ans auparavant, à Londres, Emlyn Williams avait interprété un Caligula autrement plus
inquiétant dans l’inachevé
I, Claudius
de Josef von Sternberg (John Hurt reprit le rôle dans le remake télévisuel
du best-seller de Robert Graves en 1976). Puis vient Malcolm McDowell dans l’inénarrable érotico-péplum de
Tinto Brass et Bob Guccione (1977-79), un des sommets de l’inanité vulgaire à l’écran, surenchère hystérique
de cruautés gratuites et d’orgies servies dans un emballage de luxe (le scénario initial est de la plume de Gore
Vidal, le décor, éblouissant, d’un collaborateur de Fellini). Avec un pareil passif, l’authentique Caligula n’aurait
duré que quelques mois sur le trône. Produit par la revue masculine
Penthouse
, ce
Caligula
-là va déclencher
une déferlante de navets plus ou moins pornographiques censés illustrer la dépravation de l’époque, alors qu’ils
nourrissent le voyeurisme d’aujourd’hui.
1
Par ex. Cristina Rodriguez (et Domenico Carro),
Le César aux pieds nus
, Ed. Flammarion, Paris 2002 ; Pierre Renucci,
Caligula l’impudent
, Editions
Gollion, Paris 2002 ; cf. aussi les sites bruxellois
(Lucien J. Heldé) et
(Michel Eloy).
2
Préface à
Les mémoires de Caligula
de Cristina Rodriguez, Editions JCL-Chicoutimi, Québec 2000.
Jay Robinson est un Caligula psychopathe et persécuteur de chrétiens dans
Demetrius and the Gladiators
de Delmer Daves (1954)
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