3 – l’égypte 
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Minotaure. Le roman est vendu à des millions d’exemplai-
res et traduit en dix langues. La version américaine, qui
réduit l’original d’un tiers, fait, elle aussi, un malheur et
reste seize semaines à la tête des ventes en librairie (1949).
En décidant de le porter à l’écran, Darryl F. Zanuck, grand
patron de la 20th Century-Fox, aborde deux points histo-
riques peu traités au cinéma : l’échec de la réforme amar-
nienne du fameux « roi hérétique » (culte d’Aton) et le dé-
but de l’âge du fer, soit l’apparition du «métal noir » des
Hittites (pour le prix d’une trépanation, Sinouhé obtient
une épée de fer supérieure aux glaives de cuivre des Egyp-
tiens). Cette toute première plongée hollywoodienne dans
l’Egypte « païenne » des pharaons – les épisodes bibliques
(Joseph, Moïse) et Cléopâtre mis à part – n’est pas sans in-
quiéter la production qui craint un blocage des églises pro-
testantes américaines et l’abstention massive de spectateurs
fondamentalistes, juifs et chrétiens. La publicité du studio
s’applique donc à présenter Akhénaton comme une sorte de
précurseur de Moïse, un souverain monogame et pacifiste
qui refusa l’adoration des multiples idoles, qui aurait intro-
duit le monothéisme « quatorze siècles avant Jésus-Christ »
et dont les chants au Dieu-Soleil seraient une « préfigura-
tion des grands Psaumes ». On lui attribuerait (toujours
selon les press-books de la Fox) les paroles « aime tes enne-
mis » et « tu ne tueras pas ». Des affirmations toutes for-
tement contestées par les historiens (le monothéisme égyp-
tien est bien antérieur à Akhénaton). Enfin, le massacre
final des fidèles d’Aton par les archers royaux fait songer
aux persécutions chrétiennes à Rome (en fait, Curtiz s’ins-
pire ici directement d’une scène similaire se déroulant dans
les catacombes sous Néron, dans
Sign of the Cross / Le si-
gne de la croix
de DeMille, 1932). Ainsi carapacé, le stu-
dio introduit encore quelques menus arrangements avec le
Code Hays et les canons esthétiques du XX 
e
siècle : pas de
crânes rasés ni de port de perruques (hommes et femmes),
la calvitie n’est réservée qu’aux prêtres, pas de maquillage
masculin ni surtout de nudité ou de seins dévoilés. Seuls
les esclaves ont des pagnes. Dans l’ordre des approxima-
Persécutions protochrétiennes : le général Horembeb ordonne le massacre des disciples hérétiques d’Akhénaton ; Sinouhé découvre le corps
sans vie de Mérit (Victor Mature, Edmund Purdom et Jean Simmons dans
The Egyptian
de Michael Curtiz, 1955)
Sinouhé devient le médecin d’Akhénaton dans
The Egyptian
(1954)
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