5b – la grèce : le cycle de troie 
185
la rapproche des sirènes du Film Noir (dont Wise fut un
des tenants, avec
The Set Up /Nous avons gagné ce soir
).
Les dieux sont absents du discours, Pâris n’est qu’un instru-
ment involontaire des Grecs et la fuite conjointe de Sparte
purement accidentelle : c’est en aidant Pâris à fuir le pa-
lais où Ménélas veut le faire assassiner qu’Hélène, surprise
par les sbires de son époux, doit sauter à la mer. Le roi de
Sparte, lui, est une brute autoritaire qui tient Hélène re-
cluse dans ses appartements. Dès lors,
Helen of Troy
conte
l’échec final d’une fugue romantique qui s’inscrit dans le
cadre des mélodrames désillusionnés et de la morale des
années cinquante, vouant toute liaison heureuse à l’échec
si elle contrevient aux normes de la société. Mais une so-
ciété hypocrite, pour laquelle l’amour n’est qu’un prétexte
servant à masquer des intérêts économiques. Robert Wise
focalise son film sur les amants, jeunes et innocents. Cette
approche est cependant handicapée par le sérieux manque
de relief des protagonistes. Ayant refusé Virginia Mayo,
Arlene Dahl et Hedy Lamarr en faveur d’un visage moins
connu, il a choisi l’Italienne Rossana Podestà (Nausicaa
dans l’
Ulisse
de Camerini) teinte en blonde, fort belle, cré-
dible en reine-déesse et rayonnant une sorte de « sex-appeal
virginal », mais sans grande présence physique. Ses scènes
d’intimité avec le Franco-Lithuanien Jacques Sernas en
Pâris frisent la guimauve. Ils sont écrasés par les autres co-
médiens, presque tous britanniques, Stanley Baker en tête :
son Achille est formidable de sauvagerie guerrière, d’arro-
gance seigneuriale, de bravoure rageuse. Dans un petit rôle,
son premier hors de France, la débutante Brigitte Bardot
fait une servante d’Hélène à Sparte.
D’entente avec le studio, qui investit six millions de $,Wise
doit donc privilégier le spectaculaire, tirant un panache cer-
tain de ses décors majestueux inspirés par l’architecture my-
cénienne-minoenne (Troie) et dorique (Sparte). Le palais
de Priam avec sa salle du trône évoque, en plus modeste,
celui de Knossos, et ses fresques murales révèlent même des
motifs étrusques. Remarquablement soutenu par les pein-
tures sur verre de Louis Lichtenfield, le décorateur mexi-
cain Edward Carrere (
The Fountainhead / Le rebelle
de
King Vidor, 1949) réinvente un univers cohérent, à la fois
grandiose et sobre, aux antipodes du bariolage si fréquent
L’Achille interprété par Stanley Baker personnifie l’arrogance hautaine et la rapacité des Grecs (
Helen of Troy
de Robert Wise, 1956)
Pâris et Hélène s’apprêtent à mourir (
Helen of Troy
, 1956)
I...,175,176,177,178,179,180,181,182,183,184 186,187,188,189,190,191,192,193,194,195,...674