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 l'antiquité au cinéma
TIBÈRE ET LE «DIVIN» CALIGULA
13 / 37 – 37 / 41
Tiberius Claudius Nero, dit TIBÈRE, né en 42 av. JC, fils de Livia Drusilla (l’épouse d’Auguste), monte
sur le trône à 54 ans. Epouses : Vipsania Agrippina (mère de Caligula) ; Julia (fille d’Auguste). Suivant les
conseils d’Auguste, il n’agrandit pas l’Empire (il renonce à la conquête de la Germanie) mais en fortifie les
frontières. Devenu misanthrope avec l’âge, soupçonneux et maniaque, Tibère quitte Rome en 27 pour finir
ses jours à Capri où il succombe dix ans plus tard à une crise cardiaque.
Gaius Julius Caesar Germanicus, dit CALIGULA, né en 12, fils de Vipsania Agrippina (l’Aînée) et de
Germanicus. En tant que neveu de Tibère, arrière-petit-fils d’Auguste et de Marc Antoine, il monte sur le
trône à l’âge de 25 ans, après le décès de son oncle. Epouses : Junia Claudia, Livia Orestilla, Lollia Paulina,
Milonia Caesonia. Caligula veut imposer aux Romains un modèle politique emprunté à l’Orient hellénis-
tique : « l’empereur-dieu ». Après trois ans de règne capricieux, il tombe sous le glaive de Cassius Chaerea,
un tribun des prétoriens qu’il avait offensé, et d’un groupe de sénateurs, au Palatin.
T
ibère est le premier monarque de Rome à porter le titre d’« imperator » dans un sens politique et pas seu-
lement militaire, le premier aussi à posséder son propre palais, au Palatin. Ayant dû quitter Vipsania, sa
première femme, sur ordre d’Auguste, il la regrettera toute sa vie et mène une vie privée exemplaire, contraire-
ment à ce qu’affirme son ennemi, l’historien Suétone. Ce dernier réduit l’homme d’Etat et général particulière-
ment habile à un vieux pédéraste nageant nu dans sa piscine avec de petits garçons (les Romains se baignaient
toujours nus !). Le cinéma le connaît à peine : contemporain du Christ, il fait juste quelques furtives et anodines
apparitions dans des péplums religieux des années 1950 / 60 (
Salome, The Robe, The Big Fisherman, Ben-Hur,
Barabbas
) – comme si son exil volontaire sur l’île de Capri l’avait aussi éloigné des écrans. Peter O’Toole en
fait un grabataire libidineux et pustuleux au début de
Caligula
(1979). Il en va tout autrement de son neveu et
successeur, que Suétone, encore lui, fait passer pour son assassin probable.
Gaius César, surnommé Caligula (« Petite botte »), partage avec Néron l’insigne honneur de synthétiser
toutes les abominations, de cristalliser tous les rejets. Troisième empereur de Rome, il est le César fou, celui
qui fait peur, imprévisible dans ses excès pervers. « Il n’était sain ni de corps ni d’esprit » affirme Suétone dans
sa
Vie de Caligula
(écrite plusieurs décennies après la mort du tyran), dressant de lui un portrait qui respire
la démence : physionomie terrifiante, goût certain pour les plus cruels supplices, amours incestueuses avec sa
sœur Drusilla, etc. La décadence des mœurs est un fait. Que Caligula fût un despote intelligent et féroce, nul
doute, mais probablement guère plus que d’autres confrères. La saignée démographique laissée par les guerres
civiles que provoquèrent Marius, Sylla ou Jules César à la fin de la république fut, par exemple, infiniment plus
dramatique que le nombre des assassinés sous les premiers Julio-Claudiens. Fils du regretté général Germanicus,
Caligula était aimé par l’armée. Comme Néron, il ne persécuta jamais qu’une poignée d’optimates, les grands
propriétaires fonciers qui constituaient la classe patricienne siégeant au Sénat et qui étaient leurs opposants
politiques naturels.
De récentes découvertes archéologiques 
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contredisent sérieusement la théorie de « l’empereur fou », dont
les excentricités (si elles n’ont pas été brodées pour ternir sa mémoire) sont le fait d’un jeune homme tourmenté
et instable, grisé et fragilisé psychologiquement par le pouvoir absolu. Le principal échec de « Petite botte » fut
de ne pas avoir su ou pu composer avec les factions conservatrices du Sénat, d’où peut-être la volonté de les
humilier en imposant à l’auguste assemblée son cheval Incitatus, etc. Ses idées politiques étaient sans doute
trop novatrices, lui qui rêvait de mettre fin aux privilèges exclusifs de l’Urbs. Les lois promulguées par Caligula
prévoyaient la diminution des impôts, la restauration de la coutume d’Auguste de rendre publique la compta-
bilité de l’Etat, l’extension des droits civiques et l’octroi de la citoyenneté romaine à l’ensemble des populations
de l’Empire, des postulats inacceptables pour la vieille oligarchie républicaine. Impensable aussi son pas vers
la théocratie impériale (d’inspiration gréco-orientale), qui ne fut pas nécessairement un signe de folie ou de
mégalomanie, mais la volonté politique de suivre la trace d’Alexandre le Grand et de Marc Antoine, son ar-
rière-grand-père, vers la déification – toute théorique – du souverain. Comme ses prédécesseurs, Caligula était
fasciné par l’Egypte et, entre autres mesures religieuses, il officialisa à Rome le culte d’Isis. Enfin, en raison de la
brièveté de son règne – trois ans et dix mois – , Caligula est le seul empereur de toute l’histoire romaine qui n’ait
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