6b – la rome impériale 
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l’époque, quitte à en rajouter dans l’horrifique et l’invraisemblance. Le moindre soupçon de crime y devient
un fait certifié et illustré de manière sanglante. Ce catalogue des ragots d’un Suétone fait frémir les chaumières,
exploser l’audimat et parfois ... sévir la censure. De manière générale, le péplum sanctionne ces mauvais mo-
narques en montrant à tout propos la souffrance du peuple romain – alors que le propre des Julio-Claudiens,
très précisément, n’était pas de tyranniser la population démunie, mais uniquement le patriciat fortuné et les
parasites qui gravitaient autour du trône. Néron chassé par un soulèvement populaire, tel qu’on le voit à la fin
du
Quo Vadis
américain de Mervyn LeRoy en 1951, est une aberration qui, en plein maccarthysme, relève du
détournement idéologique (cf. 6b.6.2).
Après avoir mis fin à l’état de guerre civile qui a ravagé l’Italie, l’astucieux Octave, autoproclamé Auguste,
trouve un terrain d’entente avec le Sénat qui lui octroie de facto le pouvoir absolu, même si la façade de la
constitution républicaine est maintenue. Pas de quoi enflammer l’imagination des cinéastes (cf. commentaire
6b.1). Tibère, l’énigmatique et austère exilé de Capri, reste en retrait. Régnant aux temps de Jésus, il apparaît
en toile de fond pour des péplums religieux ou épisodes préparatoires à la folie supposée de Caligula (cf. com-
mentaire 6b.4). Les choses s’animent enfin avec ce dernier et son neveu Néron, deux épouvantails de service qui
font à eux seuls l’essentiel des turpitudes si rémunératrices – pas moins de 115 films – attribuées à leur lignée
(cf. commentaire 6b.6). Entre ce tandem de repoussoirs, il y a Claude le claudiquant et son épouse Messaline,
sirène lascive du cinoche du samedi soir qui, à en croire les caméras, symbolise tous les vices du millénaire (cf.
commentaire 6b.5). Le regard de la postérité judéo-chrétienne, convaincue de son incommensurable supério-
rité morale, va colorer ce premier siècle de tous les attraits de l’enfer. Et, en propageant la légende libidineuse
des princes romains, entériner pour longtemps une incompréhension foncière de l’ère impériale afin de mieux
imposer ses propres partis pris dogmatiques. Seuls les petits-bourgeois fascistes du XX
e
siècle seront hostiles à
cet éclairage, à la fois courroucés par l’imagerie d’une Rome peu reluisante et, bien sûr, guère enclins à chanter
les louanges de l’Evangile.
Vue sur le Forum : Néron salue ses soldats et le peuple de Rome du haut d'une terrasse du palais impérial au Palatin dans
Quo Vadis
(1951)
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