2 – les hébreux 
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Moïse, un Samson – , mais son approche fondamentaliste répond aux attentes d’une vaste paroisse : pour De-
Mille, les exploits de Samson, les miracles de Moïse sont des événements historiques à la littéralité incontestable,
et par conséquent un sujet en or pour la caméra. Ses récits sont réactionnaires en diable, fortement marqués par
la morale ultraconservatrice de la petite-bourgeoisie puritaine et protestante du XIX 
e
siècle américain, mais dès
les années vingt, la technique mobilisée à cet effet, avec couleurs, effets spéciaux et gigantisme, métamorphose
ses apothéoses religieuses en spectacles « sensationnels » pour consommateurs modernes. A partir de 1955, les
chaînes de télévision américaines prennent massivement le relais avec une soixantaine de téléfilms, dont des
séries cofinancées par les églises, et qui, eux aussi, ont été diffusés aux quatre coins du globe. Ainsi, pour une
majorité de spectateurs du XX 
e
siècle, l’histoire religieuse à l’écran est-elle devenue l’Histoire tout court. Le
naturalisme du cinéma, appuyé par la photographie de paysages authentiques en Terre Sainte, de costumes et
décors ignorés aux siècles précédents, lui a conféré une « crédibilité » plus forte que les écrits savants.
Littéralisme, modernisation ou réinterprétation ?
En dépit des constats de l’archéologie au Proche-Orient, aucun film n’a sérieusement cherché à remettre en
question la lettre des récits bibliques, fait que l’on pourrait attribuer à d’hypothétiques pressions des fonda-
mentalistes juifs ou chrétiens sur les milieux du cinéma (ils existent, mais se concentrent plutôt sur les récits
néotestamentaires ou les interprétations eschatologiques liées à la « création du monde »). Les véritables raisons
semblent être d’abord d’ordre pragmatique et dramaturgique : les cinéastes ne souhaitent en aucun cas s’aliéner
leur public par des éclairages « déviants » qui discréditeraient leurs produits aux yeux des foules, susciteraient le
courroux des fidèles et feraient chuter les recettes. Et puis ce cinéma ne se prétend-il pas, du moins à ses débuts,
l’héritier « en mouvement » de la peinture religieuse traditionnelle qui ornait jadis églises, portails et vitraux,
une sorte de catéchisme animé dont le clergé de tous bords va amplement se servir ? L’autre raison tient à l’ima-
gerie forcément spectaculaire – et fantastique sinon fantasque – mobilisée par les arts visuels pour illustrer les
interventions divines. Au cinéma, à défaut de conflits psychologiques plus complexes (rares dans un contexte
essentiellement mythique ou à portée symbolique), les phénomènes extraordinaires comme le buisson ardent
L’exode du peuple juif selon Cecil B. DeMille, filmée sur place en Egypte (
The Ten Commandments,
1956)
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