20
 l’antiquité au cinéma
ou la traversée de la mer Rouge servent de nerf dramatique, voire de charpente pour tout le récit. Sans l’inter-
vention ponctuelle – et donc « représentée » (les nouveaux trucages de la photographie à l’appui) – de Jéhovah,
l’Exode se réduirait à la longue errance de nomades turbulents et querelleurs sous la conduite d’un illuminé.
Seul
Moses the Lawgiver
de Gianfranco De Bosio (1974), production télévisuelle italo-américaine, a cherché à
donner une explication naturelle des miracles qui auraient permis au peuple d’Israël de quitter l’Egypte, et le
film s’en ressent cruellement. Le cinéma entretient ainsi, bon gré mal gré, la confusion fondamentaliste entre
la foi et la véracité.
Si les textes sacrés ne sont pas remis en question, ils sont en revanche christianisés et totalement réinter-
prétés en termes du XX 
e
siècle. Le cinéma, comme la peinture ou les autres arts du spectacle, se concentre sur
les personnages les plus connus, pas nécessairement les plus importants sur le plan spirituel. On privilégie les
événements les plus colorés – pour la distraction et / ou l’édification des foules, et selon un canevas éprouvé : des
prodiges, des catastrophes (le déluge, Sodome), du sexe (Samson, l’athlétique coureur de jupons, et sa Dalila,
la femme de Putiphar, Bethsabée ou la reine de Saba, une apparition pourtant furtive et chaste dans la Bible),
sans oublier le cliquetis des armes pour la « bonne cause » (David et Goliath). Dans les années vingt, les fresques
muettes sur Sodome ou l’Exode tancent la luxure, le matérialisme et la corruption qui sévissent dans la société
occidentale ébranlée par les tueries de 1914-18, introduisant pour cela plus d’une fois un récit-cadre situé dans
les temps modernes. La fonction catéchisante demeure sous-jacente à travers les décennies et réapparaît parti-
culièrement dans certains téléfilms pour familles.
La Seconde Guerre mondiale, l’Holocauste, la création de l’Etat d’Israël et la guerre froide provoquent
un retour en force des grands sujets bibliques, à présent soutenus par le Technicolor et l’écran large. Un retour
explicable : le maccarthysme court-circuite toute discussion honnête sur l’actualité politique ou les problèmes
sociaux. En 1947, plusieurs organisations juives américaines se réunissent à l’échelon national pour former un
comité qui, sous le nom de «Motion Picture Project », est chargé de surveiller la façon dont Hollywood présente
les thèmes juifs et l’image des juifs. Ce comité permanent, sous la direction de John Stone, cherche notam-
ment à contrôler le contenu des films déjà au stade de la pré-production
4
. En 1949, le message de
Samson and
Delilah
de Cecil B. DeMille, dont une partie de l’intrigue est tirée d’un roman sioniste, est à replacer dans le
contexte politique le plus immédiat : opposition à l’occupant philistin (Palestiniens ou forces britanniques ?),
promesse de délivrance et de paix, alors que la Légion arabe de Transjordanie vient de contraindre la garnison
Les soldats de Yul Brynner arborent le sceau de Salomon sur leurs boucliers, dans
Solomon and Sheba
de King Vidor (1959)
I...,10,11,12,13,14,15,16,17,18,19 21,22,23,24,25,26,27,28,29,30,...674