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 l'antiquité au cinéma
(la prise de Gaza par les Philistins, la place centrale et le
palais d’Abimelech). Le film ruine ses producteurs, sur-
tout en raison de difficultés de production (l’énorme décor
du temple qui ne voulait pas s’écrouler quand Samson en
écartait les colonnes finit par s’effondrer alors que les tech-
niciens déjeunent !).
1922
Samson and Delilah
(GB) Edwin J. Collins ; Master
Films (série «Tense Moments fromOpera » nº 5), 1100
ft. – av. Valia (Dalila), W. D. Waxman (Samson). –
Pro-
jeté avec la musique de l’opéra de Camille Saint-Saëns.
1926 Ø
Le Berceau de Dieu
(FR) Fred Leroy-Granville. – av.
Raoul Paoli (Samson), Musidora (Dalila), Gaston No-
rès (son fiancé). –
cf. Genèse 2.1.1.
1927
Samson andDelilah
(GB) H. B. Parkinson ; Song Films
(série «Cameo Operas » nº 2), 610 m. – av. William An-
derson (Samson). –
Projeté avec la musique de l’opéra de
Camille Saint-Saëns.
1949
Samson and Delilah
(Samson et Dalilah)
(US) Cecil
B. DeMille ; Paramount, 131 min. – av. Victor Mature
(Samson), Hedy Lamarr (Dalila), George Sanders (Sa-
ran), Henry Wilcoxon (général Ahtur), Angela Lans-
bury (Sémadar), Julia Faye (Hisham), William Farnum
(Tubal), Russ Tamblyn (Saul enfant, futur roi d’Israël),
Fay Holden (Hazel). –
Une partie du pays de Canaan est
dominée par les Philistins. Pâtre à la force herculéenne et
juge de la tribu de Dan, Samson sauve la vie du Saran de
Gaza en étranglant de ses mains un lion. Il obtient la fa-
veur d’épouser la futile Sémadar, fille d’un riche marchand
philistin de Timna et sœur de Dalila, dont il a repoussé
l’amour. La jalousie d’un rival fait dégénérer la noce en
bataille rangée, Sémadar périt et, ivre de vengeance, Sam-
son utilise désormais sa puissance mystérieuse et dévasta-
trice pour libérer son peuple du joug philistin. Dalila, sa
belle-sœur humiliée, devient sa maîtresse, apprend que sa
force réside dans sa chevelure, l’enivre, le tond et le livre
aux siens contre la promesse qu’il aura la vie sauve. Mais
il est enchaîné et aveuglé. S’estimant trahie par Saran et
toujours amoureuse du colosse, Dalila accepte de conduire
Samson, dont les cheveux ont repoussé, entre les colonnes
du temple de Dagon un jour de cérémonie. Samson pro-
voque l’écroulement de l’édifice païen, ensevelissant tout le
monde dans les ruines, Dalila et lui-même compris.
En s’effondrant, le temple de Gaza et son idole en plâtre de
dix mètres projettent 20 tonnes de gravats sur les quelque
600 figurants réunis, un morceau de bravoure tourné sur
le plus vaste plateau de la Paramount à Marathon Street
(budget : 3,2 millions de $, dont 140’000 pour cette scène
seulement) ; les trucages de Gordon Jennings sont proposés
à l’Oscar. Cet énorme édifice philistin dit « temple de Da-
gon » ne pouvait ressembler à aucun vestige archéologique
connu. DeMille le fait orner de motifs minoens et sumé-
riens, arguant avec astuce que les Philistins faisaient partie
des Peuples de la mer venus de Crète et que les Sumériens
les avaient fortement influencés. Les extérieurs sont pho-
tographiés à Alabama Hills, Lone Pine, au Red Rock Ca-
nyon State Park à Cantil et à Death Valley, tandis qu’une
seconde équipe dirigée par Ralph Jester et Arthur Rosson
filment des paysages pour les transparences au Maroc et
en Algérie (Moulay Idris, Volubilis, Bou-Saada) en juillet
1948. Initialement, c’est en Palestine que devait avoir lieu
une partie du tournage, mais la création de l’Etat d’Israël
en mai et la guerre avec les voisins arabes qui s’ensuit an-
nihilent ces plans. L’actualité politique brûlante au Pro-
che-Orient devient en revanche un atout implicite pour
l’exploitation du film.
C’est la première incursion de DeMille dans l’Ancien Tes-
tament depuis
The Ten Commandments
muets de 1923.
Le cinéaste voulait déjà porter ce sujet à l’écran en 1932,
puis en 1935 avec Henry Wilcoxon et Miriam Hopkins,
et avait racheté à cet effet les droits du roman
Judge and
Fool
de Vladimir Jabotinsky, le fondateur et chef du Mou-
vement sioniste révisionniste (son livre, paru en 1945, est
une apologie de l’établissement des Juifs en Palestine), et
bien sûr de l’opéra
Samson et Dalila
de Camille Saint-
Saëns et F. Lemaire (1877). Au grand dam des critiques,
mais à la joie des spectateurs qui font un triomphe au film,
le cinéaste réinvente le récit biblique (« l’histoire de la vic-
toire sur la séduction »), transformant la chronique édi-
fiante du Deutéronome en tragédie de la passion et de la
jalousie. Tragédie dans laquelle on retrouve, sous couvert de
références bibliques, la misogynie et l’autodestructivité pro-
pres au « film noir » de l’époque : la Dalila d’Hedy Lamarr
est une femme fatale pure souche, la némésis de l’Homo
Americanus des banlieues que seule rachète la rédemption
morale par l’anéantissement. (L’actrice viennoise avait fait
scandale en 1932 dans
Extase
de Gustav Machaty, où elle
apparaissait nue et simulait un orgasme.) En même temps,
c’est une patriote philistine déchirée par le conflit entre la
fidélité aux siens et l’amour inavoué et inavouable pour
Samson, une ambivalence affective qui ne figure bien sûr
pas dans la Bible. Quant à Victor Mature, son faciès de
malabar triste, sa propension à la mélancolie héroïque en
Alfredo Galoar et Maria Corda (
Samson und Delila
, 1922)
Hedy Lamarr et Victor Mature (
Samson and Delilah
, 1949)
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