5b – la grèce : le cycle de troie 
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Une troisième voie, plus distanciée et critique, prend en considération l’hécatombe sous les murs d’Ilion,
le prix humain absurde à payer pour l’égoïsme, la vanité et la frivolité d’une femme-enfant capricieuse et de son
pantin amoureux. Shakespeare (
Troilus and Cressida
) et Giraudoux (
La guerre de Troie n’aura pas lieu
) entou-
rent le couple irresponsable de fanatiques bellicistes dans les deux camps, tandis qu’Offenbach et, au cinéma
notamment, Alexander Korda (
The Private Life of Helen of  Troy
, 1927) tournent l’épopée en dérision. Dans
La guerra di Troia
de Giorgio Ferroni (1961), c’est Enée, dont les descendants fonderont Rome, qui se trouve
au centre du drame, comme dans l’opéra maudit de Berlioz,
Les Troyens
. Hormis les dramatiques restituant
les vains appels à la paix de Giraudoux à la veille de la Seconde Guerre mondiale, aucune version filmée ne se
prête à de réelles extrapolations idéologiques. Certes, le film de Robert Wise froissera la susceptibilité des Grecs
en conflit avec la Turquie en 1955. A la limite, on peut déceler des relents de politique bushienne au Proche-
Orient dans
Troy
en 2004, ode triomphaliste et conquérante dans laquelle l’Achille bodybuildé de Brad Pitt est
réduit à une sorte de robot exterminateur, une invincible machine à tuer dirigée vers les champs pétrolifères du
sud-est, direction Bagdad ...
Parmi les curiosités qui reflètent la richesse du mythe, signalons encore deux fictions relatant le séjour de la
belle Hélène en Egypte pharaonique après la destruction de Troie, épisode rapporté dans
L’Odyssée
(
Hélène
, une
dramatique française de 1962 écrite par Jean Canolle, et
Elena, regina di Troia
de Giorgio Ferroni en 1964)
3
,
ainsi qu’un exploit d’Hercule lors d’un siège antérieur de Troie (
Ercole e la principessa di Troia
d’Albert Band,
1964).
1
Karl Reber, «Troie, découverte et état actuel des connaissances», in :
Le cheval de Troie. Variations autour d’une guerre
(dir. Danielle van Mal-Maeder,
Florence Bertholet), éditions Infolio, Gollion 2007, coll. Regards sur l’Antiquité, Université de Lausanne, pp. 13-31.
2
Cf. Anja Weber, «Hauptsache schön ? Zur cineastischen Inszenierung Helenas », in :
Antike im Kino. Auf dem Weg zu einer Kulturgeschichte des Anti-
kenfilms
  (éd. Tomas Lochman, Thomas Späth, Adrian Stähli), Skulpturhalle Basel, Bâle 2008, p. 146.
3
Dans
The Ten Commandments
(1956) de Cecil B. DeMille, Ramsès II reçoit l’ambassadeur de Priam, roi de Troie. La coalition hittite que combattit
ce pharaon v. –1275 comportait effectivement des Troyens.
1902
Le jugement de Pâris
(FR) Georges Hatot ; Pathé
nº 822 (« Scène grivoise »), 20 m. – av. Jeanne Noel
(Aphrodite). –
Jeune berger sur le mont Ida, Pâris doit
départager dans un concours de beauté les déesses Héra
(mariage), Athéna (sagesse) et Aphrodite (amour). Il donne
la pomme à cette dernière.
1910
Ø
Didone abbandonata
(Didon abandonnée)
(IT)
Luigi Maggi. – av. Alberto A. Capozzi (Enée). –
Ayant
fui la cité de Troie, Enée se lie avec Didon, fondatrice de
Carthage, avant de s’établir dans le Latium où ses succes-
seurs fonderont Rome. – cf. Rome 6a.1.
1910 / 11 
La caduta di Troia /L’Assedio di Troia /L’Assedio
e la caduta di Trioia
(La chute deTroie)
(IT) Giovanni
Pastrone et Romano Luigi Borgnetto ; Itala Film, Roma,
600 m. – av. Mme Davesnes (Hélène de Troie), Giu-
lio Vinà (Pâris), Giovanni Casaleggio (Ménélas). –
As-
sis avec sa lyre devant une vaste assemblée, Homère chante
la fin d’Ilion ... Premier film « colossal » de Pastrone, le fu-
tur auteur de
Cabiria
(6a.3.3) dont cette production est
un peu le prototype : durée exceptionnelle pour l’époque
(33 min.), mobilisation de foules devant l’écran (800 fi-
gurants aux studios Itala Film de Ponte Trombetta), spa-
tialisation des décors qui se veulent réalistes et en relief au
lieu de toiles peintes, costumes et accessoires « authentiques »
(l’énorme cheval en bois dans lequel s’est caché Ulysse et
ses compagnons, les reliefs assyriens à la cour de Priam),
utilisation de la lumière et de la couleur (virages) pour
augmenter l’intensité dramatique, premiers effets de pers-
pective. Les décors de Luigi Borgogno sont un joyeux mé-
lange de Rome, de Grèce, d’Egypte et de la Renaissance,
assemblé par un esthète fin-de-siècle. Pastrone montre le
drame sans jamais prendre parti, aidé en cela par l’absence
de plans rapprochés, mais donne la parole aux dieux :Aphro-
dite apparaît en surimpression dans le jardin de Ménélas
et l’enlèvement d’Hélène est figuré par une composition
allégorique à la Botticelli, un immense coquillage flottant
dans lequel s’enlacent les amants et que des nymphes pous-
sent vers Troie. Pastrone s’impose aux Etats-Unis où l’Itala
ouvre une filiale après y avoir engrangé des recettes énor-
mes. La critique italienne salue une œuvre cinématogra-
phique qui répond enfin aux attentes d’un public cultivé.
US :
Fall of Troy
.
* * *
Homère chante la fin de Troie (
La caduta di Troia
, 1911)
s
5b.1.1
I...,169,170,171,172,173,174,175,176,177,178 180,181,182,183,184,185,186,187,188,189,...674