2 – les hébreux 
73
Initié par Copa Productions, la société américaine de Ty-
rone Power et Ted Richmond, en accord avec Salvador Vi-
dal, le film est entièrement réalisé en Espagne (au lieu de
Cinecittà, phagocité par
Ben-Hur
). On tourne d’abord
les scènes à grande figuration, une erreur fatale. Les exté-
rieurs sont photographiés en Super Technirama 70 à Val-
despartera, à Torrejon, à Botorita (près de Saragosse), dans
les plaines de San Martin de la Vega et au palais de Man-
zanares El Real, tandis que le Temple et le palais de Jé-
rusalem sont érigés dans les studios de la Sevilla-Films à
Madrid. 2 500 soldats des unités d’élite de Franco et
72 chars participent aux batailles (Noel Howard dirige la
seconde équipe). Les séquences plus intimes suivent, mais
le 15 novembre 1958, à dix jours de la fin de son travail,
Tyrone Power, qui tient le rôle-titre, décède soudainement
à 45 ans d’une crise cardiaque pendant son duel contre
George Sanders. 60% du film est en boîte, il manque 18
minutes de projection avec l’acteur. Afin d’éviter une perte
sèche, la United Artists, chargée de la distribution, ordonne
de remplacer Power par un Yul Brynner perruqué et de re-
tourner la totalité des scènes de la star décédée, ce qui va
gonfler le budget de 4 à 6 millions de $. Et empoisonner
le travail du grand vétéran King Vidor (en semi-retraite,
trois ans après
War and Peace
), en proie cette fois à un
duo de stars capricieuses, peu malléables et qui se détes-
tent cordialement.
Le récit s’éloigne assez fortement des faits rapportés par les
textes anciens, ce qui peut étonner venant d’une méga-pro-
duction de la fin des années cinquante, de surcroît à sujet
religieux (donc surveillée par les milieux concernés) : Sa-
lomon et son demi-frère Adoniyya viennent de triompher
des Egyptiens quand ils apprennent que leur père David
agonise. Ce dernier désigne Salomon comme son successeur,
ce que l’orgueilleux Adoniyya, fou de jalousie, refuse d’ad-
mettre. Femme fatale, la reine de Saba propose au pha-
raon de séduire et d’anéantir Salomon et de saper la foi
des Israélites en échange d’un port sur la mer Rouge. Elle
se rend en grande pompe en Israël. Salomon est frappé par
sa beauté et dédaigne la douce et pieuse Abishag. La reine
s’éprend du roi d’Israël et se donne à lui au cours de satur-
nales païennes au dieu Ragon (?) qui ulcèrent les Hébreux.
La colère divine se manifeste, leTemple récemment construit
s’écroule, tuant Abishag. Entre-temps, l’armée égyptienne
marche sur Israël, de connivence avec Adoniyya. Salomon
perd une première bataille, mais le lendemain, il anéan-
tit les Egyptiens grâce à un stratagème d’inspiration céleste,
en utilisant la réverbération des boucliers de bronze poli
de ses soldats pour attirer les chars ennemis dans un ravin.
Il rentre à Jérusalem à l’instant où son demi-frère pousse
la foule à lapider la reine de Saba. Salomon tue Adoniyya
en combat singulier, mais la reine, sauvée par un miracle,
convertie au Dieu unique et qui porte un enfant du roi, re-
tourne dans son royaume selon la promesse faite à Yahvé.
En réalité, Salomon était le gendre du pharaon Psousen-
nès II / Siamoun (dont il épousa la fille Taphnis), et il n’eut
par conséquent jamais à faire la guerre aux Egyptiens, ni
à d’autres peuplades étrangères d’ailleurs. Le scénario téles-
cope des événements qui se passent sous deux règnes diffé-
rents, transformant en victoire israélite ce qui avait été une
cinglante défaite : pendant le règne de Roboam, fils de Salo-
mon, les soldats du pharaon lybien Shéshonk I 
er
 / Chichaq /
Sisac (fondateur de la XXII 
e
dynastie) s’emparèrent de
Jérusalem et emportèrent les 300 boucliers d’or qui déco-
raient le Temple – symbole de l’humiliation des Juifs que
Tyrone Power (Salomon) meurt en plein tournage à Madrid ...
et Yul Brynner le remplace (
Solomon and Sheba
de K. Vidor, 1959)
I...,63,64,65,66,67,68,69,70,71,72 74,75,76,77,78,79,80,81,82,83,...674