6b – la rome impériale 
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ordonné l’organisation de sept cohortes de mille hommes chacune pour lutter contre le feu dans les quatorze
districts de la capitale. Pas moins de quinze incendies ont été recensés à Rome depuis Tibère. Lors du drame,
Néron ordonne à ses vigiles d’ériger des coupe-feu pour tenter d’enrayer le sinistre, ouvre les parcs impériaux
aux réfugiés et assure personnellement le ravitaillement rapide de la foule.
Aux yeux du peuple, un pareil désastre ne peut avoir été occasionné que par la colère du ciel, et Néron doit
impérativement démontrer que les dieux protecteurs de la cité ne sont pas irrités contre lui. Le quartier juif,
sur la rive droite du Tibre, a été épargné par les flammes. Les Romains, qui veulent des coupables, se tournent
vers la communauté hébraïque, objet d’un antagonisme grandissant avec l’Empire depuis Caligula. Ouverte
aux questions religieuses, Poppée protège les juifs (selon Flavius Josephe, elle serait intervenue pour la libération
de prêtres séditieux en Palestine en 64). Il n’est pas impossible que ceux-ci aient à leur tour mis la faute sur les
disciples « déviationnistes » du Nazaréen, leurs adversaires idéologiques. L’inimitié des deux communautés, qui
aurait souvent dégénéré en affrontement physique, est documentée. Selon Suétone, en 49, les bagarres furent
même si violentes que Claude ordonna l’expulsion de tous les juifs de Rome. L’apologétique chrétienne réécrira
l’histoire en présentant ses fidèles « comme des persécutés du pouvoir impérial, souvent sous la pression des
judéens d’obédience rabbinique » 
3
. La condamnation hâtive de la secte dissidente du judaïsme – qui vouait elle-
même la Rome païenne aux flammes de l’enfer (de là à la soupçonner d’avoir un peu aidé ...) – ne fut pas un
acte de malveillance ou de folie, mais une décision inspirée par la peur, une tentative de restaurer la confiance
publique dans le gouvernement et d’apaiser les dieux.
Précisons : les chrétiens sont suppliciés en tant que pyromanes présumés et non pour leur foi. Le terme
de « persécution » utilisé généralement dans ce contexte est donc à reconsidérer 
4
. L’événement reste d’ailleurs
un phénomène isolé, sans suite dans le reste de l’Empire, et surtout sans commune mesure avec les véritables
persécutions de chrétiens. Comme on l’a dit, celles-ci commenceront un demi-siècle plus tard, organisées par
des empereurs qui, eux, n’auront pas l’excuse d’avoir châtié des incendiaires. On ignore du reste l’ampleur de
ces supplices (selon des estimations récentes, de cent à deux cents personnes, parmi lesquelles aucun enfant),
Le terrible incendie de Rome filmé magistralement à Cinecittà par Anthony Mann, pour
Quo Vadis
de Mervyn LeRoy (1951)
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