5c – la grèce historique 
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1959
La battaglia di Maratona / La bataille de Marathon
(IT/FR) Jacques Tourneur [Bruno Vailati, Mario Bava] ;
Bruno Vailati-Titanus-Galatea-Lux-Lyre, 92 min. – av.
Steve Reeves (Philippidès), Mylène Demongeot (Andro-
mède, fille de Créus), Sergio Fantoni (Théocrite [=Hip-
pias, ex-tyran d’Athènes]), Daniele Varga (Darius I
er
,
roi des Perses), Alberto Lupo (le général Miltiade), Da-
niela Rocca (Karissa), Philippe Hersent (Callimaque),
Ivo Garrani (Créus), Alan Steel [=Sergio Ciani] (Huros).
En 490 av. JC, alors que Philippidès remporte toutes les
compétitions du pentathlon aux Olympiades et qu’Athènes
fête dignement son retour, Théocrite, chef des aristocrates,
complote pour livrer son pays aux Perses et devenir tyran
de la cité. Dans la plaine de Marathon, Philippidès ré-
siste aux armées de Darius à la tête des Athéniens et des
Spartiates qu’il est parvenu à réunir. Il court ensuite seul
de Marathon à Athènes pour empêcher le débarquement
perse sous le commandement de Théocrite au Pirée. Entre-
temps, le fourbe Théocrite enlève Andromède, la bien-aimée
de Philippidès, et tue son père. Avec une poignée de com-
pagnons de la garde sacrée du temple de Zeus recrutés à la
hâte, Philippidès bloque la flotte d’invasion perse devant
Phalère jusqu’à l’arrivée des renforts de Sparte menés par
Huros, tue le traître et sauve sa belle vestale ... « La victoire
par l’adresse et l’intelligence d’une démocratie l’emporte sur
une dictature basée sur la force », précise le producteur du
film, Bruno Vailati.
Le scénario mélange plusieurs épisodes et personnages, rac-
courcis et approximations à l’appui, pour évoquer les Olym-
piades, la course répétée de Philippidès, la bataille qui
donne son titre au film et le débarquement avorté à Pha-
lère. Selon Hérodote, c’est
avant
Marathon, où les Perses fu-
rent mis en déroute par le général Miltiade, que le coureur
athénien Philippidès (ou Pheidippidès) aurait parcouru les
245 km séparant Athènes de Sparte en deux jours dans le
vain espoir d’y trouver un renfort susceptible d’arriver à
pour ses lois et son ordre face à l’envahisseur sauvage. Sparte et sa discipline digne des Marines de
Full Metal
Jacket
(Kubrick) devient une métaphore de l’armée des Etats-Unis, défenseurs du «monde libre ». La Grèce
moderne entre dans l’OTAN en 1951 ... et la menace, pour l’Occident capitaliste et postcolonial, vient de l’Est,
de l’Asie.
La légende colportée par les arts et les médias, cinéma en tête, oblitère les faits à tous les niveaux, car la
coalition grecque qui tenta de s’opposer à l’expédition punitive perse ne se limitait pas aux trois cents hoplites
héroïques (infanterie lourde) groupés autour de leur roi : les historiens s’accordent plutôt sur une armée de
7000 hommes, avec des statuts fort différents, sans compter les forces navales. Quant aux Perses, leur nombre
fut plus proche de 120 000 que du million dont se targuent les Hellènes. Pour Léonidas, l’affrontement n’était
pas suicidaire a priori, son plan aurait pu réussir s’il n’avait été trahi et encerclé. Enfin, l’exploit lui-même,
aussi mémorable fût-il, se résume à une bataille perdue sans conséquences d’un point de vue stratégique: il
n’empêcha ni la prise d’Athènes ni l’incendie de l’Acropole. Il ne s’agissait du reste jamais, pour Xerxès, de
« conquérir le monde » en traversant l’Hellespont, mais de rendre aux Athéniens la monnaie de leur pièce, eux
qui avaient, vingt ans auparavant (au moment de la révolte de Ionie), incendié Sardes et son temple de Cybèle.
Le nationalisme grec (chanté par Hérodote, Eschyle, Thucydide, Diodore de Sicile) a aussi grandement exagéré
l’importance de la défaite ultérieure de Xerxès, comme il a tu le fait que les guerres médiques étaient d’abord
une guerre civile larvée entre Grecs : la Macédoine et la Thessalie étaient sous influence perse, et les factions
oligarchiques des villes comme Milet, Halicarnasse ou Ephèse soutenaient le Grand Roi contre les démocrates
d’Ionie, de l’Attique ou du Péloponnèse. Moins d’un siècle plus tard, Athènes, Corinthe et Thèbes iront jusqu’à
s’allier avec cette Perse tant honnie pour combattre Sparte.
Quant à la « liberté » que défendaient ces premiers démocrates esclavagistes et impérialistes 
1
, elle se limitait
à l’indépendance des petites cités-Etats libres d’imposer leur propre diktat aux voisins grecs. Comme le rap-
pelle Pierre Miquel, les mémorialistes tels qu’Hérodote ont non seulement dénié aux Perses toute marque de
civilisation, fait de leur image « le prototype du barbare, et de leur empire une tyrannie orientale sans esprit ni
pitié, ni foi, ni lois ». Ils ont oublié, pour la circonstance, que les « lois admirables » gravées sur la pierre des cités
grecques, avec leurs esclaves, étrangers, ilotes noirs, « ne protégeaient guère que la minorité des citoyens devenus
les privilégiés de l’Histoire, puisqu’ils étaient les seuls admis à l’écrire et qu’elle n’est écrite qu’à leur seul usage » 
2
.
Sans parler de l’État totalitaire et policier de Sparte, où l’élite avait le droit d’égorger ses serfs pour s’exercer aux
armes. Un siècle plus tard, Alexandre le Grand, très peu démocrate, répliquait d’ailleurs par sa propre guerre
d’invasion et d’expansion en Orient. Comme le signalait Isocrate dans son
Panégyrique d’Athènes
en 380 av. JC,
les Perses étaient des ennemis naturels et héréditaires, qui possédaient beaucoup de biens qu’ils étaient incapables
de défendre ... Pour s’en emparer, il fallait donc les attaquer sans tarder (
Panathénaïque
, 165). La gloire comme la
justification appartiennent aux vainqueurs. Engoncé dans une vision mythifiée de sa propre démocratie et bluffé
par les ouvrages d’endoctrinement scolaire, le public occidental moderne n’y voit que du feu.
1
Cf. Patrice Brun,
Impérialisme et démocratie à Athènes
, Armand Colin, Paris 2005.
2
Pierre Miquel,
Les mensonges de l’Histoire
 , éd. Perrin (Collection tempus), Paris 2007, p. 16 ; cf. aussi Benjamin Isaac,
The Invention of Racism in Clas-
sical Antiquity
, Princeton University Press 2004, p. 257 ss.
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