XXII
 l'antiquité au cinéma
chapelles et leurs
aficionados 
12
.
Balayé dès 1966 par les sous-produits de James Bond, le spaghetti-
western, le cinéma contestataire et la vague de films pornographiques, le péplum ne fait plus que
des apparitions sporadiques sur le grand écran pendant quarante ans (diverses vies du Christ, etc.).
Faute de références culturelles authentiques, les nouvelles générations lui préfèrent les pseudo-
mythes de l’«Heroic Fantasy » ou les aventures intergalactiques de Luke Skywalker. La télévision
prend massivement la relève avec une cohorte de téléfilms et feuilletons enrichis par la sorcellerie
de la technique digitale. En 1999, le triomphe de
Gladiator
de Ridley Scott provoque un retour
en force du cinéma épique dans les salles, représenté notamment par
Troy
de Wolfgang Petersen,
Alexander
d’Oliver Stone et
300
de Zack Snyder. Enfin, la série luxueuse
Rome
, quoique destinée
au petit écran, est réalisée à Cinecittà par des gens de cinéma (Michael Apted, John Milius), avec
un budget de superproduction.
L’authenticité en question
« Le péplum est à la version latine ce que le caviar est au brouet spartiate », aurait dit Boris Vian 
13
.
Mais tout le monde n’a pas la veine poétique. Penchés sur ce « caviar » avec un amusement teinté
de commisération, des séminaires d’étudiants traquent les mille et une inexactitudes historiques
décelées à l’écran, de la longueur du glaive, de la confusion des noms, de la couleur des manteaux
à la montre-bracelet qu’un figurant distrait aurait oublié à son poignet. L’exercice est évidemment
oiseux, car il ne dit rien sur l’éclairage général du film ou son message subliminal (ni sur ses quali-
tés proprement cinématographiques, s’entend). Il est infiniment plus intéressant et plus instructif
d’analyser le
pourquoi
de certaines « erreurs », divergences ou altérations, travail qui nécessite tou-
tefois des connaissances plus pointues, liées à la production abordée et à ses auteurs. Derrière ces
irrégularités, il peut y avoir de la désinvolture ou de l’ignorance, certes, mais aussi (et plus souvent)
un choix délibéré des responsables, le manque d’argent, des conflits pendant le tournage, le caprice
d’une star, des souhaits du public, de l’opportunisme conjoncturel, du calcul commercial ou sim-
plement le goût de l’affabulation. Sur le plan diégétique, il ne suffit pas non plus de savoir si un
récit filmique « colle » à la réalité des faits ou s’il les interprète de manière tendancieuse. Il est plus
profitable d’en comprendre la logique interne, c’est-à-dire de déceler les raisons pour lesquelles il
souligne tel aspect au détriment d’un autre.
La question de l’authenticité obnubile à tort. N’en déplaise aux esprits grincheux, l’authenticité
(souvent contestée par les historiens eux-mêmes, voire remise en cause par la génération suivante)
n’est pas un facteur d’évaluation déterminant pour la catégorie de films qui nous concerne. Dans
son ouvrage pionnier,
The Ancient World and the Cinema
, paru en 1978 
14
, Jon Solomon souligne
combien il est difficile à l’écran de trouver l’équilibre entre authenticité et efficacité narrative, un
point qui divise fréquemment le public et la critique, et qui repose sur un malentendu jamais ex-
primé, mais pourtant fondamental : le cinéma de fiction n’a pas à être du documentaire. Il utilise
le passé en priorité pour procurer du plaisir. Ensuite seulement, et à la rigueur, de l’instruction. Le
cinéaste doit d’abord chercher la vérité dramatique, non la vérité historique. Même en brodant,
12
Cf. «Vittorio Cottafavi », numéro spécial de
Présence du Cinéma
(n
o
9, Paris, décembre 1961) av. textes et entretien par Paul Agde et Michel
Mourlet (56 p.) ; Gianni Rondolino,
Vittorio Cottafavi, cinema e televisione
, Cappelli editore, Bologna 1980 (164 p.) ;
Vittorio Cottafavi
(dossier,
e.a. par José Luis Guarner), Filmoteca Nacional de España / Semana Internacional de Cine de Barcelona, Barcelona 1980 (66 p.) ;
Connaissance
de Vittorio Cottafavi
(dossier établi par Michel Eloy), Scrapbook Cinepique, Bruxelles 1984 (106 p.). – «Riccardo Freda», numéro spécial de
Pré-
sence du Cinéma
(n
o
17, printemps 1963) av. textes et entretien par Jacques Lourcelles et Simon Mizrahi (50 p.) ; Eric Poindron,
Riccardo Freda,
un pirate à la caméra
(entretiens), Institut Lumière / Actes Sud (éd. Thierry Frémaux et Bertrand Tavernier), Lyon 1994 (410 p.) ; Stefano Della
Casa,
Riccardo Freda, un homme seul
, Ed. Yellow Now, Crisnée 1993 (132 p.) ; Stefano Della Casa,
Riccardo Freda
, Bulzoni Editore, Rome 1999
(139 p.) ;
Riccardo Freda
(éd. Emanuela Martini, Stefano Della Casa), Bergamo Film Meeting ‘93 /Centro Sperimentale di Cinematografia/Ci-
neteca Nazionale, Bergamo 1993 (94 p.) ;
Riccardo Freda
(éd. Jean A. Gili), Cinecittà International nº 5, Rome 1991 (74 p.). – Pascal Marti-
net,
Mario Bava
, filmo 6, edilig, Paris 1984 (128 p.) ; Alberto Pezzotta,
Mario Bava
, Il Castoro (« Il Castoro Cinema » nº 170), Milano 1995
(127 p.) ; Troy Howarth,
The Haunted World of Mario Bava
, FAB Press, Mill Lane-Godalming 2002 (352 p.) et le monumental
Mario Bava. All
the Colors of the Dark
de Tim Lucas, Video Watchdog, Cincinnati 2007 (1128 p.). – Sergio Leone n’a touché au péplum qu’en début de carrière.
13
Claude Aziza attribue la phrase à B. Vian, mais il y a fort à parier qu’il en est lui-même l’auteur.
14
Cf. bibliographie à la fin de l’introduction,
op. cit.
, p. 21.
I...,XII,XIII,XIV,XV,XVI,XVII,XVIII,XIX,XX,XXI XXIII,XXIV,XXV,XXVI,XXVII,XXVIII,XXIX,XXX,XXXI,XXXII,...674