Résultat pour: "Joseph Fouché"
1960 | *Austerlitz / Napoleone ad Austerlitz / La battaglia di Austerlitz / Austerlic (FR/IT/YU/LI) d’Abel Gance [assisté de Nelly Kaplan, Roger Richebé] Alexandre et Michel Salkind/Société Cinématographique Lyre (Paris)-Compagnie Française de Production Internationale (Paris)-Galatea Film (Milano)-Dubrava/Jadran Films (Zagreb)-Michael Arthur Films (Vaduz), 166 min. – av. PIERRE MONDY (Napoléon), Georges Marchal (Jean Lannes), Jean Mercure (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Jack Palance (gén. Franz von Weyrother), Michel Simon (le grognard Alboise de Pontoise de Seine-et-Oise), Orson Welles (Robert Fulton), Roland Bartrop (Lord Horatio Nelson), Jean-Marc Bory (gén. Jean-de-Dieu Soult), Jacques Castelot (Régis de Cambacérès), Claude Conty (prince Vassily Dolgoroukow), David D’Auerstadt [= Guy-Marie Davout] (Louis-Nicolas Davout), Jean-Louis Horbette (Louis Constant), André Oumansky (Claude François de Ménéval), Polycarpe Pavloff (gén. Mikhaïl Koutouzov), Lucien Raimbourg (Joseph Fouché), Maurice Teynac (l’huissier privé Frioul alias l’espion Karl Ludwig Schulmeister), Jean-Louis Trintignant (gén. comte Philippe-Paul de Ségur), J. Squinquel (comte Louis-Philippe de Ségur, son père), Janez Wrhovec (François Ier d’Autriche), André Randall (Lord Charles Whitworth, ambassadeur d’Angleterre), Anthony Stuart (Sir William Pitt), Claude Carliez (gén. Pierre Margaron), Pierre Tabard (gén. Alexandre-Louis Andrault de Langeron), Henri Vidon (Charles James Fox), Hugues Wanner (gén. Charles Cornwallis), Antoine Baud (gén. Jean-Baptiste Bernadotte), André Certes (Louis-Alexandre Berthier), Pierre Demas (gén. Pierre Daumesnil), Lucien Eymond (Charles-François Lebrun), F. Fabre (Pierre-Louis Roederer), Guy Haurey (gén. Louis Friant), Jean-François Remy (Michel Duroc). Le film commence le 27 mars 1802 avec la signature du traité de paix d’Amiens et finit sur le champ de bataille d'Austerlitz en Moravie, au soir du fameux 2 décembre 1805 qui voir la défaite spectaculaire des armées impériales austro-russes et met fin à la Troisième Coalition antifrançaise. Comme la fresque d'Abel Gance (à l'origine un chapitre de l'oeuvre en projet planifiée dès 1927) se concentre essentiellement sur le personnage de Bonaparte durant ces quatre années décisives, les commentaires détaillés du film Austerlitz ont été déplacés dans la toute première partie du corpus napoléonien, dans le chapitre intitulé "1. Napoléon Bonaparte: les films généraux sur sa vie" (films diachroniques). |
1960 | *Austerlitz / Napoleone ad Austerlitz / La battaglia di Austerlitz / Austerlic (FR/IT/YU/LI) d’Abel Gance [assisté de Nelly Kaplan, Roger Richebé] Alexandre et Michel Salkind/Société Cinématographique Lyre (Paris)-Compagnie Française de Production Internationale (Paris)-Galatea Film (Milano)-Dubrava/Jadran Films (Zagreb)-Michael Arthur Films (Vaduz), 166 min. – av. PIERRE MONDY (Napoléon), Rossano Brazzi (Lucien Bonaparte), Claudia Cardinale (Pauline Borghese), Martine Carol (Joséphine de Beauharnais), Leslie Caron (Élisabeth Le Michaud d’Arçon de Vaudey), Vittorio De Sica (Pie VII), Anna-Maria Ferrero (Élisa Bonaparte), Ettore Manni (Joachim Murat), Jean Marais (Lazare Carnot), Georges Marchal (Jean Lannes), Jean Mercure (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Anna Moffo (Giuseppina Grassini), Jack Palance (gén. Franz von Weyrother), Elvire Popesco (Madame Mère, Laetitia Bonaparte-Ramolino), Daniela Rocca (Caroline Bonaparte), Michel Simon (le grognard Alboise de Pontoise de Seine-et-Oise), Orson Welles (Robert Fulton), Roland Bartrop (Lord Horatio Nelson), Jean-Marc Bory (gén. Jean-de-Dieu Soult), Jacques Castelot (Régis de Cambacérès), Claude Conty (prince Vassily Dolgoroukow), David D’Auerstadt [= Guy-Marie Davout] (Louis-Nicolas Davout), Jean-Louis Horbette (Louis Constant), André Oumansky (Claude François de Ménéval), Nelly Kaplan (Juliette Récamier), Polycarpe Pavloff (gén. Mikhaïl Koutouzov), Lucien Raimbourg (Joseph Fouché), Maurice Teynac (l’huissier privé Frioul alias l’espion Karl Ludwig Schulmeister), Jean-Louis Trintignant (gén. comte Philippe-Paul de Ségur), J. Squinquel (comte Louis-Philippe de Ségur, son père), Janez Wrhovec (François Ier d’Autriche), André Randall (Lord Charles Whitworth, ambassadeur d’Angleterre), Anthony Stuart (Sir William Pitt), Claude Carliez (gén. Pierre Margaron), Pierre Tabard (gén. Alexandre-Louis Andrault de Langeron), Henri Vidon (Charles James Fox), Hugues Wanner (gén. Charles Cornwallis), Antoine Baud (gén. Jean-Baptiste Bernadotte), Jean Berger (Gabriel de Hédouville), Raoul Billeret (Anne-Jean Savary), André Certes (Louis-Alexandre Berthier), Jean Roger Caussimon (Pierre-François Réal), Sophie Daria (Germaine de Staël), Guy Delorme (Rémy Exelmans), Pierre Demas (gén. Pierre Daumesnil), Lucien Eymond (Charles-François Lebrun), F. Fabre (Pierre-Louis Roederer), Guy Haurey (gén. Louis Friant), H. Huet (le peintre Jean-Baptiste Isabey), Hubert de Malet (Claude Ambroise Régnier), P. Marteville (Joseph Bonaparte), Jean-François Remy (Michel Duroc). Le film commence le 27 mars 1802 avec la signature du traité de paix d’Amiens et finit sur le champ de bataille en Moravie, au soir du fameux 2 décembre 1805 qui met fin à la Troisième Coalition antifrançaise. Il marque le retour en force – et attendu avec impatience – de l’ancien prodige du cinéma français, alors âgé de 70 ans, et pratiquement au chômage depuis plusieurs années (il a signé un seul film en dix-sept ans). Lorsque Abel Gance met en chantier son célèbre Napoléon, en 1924, l’œuvre comporte sur le papier pas moins de sept volets, sept longs métrages dont, faute d’argent, il ne réalisera que le premier (cf. p. 6). Le troisième volet est intitulé « Austerlitz (1804-1808) » et parle de l’établissement de l’Empire, du sacre au traité de Tilsit. Le projet disparaît dans les tiroirs pour plusieurs décennies. En 1958, Gance, remis en selle grâce au succès public de La Tour de Nesle (1954), confie aux producteurs Michel et Alexandre Salkind son intention de réaliser « D’Austerlitz à Sainte-Hélène », soit, grosso modo, le pan manquant de sa légendaire fresque muette ; le sujet est à nouveau beaucoup trop ample pour un seul long métrage, mais Gance trouve néanmoins les fonds indispensables à Austerlitz, à filmer en Dyaliscope et Eastmancolor, avec un défilé de grandes vedettes internationales pour les moindres rôles, en application du procédé et parfois un peu de l’esprit de Sacha Guitry : Jean Marais, Claudia Cardinale, Orson Welles, Vittorio De Sica, Rossano Brazzi, Jack Palance, et, en fin de carrière, Martine Carole (« capricieuse et caractérielle, elle incarne Joséphine tout en se prenant pour Cléopâtre », dixit Nelly Kaplan), etc. Lilli Palmer (Marie-Louise) et Laurence Olivier (Nelson) se désistent au dernier moment. Comme trop souvent, l’arrangement financier du clan Salkind est, au mieux, boiteux et leurs garanties sont du vent. Le tournage dure d’octobre 1959 à janvier 1960 dans des conditions épouvantables, trois mois en Yougoslavie pour la partie guerrière du film (Boulogne, Moravie, Schönbrunn, Paretz), puis, pour la première partie (Paris, Fontainebleau, Saint-Pétersbourg, Londres), aux studios de Cinecittà et de Joinville où l’on reconstruit la Grande Salle des Tuileries pour le bal de nivôse 1802. À Zagreb, Gance ne dispose pour tout studio que de deux grandes halles de la foire locale, Machinograd et le Pavillon d’exposition chinois occupant une surface de 9000 m2. L’ensemble est très sommairement aménagé, sans chauffage et sujet à de constantes pannes d’électricité, car il faut 36 000 ampères pour illuminer le plateau ; les installations techniques sont vétustes et régulièrement défectueuses. Des pluies torrentielles clouent l’équipe sur place, de sorte que (à l’exception de la charge des hussards de Kellermann et de la cavalerie de Murat enregistrées avec 300 cavaliers de l’armée yougoslave sur les hauteurs bucoliques de Cmrok près de Tuskanac, au nord de la capitale croate) tout le déroulement de la bataille doit être reconstitué en atelier à Machinograd avec force bombes fumigènes, effets pyrotechniques, machines à brouillard aléatoires et effectifs réduits (au total guère plus de 500 fantassins et cavaliers meublent le plateau). Hélas, tout cela se voit et dérange quelque peu. La recréation de la bataille elle-même, dont la géniale stratégie est enseignée aujourd’hui encore dans les écoles militaires du monde entier, aurait demandé non de faux extérieurs mais de grands espaces et une profondeur de champ qui permettent d’en comprendre le déroulement tactique complexe, afin de saisir de visu le génie de Napoléon dont Gance se veut le héraut. Rien de cela ici : l’alternance de studio et d’extérieurs réels dérange, les scènes de masse n’obéissent à aucune logique narrative – Gance s’en est visiblement désintéressé (les batailles n’étaient déjà pas son point fort dans sa fresque muette de 1927) – , ce sont des images d’affrontements qui se succèdent dans le chaos, le spectateur ignorant où se passe l’action et qui se trucide sous ses yeux. Pour simuler à l’écran ce « combat de titans » entre 160 000 hommes et trois empereurs, la production avait promis 5500 soldats et 3600 chevaux de l’armée, mais ce sont quelques camions d’étudiants affamés et sachant à peine monter à cheval qui les remplacent. Peu de grands panoramas martiaux, donc, mais une mosaïque de moments plus ou moins forts, tels que l’escalade du plateau de Pratzen dans la brume hivernale ou la noyade finale des troupes austro-russes dans les étangs gelés du Goldbach et du lac Satschan, dont la couche de glace a cédé sous l’artillerie française (les 10 000 noyés sont une légende tenace, mais fausse selon l’historiographie moderne qui en estime le nombre à 3000 au plus). Le spectacle est interrompu par diverses explications tactiques, Napoléon dévoilant à ses maréchaux les phases successives de son plan à mesure que la situation évolue (ce qu’on apprend mais ne voit guère) : l’Empereur donne l’impression d’inventer sa stratégie sur le moment alors qu’il l’a longuement préparée. Pour conclure, Gance recrée le tableau héroïsant de François Gérard montrant le général Rapp, cheval cabré, qui annonce la défaite du tsar à l’Empereur (1810) : c’est avouer à quel niveau se situe la vérité du film ainsi que son degré très relatif d’authenticité. On oublie, en passant, de préciser que les Français ne firent aucun prisonnier au cours des combats, détail moins glorieux. En revanche, les unités qui se rendirent à la fin furent relâchées sur ordre de Napoléon (« Je ne veux avoir devant moi que des hommes libres ! »). Enfin, considérant qu’il était de son devoir de veiller sur le sort des familles, l’Empereur adopta par décret du 7 décembre 1805 tous les enfants des généraux, officiers et soldats français morts à Austerlitz. Le film se divise clairement en deux époques. Si la deuxième est exclusivement consacrée à la chose militaire, la première montre – non sans longueurs – comment et pourquoi le Premier Consul se fait sacrer empereur (affirmant ainsi sa légitimité face aux royalistes et empêchant le retour des Bourbons), puis pourquoi – véritable jouet de la fatalité – il est acculé à la guerre par la perfide Albion qui ne tient pas ses engagements d’Amiens (Pitt refuse d’évacuer Malte). Gance entremêle oppositions politiques (Cadoudal, Pichegru et les complots d’assassinat anglo-royalistes, le républicain intègre Carnot), conflits internationaux (la rupture avec Londres), épisodes d’alcôve avec Joséphine, Elisabeth de Vauday et la diva Giuseppina Grassini, intrigues familiales (Caroline fait des siennes), l’enlèvement du duc d’Enghien (dont l’exécution est présentée comme une tragique méprise). Les propos orageux avec le pape Pie VII (« comediante, tragediante ! ») au Louvre sortent de Servitude et grandeur militaires (1935) d’Alfred de Vigny, même s’ils furent vraisemblablement inventés par l’écrivain. Puis vient l’instant solennel du choix de la signature : Napoléon décide subitement de signer ses papiers officiels avec son prénom. Napoléon intime, dans sa baignoire, en pantoufles, tel que l’ont vu son valet Constant ou son secrétaire Ménéval. Le scénario révèle un cinéaste follement érudit et passionné de son personnage, qu’il souhaite cette fois également présenter sous un jour plus familier, à la manière des lucratives vignettes en costumes de Guitry. Le tout aboutit à une curieuse synthèse de boulevard et d’épopée, de patriotisme et de burlesque (le savoureux grognard de Michel Simon, « Alboise de Pontoise, Seine-et-Oise », qui perd sa deuxième oreille au feu, ou ce pauvre Constant, condamné à « briser » les nouveaux bicornes et chaussures de son maître). À la suggestion de Nelly Kaplan, Gance confie le rôle de l’Empereur à Pierre Mondy, un comédien de tempérament sanguin qui possède de surcroît la taille et la rondeur du visage requises pour le Napoléon de 1805. Tout en forçant un peu le trait, Mondy le joue débordant, carrément épuisant d’énergie, mais aussi pétri de contradictions : hyperthymique fougueux, téméraire, homme à femmes, mesquin en affaires, tricheur et farceur, colérique et despotique (en vrai militaire, il « confond commander et gouverner », lui reproche Carnot lors d’une splendide estocade oratoire), à la fois tyrannique et généreux, capable d’initiatives étonnantes comme de funestes erreurs (le refus des inventions proposées par l’Américain Fulton qui, avec son application de la vapeur dans la navigation, aurait peut-être permis de tenir en échec la Royal Navy). Enfin, indifférent à la vie de ses hommes (« la saignée entre dans les combinaisons de la médecine politique », admet-il avec un cynisme machiavélien). À l’occasion, Mondy surjoue, faisant son « p’tit tondu » criseux, aboyant des ordres en continu, mais globalement, Austerlitz offre un Napoléon cinématographique assez vraisemblable et captivant, le regard de Gance n’étant en outre pas dépourvu d’ironie (« Quelle est cette petite dinde endimanchée ? Je plains l’imbécile qui l’épousera ! », s’esclaffe l’Empereur devant un tableau peu flatteur de Marie-Louise à Schönbrunn deux ans avant de la prendre pour femme). Rompu aux comédies franchouillardes, Mondy peut, grâce à la prestigieuse parenthèse de ce film, montrer une facette plus dramatique de son talent. Mais si le cinéaste détruit le portrait mythifiant de Bonaparte que véhiculait son chef-d’œuvre de 1927, il ne reste pas moins prisonnier d’une certaine imagerie populaire, enjoliveuse sinon idolâtre, truffée de « mots célèbres », théâtrale et, à l’occasion, outrageusement cocardière (l’ennemi est ridiculisé à chaque occasion). Ceci vaut en particulier pour la deuxième partie, où Gance emprunte facilement à la légende. À la fin du film, l’Empereur verse quelques larmes de crocodile sur les agonisants, puis fait sa fameuse proclamation à la Grande Armée (« Soldats, vous avez à la journée d’Austerlitz décoré vos aigles d’une gloire immortelle », etc.) tandis que, sur le mot "Fin", résonne pompeusement la Marseillaise... Ce dernier point constitue d’ailleurs un amusant non-sens, puisque Napoléon et Rouget de l’Isle se détestaient (Rouget avait été un des amants de Joséphine pendant la campagne d’Italie) et que l’Empereur s’efforça de faire oublier la Marseillaise durant son règne. Le compositeur de l’hymne national se vengea en se ralliant avec éclat à Louis XVIII en 1814 (cf. à ce sujet Jean Tulard, Napoléon et Rouget de l’Isle, Paris, 2000). Les deux ennemis ne se rencontreront publiquement qu’une seule fois, et sur les écrans seulement : dans le Napoléon muet tourné 33 ans plus tôt, comme de bien entendu. Notons en passant que la maîtresse du Premier Consul, Elisabeth de Vaudey (jouée par Leslie Caron), demoiselle d’honneur de l’impératrice Joséphine, figure également dans le chef-d’œuvre muet sous les traits de Georgette Sorelle. Gance cherche surtout à infirmer la caricature d’un aventurier sans scrupules, d’un insatiable conquérant, uniquement avide de puissance et de carnages telle que la propagent les détracteurs de l’Empire. « Je n’ai pas arrêté de me défendre ! » lance-t-il à ceux qui l’accusent d’agression, ce qui n’est pas entièrement faux. Cependant, ce souci louable de psychologie et d’authenticité (doublé de justifications politiques parfois contestables) ne s’accorde pas toujours avec le tempérament naïf du cinéaste. Privé d’élan romantique, d’envolée hugolienne, et de surcroît sans grandes prouesses d’écriture cinématographique, son film est à l’arrivée un reflet assez pâle de ses ambitions premières. Trop de compromis en catastrophe, trop de promesses de producteurs non tenues l’ont handicapé. Budgeté à 480 millions de francs anciens, il dépasse le milliard en cours d’élaboration et Gance frôle plus d’une fois l’arrêt des travaux (cf. le journal de bord de Nelly Kaplan, Le sunlight d’Austerlitz, Plon, Paris, 1960). La séquence du sacre doit être sacrifiée faute d’argent, mais Gance a l’idée de la remplacer de manière originale : ce sont des employés qui en racontent le déroulement aux fameux absents, Laetitia Bonaparte en tête. Contre une participation financière, Roger Richebé exige même de figurer au générique comme collaborateur à la réalisation alors qu’il n’a pas tourné un mètre de film ! L’avant-première mondiale se tient le 15 juin 1960 en Corse, dans la ville natale du Petit Caporal à Ajaccio, au cinéma « Empire » (sic) et en présence du prince Napoléon Murat, producteur de films (si, si). Si cet Austerlitz alourdi par un côté télévision scolaire est une demi-victoire du point de vue artistique, c’est un Waterloo sur le plan des recettes : en dehors de l’Hexagone (où il atteint tout de même un score fort honorable de 334 000 spectateurs après 42 semaines d’exclusivité), le film n’attire pas grand monde – dans l’Allemagne d’Adenauer comme en Grande-Bretagne, il récolte surtout des ricanements, la presse étrangère s’amuse de tant de chauvinisme – et conduit les Salkind au bord de la faillite. Au moment où triomphe sur les écrans la modernité d’un Truffaut, Godard, Chabrol ou Antonioni, la fresque didactico-démagogique de Gance relève d’un essai de spectacle « auteuriste » téméraire et émouvant. Elle reflète à son niveau cette nostalgie qu’a la France en crise de 1959/60 d’une forme d’unanimité nationale, de l’unité faite homme, et qui est en train de se concrétiser sur le plan politique par l’arrivée salutaire du général de Gaulle. – DE : Austerlitz – Glanz einer Kaiserkrone, GB : Austerlitz, US : The Battle of Austerlitz. |
1995 | (tv) Muz v pozadí [= L’Homme de l’ombre] (CZ) de Pavel Hása Ceská Televize (CT 7.12.95), 308 min. / 4 x 77 min. – av. Frantisek Nemec (Joseph Fouché), VACLAV POSTRANECKY (Napoléon), Petr Kostka (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Lenka Stopalová (Joséphine de Beauharnais), Milos Hlavica (Joseph Bonaparte), Ladislav Frej (Paul Barras), Josef Vinklár (Joseph Emmanuel Sièyes), Jan Novotny (Maximilien de Robespierre), Borivoj Navrátil (Anne-Jean Savary), Ttjana Medvecká (Bonne-Jeanne Fouché-Coignaud, l’épouse), Vladímir Javorsky (son fils), Barbora Lukesová (sa fille), Mahulena Bocanová (Dorothée von Biron, princesse de Courlande et duchesse de Dino), Jan Hartl (Philippe Ferney), Kamil Halbich (Edmond), Jiri Capka (Lambert), Radovan Lukavsky (le narrateur). Un feuilleton télévisuel tchèque sur la vie du sinistre Fouché, duc d’Otrante, caméléon politique, bon élève de Machiavel, régicide, boucher de Lyon sous la Terreur, ministre intrigant de la Police durant le Consulat et l’Empire et ambassadeur de Louis XVIII. Le scénario de Frantisek Pavlicek s’inspire librement de la célèbre biographie de Stefan Zweig (1929) sur le fondateur de la police secrète moderne. |
1974 | (tv) Amoureuse Joséphine (FR) de Guy Lessertisseur ORTF (TF1 13.4.74), 105 min. – av. Evelyne Dandry (Joséphine de Beauharnais), PIERRE ARDITI / WILLIAM SABATIER (Bonaparte / Napoléon), François Maistre (Paul Barras), Michel Beaume (le comédien Charles de La Bussière), Françoise Dorner (Laure Junot), Jacques Castelot (Joseph Fouché), François Marie (Joseph Bonaparte), Viviane Elbaz (Thérésa Tallien), Catherine Arditi (Hortense de Beauharnais), Roland Menard (Jacques-Louis David), André Dumas (Emmanuel-Joseph Sieyès), Jean-Pierre Andréani (ltn. Hippolyte Charles), Roger Pelletier (Colin Lacombe), Jacques Garrand (Régis de Cambacères), Raymond Danjou (le cardinal Joseph Fesch), Raoul Reiger (le pape Pie VII). En 1809, retirée à la Malmaison après son divorce, l’impératrice Joséphine se souvient avec mélancolie de son passé tantôt frivole, tantôt prestigieux. Une évocation de facture classique imaginée par André Castelot, qui vaut surtout pour la double interprétation du jeune Pierre Arditi et de William Sabatier. La mise en scène est signée par un disciple de Stellio Lorenzi, Lessertisseur. Presque tous sont d’anciens compères de la légendaire série « La Caméra explore le temps ». Sabatier a déjà fait Napoléon dans Marie Walewska et L’Éxécution du duc d’Enghien de Lorenzi en 1957-58 et dans la série Vidocq en 1967 ; quant à Pierre Arditi, encore à ses débuts, il vient de retenir l’attention sous les traits de Blaise Pascal dans le téléfilm de Roberto Rossellini (1972) ; sa sœur Catherine fait ici Hortense. |
1972 | *(tv) Les Fossés de Vincennes (FR) de Pierre Cardinal ORTF (2e Ch. 13.1.72), 84 min. – av. Jean-François Poron (Louis Antoine de Bourbon-Condé, duc d'Enghien), Fiona Lewis (Charlotte de Rohan-Rochefort), Jacques Faber (baron Grunstein), Jean-Louis Rolland (ltn. Schmidt), Yvon Lec (baron de Thumery), Michel Paulin (Canone), Hervé Sand (Georges Cadoudal), MAURICE BéNICHOU (la voix de Napoléon), Robert Etcheverry (Joachim Murat), Alain Nobis (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), André Dumas (Joseph Fouché), Roger Bontemps (Régis de Cambacères), Jacques Sempey (gén. Charlot), Lucie Arnold (Joséphine de Beauharnais), Albert Simono (Joseph Bonaparte), Jean-Claude Bercq (gén. Anne-Jean Savary). Georges Cadoudal et une poignée de Chouans débarquent entre Dieppe et le Tréport pour préparer l’assassinat du Premier Consul. Simultanément, des prisonniers torturés révèlent que dans la capitale, plus de 50 comploteurs cherchent à renverser le régime afin de rétablir les Bourbons sur le trône. A Paris, Murat décrète l’état de siège. Pour l’exemple, Bonaparte fait enlever et exécuter le duc d’Enghien, qui vivait depuis 1789 à Eltenheim en Allemagne, non loin de la frontière française. Un téléfilm d’excellente tenue sur la paranoïa qui secoue la France pendant les derniers jours du Consulat, filmé en couleurs et en décors naturels d’après un scénario original de Jean Cau et de Jacques-Francis Rolland. |
1921/22 | L’Aiglonne (FR) d’émile Keppens et René Navarre Louis Nalpas/Société des Cinéromans, 9925 m./12 épisodes (env. 7 heures). – av. Cyprian Gilles (« l’Aiglonne »), ÉMILE DRAIN (Napoléon), Célia Clairnet (Joséphine de Beauharnais), Liane Gunthy (Marie-Louise d’Autriche), André Marnay (Joseph Fouché), Albert Bras (gén. Claude-François Malet), Marguerite Seymon (Mme Malet), Suzy Prim (Mme de Navailles), Lucien Prad (gén. Anne-Jean Savary), Andrew Brunelle (Jacques Féraud), Émile Garandet (Maugeard), Simone Montallet (Mlle Charvet), Laurent Morlas (Demarest), Maurice Poggi (Grippe-Sols), Jean Robur (Michel Duroc), Cauvin-Vassal (Coquerel), Engeldorff. Synopsis : Sauvée des émeutiers du 10 août 1792 (prise des Tuileries) par le lieutenant Bonaparte, la marquise de Navailles se donne à lui et met au monde une fille qui est recueillie par le général républicain Claude-François Malet quand sa mère est guillotinée. Adulte, elle devient lectrice de l'impératrice Joséphine, mais, élevée dans la haine du tyran, elle participe au complot de Malet en octobre 1812 pour remplacer l’Empereur pendant la campagne de Russie. Elle fait volte-face en apprenant le secret de sa naissance et se met à chérir son père et son demi-frère, l'Aiglon. Une intrigue inventée de toutes pièces par l’intarissable scénariste et romancier populaire Arthur Bernède, le créateur de Belphégor et de Judex, et qui transformera cette même année son scénario en roman. émile Drain, révélé quelques mois auparavant dans Un drame sous Napoléon de Gérard Bourgeois (cf. p. 163), s'impose ici définitivement comme le Napoléon du cinéma français des années vingt-trente. Le sérial, véritable prototype du genre, est filmé sous la supervision artistique de René Navarre (le Fantômas de Feuillade) d’août 1921 à avril 1922 en extérieurs à Saint-Cloud, à La Malmaison, à Versailles (Grand Trianon), à Nice (bataille de Wagram) et dans les studios Eclair à épinay-sur-Seine. Episodes du sérial : 1. « Le Lieutenant Bonaparte » – 2. « L’Enfant des prisons » – 3. « Pour tuer l’Empereur » – 4. « Le Regard de l’Aigle » – 5. « La Revanche de Fouché » – 6. « Un secret d’Etat » – 7. « Wagram » – 8. « Le Drame des cœurs » – 9. « La Peau du Renard » – 10. « L’Echauffourée » – 11. « Pitié » – 12. « L’Aigle, l’Aiglonne et l’Aiglon ». – IT : La figlia della rivoluzione. |
1972 | (tv) Le Comte de Lavalette / Il conte di Lavalette (FR/BE/CH/IT/HU) de Jean-Pierre Decourt Série « Les Grandes Évasions historiques / Les Évasions célèbres » no. 2, Cyril Grize/ORTF-Société Nouvelle Pathé Cinéma-RTB-SSR-Difnei Cinematografica-Hungarofilm (TF1 13.3.72), 55 min. – av. Robert Etcheverry (gén. Antoine de Lavalette), Mariane Comtell (Émilie de Lavalette-de Beauharnais), PIERRE MASSIMI (Napoléon), Sylvie Favre (Joséphine de Beauharnais, tante d’Émilie), Brigitte Perin (la jeune Joséphine de Lavalette), Jean-Paul Cisife (l’homme en noir), Jean-Paul Moulinot (Louis XVIII), Jeanne Colletin (Marie-Thérèse Charlotte de France, duchesse d’Angoulême), Marthe Alycia (princesse de Vaudremont), Annick Alane (comtesse Ferrand), Fernand Guiot (Joly, préfet de police), Hubert de Lapparent (Joseph Fouché, duc d’Otrante), Marco Perrin (le provocateur) Raoul Billeret (Amable de Baudus), Yves Bureau (Éberle, la sentinelle), Guy Delorme (gén. Jean-Pierre Piat), Jean-Pierre Moreux (le duc Élie Decazes, ministre de la Police), Olivier Oll (le greffier). Synopsis : En mars 1815, Antoine de Lavalette, l’ancien aide de camp de Napoléon en Italie et en Egypte, reprend son ministère aux Postes impériales et sauve son prédécesseur, le comte Ferrand, de la vindicte bonapartiste. Il se remémore ses années de jeunesse avec Bonaparte et Joséphine de Beauharnais dont il épousa la nièce, Émilie de Beauharnais. Après Waterloo, Napoléon demande à Lavalette de l’accompagner en exil aux États-Unis, mais celui-ci refuse de laisser seule Émilie, qui est enceinte et malade. Fouché fait signer sa condamnation à mort par Louis XVIII. Amable de Baudus organise l’évasion du condamné avec la complicité d’Émilie, qui prend sa place dans le cachot à la veille de l’exécution. Pour plus de détails, cf. supra, Le Sacrifice de Madame de Lavalette, téléfilm de 1957. Un épisode écrit par Claude Brulé, platement réalisé en Eastmancolor aux studios Éclair à Épinay-sur-Seine et en extérieurs à la Malmaison (Napoléon et Joséphine). |
1920 | Madame Récamier. Des grossen Talma letzte Liebe (DE) de Joseph Delmont Georg Bluen, Fern Andra/Sächsischer Kunstfilm AG (Leipzig)-Fern Andra-Film (Berlin), 2205 m./6 actes. – av. Fern Andra (Juliette Récamier), Bernd Aldor (le comédien François-Joseph Talma), FERDINAND VON ALTEN (Napoléon), Johanna Mund (Joséphine de Beauharnais), Albert Steinrück (Paul Barras), Victor Senger (Pierre Bernard), Else Wasa (Marie Bernard, son épouse), Rudolf Lettinger (Jacques Récamier, banquier), Hermann Böttcher (Joseph Fouché), Boris Michailow (Louis Constant Wairy, valet de Napoléon), Adolf E. Licho (Robert, valet de Fouché), Emil Rameau (Dufrand), Walter Formes (Charles-Philippe, comte d’Artois [futur Charles X]), Doris Schlegel (Blanche). Film perdu, « Madame Récamier – Le Dernier Amour du grand Talma » (trad.) commence sous la Convention et au début du Directoire, lorsque Bonaparte n’est qu’un jeune officier, Joséphine une veuve frivole et Fouché un conventionnel, puis continue sous l’Empire. La critique de La Rivista Cinematografica (nov. 1923) déplore la déformation grotesque des personnages : dans le film, Bonaparte serait une marionnette belliciste sans grandeur ni dignité, Talma un histrion ridicule, la mère de Mme Récamier une entremetteuse, Barras un gorille et Mme Récamier une petite-bourgeoise hystérique. Bigre ! On sait que sous Robespierre, le comédien François-Joseph Talma (1763-1826), vedette du Théâtre de la République, se lia d’amitié avec le jeune Bonaparte (dans son Napoléon en 1927, Abel Gance place une scène où Talma fait répéter à Bonaparte sa déclaration d’amour à Joséphine). Réintégré au sein de la Comédie-Française en 1799 après en avoir été chassé en 1791 pour ses opinions révolutionnaires, il devint officiellement « le comédien préféré de Napoléon », notamment grâce à ses prestations très admirées dans Cinna et Le Cid de Corneille. Il fut marié avec Julie Careau, une danseuse dont il divorca en 1802 pour épouser la comédienne Caroline Vanhove (il s’en sépara sans divorcer en 1815). On lui sait une liaison avec Pauline Bonaparte, princesse Borghese, en 1812, et Madeleine Bazile, autre actrice, lui donna trois enfants (1813 ss). Il fut certes à plusieurs reprises l’hôte distingué de Mme Récamier et se produisit dans ses salons, mais aucun document n’atteste d’une grande passion entre eux, imaginée ici par le scénariste Hans Gaus. On ne prête qu’aux riches. – IT : Madame Recamier. |
1974 | (tv) Cadoudal (FR) de Guy Seligman ORTF (TF1 27.4.74), 70 min. – av. Claude Brosset (Georges Cadoudal), PHILIPPE ADRIEN (Napoléon Bonaparte), Daisy Amias (Joséphine de Beauharnais), Maurice Bénichou (gén. Anne-Jean Savary), Virginie Billetdoux (Lucrèce Mercier), Marcel Lupovici (Joseph Fouché), Jacques Dhéry (Jean-Charles Pichegru), Jacques Bernard (Thuriot), Pierre Lafont (Pierre-François Réal), Robert Benoit (Jacques Alexandre Law, marquis de Lauriston), Pierre Dios (Burban), Saddy Rebot (Charles d’Hozier), Georges Audoubert (Louis, comte de Provence, dit Monsieur [futur Louis XVIII]), Lucien Camiret (Joseph Picot de Limoëlan), Jean-Jacques Moreau (Guillemot), Hervé Jolly (Bouvet), Claude Mann (Rivière), Jean-Paul Tribout (Querelle). En juin 1814, tandis que Napoléon est à l’île d’Elbe et Louis XVIII sur le trône, deux anciens amis de Georges Cadoudal ramènent son squelette à Kerleano, où il est né, et évoquent sa vie. Parti servir sous l’étendard chouan à La Roche-Jaquelein, il y est devenu général. Ayant fédéré toutes les provinces de l’Ouest, il songe à épouser Lucrèce Mercier, quand Bonaparte réussit son coup d’État. Tous les généraux de l’Ouest baissent pavillon sauf Cadoudal, 29 ans. Après quelques batailles, il rencontre Bonaparte. L’entrevue des deux chefs, de trempe égale et de tempérament contraire, est houleuse : Bonaparte ne jure que par l’égalité, Cadoudal ne se soucie que de liberté. Il refuse le commandement militaire que lui offre le Premier Consul et regagne sa Bretagne. L’affrontement finit en 1804 avec l’exécution du Chouan, qui a auparavant refusé la grâce que lui accordait l’Empereur. Une dramatique écrite par Jean-François Chiappe. |
1964 | (tv) Catch as Catch Can / French Cricket (GB) de David Benedictus « The Wednesday Play » (BBC 30.9.64), 75 min. – av. KENNETH WILLIAMS (Napoléon), David Horne (Louis XVIII), Robert Helpman (Joseph Fouché), Basil Henson (maréchal). Les Cent-Jours servis au vitriol, d’après La Foire d’empoigne de Jean Anouilh (1962), une pièce créée et mise en scène par l’auteur à la Comédie des Champs-Élysées le 11.10.1962, avec Paul Meurisse dans le double rôle de Napoléon et de Louis XVIII : la confrontation entre l’Empereur, le Bourbon, le policier et un brave jeune homme idéaliste. Une pièce jamais diffusée sur le petit écran en France. |
1963 | (tv) Madame Sans-Gêne (FR) de Claude Barma « Au Théâtre ce soir », Radio-Télévision Française (RTF) (1re Ch. 25.12.63), 115 min. – av. Sophie Desmarets (Catherine Hubscher), RAYMOND PELLEGRIN (Napoléon), William Sabatier (François-Joseph Lefebvre), Renaud Mary (Joseph Fouché), Hubert Noël (comte Adam Albert de Neipperg), Nathalie Nerval (Caroline Bonaparte), Claire Duhamel (Élisa Bonaparte), Jean-Jacques Steen (Constant), Pierre Paulet (Michel Duroc), Jean-Pierre Helbert (Jean-Andoche Junot), René Alone (Roustam Raza, le mamelouk), Jean Galland (Despréaux), Annick Bouquet (La Roussette), Véronique Silver (Toinon). Cette toute première dramatique de la télévision française (en noir et blanc) tirée de la comédie de Sardou-Moreau mobilise Pellegrin, l’interprète du Napoléon de Sacha Guitry (1954). À ses côtés, Sophie Desmarets, une des plus populaires vedettes du théâtre de boulevard de l’après-guerre, gaie, cabotine de nature, découverte par Louis Jouvet et qui fait ici ses débuts au petit écran en maréchale élégante et spirituelle. |
1914 | Napoleone / L’epopea napoleonica (Napoléon) (IT) d’Edoardo Bencivenga S. A. Ambrosio, Torino, 2200 m. (6 actes). – av. CARLO CAMPOGALLIANI (Napoléon), Eugenia Tettoni (Joséphine de Beauharnais), Giulietta De Riso (Eugénie de Chabrillant), Matilde Granillo (Marie-Louise d’Autriche), Antonio Grisanti (François Ier d’Autriche), Vittorio Tettoni (Paul Barras), Annetta Ripamonti (princesse de Polignac), Armand Pouget (Klemenz Wenzel von Metternich), Bianca Schinini (Madame Mère, Laetitia Bonaparte-Ramolino), Umberto Scalpellini (Joseph Fouché), Oreste Grandi (Charteaux). Le scénario de cette « épopée napoléonienne » prend quelques curieuses libertés avec l’Histoire, en ajoutant une sous-intrigue de roman-photo. Lors de la prise de Toulon, le jeune Bonaparte sauve la vie d’Eugénie de Chabrillant, une orpheline royaliste menacée par la foule sanguinaire. Son acte lui vaut d’être traduit devant un tribunal qui le fait dégrader. Mais Eugénie, amoureuse de son sauveur, lui révèle la préparation de l’insurrection royaliste du 13 vendémiaire (1795) à Paris et Bonaparte peut avertir la Convention à temps, ce qui lui vaut d’être nommé général. Il épouse secrètement Joséphine, à l’insu de Barras (sic), qui est jaloux ; Eugénie meurt de désespoir. Là-dessus se greffe le complot d’assassinat mené contre le Premier Consul par le prince de Polignac, un cousin d’Eugénie (le duc d’Enghien ?). Le prince est arrêté à temps, Napoléon le gracie sur intervention lacrymale de sa mère, la princesse de Polignac. Plus tard, Napoléon fait un saut à Schönbrunn où il rencontre Marie-Louise, et, sur insistance de Fouché, il décide de divorcer de Joséphine pour l’épouser ... Le reste suit son cours, de Moscou à Sainte-Hélène. Une grosse production tournée dans les nouveaux studios turinois d’Ambrosio, à la via Mantova. Carlo Campogalliani, déjà interprète de Napoléon en 1911 (Il debito dell’Imperatore, cf. p. 581), passe à la réalisation en 1915 et finira dans la fabrication de films pseudo-mythologiques dans les années soixante. C’est la dernière fois avant longtemps que le conquérant au bicorne fait le sujet central d’une production : la Première Guerre mondiale impose une réalité moins romantique, en passant de l’épopée aux tranchées. – DE : Napoleonisches Heldengedicht, US : Napoleon – 1. A Born Warrior – 2. Exiled. |
1970 | (tv) Der Polizeiminister Joseph Fouché, 1759-1820 (DE) de Günter Gräwert Sator Film GmbH (Hamburg)-Studio Hamburg Film-produktion GmbH-ZDF (ZDF 6.11.70), 95 min. – av. Ferdy Mayne (Joseph Fouché), Wolfgang Büttner (Maurice Gaillard), FRANZ RUDNICK (Napoléon), Karin Anselm (Joséphine de Beauharnais), Paul Hoffmann (Talleyrand), Otto Kurth (Robespierre), Walter Richter (Barras), Jochen Schmidt (Tallien), Joachim Rake (Savary), Alexander Hegarth (le comte d’Artois, frère de Louis XVI et futur Charles X), Jochen Schmidt (Carnot), Ernst von Klipstein (Cambon). Une dramatique écrite par Michael Mansfeld autour d’’un des personnages les plus controversés du Premier Empire : Joseph Fouché (1763-1820), le chef tout puissant de la police napoléonienne, inventeur de la police politique, régicide, féroce et sanguinaire bourreau de Lyon et de Nevers sous la Terreur, enfin bombardé duc d’Otrante avant de se placer au service de Louis XVIII à la Restauration. Cherchant le pouvoir à tout prix, ce précurseur de Béria et de Himmler se délecte à démêler les fils des intrigues jacobines ou royalistes sous le Consulat. Napoléon le disgrâcie à deux reprises pour infidélités répétées au régime. Fouché, c’est le prince de la politique, ce domaine du crime perpétré par des diplomates « aux mains prestes, aux mots vides et aux nerfs glacés » (Stefan Zweig). |
1968 | (tv) Madame Sans-Gene – Die schöne Wäscherin (DE) de Günter Gräwert TV-60 Filmproduktion (ZDF 12.9.68), 90 min. – av. Louise Martini (Catherine Hubscher), Günter Strack (François-Joseph Lefèbvre), KLAUS SCHWARZKOPF (Napoléon), Arno Assmann (Joseph Fouché), Peter Weck (comte Adam Albert de Neipperg), Kurt Sobotka (Despreaux), Werner Kotzerke (Jasmin), Rudolf Schündler (Anne-Jean Savary), Walter Kraus (Roustam Raza, le mamelouk), Anita Höfer (Caroline Bonaparte), Mara Hetzel (Élisa Bonaparte), Joache Teege (invalide). Dramatique télévisuelle adaptée pour le petit écran par Mischa Mleinek, avec l’actrice et animatrice de radio viennoise Louise Martini (fameuse pour son interprétation sur scène d’ Irma la Douce). |
1996 | (vd) Napoleon (IT) de Luca Damiano [= Franco Lo Cascio] Ric/Gold Pictures-Trans Interactive-Luca Damiano Entertainment, 80 min. – av. ROBERTO MALONE (Napoléon), Lea Martini (Carlotta), Erica Bella (Joséphine de Beauharnais), Betty Anderson (Marie-Louise d’Autriche), Jeanette La Douce (Pauline Fourès, dite Belilotte), Ramon (Paul Barras), Andrea Dioguardi (Joseph Fouché), Giulio Massimini (un général), Aliona (la journaliste), Baby Nielsen, Regina Sipos, Maria Bellucci, Valera Dori, Francesco Malcolm, Omar Williams. Tout arrive : la vie érotico-sentimentale de l’Empereur en mode pornographique, par le réalisateur de l’impérissable Paolina Borghese, nimfomania imperiale (1998, cf. p. 92). Exilé à Sainte-Hélène, en avril 1821, Napoléon se souvient (en flash-back) des femmes qu’il a connues – bibliquement, s’entend. Barras et Fouché sont ici des généraux en rut. À la veille de Waterloo, l’état-major invite une centaine de prostituées lubriques qui assaillent les grognards ; le lendemain, fourbue, la Grande Armée est défaite. Encore une ruse de la perfide Albion ? – US : Napoleon XXX (dvd). |
1911 | Madame Sans-Gêne (FR) d’André Calmettes Le Film d’Art (Paris), 940 m./3 bob./60 min. – av. Gabrielle Réjane (Catherine Hubscher), PAUL VILLE / EDMOND DUQUESNE (Bonaparte/Napoléon), Georges Dorival (François-Joseph Lefebvre), Rablet (Joseph Fouché), Mathillon (Anne-Jean Savary), Aimée de Raynal (Marie-Louise), S. Théray (Élisa Bonaparte), Jacques Volnys (comte Adam Albert de Neipperg), Rémo (Caroline Bonaparte), Bogard (Roustam Raza, le mamelouk), Pugenc (Jean-Andoche Junot), Jeandrieu (Loriston), Léonie Richard (La Hérangère), J. Rousseau (Mme de Bellune), Pierrette Lugand (Mme de Thalhouet). Créatrice du rôle à la scène en 1893 (Théâtre du Vaudeville), spécialisée dans la comédie légère, Réjane a longtemps disputé à Sarah Bernhardt le titre de plus grande actrice de la Belle Époque. Dix-huit ans plus tard, André Calmettes la convainc de camper Catherine Hubscher au cinéma, aux côtés d'Edmond Duquesne, qui fut aussi son partenaire sur les planches lors de la création de la pièce. Costumes, meubles, accessoires et bijoux proviennent du Théâtre Réjane à Paris, où la pièce vient d’être reprogrammée à la veille du tournage. Calmettes condense l’action en trois parties : la lingère sauve la vie de Neipperg et épouse Lefebvre pendant la prise des Tuileries, l’entrevue-retrouvailles de Catherine avec l’Empereur après avoir scandalisé ses sœurs, les intrigues pour persuader Napoléon que Marie-Louise ne le trompe pas avec le diplomate autrichien. Malgré l’absence de dialogues, Réjane est totalement à l’aise dans sa gestuelle et sa mimique, prenant plus d’une fois le spectateur à témoin. « Dois-je ajouter que je n’ai pas beaucoup souffert de l’absence des mots ? », demande le critique de Ciné-Journal (21.10.11). « La littérature dialoguée de M. Sardou – très habile dans sa banalité – ne m’a jamais paru réceler un or assez pur pour enchaîner ma tendresse et j’ai très bien compris Mme Réjane sur son muet écran. » Spécialisé dans les rôles de Napoléon au théâtre comme au cinéma, Edmond Duquesne apparaîtra entre autres dans les six épisodes de la série éclair de La Légende de l’Aigle (1911/12) (cf. p. 323). Il interpréta déjà Napoléon sur scène lors de la création de la pièce de Sardou en 1893 ; on le revit notamment en Bonaparte dans l’énigme historique Le Roy sans Royaume de Pierre Lecourcelle au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, en octobre 1909. On raconte que l’acteur, décédé en 1918, s'identifia tellement avec son personnage qu'il en perdit la raison. De concert avec La Dame aux Camélias jouée par Sarah Bernhardt, cette Madame Sans-Gêne parvient à forcer les portes du marché américain. Rien d’étonnant : en 1895, lors de la tournée théâtrale de Réjane aux états-Unis dans le rôle de la pittoresque maréchale, New York lui avait déjà fait un triomphe. En mars 1909, la comédienne a également interprété sur scène Maria Walewska, donnant la réplique au Napoléon d'Edouard de Max, exilé sur l’île d’Elbe (L'Impératrice de Catulle Mendès, au Théâtre Réjane). – US : Sans-Gene. |
1964 | (tv) Une journée de l’Empereur (FR) de Jean Pignol Série « L’Histoire pittoresque », Henri Kubnick/ORTF (2e Ch. 30.5.64), 44 min. – av. JEAN PIGNOL (Napoléon), Claude Nollier (Joséphine de Beauharnais), Charles Millot (Joseph Fouché), Alain Nobis (Régis de Cambacérès), Jacques Rispal (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Denis Julien (François-Joseph Talma), Robert Drancourt (Michel Duroc, maréchal du palais), Jacques Grello (l’Historien), Jean-Louis Le Goff (Jean-Nicolas Corvisart, médecin), Claude Dasset (Louis Constant, le valet), Jacques Berger, Elisabeth Boda, Robert Blome, Jacques Bretonnière, Bernard Charnace, Claudine Dalmas, Michel Daquin, Louise Debrakel, Jacques Gallard, Marc Halford, Jean Mauvais, Maurice Pierrat, Paul Savatier, Françoise Seignier, Vandoude, Simone Vannier, Michèle Wargnier, Elisabeth Willie. Une téléfiction scolaire mais divertissante et très instructive au cours de laquelle l’Historien convie le spectateur à suivre une journée type de Napoléon aux Tuileries, en avril 1806 ; Constant, le valet fidèle pendant quinze ans, sert de guide. Napoléon a passé 955 jours à Paris pendant dix ans de règne, soit moins de trois ans. Il dort dans la chambre qu’occupait jadis Louis XVI. Son Mamelouk est allongé devant sa porte. Il se couche vers 23-24 heures, se réveille entre 2 et 5 heures du matin, travaille, dicte des lettres à Ménéval et prend un bain bouillant pendant une heure. À 7 heures, Constant apporte le thé, allume le feu de cheminée (son maître est frileux), raconte les derniers ragots, tandis que l’Empereur se rase lui-même, reçoit Duroc (grand-maréchal du palais) et son médecin Corvisart, se laisse habiller, puis écoute amusé le comédien Talma qui lui rapporte les dernières querelles entre Mlles George et Duchesnois (cf. supra, Les Comédiennes, 1961). Napoléon lui donne des conseils sur son jeu de scène dans le rôle de César (« Vous fatiguez trop vos bras, avec César, un geste est un ordre »), avoue sa prédilection pour Corneille (« ses tragédies enseignent la noblesse et l’héroïsme »). « L’uniforme est un costume », avoue-t-il. « Je suis moi-même un personnage de théâtre, avec mon petit chapeau, ma redingote de bourgeois sur un uniforme de colonel ! » A 9 heures, il se présente au salon où l’attendent une dizaine de personnes, ordonne l’ouverture de lycées et d’universités, parle du tableau du couronnement avec David et donne des audiences particulières. à 9h30, déjeuner, il mange vite et peu, expédiant le repas en moins de 10 minutes. Il rend une courte visite à Joséphine dont il chasse la modiste ruineuse en lui faisant peur, puis reçoit Talleyrand et, à 11h., Fouché auquel il explique que s’il est lui-même économe, il tient à ce que l’on dépense de l’argent autour de lui. Cambacérès, archichancelier de l’Empire, se plaint des extravagances du clan Bonaparte, ce dernier admet : « J’ai plus de mal à gouverner ma famille que mon empire ! » Il voit son cordonnier, signe le courrier en faisant des taches d’encre sur son costume. Au soir, dîner avec Joséphine, suivi d’une violente douleur à l’estomac. Puis retour au cabinet de travail, où il aura passé 14 heures. Harassé, il jette ses vêtements au hasard et s’endort instantanément. Jean Pignol, qui a écrit et dirigé l’épisode, campe un Napoléon passable ; il a joué dans une vingtaine de films au grand écran (pour Delannoy, Autant-Lara, Guitry) et est réalisateur à la tv du fameux magazine de reportage « Cinq colonnes à la une ». |
1978 | (tv) Das Lamm des Armen [= La Brebis du pauvre] (DE) d’Oswald Döpke (ZDF 27.2.78), 99 min. – av. Horst Frank (ltn. François Fourès), Angelika Bender (Pauline Fourès, appelée Bellilotte), WOLF ROTH (gén. Napoléon Bonaparte), Rolf Becker (Louis Alexandre Berthier, chef d’état-major), Günter Strack (gén. Dominique Dupuy, commandant du Caire), Hans Häckermann (Joseph Fouché), Elisabeth Goebel, Günther Ungeheuer, Wolfgang Weiser. Téléfilm d’après la tragicomédie éponyme en trois actes de Stefan Zweig (en France : Un caprice de Bonaparte), parue en 1929. Pendant la campagne d’Égypte en 1798, le général Bonaparte convoite la femme d’un de ses jeunes lieutenants, François Fourès. Ce dernier fera vainement appel à la justice pour obtenir réparation. La pièce, peu connue et passablement amère (le titre original est « La Brebis du pauvre »), dénonce l’arbitraire et l’abus de pouvoir des puissants. Zweig en a eu l’idée lors de ses recherches pour sa biographie de Joseph Fouché. La première théâtrale eut lieu à Breslau en 1930 avec Raoul Aslan (Bonaparte), Ewald Balser (Fourès) et Hilde Wagener (Bellilotte). L’authentique Pauline Fourès (1778-1869), née Bellisle dite la Bellilote, fut une victime très consentante. Mariée à Jean-Noël Fourès, officier chasseur à cheval qu’elle suivit jusqu’en Égypte (déguisée en militaire), elle échappa de peu à la mort lors de la révolte du Caire en octobre 1798. Le mois suivant, elle rencontra Bonaparte – qui songeait alors à divorcer de Joséphine – et elle devint sa maîtresse (surnommée « Cléopâtre », vu les circonstances). Après le retour de « César » en France, elle se consola dans les bras du général Kléber, puis se remaria encore deux fois, avec un consul de France en Suède, suivi d’un capitaine de la Garde impériale (elle écrivit un roman, Lord Wentworth). |
1969 | (tv) Waterloo (DE) de Jirí Weiss Sender Freies Berlin (ARD 9.10.69), 60 min. – av. ERNST SCHRÖDER (Napoléon), Nadja Tiller (Pauline Borghese-Bonaparte), Heinz Giese (maréchal Michel Ney), Friedrich Schönfelder (maréchal Jean-de-Dieu Soult), Albert Bessler (le comte gén. Jean-Baptiste Drouet d’Erlon), Dietrich Frauboes (gén. Honoré-Charles Reille), Martin Hirthe (Georges Mouton, comte de Lobau), Friedrich W. Bauschulte (Joseph Fouché), Lothar Blumhagen (Jérôme Bonaparte), Alfred Balthoff (Jean-Nicolas Corvisart, médecin), Günter Mack (Pierre Alexandre Fleury de Chaboulon), Eduard Wandrey (Pierre [= Camillo] Borghese). Une pièce fictionnelle (parue en 1967) du poète et romancier tchèque Jirí Sotola : À la veille du 18 juin 1815, au siège de l’état-major de Napoléon à l’auberge de la Belle-Alliance. Tous les généraux savent que la bataille à venir sera leur dernière et entraînera la fin de l’Empire. Pauline Borghese-Bonaparte apporte ses bijoux à son frère pour qu’il se décide à s’enfuir avant l’aube. Fouché surgit au milieu de la nuit pour le dissuader de livrer bataille. Napoléon, qui a percé à jour la duplicité de son ministre de la Police, s’engage avec lui dans une longue controverse politique, semant la peur et la panique autour de lui pour imposer sa supériorité. Un instant, il songe à se suicider, mais n’en trouvant pas la force, il se jette dans la bataille ... À travers ces échanges imaginaires, Sotola souhaite démontrer comment un tyran peut avoir recours à l’injustice et au meurtre quand il veut survivre à tout prix – une allusion manifeste aux dictateurs fascistes et/ou communistes du XXe siècle, mais sans rapport réel avec le Napoléon historique et la situation militaire de 1815. Considéré comme un provocateur, Jirí Sotola aura d’ailleurs l’interdiction de publier dans le bloc communiste à partir de 1968. La dramatique réunit Ernst Schröder, un des plus prestigieux comédiens de la scène ouest-allemande, et la vedette Nadja Tiller (vamp de l’ère Adenauer) sous la férule du cinéaste praguois Jiri Weiss, l’auteur de l’émouvant Roméo, Juliette et les ténèbres (1960) qui se déroule sous l’occupation nazie. Ayant fui l’invasion soviétique qui a mis fin au Printemps de Prague en 1968, Weiss réalise ce téléfilm de passage en RFA avant de s’exiler pour vingt ans aux États-Unis. |
1971-1974 | (tv) Schulmeister, l’espion de l’Empereur (FR/CA) de Jean-Pierre Decourt ORTF-Société nouvelle Pathé Cinéma-Société Radio Canada (1re Ch. 23.12.71-24.1.72 et 4.3.-15.4.74), 13 x 52 min. – av. Jacques Fabbri (Karl Ludwig Schulmeister), William Sabatier (Anne-Jean Savary, duc de Rovigo), Roger Carel (Hammel), Henri Virlojeux (Joseph Fouché), Mario Pilar (gén. Claude-François de Malet), André Thorent (gén. Karl Mack von Leiberich), Françoise Giret (Maria Walewska), Georges Descrières (Louis Bonaparte, roi de Hollande), Philippe Nicaud (gén. Victor Lahorie), Alfred Adam (gén. Pierre Cambronne), Pierre Danny (gén. Charles Augereau), Charles Charras (gén. Pierre-Augustin Hulin), Michel Beaune (gén. Louis-Claude Monnet de Lorbeau), Jean Piat (le comte Marc-Antoine de Beaumont), Marcel Charvey (col. Gabriel Soulié), Nadine Alari (la générale Sophie Hugo), Annick Alane (Mme Bonne-Jeanne Fouché), Andrée Boucher (Suzel Schulmeister), Sacha Pitoëff (Dangberg), Howard Vernon (Sir Horace Mill), Georges Claisse (Tchernitchef), Pierre Hatet (col. Karl Justus Gruner), Claude Degliame (comtesse Rittenberg), Michel Fortin (von Grafenberg) et Jean-Pierre Decourt (la voix de Napoléon). Une évocation passablement romancée des exploits du célèbre espion badois Charles Louis (Karl Ludwig) Schulmeister (1770-1853), qui entra au service de Napoléon en 1805, sous les ordres directs de Savary, chef de la Police. Il fut un des agents les plus représentatifs de la mise en coupe réglée de la société sous le Premier Empire. L’authentique Schulmeister – « un Alsacien mal degrossi » (Eugen von Czenin) – se livre d’abord à l’agriculture, puis à la contrebande sur le Rhin où il fait fortune, activité qui le mène progressivement à l’espionnage. En 1804, il est présenté à Napoléon, reçoit un grade dans l’armée et est attaché à Savary, séide et aide de camp de l’Empereur. Fin, rusé, totalement dévoué à son maître, il devient un des plus habiles et discrets agents de la police impériale, chargé des missions de confiance les plus secrètes. On met à son compte la capitulation et la capture du général autrichien Mack à Ulm en 1805, à la veille d’Austerlitz (relatée dans l’épisode Un village sans importance, cf. p. 339). Napoléon le nomme commissaire général de la police de Vienne en 1805/06. Quand il ne vit pas retiré dans son domaine au sud de Strasbourg (car sa collaboration au système policier de Savary rapporte gros), « Monsieur Charles » met son audace et son habileté à tromper l’adversaire dans le cadre des campagnes de Prusse et d’Autriche (il est blessé à Friedland en 1807). A l’entrevue d’Erfurt en 1808, il est chargé de la sécurité personnelle de Napoléon et du tsar Alexandre. En 1814/15, il complote pour le retour de l’Empereur de l’île d’Elbe et est arrêté par Blücher pendant les Cent-Jours. Fortuné, il se retire des affaires publiques à la Restauration et finit ses jours dans son manoir à Boissy-Saint-Léger. Andrew Duggan fait Schulmeister dans un téléfilm américain de la série I Spy en 1955 (Legion of Honor de William Berke, cf. supra). C’est Maurice Teynac qui l’interprète, déguisé en huissier privé Frioul, dans l’Austerlitz d’Abel Gance en 1960. Une décennie plus tard, les aventures du Schulmeister télévisuel imaginées par Jean-Claude Camredon débutent à Strasbourg (juin 1803 ?), où Savary, alors aide de camp du Premier Consul, prépare la visite de ce dernier et engage un dénommé « maître d’école » (Schulmeister en allemand), autrefois contrebandier, pour le protéger des royalistes. D’abord homme de théâtre et d’opéra, Jacques Fabbri, trapu, taiseux et moustachu, fait assez bien ressortir le bon sens et la malice redoutable de ce Badois totalement dévoué à l’Empire (« j’ai la maladie de la fidélité »), qui se dit « soldat du mensonge » et estime que « titan et tyran » sont des mots qui se ressemblent. La majorité des épisodes sont inventés de toutes pièces (quoique truffés de personnages historiques, parmi lesquels on découvre même Sophie Hugo et son garçonnet, Victor Hugo). Flanqué de son adjoint Hammel, Schulmeister a surtout fort à faire pour déjouer les plans – forcément diaboliques – de ses trois confrères de la coalition ennemie, les maîtres-espions Sir Horace Mill (fictif ?), le Russe Tchernitchef (Tchernychov, Czernitchev) et le colonel prussien Karl Justus Gruner (authentiques, ces deux-là), tout en rassurant son épouse Suzel, inquiète de ses absences fréquentes et inexpliquées. Sans parler des espions royalistes français nichés à Londres ou en Normandie, de la société secrète allemande du « Tugendbund » (hostile à Joseph Bonaparte en Westphalie) et des agents de Fouché en lutte contre la police parallèle de Savary. Quelques épisodes se réfèrent toutefois à un contexte plus précis, comme Un village sans importance (signalé plus haut), L’Espion du tsar sur les préparatifs de la campagne de Russie (cf. p. 543), ou Avant les 100 Jours lorsque l'espion essaie en vain de contrer Marie Walewska qui aurait persuadé Napoléon – à en croire le scénario – de quitter l’île d’Elbe (cf. p. 586). Dans La Conspiration Malet, qui se déroule à Paris le 23 octobre 1812, alors que la Grande Armée vient d’évacuer Moscou, le général républicain Claude-François de Malet annonce la mort de Napoléon et fomente un coup d’État ; Schulmeister, sur lequel repose une bonne partie de la sécurité de l’Empire, démasque et arrête les rebelles, qui sont fusillés (cf. supra, le téléfilm de « La Caméra explore le temps » en 1963). Dans Après les 100 Jours, l’espion, dépositaire de quinze ans de secrets politiques brûlants, est devenu un personnage encombrant qui sauve sa peau grâce à son ancien commando (cf. p. 666). Tournés en couleurs en 1971 aux studios éclair à épinay-sur-Seine et en extérieurs en Île-de-France (le budget est serré, et ça se voit), les six premiers chapitres de cet inoffensif divertissement cathodique font un si bon score à l’audimat que Decourt et l’ORTF lui donnent une suite en 1974, en reprenant les mêmes interprètes et en récoltant un succès identique. Episodes de la première saison : 1. « Le Maître d’école » (21.12.71) – 2. « Le Petit Matelot » (1.1.72) – 3. « Schulmeister contre Schulmeister » (3.1.72) – 4. « Au pays de l’Eau Tranquille » (10.1.72) – 5. « Les Lys blancs » (17.1.72) – 6. « La Conspiration Malet » (24.1.72). Deuxième saison : 7. « Un village sans importance » (4.3.74) – 8. « La Dame de Vienne » (11.3.74) – 9. « L’Affaire Adams » (18.3.74) – 10. « Un coup pour rien » (25.3.74) – 11. « L’Espion du tsar » (1.4.74) – 12. « Avant les 100 Jours » (8.4.74) – 13. « Après les 100 Jours » (15.4.74). |
1978 | (tv) L’Attentat de la rue Saint-Nicaise (FR) de Victor Vicas Série « Les Grandes Conjurations », Télécip (FR3 4.11.78), 90 min. – av. Maxence Mailfort (Joseph Picot de Limoëlan), Jean-Paul Zennacker (Pierre Robinault de Saint-Régeant), François Dyrek (François-Joseph Carbon), Jean-François Rémi (Joseph Fouché), HERVÉ JOLLY (Napoléon Bonaparte), Evelyne Dandry (Joséphine de Beauharnais), Didou Kapour (Marie-Antoinette), Georges Werler, Gérard Dessalles. Une évocation de la « conspiration de la machine infernale » du 24 décembre 1800, écrite et dialoguée par Alain Decaux. Organisée depuis la Bretagne par Georges Cadoudal, avec l’appui de Londres, la conjuration royaliste vise à assassiner le Premier Consul. Elle fait suite à la conspiration ratée dite « des poignards » du 10 octobre, ourdie à l’Opéra par des Jacobins. Les Chouans Carbon, Limoëlan et Saint-Régeant placent une charrette transportant un baril de poudre dans la rue Saint-Nicaise, au nord du Palais des Tuileries, sur la route qui mène à l’Opéra. À 19 heures, détendu mais fatigué, Bonaparte se laisse convaincre à contre-cœur par Joséphine de s’y rendre pour assister à la première représentation en France de l’oratorio Die Schöpfung de Joseph Haydn. Son carrosse est précédé par une escorte de cavaliers de la Garde consulaire. Saint-Régeant allume la mèche quelques secondes trop tard et s’enfuit. La « machine infernale » explose, faisant 22 morts et une centaine de blessés ; 46 maisons sont détruites ou rendues inhabitables. Miraculeusement rescapé, Bonaparte met d’abord la faute sur ses opposants jacobins, car ayant tenté de rallier les royalistes au nouveau gouvernement par une politique de conciliation, il ne peut croire à leur culpabilité. Mais Fouché lui apporte la preuve d’un complot royaliste. Carbon est arrêté et, sous la torture, donne les noms de ses deux complices, qui sont exécutés. L’affaire traumatise l’Hexagone et aboutira à l’exécution sommaire du duc d’Enghien, puis au sacre impérial instaurant une nouvelle légitimité monarchique. – Un film-enquête fabriqué par Victor Vicas, un réalisateur d’origine russe à la filmographie très cosmopolite, actif entre Paris, Berlin, Vienne, Zurich, Athènes, Israël et Hollywood (il débuta avant-guerre comme assistant-caméraman d’Abel Gance). |
1990/91 | (tv) Napoléon et l’Europe / Napoleon i Europa – 3. Marie Walewska / Napoleon w Warszawie (FR/DE/PT/ES/PL/BE/CA) de Krzysztof Zanussi Télécip-La Sept-France 3-Filmów Telewizyjnych Poltel-Zespol Filmowy « Tor »-3SAT-TVE-RTP (FR3 25.1.91), 53 min. – av. JEAN-FRANÇOIS STÉVENIN (Napoléon), Joanna Szczepkowska (Maria Walewska), Daniel Olbrychski (le prince Jozef Antoni Poniatowski), Jacques Frantz (Joachim Murat), François Perrot (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Andrzej Seweryn (le tsar Alexandre Ier), Krzystof Luft (Friedrich Wilhelm III de Prusse), Monika Switaj (la reine Louise de Prusse), Adam Bauman (le prince Henryk Radziwill), Wiktor Skaruch (le comte Fryderyk Skarbek), Tadeusz Bradecki (Jozef Lonczynski), Jerzy Zelnik (Nicolas Chopin), Wojciech Wysocki (Fauvelet de Bourienne), Wojciech Pastuszko (gén. François-Joseph Lefebvre), Andrzej Grabaczyk (Auguste de Marmont), Kazimierz Mores (Régis de Cambacérès), Jerzy Kryszak (Joseph Fouché), Marek Kondrat (le prince Adam Czartryski), Jerzy Gudejko (Louis Constant Wairy), Artur Barcis (Czaja), Stanislaw Bielinski, Czeslaw Mroczek. En automne 1806, à peine onze ans après la disparition de la Pologne des cartes de l’Europe, royaume démembré par la Russie, l’Autriche et la Prusse. Au lendemain des victoires en Italie et à Austerlitz, la jeunesse polonaise se rallie avec enthousiasme aux côtés de Napoléon et forme la Légion polonaise, un corps d’armée qui constituera une élite au sein des troupes du Premier Empire. A Varsovie, l’Empereur s’éprend de Maria Walewska. Devant ses promesses de rétablir la Pologne, Maria cède à ses avances pressantes. En 1807, lors du traité de Tilsit, Napoléon ressuscite un État polonais sur les terres accaparées par la Prusse, le petit et éphémère Grand Duché de Varsovie, soumis au Code Napoléon. Le prince Poniatowski prend le commandement de l’armée polonaise. Le traité de Schönbrunn en 1809 attribue au duché une partie de la Galicie ayant appartenu à l’Autriche, mais Napoléon est contraint de ménager les intérêts de son allié du moment, le tsar Alexandre, qui désapprouve fortement la renaissance de son voisin. Quant à Maria Walewska, elle donne un fils à l’Empereur qui deviendra ministre d’État sous Napoléon III. Episode polonais d’une vaste coproduction télévisuelle européenne dont chaque partie entraîne le spectateur dans une région d’Europe ayant accueilli ou subi la Grande Armée ; chaque volet est réalisé par un téléaste du pays concerné. Celui-ci est signé par le cinéaste Krzysztof Zanussi, un des représentants les plus caractéristiques de la nouvelle vague polonaise, auteur d’un cinéma socio-politiquement engagé (Camouflage, 1977). Zanussi prétexte la liaison romanesque Napoléon-Walewska pour illustrer d’un regard sans complaisance les espoirs, les manœuvres, l’aveuglement, les petites lâchetés et les frustrations politiques de ses compatriotes sous le joug étranger. Et la fin des illusions en 1813, lorsque le duché est envahi par les Russes (commentaire général sur la série, cf. p. 28). |
1920/21 | ® L’Agonie des Aigles : 1. Le Roi de Rome (FR) de Dominique Bernard-Deschamps [et Julien Duvivier]. - av. SÉVERIN-MARS [= Armand-Jean de Malafayde] (Napoléon / le colonel comte de Montander), Denise Séverin-Mars (l’impératrice Marie-Louise), Maxime Desjardins (gén. Jean-Martin Petit / cdt. Doguereau), Jean Rauzéna (Napoléon II, roi de Rome), Legall (Joseph Fouché), Moreno (le prince Klemens Wenzel von Metternich). - Première version cinématographique de Les Demi-Solde (1899), un roman très populaire du « poète de l’Empire » Georges d’Esparbès (cf. chap. 15.5: "La Terreur blanche"). – Synopsis : Prisonnier à Sainte-Hélène, Napoléon se meurt. Les anciens grognards de la Grande Armée, les « demi-solde » traqués par le nouveau régime, préfèrent une existence misérable à l’allégeance aux Bourbons. Le colonel comte de Montander, vétéran de la Garde impériale, reçoit de Napoléon un message secret pour son fils en Autriche. Le colonel et deux de ses fidèles, Doguereau et Goglu, décident de se rendre à Schönbrunn, où l’Aiglon, onze ans, à présent duc de Reichstadt, est retenu prisonnier sur ordre de Metternich. Ils rencontrent clandestinement l’enfant, lui racontent « leur vérité » sur les hauts faits de son père et lui confient le but de leur mission : ramener à celui-ci une mèche de ses cheveux. Ils sont mis en fuite par la garde du château et s’embarquent peu de temps après pour Sainte-Hélène. Parvenus à destination, les officiers remettent la mèche à Napoléon agonisant, qui rend l’âme après avoir baisé les cheveux de son fils. Montander fait le serment de ne jamais abandonner le petit roi de Rome et décide d’organiser une conspiration avec des régiments qui sont dévoués à la cause impériale pour prendre d’un seul coup les places fortes de la frontière et rétablir le fils de l’Empereur sur le trône impérial. Alors qu’il tente de recruter des volontaires pour libérer le jeune roi de sa prison dorée en Autriche, Montander est dénoncé et tous les conspirateurs sont fusillés. |
1974 | (tv) Madame Sans-Gêne (FR) de Georges Folgoas (tv) et Michel Roux (th) Pierre Sabbagh/« Au Théâtre ce Soir », ORTF (2e Ch. 24.12.74), 123 min. – av. Jacqueline Maillan (Catherine Hubscher), ROGER MUNI (Napoléon), Alain Mottet (Joseph Fouché), Gérard Barray (comte Adam Albert de Neipperg), William Sabatier (François-Joseph Lefebvre), Corinne Lahaye (Caroline Bonaparte), Liliane Petrick (Élisa Bonaparte), Catherine Alcover (Mme de Vintimille), Jacques Ardouin (Anne-Jean Savary), Marcel Charvey (Michel Duroc), Claude Rio (Jean-Andoche Junot), Jean-Jacques Steen (Roustam Raza, le mamelouk), Jean-Paul Coquelin (Constant), Claude d’Yd (Saint Marsan), Nathalie Dalyan (Mme de Brignolles), Jean Degrave (Raynouard), Jean-Pierre Delage (Despréaux). Une captation en couleurs de la mise en scène de Michel Roux au Théâtre Marigny à Paris (11.5.74). Du pur boulevard, avec une Jacqueline Mailland bien en chair, un peu vulgaire, pétaradante, débordant d’énergie et d’aplomb. |
1935 | Hundert Tage [= Cent jours] (DE/IT) de Franz Wenzler Ernst Hanfstaengl/Società Anonma Consorzio « Vis » (Roma-Berlin), 2437 m./89 min. – av. WERNER KRAUSS (Napoléon), Gustav Gründgens (Joseph Fouché), Elsa Wagner (Madame Mère, Laetitia Bonaparte-Ramolino), Pino Locchi (le petit Roi de Rome), Rose Stradner (l’impératrice Marie-Louise), Kurt Junker (prince Klemens Wenzel von Metternich), Alfred Gerasch (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Ernst Legal (Louis XVIII), Eduard von Winterstein (Gebhard Leberecht von Blücher), Peter Voss (Arthur Wellesley, duc de Wellington), Fritz Genschow (Lucien Bonaparte), Fred Döderlein (comte Adam Albert von Neipperg), Carl W. Tetting (Charles-Philippe, comte d’Artois, futur Charles X), Peter Erkelenz (Marie-Joseph Motier, marquis de La Fayette), Oscar Marion (comte Georg-Wilhelm Schaumburg-Lippe), Paul Mederow (maréchal Emmanuel Grouchy), Friedrich Gnass (maréchal Michel Ney), Josef Peterhans (maréchal Jean-de-Dieu Soult), Hans Adalbert von Schlettow (maréchal Louis-Nicolas Davout), Ludwig Gerner (un officier). [Version allemande du film précédent]. – Tourné simultanément dans les mêmes lieux et les mêmes décors, ce film bénéficie toutefois d’un casting entièrement différent. C’est Werner Krauss, nazi convaincu, jadis un des géants du théâtre et du cinéma muet allemand (Le Cabinet du docteur Caligari de Wiene, Tartuffe de Murnau, La Rue sans joie de Pabst, etc.) qui incarne Napoléon, pour la seconde fois après le Napoléon à Sainte-Hélène de Lupu Pick en 1929 (cf. p. 636). Son Empereur est plus lent, plus lourd, plus sobre, mélancolique et intériorisé que celui de son collègue italien, mais aussi moins ressemblant. À ses côtés, le fascinant Gustaf Gründgens (M le Maudit) fait un Fouché particulièrement délectable, sournois et maniéré. Hormis le jeune interprète du Roi de Rome, Pino Locchi (qui finira devant les caméras de Sergio Leone), seule l’Autrichienne Rose Stradner (future Mme Joseph L. Mankiewicz) apparaît dans les deux versions, en ex-impératrice Marie-Louise. La réalisation incombe à Franz Wenzler, tâcheron opportuniste affilié au régime, responsable d’une médiocre hagiographie du martyr nazi Horst Wessel (Hans Westmar, 1933) ; il se fâchera avec les pontes du parti peu après et sera exclu de la Reichsfilmkammer en 1936 sur ordre de Goebbels. Établi à Venise, le célèbre auteur dramatique et scénariste Karl Vollmöller (Der Blaue Engel/L’Ange bleu) signe l’adaptation allemande du scénario sans en partager les idées (il choisira l’exil aux USA en 1939). Wenzler étant mentionné comme coscénariste, il y a fort à parier qu’on ait surtout fait appel aux talents de traducteur de Vollmöller (il a traduit en allemand plusieurs œuvres de Gabriele D’Annunzio, mais aussi de Gozzi, Sophocle, Eschyle et Verlaine), et placé son nom dans la vitrine pour des raisons de prestige. Le script et la mise en scène, partagés entre l’admiration pour le titan déchu et la sympathie congénitale pour Blücher, font la part belle à ce dernier. Furieux contre le Congrès (« un bordel amélioré »), le bouillant « maréchal En-Avant » interprété par le vétéran Eduard von Winterstein ne mâche pas ses mots : « Bonaparte me fait droit pitié ! Son sort dépend des sauteries d’une traînée ! À vomir. D’abord vous faites crever trois millions d’hommes pour la libération de l’Europe et pour finir, tout tourne autour des cuisses d’une pitoyable danseuse ! » Wellington est le seul du lot qu’il respecte : c’est un militaire, comme lui. L’avancée des Prussiens est ici mieux mise en valeur (après la victoire, tous entament à genoux un cantique luthérien), et à la fin, sur le plan musical, Giuseppe Becce est avantageusement remplacé par un « vrai Allemand » : Beethoven. « Pour nous, Napoléon est, comme Cromwell, un génie providentiel qui a su vaincre la plèbe révolutionnaire et la racaille parlementaire de son époque », proclame le producteur Hanfstaengl lors de la première. Cet appel cinématographique à la dictature sort pompeusement à Berlin le 22 mars 1935, six jours après la réintroduction du service militaire obligatoire dans le Reich. Un hasard ? Le film sera interdit par les Alliés en 1945. |
1974 | (tv) Schulmeister, l’espion de l’Empereur – 6. Avant les 100 Jours (FR) de Jean-Pierre Decourt Cyril Grize/ORTF-Société nouvelle Pathé-Cinéma (1re Ch. 8.4.74), 52 min. – av. Jacques Fabbri (Karl Ludwig Schulmeister), Roger Carel (Hammel), Henri Virlojeux (Joseph Fouché), Françoise Giret (Maria Walewska), William Sabatier (Anne-Jean Savary, duc de Rovigo), Andrée Boucher (Suzel Schulmeister), Howard Vernon (Sir Horace Mill), Georges Claisse (Tchernitchef), Pierre Hatet (col. Karl Justus Gruner), Claudine Collas (Adeline), Patrick Préjean (Bajou), Jean-Pierre Bouvier (Gérard de Blanzy), Raoul Billerey (le maître de poste). Synopsis : En revenant de l’île d’Elbe où il a vu Napoléon, Schulmeister est arrêté par les agents de Fouché, ex-ministre de la Police qui continue à être indispensable en raison des dossiers embarrassants qu’il détient. Fouché lui interdit toute activité, devinant que Napoléon a chargé Schulmeister de lui faire un rapport sur le climat politique et l’accueil que lui réserveraient les Français s’il rentrait au pays. L’espion lui fausse compagnie en se faisant remplacer par Hammel, son bras droit, et revoit Savary, duc de Rovigo. Celui-ci craint que Metternich ne prépare un coup fumeux : le duc de Reichstadt, fils de Napoléon, 3 ans, serait nommé empereur et Fouché régent, avec la caution de l’impératrice Marie-Louise ainsi que l’approbation et le contrôle de l’armée autrichienne stationnée en France. Traumatisé par la campagne de Russie, Schulmeister reste dubitatif quant aux chances de Napoléon si d’aventure il revenait (« à sa seule vue, les estropiés de la Bérézina jetteraient leurs béquilles et retrouveraient leurs jambes ? »). Son intuition lui dit que quelque chose de très grave se prépare. Il rend visite à Maria Walewska, qui revient également d’une visite sur l’île d’Elbe, où elle a persuadé Napoléon que la France l’attendait. Schulmeister découvre que la Polonaise a été dupée par ses ennemis, les espions Sir Horace Mills de Londres, Tchernitchef de Moscou et Gruner de Berlin : ils l’ont manipulée pour qu’elle encourage l’Empereur à revenir afin de mieux l’anéantir. « Les services secrets alliés se sont mis à votre école », dit Fouché, sombre, à Schulmeister, « et c’est nous qui sommes tombés dans le piège. Le piège est en train de se refermer, j’ai bien peur que ce soit le commencement de la fin ... » Un messager annonce le débarquement de Napoléon à Golfe-Juan. Le rôle des services secrets alliés mis à part, cet épisode de la deuxième saison des aventures de Schulmeister (la première date de 1971, cf. p. 155), tourné en couleurs, est partiellement authentique ; le maître-espion de Napoléon fit effectivement, comme Maria Walewska et son fils (septembre 1814), un séjour sur l’île d’Elbe et fut chargé de préparer le terrain en France en vue d’un éventuel retour. Un scénario plus ingénieux que d’habitude. |
1974 | (tv) Schulmeister, l’espion de l’Empereur – 13. Après les Cent Jours (FR) de Jean-Pierre Decourt Cyril Grize/ORTF-Société nouvelle Pathé-Cinéma (1re Ch. 15.4.74), 52 min. – av. Jacques Fabbri (Karl Ludwig Schulmeister), Henri Virlojeux (Joseph Fouché), Roger Carel (Hammel), Andrée Boucher (Suzel Schulmeister), Alfred Adam (gén. Pierre Cambonne), Howard Vernon (Sir Horace Mill), Georges Claisse (Tchernitchef), Pierre Hatet (col. Karl Justus Gruner), Claudine Collas (Adeline), Jacqueline Jefford (Mary Osburn), Patrick Préjean (Bajou), Raoul Billerey (Maréchal), Guy Fox (Klaus), Rico Lopez (Tulipe), Guy Delorme (le commandant). Synopsis : L’Empereur est en route pour Sainte-Hélène, mais il reste en France une « bombe vivante » : Schulmeister, l’espion de Napoléon pendant quinze ans, dépositaire de tous les secrets du Premier Empire. Les vainqueurs à Waterloo sont déterminés à récupérer ou faire disparaître ce témoin embarrassant, chacun à sa manière. Celle de Tchernitcheff est radicale : l’espion du tsar Alexandre envoie ses cosaques au château de Schulmeister à Boissy-Saint-Léger pour tout y détruire. Hammel, bras droit de Schulmeister, sauve son épouse Adeline et Suzel de justesse. Fouché, à présent ministre de Louis XVIII, les fait suivre, espérant, grâce à eux, retrouver Schulmeister qui, caché chez le général Cambronne (dans son domaine de la Treille à Nantes), attend les siens pour s’embarquer pour l’Amérique à bord d’une frégate de Jean Lafitte, le fameux corsaire ; mais Sir Horace Mill fait intercepter le navire et le colonel prussien Gruner tend une embuscade à l’ex-commissaire impérial. Blessé, Schulmeister réussit à s’enfuir et c’est en compagnie de membres de l’ancien commando d’Ulm qu’il retrouve Suzel, Hammel et Adeline. Une troupe de saltimbanques l’aide à disparaître au nez et à la barbe des services secrets de toutes les puissances coalisées (séries Schulmeister, cf. p. 155). |
1927 | Lützows wilde verwegene Jagd. Das Heldenschicksal Theodor Körners und seine letzte Liebe [= La chasse sauvage de Lützow. Le destin héroïque de Theodor Körner et son dernier amour] (DE) de Richard Oswald R. Oswald-Filmproduktion GmbH Berlin, 7 actes/2960 m. – av. Ernst Rückert (Theodor Körner), Arthur Wellin (major baron Adolf von Lützow), Mary Kid (l’actrice Antonie/Toni Adamberger), PAUL BILDT (Napoléon), Wera Engels (Eleonore Prochaska), Gerd Briese (comte von Seydlitz), Siegfried Arno (François I er d’Autriche), Leopold von Lederbur (Johann Wolfgang von Goethe), Albert Steinrück (Ludwig van Beethoven), Friedrich Kühne (prince de Metternich), Harry Nestor (Friedrich Wilhelm III de Prusse), Robert Hartberg (l’archiduc Charles d’Autriche), Carl Zickner (Joseph Fouché), Eduard von Winterstein (Gebhard von Blücher), Eugen Jensen (Freiherr von Stein), Paul Marx (Karl August von Hardenberg). Synopsis : Vienne en mars 1813. Karl Theodor Körner (1791-1813), jeune poète et auteur dramatique prussien fêté de toutes parts, s’est épris de la comédienne Antonia (Toni) Adamberger, avec laquelle il se fiance. Ses drames sont acclamés au Burgtheater (dix-sept pièces, dont deux comédies en alexandrins), il écrit un livret pour un opéra de Beethoven, son style emporté et mélancolique ravit la jeunesse estudiantine. Quand Napoléon revient battu de Russie, les corps-francs prussiens se mobilisent à la demande du roi. Après un duel contre un rival en amour, Körner quitte Vienne et s’engage dans le corps des « chasseurs noirs » de Lützow à Breslau pour lesquels il compose ses chants patriotiques de liberté (dont Lützows wilde verwegene Jagd/La Chasse sauvage, titre du film, mis en musique par Carl Maria von Weber en 1814). Körner est blessé mortellement par une balle au cours d’un raid dans la forêt de Rosenow, près de Leipzig. Partie à la recherche de son fiancé, Toni le retrouve agonisant et décède à ses côtés. Le scénario de Max Jungk (qui mobilise à l’écran Goethe, Beethoven, Metternich, Fouché et Napoléon lui-même) enjolive la fin du soldat-poète, qui serait mort le 26 août 1813 lors de l’attaque d’un transport français (selon d’autres sources, il aurait été victime d’un accident). Quant à la comédienne viennoise Antonia Adamberger, sa fiancée – pour laquelle il écrivit une pièce intitulée Toni –, elle lui survécut de 54 ans ... (elle épousa un archéologue et lui donna un fils). à l’opposé des « prusseries cinématographiques » ultérieures, le film de Richard Oswald (homme de gauche juif qui s’exilera à Hollywood) ne donne pas dans le panégyrique revanchard, belliciste et nationaliste, mais opte pour la légende romantique. Tournage aux Maxim-Ateliers à Berlin. – AT : Die Todeshusaren. |
1974 | *(tv) Napoleon and Love – 7. Maria-Luisa – 8. Louise – 9. The End of Love (GB) de Derek Bennett (7), Jonathan Alwyn (8) et Reginald Collin (9) Reginald Collin/Thames Colour Television Production (ITV 16.+23.+30.4.74), 3 x 60 min. – av. IAN HOLM (Napoléon), Lewis Fiander (Klemens Wenzel von Metternich), Susan Wooldridge (Marie-Louise d’Autriche), Adam Harvey (le Roi de Rome), Clifford Rose (François Ier d'Autriche), Billie Whitelaw (Joséphine de Beauharnais), Peter Bowles (Joachim Murat), Janina Faye (Caroline Bonaparte), Sorcha Cusac (Hortense de Beauharnais), Tim Curry (Eugène de Beauharnais), Peter Jeffrey (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), John Franklyn-Robbins (Joseph Fouché), Peter Blythe (Michel Duroc), Ronald Hines (Louis-Alexandre Berthier), Gary Waldhorn (Armand de Caulaincourt), Geoffrey Bayldon (le prince Friedrich von Mecklenbourg-Strelitz), Catherine Schell (Maria Walewska), John Welsh (Jean-Nicolas Corvisart), Veronica Lang (Claire de Rémusat), John White (Louis Constant Wairy), Crispin Gillbart (Louis-François Lejeune), Robert Sansom (Dr. Antoine Dubois), Frieda Knorr (Mme de Montesquiou-Fezensac, gouvernante), Antony Webb (Karl Robert von Nesselrode), Jonathan Newth (le tsar Alexandre Ier). Dans les trois derniers épisodes de la télésérie britannique sur les amours de Napoléon (pour l’analyse globale, cf. p. 25), Marie-Louise tient naturellement le haut du panier, interprétée avec une fine touche d’humour par Susan Wooldridge ; l’actrice, qui en est à son premier engagement (à 22 ans), fera presque toute sa carrière au petit écran, ne tenant que quelques menus rôles au cinéma, par ex. dans Hope and Glory de John Boorman (1987), Tamara Drewe de Stephen Frears (2010) ou The Lady de Luc Besson (2011). Sa Marie-Louise, d’une joliesse sans éclat, est une jeune pimbèche naïve, docile et vertueuse (on lui a ordonné d’obéir en toutes choses, aime-t-elle à répéter), timide en public et dotée d’un léger accent germanique. Les épisodes 8 et 9 détaillent des situations et des échanges jamais illustrés à l’écran, ni avant ni après, ce qui en fait le relatif intérêt. Suite aux réponses évasives du tsar concernant ses deux sœurs, Napoléon a jeté son dévolu sur la jeune archiduchesse habsbourgeoise (épis. 7). Il se la fait décrire, galope à sa rencontre (fin mars 1810), la trouve « mille fois plus belle » que son portrait et l’embrasse sans plus de formalités dans son carrosse. Elle a faim, elle a froid, elle renifle, se jette sur son assiette à Compiègne, éternue ; qu’importe, l’Empereur la culbute sans plus attendre. Le lendemain, il confie joyeusement à Duroc : « Vous auriez dû épouser une Autrichienne, ce sont les meilleures femmes au monde ! » Un commentaire authentique, comme les détails suivants que relève ironiquement le film : habituée à l’austérité des palais autrichiens, Marie-Louise ne supporte pas les feux de cheminée (« c’est mauvais pour la santé ! ») organisés par son époux perpétuellement frileux mais exige de laisser des bougies allumées, tandis que ce dernier grelotte la nuit en raison des fenêtres ouvertes chez sa femme et ne supporte pas de lumière quand il dort, d’où, très vite, des chambres séparées. Hypochondriaque, sexuellement plutôt alerte et possessive, Marie-Louise réclame tous les soirs son époux au lit ; Napoléon prend la fuite et se réfugie dans son cabinet, préoccupé par la guerre en Espagne ! L’accouchement du Roi de Rome est difficile, Marie-Louise crie à tort et à travers, son époux ordonne de sauver la mère et non l’enfant si la situation l’exigeait. Après la naissance, il charge en secret la gouvernante, Mme Montesquiou, de montrer le nourrisson à Joséphine (que Marie-Louise, jalouse, refuse obstinément de rencontrer). Il chantonne gaiement « Malbrough s’en va-t-en guerre » à l’idée de partir en Russie (détail authentique) : « Quand je reviendrai dans deux mois, notre fils n’aura qu’à tendre le bras, et le monde sera à lui ... » (épis. 8). En 1814, les coalisés marchent sur Paris et Marie-Louise, nommée régente, préside le Conseil. Talleyrand estime qu’elle doit rester dans la capitale pour sauver la dynastie et l’Empire, mais Joseph Bonaparte rappelle que son frère a donné des instructions strictes pour la mettre hors de portée de l’ennemi avec son fils. « Marie-Louise ne suit que celui qui lui donne des ordres », marmonne Talleyrand. L’impératrice est donc obéissante – et Napoléon ne la reverra plus. Elle lui écrit de Rambouillet, où elle séjourne auprès de son père, mais l’Empereur déchu rechigne à croiser son beau-père victorieux et lui dit d’attendre. Il ne lui ordonne pas de le rejoindre à Elbe, puisqu’elle devrait s’établir en Toscane, tout près, si son père l’y autorise. Mais François I er, sourd à ses supplications comme à sa révolte et ses larmes, reste inflexible (« ton mari était un fou insatiable ») et lui interdit dorénavant toute correspondance avec ce parvenu exilé (épis. 9). |
1990 | *(tv) Napoléon et l’Europe – 6. La Reddition (FR/DE/PT/ES/PL/BE/CA) de Francis Megahy Télécip-La Sept-France 3-Filmów Telewizyjnych Poltel-Zespol Filmowy « Tor »-3SAT-TVE-RTP (La Sept 9.11.90 / FR3 15.2.91), 52 min. – av. JEAN-FRANÇOIS STÉVENIN (Napoléon), Alain MacMoy (Emmanuel de Las Cases), Philippe Bouclet (Armand de Caulaincourt), James Faulkner (cpt. Frederick Lewis Maitland), Bruno Madinier (Lucien Bonaparte), Jacek Domanski (Joseph Bonaparte), Jerzy Kryszak (Joseph Fouché), Eugeniusz Priwieziencew (gén. Anne-Jean Savary), Liliana Komorowska (Hortense de Beauharnais), Ewa Wisniewska (Fanny Bertrand), Krzysztof Kalczynski (gén. Henri Gatien Bertrand), Leon Niemczyk (amiral George Elphinstone, Lord Keith), Jacek Borkowski (ltn. gén. Sir Henry Bunbury), Andrzej Chichlowski (Le Boucholeur), Krzysztof Stroinski (comte Antoine Marie Chamans de Lavalette), Kazimierz Meres (Régis de Cambacérès), Wlodzimierz Sar (Martin), Michal Aniol (comte Charles-Tristan de Montholon). Synopsis : Le 21 juin 1815, Napoléon revient épuisé de Waterloo, talonné par les Anglais et les Prussiens, tandis que les Autrichiens et les Russes s’approchent des frontières. Caulaincourt, son Grand écuyer, et le comte Lavalette lui font part de l’agitation de ses opposants à la Chambre des députés (dirigés par Fouché), qui exigent son abdication. Ses frères Lucien et Joseph lui suggèrent de dissoudre la Chambre. En un premier temps, l’Empereur expose en conseil des ministres un plan de résistance visant à fortifier Paris contre l’avance des Russes et des Autrichiens. Puis, réalisant que si le peuple le soutient, la bourgeoisie en revanche l’abandonne, Napoléon décide d’abdiquer pour éviter une guerre civile. Fouché lui conseille de fuir vers les États-Unis à bord d’un bâtiment militaire français ancré à Rochefort, un piège. Sur place (3 juillet), il attend en vain les sauf-conduits que Fouché lui a promis, car celui-ci compte en fait le livrer aux royalistes. Las Cases et Savary sont envoyés sur une frégate anglaise croisant au large de Royan pour négocier la fuite de Napoléon ; finalement réfugié sur l’île d’Aix, Napoléon se rend aux Anglais à la suggestion du capitaine Maitland et dans l’espoir de trouver un asile paisible en Grande-Bretagne. Mais le gouvernement britannique en a décidé autrement : fin juillet, Lord Keith, du Ministère de la guerre, l’informe qu’il sera assigné à Sainte-Hélène. Comprenant qu’il est piégé, Napoléon proteste, évoque le suicide, puis, résigné, fait part à Las Cases de son projet d’écrire ses Mémoires. Celui-ci donnera forme au Mémorial de Sainte-Hélène, qui paraîtra après la mort de l’Empereur, en 1823, et deviendra le bréviaire des écrivains romantiques et de tous les bonapartistes du XIXe siècle. – Dernier épisode d’une série européenne extrêmement instructive, multipliant avec une indéniable application les éclairages sur le phénomène napoléonien tel qu’il fut perçu à travers le continent et abordant les événements pas ou rarement traités à l’écran (cf. p. 28). |
1925 | [**] Madame Sans-Gêne (US/FR) de Léonce Perret Famous Players-Lasky Corporation-Les Films Osso (Paramount), 3046 m./100 min. – av. Gloria Swanson (Catherine Hubscher), JEAN LORETTE / éMILE DRAIN (Bonaparte / Napoléon), Charles de Rochefort (François-Joseph Lefebvre), Warwick Ward (comte Adam Albert de Neipperg), Guy Favières (Joseph Fouché), Renée Heribelle (Élisa Bonaparte), Suzanne Bianchetti (Marie-Louise), Arlette Marchal (Caroline Bonaparte), Suzanne Talba (Joséphine de Beauharnais), M. Vicherat (Marie-Antoinette), Raoul Paoli (Roustam Raza, le mamelouk), Georges de la Noé (Jean-de-Dieu Soult), Villiers (Jean-Baptiste Bernadotte), Louis Sance (Louis XVI), Jean Garat (Jean-Andoche Junot), Louis Vonelly (Michel Ney), Jacquinet (Louis-Alexandre Berthier), Charles Leclerc (Michel Duroc), Jean de Sauvejunte (Jean Lannes), Frédéric Zuifel (André Masséna), Alberti (François Étienne Kellermann), Lebreton (Louis-Nicolas Davout), José Roland (Maximilien de Robespierre), Madeleine Guitty (La Roussotte), Georgette Sorelle (Mme de Rovigo). La version étrangère sans doute la plus intéressante de l’inusable pièce de Sardou-Moreau est un film perdu. Il a été réalisé en France avec des capitaux américains – 19 millions de francs d’époque, ou 700 000 $, provenant de la Famous Players-Lasky Corporation (Paramount) – et, en tête d’affiche, Gloria Swanson, alors la plus grande star d’Hollywood en dehors de Mary Pickford. Réputée pour son exubérance et son tempérament volcanique, ambassadrice de charme des États-Unis, Miss Swanson reçoit du gouvernement français l’autorisation exceptionnelle de tourner à l’intérieur et dans les jardins des châteaux de Malmaison, de Fontainebleau (où cinq mille figurants animent les fêtes impériales de 1811) et de Compiègne (dans la propre bibliothèque de l’Empereur, avec toutes les reliques de l’époque) ; émile Drain, de la Comédie-Française, lui donne la réplique en Napoléon, rôle qu’il a tenu onze fois à l’écran depuis 1912. Les comédiens sont français (réunis par Paramount France), les techniciens en majorité américains ; Herbert Brenon est envisagé comme metteur en scène, mais c’est Léonce Perret, qui a travaillé plusieurs années à New York et réalisé là-bas plus de vingt films, qui est retenu par les patrons de la Paramount (Adolph Zukor et Jesse L. Lasky) pour diriger cette collaboration vastement médiatisée entre les finances américaines et les trésors artistiques de la France. Dans sa jeunesse, Perret avait d’ailleurs joué dans la pièce aux côtés de Réjane au Théâtre du Vaudeville à Paris. Il ne se contente pas de la trame connue, mais rajoute à la fable de la petite lavandière anoblie par Napoléon des scènes avec Marie-Antoinette et d’autres illustrant la campagne militaire dans les Vosges (on compte 75 rôles). Le carrefour Saint-Honoré et les abords des Tuileries sont échafaudés au studio des Réservoirs à Joinville. Pour le carnet mondain, Gloria Swanson épouse à Paris le marquis Henri de la Falaise qui lui a servi d’interprète sur le tournage. Madame Sans-Gêne sort en deux versions, l’une pour New York rédigée par Forrest Halsey, l’autre pour Paris signée Perret (qui supervise le montage des deux). Un film de 2h30 dont on ne peut que rêver à partir des photos subsistantes : il s’agit, du point de vue visuel, probablement de la plus aboutie des adaptations de la pièce (même Erich von Stroheim aurait exprimé son admiration), qui obtient le Grand Prix de la mise en scène à l’Exposition internationale des Arts décoratifs. « Voilà qui servira notre propagande historique et touristique, montrera toute l’épopée impériale et fera deux fois aimer la France héroïque et généreuse et terre des monuments d’art » jubile Cinéopse (1.1.1926). Douche froide, hélas : Perret a prévu un autre épisode de la saga napoléonienne, « L’Aiglon » d’après Rostand, mais les Américains y renoncent, découragés, s’excusent-ils, par la dépense, les complications techniques et les tracasseries administratives auxquelles ils se seraient heurtés sur les divers sites patrimoniaux. Les artifices d’Hollywood coûtent moins cher. – Nota bene : le 14.12.1936 sur CBS (Hollywood), Cecil B. DeMille met en ondes une adaptation radiophonique de la pièce interprétée par Jean Harlow et Robert Taylor (« Lux Radio Theatre », 60 min.). – IT, ES : Madame Sans-Gene. |
1941 | **Madame Sans-Gêne (FR) de Roger Richebé Les Films Roger Richebé, 102 min. – av. Arletty (Catherine Hubscher), MAX MÉGY / ALBERT DIEUDONNÉ (Bonaparte/Napoléon), Aimé Clariond (Joseph Fouché), Henri Nassiet (François-Joseph Lefebvre), Maurice Escande (comte Adam Albert de Neipperg), Alain Cuny (Roustam Raza, le mamelouk), Jeanne Reinhardt (Caroline Bonaparte), Madeleine Silvain (Élisa Bonaparte), Geneviève Auger (Marie-Louise), Paul Amiot (Maximilien de Robespierre), Hubert de Malet (Jean-Andoche Junot), Mona Dol (Mme de Bülow), André Carnège (Anne-Jean Savary), Léon Walther (Jean-Étienne Despréaux), Robert Vattier (Jasmin), Tony Murcie (Michel Duroc), Robert Méral (Saint Marsan), Odette Talazac (Nanette), Ror Volmar (la chanteuse). Assez fidèle à l'œuvre théâtrale, simplement aérée par de beaux décors et regaillardie par Jean Aurenche et Pierre Lestringuez (dialogues), cette version marque la rentrée cinématographique d'Arletty au lendemain de l’invasion allemande (seule une tirade de Robespierre à propos d’insurrection et de l’élimination d’un tyran est écartée par la nouvelle censure, la Filmprüfstelle). Le film, un des trois premiers produits sous l’Occupation, marque également le retour à l’écran du scénariste et comédien occasionnel Albert Dieudonné, le fascinant Napoléon muet d’Abel Gance en 1927. Il prêtait ses traits au général ; quatorze ans plus tard, le voici empereur, ce qui pourrait être – en les déridant – une manière de rappeler aux Français humiliés leur gloire passée (comme le fera Sacha Guitry l’année suivante avec Le Destin fabuleux de Désirée Clary). Mais Madame Sans-Gêne est d’abord un film d’Arletty, dans un de ses meilleurs rôles (les œuvres de Carné mises à part), étincelante, racée, l’œil allumé, gouailleuse mais sans vulgarité aucune, avec de l’esprit, de l’abattage et du bon sens à revendre. Sa Catherine Hübscher – la plus crédible de toutes – n’est ni populacière ni ordinaire, c’est une femme du peuple qui a de l’esprit, mais qui sait se tenir, sans chichis, et ne se laisse pas abîmer par la tartuferie des « bonnes manières ». Jean Cocteau applaudit une maréchale-lavandière effrontée telle que la voyait Sardou. Un magnifique numéro d’actrice (la leçon de maintien est un morceau d’anthologie), l’accent parigot en plus (à défaut de l’alsacien), qui compense largement quelques raideurs dans la mise en scène et les traits hélas bien défraîchis de Dieudonné. Il faut entendre Arletty répondre à élisa Bonaparte, qui, nez pincé, fait allusion à son passé : « (En ce temps-là j’étais) blanchisseuse, oui, princesse, et je ne m’en cache pas ! Si je parle le jargon du peuple, c’est que j’en suis, du peuple, et en belle compagnie ! Avec Masséna qui était marchand d’huile, Bessières perruquier, Ney tonnelier, Lannes teinturier et le brave Murat, valet chez son père aubergiste ! » Aimé Clairiond fait un Fouché remarquable et, curiosité, Alain Cuny une brève apparition en Roustam. Producteur, distributeur et exploitant (il fut un des premiers en France à équiper ses salles en matériel sonore), Roger Richebé a débuté dans la réalisation en 1933 avec le drame napoléonien L’Agonie des Aigles (cf. p. 658) et on retrouvera le nom de cet honnête technicien au générique de l’Austerlitz de Gance en 1960 ; on ne peut que regretter que son savoir-faire ne parvienne pas à gommer une certaine théâtralité de son film, qui colle trop au texte de la pièce. La musique de Vincent Scotto reprend des airs de l’opéra d’Umberto Giordano (1915). Initialement envisagé en couleurs pour mieux mettre en valeur la richesse des décors et des costumes (mais les temps sont à l’économie), le film est tourné en juin-juillet 1941 dans les studios de Saint-Maurice. Pour les extérieurs, Richebé demande à Arletty d’intervenir auprès d’un colonel de la Luftwaffe, Hans Jürgen Serring, afin d’obtenir l’autorisation de filmer dans le château de Grosbois à Boissy-Saint-Léger (Val-de-Marne), ledit château (ancienne propriété du maréchal Berthier) abritant le quartier général de l’aviation allemande. Elle obtient un feu vert ... chèrement payé. L’actrice, qui n’a jamais travaillé pour la Continental allemande à Paris ni « serré la main à Goebbels » à Berlin à l’instar de tant d’autres vedettes françaises, tombe amoureuse du bel officier (type Conrad Veidt, selon elle) et ne dissimule pas sa liaison, ce qui va lui valoir de sérieux ennuis à la Libération – 120 jours de prison et 3 ans d’interdiction de travail – et briser sa carrière. Arrêtée par les FFI et incarcérée à Drancy, elle devient le symbole de la collaboration « horizontale » (« après avoir été la femme la plus invitée de Paris, je suis la femme la plus évitée », dit-elle). Dénuée d’hypocrisie, elle tiendra tête à la meute des « justiciers de la dernière heure », à ces préfets bigots de la Commission d’épuration des industries du spectacle, en septembre 1944, avec un sens de la repartie (« Comment allez-vous ? » – « Pas très résistante ») et une superbe (« mon cœur est français, mais mon c ... est international ») qui ne sont pas indignes des sorties mémorables de Catherine Hubscher. |
2001/02 | (tv) Madame Sans-Gêne (FR) de Philippe de Broca Jean Nainchrik/TF1-Septembre Productions-JLA Productions (TF1 11.2.02), 100 min. – av. Mathilde Seigner (Catherine Hubscher), BRUNO SOLO (Napoléon), Bruno Slagmulder (François-Joseph Lefebvre), Danièle Lebrun (Madame Mère, Laetitia Bonaparte-Ramolino), Clément Sibony (col. comte Adam Albert de Neipperg), Philippe Volter (Joseph Fouché), Julie Delarme (Marie-Louise), Gwendoline Hamon (Caroline Bonaparte), Alexandra Mercouroff (Pauline Bonaparte), Laurent Zimmermann (Roustam Raza, le mamelouk). Auteur des deux meilleurs films de cape et d’épée du cinéma français (Cartouche en 1961 et Le Bossu en 1997), de marivaudages légers (L’Amant de cinq jours) et de quelques tourbillonnantes comédies d’aventures (L’Homme de Rio), Philippe de Broca délivre à deux ans de sa mort une besogne particulièrement paresseuse, indigne de son talent, avec cette réécriture saugrenue de la pièce de Sardou-Moreau commise par Edouard Molinaro, Jean-Louis Benoit et Pierre Fabre. Sous leur plume, le vaudeville devient une farce grotesque, tournée en partie au château de Champs-sur-Marne (Île-de-France). Mathilde Seigner, belle-sœur de Roman Polanski et petite-fille de Louis Seigner, fait l’ex-lingère du lieutenant Bonaparte, pipe au bec, garce provocante et plébéienne. Pas de révolution ici : le récit commence à la bataille de Wagram en juillet 1809 et se termine à la veille de la campagne de Russie au printemps 1812. L’introduction donne le ton. En observant la fin d’une bataille à travers sa lorgnette, Napoléon raisonne en voix off : « Ce soir là, j’avais écrasé l’Autriche une fois de plus, l’Europe était sous ma botte, et pourtant, quelques années plus tard, mon empire s’est effondré comme un château de cartes. On a dit que c’était à cause de ma folie des grandeurs, de l’Angleterre, de l’hiver russe. Hum, foutaises, c’est à cause d’une femme que je n’ai jamais crue quand j’aurais dû le faire et que j’ai écoutée quand je ne l’aurais pas dû ! » La leçon à tirer : « Il faut se méfier des femmes, c’est évident, mais particulièrement de celles qui vous résistent ! » Quant à la maréchale en question, elle se démène en robe flambant rouge à travers le champ de bataille, au milieu de la boue et des corps ensanglantés (« Je savais que la guerre était sale, mais celle-là est vraiment salissante ! »), papote avec les cuisiniers tandis que sifflent les balles (« vous n’avez pas oublié la gnole, au moins ? »), puis s’égare dans les bois où elle est appréhendée par des Autrichiens qui s’apprêtent à la fusiller ; elle se « rend à Vienne pour y apprendre la valse », explique-t-elle en se mettant en déshabillé afin de ne pas abîmer sa robe. Surgit le comte Neipperg qui lui sauve la vie mais garde la robe, un cadeau, dit-il, pour sa maîtresse à Schönbrunn, l’archiduchesse Marie-Louise de Habsbourg. À l’incitation de la maréchale, le « Petit Tondu » (gros poupon ridicule qui boit son cognac au goulot) épouse ladite archiduchesse, mais n’invite pas Madame Sans-Gêne à la cérémonie nuptiale. Insolente, Catherine s’y rend néanmoins pour y saluer son « sauveur », Neipperg, qui, lui, flirte ouvertement avec Marie-Louise lors du bal, sous le nez de toute la cour impériale. La maréchale, qui défie l’Empereur (elle l’appelle « le tyran », « le chauve cocu », « le chef de bande », « le petit pruneau »), se fait complice des amours adultérines de Marie-Louise, dont elle devient la confidente et la meilleure amie. Pour sauver la peau de Neipperg (surpris dans la chambre à coucher de l’impératrice), elle se déshabille devant Napoléon, qui veut voir ses cicatrices de guerre sous le sein et aux cuisses, et manque de se faire violer. Munie d’une lettre de grâce, elle sauve le bel Autrichien à une seconde près de l’exécution, mais doit auparavant se dénuder devant le peloton (« merde ! ») pour retrouver la missive impériale cachée dans sa petite culotte ... Deux ans plus tard, l’ex-lingère accompagne Lefebvre, commandant de la Vieille Garde, et Napoléon pour « un long voyage » en Russie, laissant Marie-Louise enfin libre de renouer avec Neipperg. Soit, le vent de la contestation, l’esprit d’ Hara Kiri, du Canard enchaîné et des Guignols de Canal+ ont balayé l’imagerie d’Épinal ; on ne trouve plus le moindre soupçon d’admiration ou de tendresse pour Napoléon dans cette relecture franco-française du texte de Sardou-Moreau où l’entourage impérial (« des parasites ») est accusé d’avoir trahi les idéaux de la Révolution. C’est de bonne guerre. Mais ce n’est pas parce que son invraisemblable maréchale Lefebvre, sensée incarner « le Peuple », est foncièrement ordurière et agressive qu’il faut en faire un film vulgaire, un vaudeville tapageur. Où est passé le cinéaste subtil et poète de Le Roi de cœur ? Nota bene : dans le rôle de Laetitia Bonaparte, on retrouve Danièle Lebrun qui fut une inoubliable Joséphine de Beauharnais dans le téléfilm Joséphine ou La Comédie des ambitions de Robert Mazoyer (1979) (cf. p. 55). |
1953 | *Sea Devils (La Belle Espionne) (US/GB) de Raoul Walsh David E. Rose/Coronado Productions (London)-RKO Radio Pictures, 90 min. – av. Yvonne De Carlo (Drouette), Rock Hudson (Gilliatt), Bryan Forbes (Willie), Maxwell Reed (Rantaine), Jacques Brunius (Joseph Fouché), GÉRARD OURY (Napoléon), Keith Pyott (gén. Latour), Arthur Wontner (baron de Vaudrec). Synopsis : Dans les parages de Guernesey en 1804, Gilliatt et Willie, deux pêcheurs qui s’adonnent à la contrebande de cognac, sont chargés de transporter en France la jolie Drouette. Celle-ci invente une histoire romanesque pour tromper la curiosité et l’assiduité de Gilliatt. En fait, la belle a pris contact sur l’île avec Lethiery, capitaine du port, en vue d’une mission secrète pour le compte de l’Angleterre. Ses deux accompagnateurs remplacent Rantaine, un délateur, dans leur tâche de passeurs. Au château d’Avranches, dans le Cotentin, Drouette usurpe l’identité de la comtesse de Remuset afin de soutirer au général Latour, chef du service d’espionnage français, des informations sur les plans d’invasion napoléoniens et les manœuvres du nouveau commandant de la flotte franco-espagnole, l’amiral Villeneuve. Gilliatt la surprend dans cette fonction et croyant à une trahison, la kidnappe pour la ramener à Lethiery. Rantaine retourne avec elle en France où, au petit matin, Fouché, chef de la Police chargé de la sécurité de l’Empereur, tente vainement de confondre l’espionne. Napoléon est, ce même jour, l’hôte surprise du château. Sur ordre de Lethiery, et après bien des péripéties, Gilliatt et Willie sauvent Drouette des griffes de Fouché malgré la trahison de Rantaine, et le trio regagne l’Angleterre munis des précieux renseignements. Trois traversées de la Manche (pour des raisons opposées) au rythme de la brise, de la mer, et une suite de mensonges à ne plus s’y retrouver : l’audacieux contrebandier tombe d’autant plus amoureux qu’il ne parvient pas à deviner l’identité de la sirène qu’il transporte... Certes, l’intrigue est totalement farfelue, mais néanmoins jouissive grâce à l’entrain survitaminé de Raoul Walsh (qui retourne en France en été 1952 après Captain Horatio Hornblower) et de la sensuelle Yvonne De Carlo. De l’aveu même de Walsh, le film se veut une « improvisation sur le thème de la beauté » de la star à laquelle, en 1957, le cinéaste consacrera un de ses chefs-d’œuvre, Band of Angels (L’Esclave libre). Le titre de travail de ce divertissement parrainé par le milliardaire et chef de la RKO Howard Hughes, Toilers of the Sea, la présence de l’île hugolienne de Guernesey et le patronyme de Gilliatt pourraient faire croire qu’il s’agit d’une très libre adaptation du roman Les Travailleurs de la mer de Victor Hugo (ce qu’affirment aussi certains génériques), mais il n’en est évidemment rien ! A signaler, deux curiosités dans le casting : Gérard Oury, futur réalisateur des plus grands succès populaires de l’Hexagone (La Grande Vadrouille), joue Napoléon, et le surréaliste Brunius (jadis membre du groupe Octobre et assistant de Buñuel) son sinistre chef de la Police. Le tournage en flamboyant Technicolor s’effectue sur les îles anglo-normandes de Guernesey et Jersey, à Concarneau (Finistère), au château de Leeds (Kent) et aux studios de Nettlefold (Walton-on-Thames). – Nota bene : le général Jean-Baptiste Espert de Latour et le sénateur Charles César de Latour-Maubourg ont bien servi sous l’Empire, mais pas dans l’espionnage. – DE : Im Schatten des Korsen, IT : Gli sparvieri dello stretto, ES : Los gavilanes del estrecho, BE : Les Démons de la mer. |
1958 | (tv) Le Mystérieux Enlèvement du sénateur Clément de Ris (FR) de Stellio Lorenzi Série « La Caméra explore le temps » (S. Lorenzi, André Castelot, Alain Decaux), Radio-Télévision Française (RTF) (1re Ch. 25.2.58), 79 min. – av. Lucien Nat (Clément de Ris), Blanchette Brunoy (Catherine de Ris), William Sabatier (Anne-Jean Savary), Renaud Mary (Joseph Fouché), Georges Riquier (le préfet), André Valmy (cpt. Filliau), Jean Dalmain (docteur Petit), Léonce Corne, Jean-Jacques Steen, Georges Atlas, Hélène Perdrière, Xavier Renoult (narrateur). (Introduction d’André Castelot :) « Nous sommes dix mois et demi après que Bonaparte a pris le pouvoir après son coup d’État du 18-Brumaire et quatre mois après la victoire de Marengo. Bonaparte essaie de mettre de l’ordre dans la maison, mais à Paris, selon le mot de Fouché, ‘ il pleut des poignards’ , tandis qu’en Vendée, la pacification reste très incomplète. La région est infestée de brigands, d’anciens Chouans désœuvrés après le pardon que leur a accordé le Consulat, et regardent avec beaucoup d’envie et même de haine les enrichis du nouveau régime, les nantis qui se sont installés dans leurs châteaux et sur leur terre ... » En septembre 1800, alors qu’il séjourne avec son épouse dans son château de Beauvais en Touraine, le sénateur Dominique Clément de Ris (1750-1827) est enlevé en plein jour par six inconnus qui l’enferment dans un souterrain non loin de Loches. Dix-neuf jours plus tard, d’autres inconnus le libèrent sans explications. Suivie d’un simulacre de procès, cette mystérieuse disparition – qui va donner lieu à tant de conjectures et de fables et qui pourrait avoir eu le vol pour mobile – ne sera jamais vraiment élucidée. Selon des historiens, elle semble avoir été montée de toutes pièces par Fouché afin de récupérer des documents compromettants en cambriolant le château. Fouché, Clément de Ris et Talleyrand auraient planifié l’élimination de Bonaparte si ce dernier avait été défait à Marengo. Fouché fait condamner à mort trois des auteurs présumés malgré des alibis incontestables : Auguste de Canchy, ennemi personnel du ministre de la Police et ancien Chouan, son beau-frère Mauduison et Gaudin, autre Chouan, guillotinés à Angers après un jugement rapide et totalement inique le 23 novembre 1801. Le principal témoin, Clément de Ris, refuse de comparaître : opportuniste, il s’arrange avec tous les régimes. M me Lacroix, dans le château de laquelle la détention a eu lieu, fera plusieurs années de prison. Un des trois juges qui s’est opposé à la condamnation des accusés sera dégradé et persécuté pour le reste de sa vie. Honoré de Balzac reprendra ce sinistre fait divers dans son roman Une ténébreuse affaire (1841), adapté à la télévision en 1975 par Alain Boudet (cf. p. 123). Une enquête passionnante du team de « La Caméra explore le temps » tournée aux studios des Buttes-Chaumont. Au public de désigner les coupables. – Titre alternatif : La Mystérieuse Disparition du sénateur Clément de Ris. |
1961 | Madame Sans-Gêne (FR/IT/ES) de Christian-Jaque Carlo Ponti, Michel Safra, Serge Silberman, Elie Schluper/Ciné Alliance (Paris)-GESI Cinematografica (Roma)-C. C. Champion (Roma)-Agata Films (Madrid), 97 min. – av. Sophia Loren (Catherine Hubscher), Robert Hossein (François-Joseph Lefebvre), JULIEN BERTHEAU (Napoléon), Marina Berti (Élisa Bonaparte), Amalia Gade (Caroline Bonaparte), Laura Valenzuela (Pauline Borghèse), Renaud Mary (Joseph Fouché), Carlo Giuffre (Jérôme Bonaparte), Tomás Blanco (gén. Pierre Augereau), Gabriella Pallotta (Héloïse), Célina Cely (Ziguette). Une version cosmopolite (en Technicolor-Technirama 70 mm) de la comédie de Sardou et Moreau dont on mesure le « sérieux » quand on apprend que ses instigateurs ont initialement envisagé Peter Sellers (Napoléon) et Gina Lollobrigida (sa lavandière) au casting ! Le film est finalement produit à l’insistance de Sophia Loren (Mme Carlo Ponti), qui parle parfaitement le français, mais avec un léger accent, ce qui, dit-elle, était aussi le cas de l’Alsacienne Catherine Hübscher, de surcroît issue du petit peuple comme elle. Récemment auréolée d’un Oscar pour La ciociara (1960) de Vittorio De Sica et venant d’interpréter Chimène dans El Cid d’Anthony Mann en Espagne, Sophia Loren obtient un script fabriqué sur mesure. Pas un mètre de film est tourné en France : le château royal de Caserta, résidence des Bourbons à Naples, devient les Tuileries, et, envahie par plusieurs milliers de figurants, l’Andalousie se métamorphose en Italie du Nord. Pour les intérieurs, Carlo Ponti et son épouse inaugurent leur nouveau studio Cosmopolitan à Tirrenia (près de Pise), en août-septembre 1961, tandis que des prises de vues supplémentaires ont lieu aux ateliers de la Sevilla-Films à Madrid. L’intrigue a été passablement remaniée par Henri Jeanson (qui signe les nouveaux dialogues), Jean Ferry, Ennio De Concini, Franco Solinas (et Christian-Jaque). Ainsi, les personnages de Marie-Louise, de son soupirant secret Neipperg et du chef de la police Savary sont carrément supprimés. La prise des Tuileries est montrée indirectement, jolie idée, par des tués et le ricochet des balles dans les ruelles avoisinantes, mais l’ensemble dérape dans le burlesque lorsque le canon installé par Lefebvre et ses sans-culottes dans la cour de la lingerie explose au premier coup, malgré les conseils d’artilleur de ce « pauv’ type » de Buonaparte. Pour compenser l’élimination des intrigues autour de Neipperg à la cour impériale à Compiègne, la production a introduit un épisode apocryphe de 24 minutes situé durant la première campagne d’Italie, en 1797. Lasse d’attendre pendant quatre ans son mari mobilisé au front et déterminée à l’y surprendre, Catherine s’est engagée comme vivandière dans l’armée d’Italie que commande Bonaparte, promu entre-temps général. (En réalité, Lefebvre, général de division en Rhénanie de 1793 à 1799, n’a jamais servi en Italie, mais, bon ... coproduction oblige !) Bousculée dans un des chariots militaires, Catherine s’emporte (« Quelle idée d’aller se battre en Italie, je vous demande un peu, elle nous a rien fait, l’Italie ! pourquoi pas la Russie, pendant qu’on y est !? »), puis, arrivée dans le bivouac de son chéri, elle attrape ce dernier en compagnie d’une fille à soldat. Scène de ménage, distribution de gifles. Les époux se chamaillent dans les sous-bois et finissent enlacés dans une meule de foin où les Autrichiens les capturent. Condamnés à mort pour espionnage, ils sont enfermés dans un moulin au centre d’un puissant dispositif d’artillerie qui est censé prendre Bonaparte par surprise. Ils s’évadent suspendus à une aile de moulin, assomment les officiers ennemis et mettent le feu aux poudres, provoquant une déroute générale. Bonaparte survient et nomme le capitaine Lefebvre colonel. Christian-Jaque refait Fanfan-la-Tulipe, mais l’épisode, turbulent, pyrotechnique et en fin de compte superflu, tombe à plat. Le réalisateur se rattrape quelque peu dans le dernier tiers, dans la scène d’anthologie lorsque Catherine affronte Napoléon, refusant et le divorce avec Lefebvre et le trône de Westphalie qu’il destine à son mari, sommé de se remarier avec une princesse margrave. La cicatrice du coup de baïonnette que l’ex-vivandière a reçu jadis dans la cuisse est l’argument décisif qui fait céder l’Empereur. Julien Bertheau, de la Comédie-Française, campe un Napoléon guère ressemblant, mais assez convaincant dans le ton comme dans la gestuelle (il a joué l’Empereur en 1953 dans Le Comte de Monte-Cristo, au petit écran en 1963 dans La Conspiration du général Malet et en 1967 dans Le Sacre de Napoléon) ; le Lefebvre de Robert Hossein, timoré, un peu benêt, ne manque pas de charme. Quant à Sophia Loren, certes pulpeuse et resplendissante, elle parvient à être grossière sans être vulgaire, mais sa Madame Sans-Gêne reste très improbable : avec elle, on ne quitte pas la commedia napolitana, servie par une star à la distinction naturelle. Cela dit, à défaut de pouvoir visionner la version perdue de Gloria Swanson (1925), celle de Christian-Jaque est sans conteste la plus rutilante et la plus spectaculaire de toutes. – US, GB : Madame, DE : Madame Sans Gene – Ungezähmte Catherine (tv). |
1983 | (tv) Celui qui n'avait rien fait : le duc d’Enghien (FR) de Marcelle Tassencourt (th) et Jean-Roger Cadet (tv) ORTF (TF1 24.5.83), 115 min. – av. Marie-Thérèse Arène (Joséphine de Beauharnais), DOMINIQUE ECONOMIDES (Napoléon Bonaparte), Hervé Bellon (Louis Antoine de Bourbon-Condé, duc d'Enghien), Pierre Le Rumeur (Pierre-François Réal), Pierre Lafont (Anne-Jean Savary), Claude Rio (Etienne-Léon de Lamothe), Marie Grinevald (Charlotte de Rohan-Rochefort), Nicolas Vaude (baron de Grunstein), Etienne Crosnier (Louis-Alexandre Berthier), Didier Lafaye (Régis de Cambacérès), Georges Toussaint (Joseph Fouché), Jacques Ardouin (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord). L’ombre de Cadoudal plane comme un danger permanent sur la capitale. Hanté par l’attentat et irrité par les liaisons multiples de son épouse avec les survivants de l’Ancien Régime, le Premier Consul cherche un ennemi à saisir et à condamner pour l’exemple. À quelques kilomètres de la frontière de l’Est, le duc d’Enghien, déçu du refus par l’Angleterre de ses offres de service, vit une aventure intense avec la princesse de Rohan-Rochefort. Il sera l’instrument de la démonstration. – Captation de la pièce éponyme de l’écrivain royaliste Thierry Maulnier, de l’Académie française, créée au Théâtre Montansier de Versailles en février 1983. |
1922 | Die Tochter Napoleons [La Fille de Napoléon] (DE) de Friedrich Zelnik Friedrich Zelnik/Zelnik-Mara-Film GmbH (Berlin), 6 bob./2148 m. – av. LUDWIG HARTAU (Napoléon), Lya Mara (Marion Larousse, sa fille), Else Wasa (Désirée Larousse, mère de Marion), Heinrich Peer (Joseph Fouché), Magnus Stifter (Armand Brissac), Charles Willy Kayser (Colonna), Ernst Hofmann (Armand), Kurt von Wolowski (Léon), Georg Heinrich Schnell (Bertin), Gertrud de Lalsky (Mme de Marly), Albert Patry (Charamont), Georg di Giorgetti (Granvila). Marion, fruit des amours de jeunesse de Bonaparte, parvient à empêcher un attentat contre son père, ourdi par des membres de l’état-major, et obtient en récompense la Légion d’honneur ainsi que l’homme de ses rêves. – IT : La figlia di Napoleone. |
1967 | (tv) Waterloo (CZ) de Jirí Belka Ceskoslovenská Televize (CT2 18.6.67), 99 min. – av. RUDOLF HRUSÌNSKY (Napoléon), Jiri Adamíra (Michel Ney), Otakar Brousek (Jean-de-Dieu Soult), Irena Kacirková (Pauline Borghèse-Bonaparte), Radovan Lukavsky (Joseph Fouché), Jiri Vala (Joseph Bonaparte), Josef Bláha (gén. Georges Mouton de Lobau), Karel Houska (Jean-Baptiste Drouet d’Erlon), Jiri Nemecek (gén. Honoré Charles Reille), Frantisek Smolík (le docteur Jean-Nicolas Corvisart), Zdenek Stepánek (Pierre, un grognard de la Garde), Ludek Munzar (le baron Pierre-Alexandre de Fleury Chaboulon), Miroslav Abrahám, Vladimir Cech, Gustav Nezval, Petr Patera, Karel Vavlík, Svatopluk Skládal, Vladimír Stach. Dans la nuit du 17 au 18 juin 1815. Napoléon a encore le choix de jouer à quitte ou double en livrant bataille, ou de renoncer à se battre et au pouvoir en abdiquant. Plus guerrier que philosophe, il n’écoute pas les conseils que lui prodigue son entourage ... Une dramatique pacifiste sur la corruption du pouvoir absolu, imaginée par Jirí Sotola. L’interprète de Napoléon, le vétéran Rudolf Hrusínsky (nettement plus enveloppé que l’original), est un des piliers du Théâtre national à Prague. En 1968, il sera réduit au chômage pendant de longues années pour participation active au Printemps de Prague. |
1971 | (tv) El primer amor de Desirée (ES) de Manuel Aguado Televisión Española, série « Novela » (TVE 21.6.-9.7.71), 15 x 25 min. – av. Enriqueta Carballeira (Désirée Clary), JOSÉ MARIA RODERO (Napoléon), Francisco Piquer (Jean-Baptiste Bernadotte), Elvira Quintillá (Joséphine de Beauharnais), Ana del Arco (Marie), Mónica Randall (Julie Clary), Piedro Osinaga (Joseph Bonaparte), Mercedes Barranco (Thérésa Tallien), Ricardo Lucía (Joseph Fouché), Enrique Vivo (François-Joseph Lefebvre), Pedro Sempson (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Antonio Acebal (Paul Barras), José Caride (Ferdinand), Daniel Dicenta (Étienne Clary), Juan José (Oscar Bernadotte, duc de Sudermanie bébé), Miguel Angel (Oscar enfant), José Miguel (Oscar adolescent), José Manuel Cervino (comte Magnus Brahe), Alberto Bove (col. Bredd), Mario Alex (le prince Leopold von Hessen-Homburg), José Luis Barcelo (baron von Friesendorf), Valentin Tornos (le chambellan de Charles XIII de Suède). Le premier amour de Désirée, selon la pièce inédite de Pedro Gil Paradela, filmée (vidéo) dans les studios TVE de Prado del Rey à Madrid pour l’émission quotidienne « Novela », et interprétée par l’actrice madrilène María Enriqueta Carballeira Troteaga. La télésérie débute à Marseille, narre le mariage de Désirée avec Bernadotte, la naissance en 1799 puis l’enfance de leur fils Oscar, filleul de Napoléon et futur Oscar I er, roi de Suède et de Norvège en 1844. |
1927/28 | Madame Récamier (FR) de Gaston Ravel et Tony Lekain Franco Films, 144 min. (18 i/s). – av. Marie Bell/Nelly Cormon (Juliette Récamier jeune/âgée), émilien Richaud (Jean-Baptiste Bernadotte), Jean Debucourt/Charles Le Bargy (François-René de Chateaubriand jeune/âgé), Françoise Rosay (Germaine de Staël), François Rozet (le prince Auguste de Prusse/Friedrich Wilhelm Heinrich August von Preussen), ÉMILE DRAIN (Napoléon), Ady Cresso (Joséphine de Beauharnais), Nina Ratti (Madame Mère, Laetitia Bonaparte-Ramolino), Genica Missirio (Lucien Bonaparte), Andrée Brabant (Caroline Murat-Bonaparte), Desdemona Mazza (Fortunée Hamelin), Jeanne de Balzac (Thérésa Tallien-Cabarrus), Roberte Cusey (Pauline Borghèse), Odette Piéris (élisa Bacciochi-Bonaparte), émilien Richaud (Jean-Baptiste-Jules Bernadotte), Madeleine Rodrigue (Marie-Julie Bernard), Jacques Révérend (Pierre Bernard), Edmond van Daële (Joseph Fouché), Victor Vina (Jacques Récamier), Pierre Billon (gén. Jean Andoche Junot), Jean Godard (le peintre Louis David), Guy Ferrant (comte de Montrond), Roland Six (Eugène de Beauharnais), Marc de Réval (Benjamin Constant), J. Racine (Paul de Barras), Clara Dorsay-Roche (Marceline Desbordes-Valmore), Léo Carlos (Barère), Lequesne (Paul David), Tony Lekain (un sans-culotte), Mona Goya. Synopsis : Dans son appartement à l’Abbaye-au-Bois à Paris, peu avant sa mort, en 1849, celle qui fut l’égérie de Benjamin Constant, Chateaubriand, Lamartine, Victor Hugo, immortalisée par des artistes tels que David, Gérard, Canova, etc., à présent une septuagénaire presque aveugle, revoit en pensée les étapes de sa vie, de la Révolution à la Restauration... En 1793, sous la Terreur, le riche banquier Récamier, un ami de famille, 42 ans, demande la main de Juliette Bernard, 15 ans. Sur insistance des siens, elle accepte. Récamier se conduit à son égard comme un père, non comme un mari, car il a eu naguère avec Mme Bernard, femme d’un notaire de Lyon, une liaison secrète et Juliette est sa fille naturelle. Se sachant sur les listes noires du Comité de Salut public, il veut, avant de monter à l’échafaud, léguer à la jeune fille son nom et sa fortune sans éveiller de soupçons. Mais la guillotine l’épargne. Avec le Directoire, la France renaît, une soif intense de plaisir et d’argent s’empare de tous. Juliette, coquette mais d’une élégance chaste, traverse cette période turbulente avec réserve. Femme-enfant adulée de tous, elle est pour le banquier Récamier une puissante alliée. À 19 ans, au château de Clichy, sa résidence d’été où elle attire la jeunesse dorée, Juliette sème l’amour et récolte l’amitié. Lucien Bonaparte, président du Conseil des Cinq-Cents, est à ses pieds, et même Napoléon ne se montre pas insensible. Germaine de Staël, la passionaria libérale qui ose défier le Premier Consul et groupe autour d’elle tous les membres de l’opposition, devient sa complice et sa confidente. Lorsque Bernard, son père officiel, promu administrateur des postes, est emprisonné pour accointances royalistes, Bernadotte introduit Juliette auprès du Premier Consul qui cède à ses supplications. Mais Fouché remet à Napoléon un rapport de police faisant état des discussions dans le salon de Mme de Staël, où l’on attribue au nouveau maître de la France des desseins despotiques. En 1803, Germaine de Staël est exilée. Devenu empereur, Napoléon offre à Juliette un poste de dame d’honneur de l’impératrice à la Cour. Elle refuse en souvenir du duc d’Enghien et de son amie persécutée, bravant l’Empereur lui-même au cours d’une entrevue privée. La sœur cadette de Napoléon, Caroline Murat (qui déteste Joséphine) intrigue pour s’en faire une alliée. Mais Juliette n’est plus invulnérable, et son ennemie, Madame Hamelin, complote contre elle avec Fouché. La Banque Récamier fait faillite, Napoléon refuse de la sauver. En 1807, Juliette perd sa mère qui, sur son lit de mort, lui révèle à demi-mots la vérité sur sa naissance. Désemparée et désargentée, Juliette se réfugie en Suisse, à Coppet chez son amie Germaine (été 1807), où elle est prise d’une passion violente pour le prince Auguste de Prusse, neveu du grand Frédéric, fait prisonnier à Auerstaedt mais qui jouit d’une certaine liberté. Il lui demande sa main, mais Juliette n’a pas le cœur de procéder à l’annulation de son mariage blanc avec son époux à Paris, à présent pauvre, vieilli et aigri. Elle renonce au bonheur, sombre dans la mélancolie, songe au suicide. Napoléon, qui a la rancune tenace, l’exile à quarante lieues de Paris. Elle séjourne à Lyon, à Rome, à Naples chez Caroline Murat. De retour dans la capitale à la Restauration, elle reprend ses réunions mondaines pendant vingt ans. Avec la vieillesse, seules les visites quotidiennes de son ami de toujours, Chateaubriand, lui apportent quelque réconfort. Ce dernier la demande vainement en mariage à la veille de sa mort. Mis en chantier immédiatement après la sortie du Napoléon de Gance, ce film en est à bien des égards l’absolue antithèse. L’argument est tiré du roman Madame Récamier et ses amis (1909) d’Edouard Herriot, figure de proue du mouvement radical des années vingt, député du Rhône, fervent défenseur de la laïcité, anticlérical et ministre de l’Instruction publique (il sera élu à l’Académie française en 1946) ; Juliette Récamier était déjà le sujet de sa thèse de doctorat à la Sorbonne. Gaston Ravel, le réalisateur, avait, lui aussi, travaillé en 1914 à l’écriture d’un scénario original baptisé « Autour de Madame Récamier », mais la guerre avait enterré ce projet plutôt romanesque ; l’ouvrage d’Herriot lui livre un cadre plus scrupuleux, augmenté d’un apport piquant : selon ses biographes – Herriot et, plus récemment, Catherine Decours (Juliette Récamier : L’art de la séduction, 2013) –, l'énigmatique Mme Récamier serait effectivement née des amours adultérines d'un banquier enrichi par la Révolution, Jacques Récamier, qui aurait épousé sa propre fille naturelle pour en assurer l’avenir. Filmé à grands frais dans les studios d'épinay et de la Victorine à Nice, puis sur les lieux historiques – le parc de la Folie de Saint-James, les châteaux de Versailles, Coppet (CH), Clichy et Fontainebleau (automne-hiver 1927) – , Madame Récamier reçoit, comme l'épopée de Gance, la consécration officielle d’un gala de première à l’Opéra (28 septembre 1928), accompagné d'une partition musicale originale composée par Léon Moreau, Grand prix de Rome. Tony Lekain est bombardé collaborateur technique ; Pierre Billon est assistant réalisateur et campe le général Junot. Le prestigieux Marc Bujard (J’accuse ! de Gance, Le Miracle des loups et Le Joueur d’échecs de Raymond Bernard) signe la photo. Et pourtant, le film fait un flop : trop de noms, trop de références historiques, trop de raffinement et pas assez d’action pour le grand public. Ravel et Lekain signent un bel album d’images sentimental, une suite de tableautins opulents et académiques sans recherches visuelles ni audaces de quelque sorte, aussi la critique ne peut-elle cacher sa frustration après l’expérience si exaltante du Napoléon. Le résultat est un léthargique défilé de figures de proue de la culture hexagonale, présentées dans de longs plans d’ensemble statiques. Les cinéastes se contentent de filmer les amourettes de salon d’une coquette ingénue qui éleva le flirt à la hauteur d’une institution et mourut vierge à 72 ans (ce que démentit formellement sa confidente et peut-être amante, Germaine de Staël !). Le rôle-titre est tenu par la ravissante Marie Bell, de la Comédie-Française, ici un peu affectée, maquillée et coiffée pour ressembler au fameux portrait de Gérard. La joliesse de ses traits fait qu’on a peine à se l’imaginer dirigeant l’opposition politique contre l’Empereur (à nouveau Émile Drain, excellent Napoléon mais plus assez svelte pour Bonaparte, disent les journaux) et seule Françoise Rosay, une Mme de Staël malicieuse, légèrement caricaturale, sort vraiment du lot. – IT : Madame Recamier. |
1983/84 | (tv) Marianne, une étoile pour Napoléon (FR) de Marion Sarrault Série « Les Amours romantiques », Henri Spade/Société Française de Production (S.F.P.)-Antenne 2 (A2 21.11.83-14.2.84), 60 x 13 min./30 x 26 min. – av. Corinne Touzet (Marianne d’Asselnat de Villeneuve, la cantatrice Marie Stella), Gérard Chambre (Jason Beaufort), Marthe Mercadier (Adélaïde, cousine de Marianne), Jean-François Poron (Lord Francis Cranmere), BENOÎT BRIONE (Napoléon), Philippe Clay (Black Fish), Stéphane Bouy (Joseph Fouché), Bernard Dhéran (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Nicole Maurey (Catherine de Talleyrand, princesse de Bénévent), François Brincourt (Michel Duroc), Benoît Allemane (le corsaire Robert Surcouf), Isabelle Spade (Dorothée de Périgord), Dora Doll (Fanchon Fleur de Lys), Christian Alers (Jolivat), Régine Blaess (Lady Ellis Selton), Jean-Marie Bernicat (l’abbé Gauthier de Chazay, cardinal de San Lorenzo), Emmanuel Karsen (Gracchus-Hannibal Pioche), Virginie Pradal (Fortunée Hamelin), Jacques Brucher (le prince Leopold Clary-Aldringen, attaché de l’ambassade d’Autriche), Annie Jouzier (Gwen), Philippe Murgier (Morvan, le naufrageur), Van Doude (le majordome, Parry). Synopsis : Paris sous la Terreur. Après l’arrestation et l’exécution de ses parents, accusés d’avoir tenté de sauver la reine, la marquise Marianne d’Asselnat de Villneuve, encore un bébé de quelques mois, est emmenée par son parrain, l’abbé Gauthier de Chazay, en Angleterre chez sa tante, Lady Ellis Selton, où elle connaît une enfance heureuse. Mourante, Lady Selton arrange le mariage de Marianne avec Lord Francis Cranmer, mais le soir des noces, celui-ci joue aux cartes contre l’aventurier américain Jason Beaufort et perd tout, y compris la fortune personnelle de Marianne et sa nuit de noces. Marianne abat son mari en duel et retourne en France, où règne l’homme qu’on lui a appris à haïr jour après jour, en contournant le blocus grâce au contrebandier Black Fish. Après un naufrage sur les côtes bretonnes, où Marianne s’est fait passer pour un agent royaliste, elle gagne Paris. Jean Le Dru, un amant de passage et ex-second du corsaire Surcouf, la livre à Fouché. Surcouf prend sa défense tandis que Fouché la contraint d’entrer dans ses services de police. Elle s’installe chez Talleyrand comme lectrice de sa femme, mais Talleyrand, pas dupe, l’oblige à jouer un rôle d’agent double. Son activité la mène à découvrir les agissements des Cavaliers des Ténèbres, une organisation royaliste visant à abattre l’Empereur. Marianne avertit Napoléon du péril, et celui-ci la prend comme maîtresse, passant quelques jours avec elle au Grand Trianon. Afin de lui assurer une existence indépendante, il fait d’elle une cantatrice célèbre du nom de Marie Stella et lui fait cadeau des titres d’Asselnat, l’ancienne propriété de ses parents. Réapparaît Cranmer, qui n’est pas mort et fait chanter sa femme, recherchée par la police anglaise. Pour l’aider financièrement, Napoléon l’invite à se produire aux Tuileries devant la nouvelle impératrice, l’archiduchesse Marie-Louise. Marie-Louise éclate de rire pendant le concert, Marianne quitte la scène à la grande colère de Napoléon. Elle découvre qu’elle est enceinte de l’Empereur. Son parrain, devenu cardinal, fait annuler le mariage avec Cranmer, tandis que Black Fish ramène Beaufort à Paris, toujours amoureux de Marianne. Ces tribulations rocambolesques d’une turbulente espionne-soprano qui, tout en parcourant au galop les années 1793 à 1810, trouve le loisir de donner un fils naturel à l’Empereur, proviennent de l’imagination de Juliette Benzoni, la reine de la guimauve pseudo-historique. Sont réunis ici les deux premiers livres de la série des « Marianne », publiés dans France-Soir à partir du 5 janvier 1969, Une étoile pour Napoléon (1969) et Marianne et l’inconnu de Toscane (1971). De quoi nourrir un feuilleton-fleuve (12 heures d’antenne) à diffuser par mini-tranches en début d’après-midi. La Société Française de Production (S.F.P.) se charge de la fabrication à la chaîne de ce type de produit bas de gamme, bâclé, joué approximativement et photographié n’importe comment, dont la téléaste Marion Sarraut s’est fait une spécialité. Marianne est réalisé en vidéo : tous les intérieurs sont enregistrés dans un seul décor multifonctionnel, transformable à souhait, aux studios des Buttes-Chaumont ; les extérieurs sont filmés à la sauvette au Petit Trianon à Versailles et à la Malmaison (13 mois de tournage, 82 comédiens). Corinne Touzet acquiert une petite popularité auprès des accros de l’écran cathodique – un public surtout féminin – et retrouvera brièvement son Napoléon pour midinettes, Benoît Brione, dans la série policière Une femme d’honneur dont elle est la vedette (1996, etc.). Les autres romans de la saga mariannesque restent dans les tiroirs (Jason des quatre mers, 1972, Toi, Marianne, 1971 et Les Lauriers de flammes, 1974), mais cette série inaugure une longue période de collaboration entre la S.F.P., Marion Sarraut et Juliette Benzoni, avec les cycles en costumes Catherine (1986), Le Gerfaut (1987) et La Florentine (1991). |
1920/21 | L’Agonie des Aigles : 1. Le Roi de Rome – 2. Les Demi-Solde (FR) de Dominique Bernard-Deschamps [et Julien Duvivier] Société Française Art et Cinématographie (S.F.A.C.)-Pathé Frères S.A. (Paris), 1750 m. et 1550 m. – av. SÉVERIN-MARS [= Armand-Jean de Malafayde] (Napoléon / le colonel comte de Montander), Gaby Morlay (Lise Charmoy), Denise Séverin-Mars (l’impératrice Marie-Louise), Maxime Desjardins (gén. Jean-Martin Petit / cdt. Doguereau), Jean Rauzéna (Napoléon II, roi de Rome), Legall (Joseph Fouché), Moreno (le prince Klemens Wenzel von Metternich), Gilbert Dalleu (Goglu), Fernand Mailly (Chambruque), Max Dartigny (Fortunat), Danvilliers (Triaire), René Maupré (Pascal de Breuilly), Henri Duval (le préfet de police), Renée Wilde, Thierry Angély. Première version cinématographique de Les Demi-Solde (1899), un roman très populaire du « poète de l’Empire » Georges d’Esparbès adapté par le jeune Julien Duvivier, qui est également assistant-réalisateur et collabore activement au tournage. – Synopsis : Prisonnier à Sainte-Hélène, Napoléon se meurt. Les anciens grognards de la Grande Armée, les « demi-solde » traqués par le nouveau régime, préfèrent une existence misérable à l’allégeance aux Bourbons. Le colonel comte de Montander, vétéran de la Garde impériale, reçoit de Napoléon un message secret pour son fils en Autriche. Le colonel et deux de ses fidèles, Doguereau et Goglu, décident de se rendre à Schönbrunn, où l’Aiglon, onze ans, à présent duc de Reichstadt, est retenu prisonnier sur ordre de Metternich. Ils rencontrent clandestinement l’enfant, lui racontent « leur vérité » sur les hauts faits de son père et lui confient le but de leur mission : ramener à celui-ci une mèche de ses cheveux. Ils sont mis en fuite par la garde du château et s’embarquent peu de temps après pour Sainte-Hélène. Parvenus à destination, les officiers remettent la mèche à Napoléon agonisant, qui rend l’âme après avoir baisé les cheveux de son fils. Montander fait le serment de ne jamais abandonner le petit roi de Rome et décide d’organiser une conspiration avec des régiments qui sont dévoués à la cause impériale pour prendre d’un seul coup les places fortes de la frontière et rétablir le fils de l’Empereur sur le trône impérial. Alors qu’il tente de recruter des volontaires pour libérer le jeune roi de sa prison dorée en Autriche, Montander est dénoncé à la police et le commandant Doguereau, qui n’est autre que l’un des chefs de la conspiration, reçoit l’ordre de l’arrêter. Montander a été dénoncé par le lieutenant de Breuilly, qui lui dispute les faveurs de Lise Charmoy, une danseuse à l’Opéra italien. Doguereau provoque de Breuilly en duel et le blesse mortellement. Il succombe dans les bras de Lise, qui jure de se venger. Elle feint de tomber amoureuse de Montander (qui l’aime), découvre chez lui des documents compromettants sur la conjuration et le dénonce à la police. La maison est cernée. Prévenus de la trahison, les conjurés se réunissent malgré tout, en prévoyant de se faire sauter après avoir détruit tout indice pouvant impliquer leurs amis. Mais Lise les rejoint pour crier une dernière fois sa haine à Montander, puis s’évanouit ; afin d’éviter qu’elle soit tuée par la déflagration, les conspirateurs se rendent plutôt que de se suicider. Ils sont jugés, et Lise, repentante, réclame pour eux l’indulgence du tribunal. Rien n’y fait : ils sont condamnés à mort. Les soldats français du peloton d’exécution refusent de tirer sur ces braves et il faut aller chercher les Suisses pour les fusiller. Les demi-solde meurent avec un courage et une fierté qui marquent Lise à vie. Quant à l’Aiglon, il restera captif à Schönbrunn où il mourra dans la solitude. Le roman d’Esparbès (partie d’un cycle en 12 volumes intitulé L’Épopée française) prend pour point de départ une série de conspirations bonapartistes ou antimonarchistes qui marquèrent les annales, tels que l’assassinat du jeune Charles Ferdinand d’Artois, duc de Berry (donc héritier du trône) en février 1820, le complot militaire du Bazar en août, l’insurrection du général en demi-solde Jean-Baptiste Breton en février 1822, diverses tentatives d’enlèvement de l’Aiglon, etc. Alors que les deux versions parlantes de 1933 et 1952 (cf. pp. 658 et 664) simplifient considérablement l’intrigue du livre en n’en reprenant que le complot de la deuxième partie (situé en 1822), la muette, véritable festival de nostalgia napoléonienne que produit la S.F.A.C. (constituée afin de filmer les hautes fresques de l’histoire nationale), illustre en détail, et avec les trémolos qui s’imposent, l’aventure rocambolesque des demi-solde à Schönbrunn, puis leur périple à Sainte-Hélène en avril 1821. Le récit est parsemé de retours en arrière évoquant la charge des cuirassiers à Wagram, les combats d’Eylau et Friedland (filmés sur le champ de courses de la Vallée de la Solle), la retraite de Russie (tournée dans le Jura enneigé) et les adieux de Fontainebleau (dans la cour du Cheval-Blanc). Le Musée de l’Armée prête armes et uniformes, les Invalides un drapeau authentique qui suscite beaucoup d’émotion parmi les figurants. Napoléon sur le déclin et Montander sont interprétés par le tragédien Séverin-Mars, un des acteurs fétiches d’Abel Gance (J’accuse en 1919, La Roue en 1920). La réalisation de cette grande fresque en deux époques s’étire de juin 1920 à janvier 1921, et aurait coûté deux millions de francs ; Bernard-Deschamps obtient l’autorisation de filmer à Fontainebleau, au Jardin des Plantes, au théâtre de Melun ; les intérieurs sont réalisés aux studios Gaumont aux Buttes-Chaumont. Alors que le film n’est pas tout à fait achevé, un montage de dix séquences où apparaît l’Empereur est projeté en avril 1921 au Trocadéro pour le centième anniversaire de la mort de Napoléon, en présence du maréchal Foch. Le film complet sort le 3 février 1922, récolte un beau succès et sera réédité par Super-Film dans une version raccourcie de 2500 m. à l’occasion de la sortie du Napoléon d’Abel Gance, six ans plus tard. – IT : L’agonia delle Aquile (Il re di Roma), GB : The Agony of the Eagles, DE : Alte Soldaten. |
1990 | *(tv) Napoléon et l’Europe / Napoleon w Europie / Napoleon und Europa / Napoleon e a Europa / Napoleón y Europa (FR/DE/PT/ES/PL/BE/CA) de Pierre Lary (1), Eberhard Itzeplitz (2), Krzysztof Zanussi (3), José Fonseca e Costa (4), Janusz Majewski (5) et Francis Megahy (6) Parties : 1. Le 18 Brumaire – 2. Berlin ou le réveil de l’Allemagne / Berlin oder Die Erhebung – 3. Marie Walewska (Varsovie) / Pani Walewska (Warszawa) – 4. Le Blocus (Lisbonne) / O Bloqueio (Lisbõa) / Die Blockade – 5. Moscou / Moskwa – 6. La Reddition Jacques Dercourt/Télécip-La Sept-France 3-Filmów Telewizyjnych Poltel-Zespol Filmowy « Tor »-3SAT-TVE-RTP (La Sept 5.10.-9.11.90 / FR3 11.1.-15.2.91 / 3SAT 21.4.91), 6 x 52 min. – av. JEAN-FRANÇOIS STÉVENIN (Napoléon), Béatrice Agenin (Joséphine de Beauharnais), Bruno Madinier (Lucien Bonaparte), Jean-Claude Durand (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Jacques Frantz (Paul Barras), Jerzy Kamas (Emmanuel-Joseph Sieyès), Krzyzstof Stroinski (Antoine de Lavalette), Wojciech Wysocki (Fauvelet de Bourienne), Marian Opania (Jean-Pierre Collot), Daniel Olbrychski (le prince Józef Antoni Poniatowski), Patrick Fierry (Jean-Andoche Junot), Nicolas Breyner (le prince Jean de Portugal), Thierry Bosc (Michel Ney), Philippe Bouclet (Armand de Caulincourt), Tadeusz Lomnicki (gén. Mikhaïl Koutouzov), Alain MacMoy (Emmanuel de Las Cases), James Faulkner (cpt. Frederic Lewis Maitland), Hanna Stankowna (Madame Mère, Laetitia Bonaparte-Ramolino), Liliana Komorowska (Hortense de Beauharnais), Sylwia Wysocka (Thérésa Tallien), Piotr Grabowski (Gaspard Amédée Gardanne), Jacek Domanski (Joseph Bonaparte), Roch Siemianowski (Victor-Emmanuel Leclerc), Wojciech Pastuszko (gén. François-Joseph Lefebvre), Andrzej Grabaczyk (Auguste Viesse de Marmont), Peter Roggisch (Johann Gottlieb Fichte), Michal Pawlicki (Louis-Alexandre Berthier), Danuta Balicka (la baronne von Herrnstadt), Kazimierz Mores (Régis de Cambacérès), Jerzy Kryszak (Joseph Fouché), Andrzej Ferency (grand maréchal Michel Duroc), Katarzyna Miernicka (la princesse de Hatzfeld), Marek Barbasiewich (Louis-Philippe, comte de Ségur), Jacques Frantz (Joachim Murat), Marek Kondrat (prince Adam Czartryski), Adam Bauman (le prince Antoni Henryk Radziwill), Jerzy Gudejko (Louis Constant Wairy), Herman José (Paul Thiebault), José Martins (Francisco Ballesteros), Alexandre Sousa (Freire de Andrade), João Grosso (comte Louis Henri Loison), José Fonseca e Costa (Arthur Wellesley, duc de Wellington), Paula Guedes (Laure Junot), Cecilia Guimaraes (la reine Marie Ire de Portugal), Corinne Marchand (Mme Aubert), Lezsek Teleszinski (le marquis Jacques Alexandre Law de Lauriston), Miroslaw Konarowski (Eugène de Beauharnais), Grzegorz Wons (Jean-Baptiste Bessières), Wojciech Alaborski (Dominique-Jean Larrey), Krzysztof Wakulinski (Michaud), Henryk Bista (comte Levin August von Bennigsen), Eugeniusz Priwieziencew (Anne-Jean Savary), Ewa Wisniewska (Fanny Bertrand), Krzysztof Stroinski (Antoine de Lavalette), Michal Aniol (Charles-Tristan de Montholon), Adam Kamien (Friedrich Staps), Guilherme Filipe (Claude François de Ménéval), Benjamin Völz (Ferdinand von Schill), Joanna Szczepkowska (Maria Walewska), Andrzej Seweryn (le tsar Alexandre Ier), Krzystof Luft (Friedrich Wilhelm III de Prusse), Monika Switaj (la reine Louise de Prusse), Wiktor Skaruch (le comte Fryderyk Skarbek), Tadeusz Bradecki (Jozef Lonczynski), Jerzy Zelnik (Nicolas Chopin), Marek Kondrat (le prince Adam Czartryski), Artur Barcis (Czaja), Stanislaw Bielinski, Czeslaw Mroczek. Un produit télévisuel multinational à budget confortable (42 millions de francs), mais aussi d’indéniable qualité : quelques centaines de figurants, des demeures d’époques, des décors de goût (choisis par Alexandre Trauner), l’ensemble étant surtout tourné en Pologne, au Canada et au Portugal. La musique, remarquable, est signée Wojciech Kilar. Le principe de cette série produite par la Sept (chaîne européenne à caractère culturel), instructive à plus d’un égard – et (une fois n’est pas coutume) intelligente –, est de restituer une image légèrement démythifiée, objective, à l’occasion aussi très critique du grand Corse, loin des flonflons nationalistes ou idolâtres. Jean Gruault, collaborateur fidèle de Truffaut (Jules et Jim), assume l’harmonisation des divers scénarios (il en rédige quatre sur six), et Jean Tulard sert de conseiller historique. En tête d’affiche, l’acteur-réalisateur Jean-François Stévenin, un ancien assistant de Jacques Rivette, et Peter Fleischmann, comédien surdoué chez Truffaut, Demy, Godard, Mocky, Blier, Enrico, etc. Prenant un accent italien (à défaut de corse !), Jean-François Stévenin interprète un Bonaparte nuancé, d’abord jeune loup ambitieux, fort, tranquille, tacticien hors pair, auteur de belles formules et de répliques cinglantes, mais sachant aussi se montrer brutal, voire odieux (avec son frère Lucien, par exemple). « Stévenin soutient la comparaison avec Albert Dieudonné, le Napoléon d’Abel Gance », estime Le Nouvel Observateur (11.1.91), quoique son regard doux, rêveur, inquiet, mine son autorité et lui confère « une fragilité attendrissante » : c’est « le premier Napoléon gentil, hésitant, palliant sa difficulté à se décider par des silences et des coups de menton » (Isabelle Veyrat-Masson). Chaque épisode est conté sous un angle différent, entraîne le spectateur dans une autre partie d’Europe ayant accueilli ou subi la Grande Armée (volet réalisé par des téléastes du pays concerné), mais la structure de base reste identique : en un premier temps, le message libertaire est bien accueilli par les classes les plus éclairées, mais le libérateur-occupant se transforme en dictateur lorsqu’il doit faire la guerre au peuple resté fidèle aux anciennes aristocraties locales. Le rêve des Etats-Unis d’Europe dérape alors en guerres de libération nationale, d’où émergent des héros nationaux, de nouvelles icônes que l’on dresse contre Napoléon. L’épisode-pilote analyse finement les conditions de la prise du pouvoir de Bonaparte à son retour surprise d’Egypte en 1799, putsch peu glorieux soutenu par Lucien et le financier Collot. Son réalisateur, Pierre Lary, a été l’assistant d’Abel Gance sur Austerlitz (1960). Suivent le point de vue des Autrichiens et des Berlinois (octobre 1809 : l’étudiant Staps tente d’assassiner l’Empereur à Schönbrunn, tandis que le philosophe Fichte dispense de précieux conseils sur l’attitude qui s’impose sous le joug ennemi), puis des Polonais dans un épisode filmé par le cinéaste réputé Krzysztof Zanussi (les patriotes abusés, malgré la Walewska, automne 1806) (cf. p. 69), des Portugais (Junot chasse les régents de Lisbonne, juin 1807), des Russes (Rostopchine propose d’incendier Moscou, 1812), cycle qui se clôt par un après-Waterloo moins convaincant. Un patchwork fatalement inégal, hétérogène et parfois déconcertant pour le spectateur lambda, mais qui révèle à chaque épisode les mêmes phénomènes : réveil des nationalismes, espoir de démocratie, scission des élites et, pour finir, répression et résistance. L’Empereur ne faisant que des apparitions épisodiques, il eût fallu intituler la série « L’Europe et Napoléon ». |
1987 | (tv) Napoleon and Josephine : A Love Story (Napoléon et Joséphine : une histoire d’amour) (US) de Richard T. Heffron Alfred R. Kelman, Suzanne Wiesenfeld, David L. Wolper, Bernard Sofronski/David L. Wolper Production-Warner Bros. Television (ABC 10.-12.11.87), 3 x 90 min. – av. ARMAND ASSANTE (Napoléon), Jacqueline Bisset (Joséphine de Beauharnais), Anthony Perkins (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Jean-Pierre Stewart (Paul Barras), Jane Lapotaire (Madame Mère, Laetitia Bonaparte-Ramolino), Leigh Taylor-Young (Germaine de Staël), Ione Skye (Pauline Bonaparte), Nickolas Grace (Lord Horatio Nelson), Stephanie Beacham (Thérésa Tallien), Sally Davis/Emma Harbour (Hortense de Beauharnais enfant/adulte), Nolan Hemmings/Stephen Schwartz (Eugène de Beauharnais enfant/adulte), Anthony Higgins (Joseph Bonaparte), Patrick Cassidy (ltn. Hippolyte Charles), William Lucking (Pierre Dupont de l'Etang), John Vickery (Fauvelet de Bourrienne), Geoffroy Beevers (Bussière), Paul Brooke (Jean-Androche Junot), Colin Bruce (Lucien Bonaparte), Jeremy Brudenell (Louis Bonaparte), Jacques Ciron (Achille Valois), Paul Geoffrey (Joachim Murat), Julie Graham (Caroline Bonaparte), Jane Gurnett (Elisa Bonaparte), Paul Herzberg (Jean-Gabriel Marchand), Marc de Jonge (Maximilien de Robespierre), Patrice Le Bazadet (cpt. François Fourès), Valérie Steffen (Jeannette [= Pauline] Fourès), Philip Bowen (Hardy), Sophie Carle (Claudine), James Coombes (Roland), Jean-Claude Deret (cardinal italien), William Doherty (un médecin), Natalie Forbes (Yvonne Grande), Andrew Hawkins (Drummond), Richard Heffron (Père Duchesne), Simon Chandler (Charles Leclercq, officier d’état civil), Stephen Jenn (Joseph Fouché), Peer Howell (le comte Athénase Walewski), Peter Hudson (le duc d’Enghien), Sam Jenkins (Georgette), Dominic Jepphcott (M. de Villefort), Charles Millot (le pape Pie VII), Jean-Paul Solal (Poudray), Wendy Stokle (Maria Walewska), Isabelle Gardien (Marie-Louise d’Autriche), Ken Starcevic (Gian Carlo), Natalie Forbes (Yvonne Grande), Dominique Hulin (le Mamelouk géant), Mustafa Titi (officier égyptien), Jeffrey Kine (capitaine des dragons), Jerry Di Giacomo. « Napoleon goes soap » ... Une série glamour dans laquelle non seulement tout sonne faux – mais presque tout est faux. Qu’on en juge : En juillet 1794, alors que sévit la Terreur, la garde républicaine autour de la guillotine porte les bonnets noirs en poils d’ours (les « oursons ») des grenadiers de la Garde impériale, introduits douze ans plus tard ... Bonaparte (en costume de Premier Consul) s’insurge publiquement contre le traitement brutal des condamnés, un bourreau le menace de son sabre, mais cède sous l’intensité de son regard. Écroués dans un couvent, les aristocrates dansent le menuet en attendant la mort ; une enfant est guillotinée pour avoir sucé le lait du sein d’une royaliste ! Robespierre félicite Bonaparte pour Toulon et lui propose de sévir en Vendée. Le général refuse et l’Incorruptible le fait emprisonner, mais il est à son tour arrêté par Barras dans son bureau. Chez Barras, Bonaparte conte fleurette à Joséphine sur le quintette de Boccherini, puis, une fois la dame épousée (elle refuse d’abord, ne l’aimant point), il gagne l’Italie pour affronter les Austro-Piémontais. Surprise : les soldats de l’An Deux ne sont pas des va-nu-pieds en guenilles, ça fait mauvais genre : la production s’est arrangée avec Dino De Laurentiis et, rien n’étant trop beau pour illustrer Montenotte, Arcole ou Lodi, on a emprunté les plus spectaculaires séquences de Waterloo de Bondartchouk (1970) et de Guerre et Paix de King Vidor (bataille de la Moskova, 1956) : la confusion des étendards et des uniformes (anglais, russes, etc.) est à son comble ! Joséphine succombe au charme d’Hippolyte Charles, mais son époux lui pardonne, le visage baigné de larmes. À Mantoue, Joséphine tombe dans un guet-apens des Autrichiens, un autre bel officier la sauve au prix de sa vie. Terrassé par une crise d’épilepsie (ah, Alexandre, ah, César !), Bonaparte s’effondre à l’instant où il veut faire fusiller Charles pour trafic illicite sous les yeux de Joséphine. Pleurs, réconciliation. À l’insu de son époux, Joséphine fait une méchante chute dans les escaliers : las, elle ne pourra plus avoir d’enfants. En Égypte, Bonaparte combat sous les Pyramides (avec l’appui d’une cinquantaine de cavaliers du roi du Maroc) ; lorsque ses soldats le traitent de « cocu » derrière son dos, il fait, de rage, massacrer huit mille Mamelouks prisonniers, s’enivre et prend une maîtresse. Nelson détruit la flotte française à Aboukir (plans extraits du film Captain Horatio Hornblower de Raoul Walsh, 1951). Réconciliation conjugale à Paris. Ennemi du Premier Consul, le duc d’Enghien allume personnellement la mèche de la machine infernale qui dévaste la rue Saint-Nicaise et, une fois enlevé, commande lui-même son peloton d’exécution ... de quoi atterrer tous les légitimistes du continent. (Rappelons en outre que l’affaire de la rue Saint-Nicaise date de fin décembre 1800, et celle du duc d’Enghien de mars 1804.) À Notre-Dame en 1804, l’intéressé proclame à haute voix : « Je me couronne moi-même Napoléon I er ! », et en Pologne, il culbute Mme Walewska en plein air, au sol, après une joyeuse bataille de boules de neige. Le divorce prononcé, Joséphine, maternelle et généreuse, propose à son inconsolable ex-conjoint d’épouser ... Marie-Louise. En 1814 aux Tuileries, Talleyrand fait signer au « général Bonaparte » l’acte d’abdication (l’armée d’occupation russe parade déjà sous sa fenêtre). Joséphine, bien malade, est prête à s’offrir à Talleyrand si celui-ci renonce à envoyer son chéri à Sainte-Hélène, et, entre deux quintes de toux, elle lui suggère plutôt l’île d’Elbe. Napoléon fait une ultime déclaration d’amour à Joséphine (à bout de forces dans son lit) avant de partir en exil : ils ne se reverront plus. Tout spectateur averti ne peut que s’étrangler de rire devant pareil étalage d’incongruités, fabriqué, semble-t-il, en priorité pour un public yankee. La mini-série, au demeurant fort luxueuse, a été entièrement tournée en été-automne 1987, pendant 13 semaines, en extérieurs en France (à Blois, à Senlis, à Fontainebleau, aux châteaux de Villennes-sur-Seine, de Vincennes, de Ferrières-en-Brie, de Nandy, de Chantilly et de Guermantes), au Maroc (pour l’Égypte), en Espagne et en Grande-Bretagne, avec des techniciens surtout français (photo de Jean Tournier, costumes de Michel Fresnay, cascades de Claude Carliez, etc.). En revanche, le casting est presque exclusivement anglo-saxon. Quand il ne hurle pas ses ordres, Armand Assante, qui avait déjà campé Napoléon sur scène à Broadway (Kingdoms d’Edward Sheehan, 1981), est un séduisant beach boy, sexy, un peu ahuri, hésitant et maladroit, mais dont n’émane ni l’énergie frémissante ni les qualités qui feront du Petit Caporal le maître de l’Europe. Jacqueline Bisset se contente d’être voluptueuse, pavoisant dans une garde-robe plus proche de la série Dallas que du Directoire. Les ressemblances physiques sont au diapason du script de James Lee : Talleyrand (Anthony Perkins paie ses impôts) boitille sans perruque et n’aime pas les femmes, tandis que Fouché est grand, chauve et célibataire, le général Junot un obèse volubile, Barras un opportuniste gay, etc. Ce salmigondis a été produit par David L. Wolper, plus connu pour ses téléséries sur l’histoire américaine (Roots/Racines en 1977, North and South en 1985) et dirigé par Richard T. Heffron, un honnête technicien qui se fera presque pardonner deux ans plus tard en cosignant pour Antenne 2 La Révolution française avec Robert Enrico (partie 2 : Les Années terribles). Nominé pour deux Emmy Awards (musique et costumes). – AT, DE : Napoleon und Josephine : Eine Liebesgeschichte, IT : Napoleone e Giuseppina : Una storia d’amore, ES : Napoleón y Josefina : una historia de amor. |
1981 | *(tv) Les Fiancées de l'Empire (FR/BE) de Jacques Doniol-Valcroze Mag Bodard/Antenne 2-RTB-Cinémag-SFP (A2 2.-17.1.81), 6 x 70 min. – av. Yolande Folliot (Clarisse Duruy), Claude Giraud (col. Maxime d’Aurillac), Michel Vitold (Charles Duruy), Madelon Violla (Odile Duruy), François Perrot (Joseph Fouché), Yves Vincent (Régis de Cambacérès), Nicole Colbert (la générale Laure Junot, duchesse d’Arbrantès), Bruno Devoldère (Maurice), Jacques Duby (Amédée), Catherine LeCocq (Victoire), Francine Olivier (Henriette), Alain Douley (Le Hénin), Claude Gensac (Mlle de Croissy), Maaike Jansen (Else van Potter), Yves Gabrielli (Léonard), Annette Merchandou (Clémence), Gérard Lecouvey (Antiochus), André Geyre (Arsace). Synopsis : En mars 1809, dans le petit château de Cordéran près d’Angoulême, tandis qu’une nouvelle campagne de Napoléon se prépare en Autriche. Logé dans la maison de l’ancien conventionnel Charles Duruy, le comte Maxime d’Aurillac, colonel de cavalerie, va partir rejoindre la Grande Armée en Allemagne. Duruy est veuf, son épouse ayant été guillotinée pendant la Terreur. Odile, la plus jeune de ses deux filles, est amoureuse du bel officier et demande à sa sœur aînée Clarisse d’intervenir en sa faveur auprès de Maxime. Celui-ci accepte de demander la main d’Odile en échange d’une nuit d’amour avec la belle Clarisse. Les deux vivent à Paris quelques jours de liaison orageuse : déçue par le comportement libertin du colonel, Clarisse raconte tout à Victoire, la maîtresse officielle de Maxime, et retourne en province. À présent fiancé à Odile, Maxime n’est pas pressé de tenir sa parole. La police de Fouché surveille la demeure de Duruy, soupçonné de sympathies royalistes. De passage, Maurice de Croissy s’éprend d’Odile, mais n’ose se déclarer. Après la victoire de Wagram, la paix signée à Vienne le 14 octobre met fin à la Cinquième Coalition ; l’Empire est à son apogée, mais la situation économique est mauvaise, les Français ont faim et soif. Le 12 mai 1810, Clarisse Duruy est enlevée par les sbires de Fouché. Affairé à sauver le père de Clarisse, Maxime s’embarque dans une mission secrète de Fouché pour négocier avec les Anglais à Amsterdam, à l’insu de Napoléon. Arrêté, il est sauvé de justesse par la disgrâce de Fouché, accusé de trahison et remplacé par Savary à la tête de la police (3 juin), mais aussi grâce à l’intervention de Régis de Cambacérès, archichancelier de l’Empire et duc de Parme, vieil ami de Duruy, qui lui fait donner un commandement en Espagne. Odile suit Maurice de Croissy à Milan, tandis que Maxime emmène Clarisse avec son régiment à Saragosse. Dury père retourne à ses travaux d’historien de la Révolution. Cofondateur avec André Bazin et Lo Duca en 1951 des mythiques Cahiers du cinéma (dont il devient le rédacteur en chef), et de la « Quinzaine des réalisateurs » à Cannes en 1969, signataire du Manifeste des 121 pendant la guerre d’Algérie, Jacques Doniol-Valcroze s’est également imposé dans la cadre de la Nouvelle Vague en confectionnant deux charmantes comédies (L’Eau à la bouche, 1959, et Le Cœur battant, 1960). Avec ce feuilleton situé « entre Dumas et Stendhal » qu’il a adapté de son propre roman (Les Fiancées de l’Empire : les hauteurs de Wagram, paru en 1980 chez J. C. Lattès), Doniol-Valcroze souhaite montrer « l’incidence d’une époque bruissant de combats sur l’existence retirée d’une petite provinciale » (Télé 7 jours, 2.1.81) et brosse à cet effet une fresque romantique traitée sur le mode du marivaudage, de nombreux chassés-croisés à l’appui. Qualifié de « philosophe de l’amour, chantre d’un certain libertinage qui refuse le tragique de la vie » (René Prédal), le cinéaste cherche moins à reconstituer des événements (quoique le cadre historique ait fait l’objet de très sérieuses recherches) qu’à restituer un climat de confusion sentimentale par une mise en scène raffinée et des dialogues empreints de légèreté et de touches délicates. Ce qui en fait tout l’intérêt, car, par ailleurs, ces « scènes de la vie de province » sont un peu languissantes. Tourné dans les vieux quartiers de Bordeaux, à Paris (au Ministère de la Police de Fouché, quai Voltaire), Saint-Cloud, Rions (Porte de Lhyan), Saint-Germain, Bruges et aux studios de Billancourt. – Episodes : 1. « Les Demoiselles d’Angoulême » – 2. « Les Hauteurs de Wagram » – 3. « Les Idées claires » – 4. « L’Enlèvement » – 5. « Le Passage secret » – 6. « La Route d’Espagne ». |
1981 | (tv) Madame Sans-Gêne (FR) d’Abder Isker (tv) et Marcelle Tassencourt (th) ORTF (TF1 24.12.81), 140 min. – av. Annie Cordy (Catherine Hubscher), RAYMOND PELLEGRIN (Napoléon), Alain Mottet (Joseph Fouché), Raoul Billerey (François-Joseph Lefebvre), Fernand Gujot (Anne-Jean Savary), Marie Grinevald (Caroline Bonaparte), Geneviève Brunet (Élisa Bonaparte), Alain Robert (Despréaux), Jean-Noël Brouté (Mathurin), Michel Chalmeau (Jean-Andoche Junot), Suzanne Conti (La Roussotte), Annick Fougery (Toinon), Bernard Lanneau (comte Adam Albert de Neipperg), Raphaëlle Minaert (Mme Savary). Première diffusion française en couleurs de la pièce (captation au Théâtre Montansier à Versailles), à nouveau avec Raymond Pellegrin (cf. 1963), qui n’a plus du tout l’âge du rôle, et avec la sautillante Annie Cordy, la grande chanteuse et actrice belge qui a souvent interprété Catherine Hubscher sur scène, notamment en 1958 et en 1987 (Théâtre du Gymnase). |
2011 | (tv) Madame Sans-Gêne (FR) de Dominique Thiel (tv) et Alain Sachs (th) ORTF (FR2 14.6.11), 135 min. – av. Clémentine Célarié (Catherine Hubscher), Pierre Cassignard (François-Joseph Lefebvre), Dominique Pinon (Joseph Fouché), PHILIPPE UCHAN (Napoléon), Jean-Pierre Michaël. Du théâtre spécialement remonté pour France 2, la reprise unique d’une mise en scène d’Alain Sachs au Théâtre Antoine à Paris datant de novembre 2001. La distribution est identique, exceptés Frédéric Van den Driessche et Michel Vuillermoz qui sont remplacés par Cassignard et Pinon. Sardou réduit à de la comédie de boulevard criarde et grotesque. |
1971-73 | *(tv) Les Nouvelles Aventures de Vidocq / Die Abenteuer des Monsieur Vidocq (FR/DE) de Marcel Bluwal ORTF-Gaumont Télévision International-Télécip-Bavaria (1re Ch. 5.1.-2.3.71 et 29.10.-10.12.73 / ARD 11.9.-20.11.71 et 9.7.-27.8.77), 2 séries de 6 x 56 min. et de 7 x 56 min. – av. Claude Brasseur (François-Eugène Vidocq), Danièle Lebrun (baronne Roxane de Saint-Gély), Marc Dudicourt (l’inspecteur Flambart), Jacques Seiler (Henri Desfossés), Alain MacCoy (marquis de Modène), Walter Buschhoff (le docteur), Marcel Cuvelier (M. Henry, préfet de police), Françoise Giret (Joséphine de Beauharnais), Loleh Bellon (Pauline Borghèse, sœur de Napoléon), Henry Poirier (Anne-Jean-Marie-René Savary, ministre de la Police générale), Robert Party (Joseph Fouché, ministre de la Police générale), Fernand Berset (Louis-Antoine Fauvelet de Bourrienne), Jacques Monod (Louis XVIII), Geneviève Brunet (comtesse Claire de Rémusat), Robert Nogaret (Rouvelart), Jean Dalmain (d’Anglets, préfet de police), Marcel Bluwal (cpt. Lenoir). Bluwal et Neveux concoctent cette fois carrément deux séries pour donner suite au triomphe cathodique de 1967 (cf. supra), soit 13 épisodes diffusés respectivement en 1971 et en 1973, et en coproduction avec la Bavaria allemande. François Boyer et Pierre Nivollet collaborent à l’adaptation et aux dialogues. Outre Claude Brasseur, virtuose, survolté dans le rôle-titre, l’apport de la couleur et la durée doublée des épisodes, ces nouvelles aventures prennent une tournure différente : Vidocq agit à présent comme chef de la Sûreté, et l’inspecteur Flambart, son ancien ennemi, n’est plus qu’un adjoint bouffon, souffre-douleur aigri et jaloux qui trame sa perte. Exit Annette, l’épouse. Neveux introduit une lutte policière autant qu’amoureuse qui oppose la venimeuse baronne Roxane de Saint-Gély (jouée par Danièle Lebrun, la femme de Bluwal), truande distinguée, escroc politique de haut vol, au plébéien chef de la Sûreté. Les étreintes sado-maso avec cet épigone de Milady ne sont pas sans risques et leurs bandes respectives s’affrontent mortellement dans l’ombre. À chaque coup, Vidocq sauve l’Empire et, accessoirement, son poste à la Sûreté que son statut d’ancien forçat fragilise. Les enquêtes du fameux policier débutent en 1810 et se prolongent (dans les sept derniers chapitres) pendant les Cent-Jours et la Restauration, jusqu’en 1822. L’intrusion de personnages historiques tels que l’impératrice Joséphine, Pauline Borghese-Bonaparte, Fouché, Savary, Talma, Bourrienne et Louis XVIII pimentent l’intrigue. Ainsi, Vidocq doit-il récupérer des lettres compromettantes pour Pauline, sœur de Napoléon (qu’il séduit au passage), interceptées par Fouché et détenues par la dangeurese baronne. (épis. 1) ; en 1811, le coffre-fort de la banque où a été déposé le Collier Rose de l’impératrice Joséphine a été éventré au profit des Bourbons réfugiés à Londres (épis. 3) ; en 1814, alors que Napoléon est sur l’île d’Elbe, Vidocq démantèle une organisation qui détrousse les émigrés en Bretagne (épis. 5) ; des faussaires royalistes tentent de ruiner la Banque de France (épis. 7) ; Vidocq empêche l’assassinat de l’Empereur, en route pour Waterloo, par des Chouans (épis. 8) ; après le remplacement de Fouché par le monarchiste Decazes, des ultras veulent remplacer le roi Louis XVIII par son frère Charles (épis. 10) ; un réseau bonapartiste prépare le retour en France du jeune Roi de Rome (épis. 12), etc. Ces aventures souvent trépidantes, aux rebondissements inattendus, supérieures à la première série par leur humour libertaire et l’interprétation un brin canaille du couple Brasseur-Lebrun, sont filmées aux studios de la Victorine à Nice, aux studios Bavaria à Munich-Geiselgasteig et en extérieurs à Senlis. À nouveau un succès considérable à l’audimat. Épisodes (1971) : 1. « La Caisse de fer / Eine Hand wäscht die andere, Hoheit » – 2. « Les Trois Crimes de Vidocq / Lieben Sie Handschellen ? » – 3. « Les Chevaliers de la nuit / Ritter der Nacht » – 4. « Les Chauffeurs du nord / Schmetterlingsjagd » – 5. « Échec à Vidocq / Gardez Madame ! » – 6. « Les Banquiers du crime / Hochwürden sind neu hier ? » – Deuxième série (1973) : 7. « La Bande à Vidocq / Vidocq und seine Leute » – 8. « Les Assassins de l’Empereur / Zwei Kaiser » – 9. « Les Bijoux du Roi / Die Juwelen des Königs » – 10. « Vidocq et l’Archange / Vidocq und der Erzengel » – 11. « Les Deux Colonels / Die beiden Obristen » – 12. « L’Épingle noire / Die schwarze Nadel » – 13. « Vidocq et compagnie / Vidocq und Co. ». |
1942 | *Le Destin fabuleux de Désirée Clary (FR) de Sacha Guitry [et René Le Hénaff] Édouard Harispuru/Compagnie Commerciale Française Cinématographique (CCFC), 117 min. – av. JEAN-LOUIS BARRAULT / SACHA GUITRY (Bonaparte/Napoléon), Carlettina / Geneviève Guitry / Gaby Morlay (Désirée Clary enfant/adolescente/adulte), Jacques Varennes (Jean-Baptiste Bernadotte), Aimé Clariond (Joseph Bonaparte), Lise Delamare (Joséphine de Beauharnais), Noël Roquevert (Joseph Fouché), Jean Périer (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Georges Grey (Jean-Andoche Junot), Georges Spanelly (Louis-Nicolas Davout), Jean Davy (Louis-Alexandre Berthier), Robert Favart (Jean Lannes), Yvette Lebon/Camille Fournier / Yolanda Fax (Julie Clary/Julie Bonaparte, reine d’Espagne/Julie à neuf ans), Jean Hervé (François-Joseph Talma), Georges Toureil (Pierre Cambronne), Gaston Mauger (Louis XVIII), Roger Vincent (Charles XIII, roi de Suède), Jean Fontagnères (François-René de Chateaubriand), Jeanne Fusier-Gir (Albertine, la servante), Maurice Lagrenée (Armand de Vignerot du Plessis, duc de Richelieu), Coquelin (le greffier), Pierre Magnier (François Clary, le père), Germaine Laugier (Françoise Clary-Somis, la mère), Renaud Mary (François Antommarchi), Maurice Teynac (maréchal Auguste de Marmont), Léon Walther (le baron Carl Otto Mörner), Jean Darcante (gén. Léonard Duphot), Paul Oettly (le chambellan-traducteur), René Fauchois et Jacques Berthier (conseillers), Bernard Daydé (le petit Oscar Bernadotte), Robert Dartois (M. Poquelin), Maurice Devienne (le maire, Etienne Bouvet), Philippe Richard (le roi Louis-Philippe). Le 8 mai 1941, tout juste un an après la capitulation, Sacha Guitry présente Vive l’Empereur !, une comédie en cinq actes créée au Théâtre de la Madeleine à Paris ; les Allemands en font interdire le premier titre, Le Soir d’Austerlitz. Manifestement, la matière irrite l’occupant (le vivat ne s’adresse pas au Führer) et Guitry se promet de ne plus la lâcher. Fin 1941, il porte à l’écran le destin de la fiancée délaissée de Bonaparte dans les studios Gaumont aux Buttes-Chaumont, afin d'échapper aux sollicitations de plus en plus pressantes de la société allemande Continental d’Alfred Greven (qui dépend indirectement de Goebbels). En début d’année, Greven a proposé trois millions de francs à Guitry, qui n’a rien tourné depuis l’armistice. Ne voulant à aucun prix travailler pour les Allemands, ce dernier offre son projet sur Désirée au producteur Édouard Harispuru pour un prix dérisoire, signe un contrat antidaté, boucle son scénario en trois semaines et réquisitionne devant la caméra sa quatrième épouse Geneviève ainsi que son ancienne flamme, Gaby Morlay. Le premier tour de manivelle est fixé au 6 décembre (« quatre jours après l’anniversaire d’Austerlitz », note Guitry), et le Dr. Dietrich, de la Propagandastaffel, y assiste avec son état-major. On débute exprès par la scène où Bernadotte, vainqueur des troupes prusso-suédoises du colonel Carl Carlsson Mörner à Lübeck en novembre 1806, invite ce dernier à vivre dans sa maison (réquisitionnée) et lui rend son épée : « Je ne suis pas venu ici pour faire du bien – mais j’ai l’intention de faire le moins de mal possible – et je m’abandonne à l’espoir de vous faire oublier les malheurs de la guerre en vous donnant de constants témoignages de ma bienveillance et de ma courtoisie. Les habitants de Lübeck sont placés sous la protection de Sa Majesté l’Empereur, et tout soldat français pris à piller ou à voler dans les maisons de la ville sera tenu pour criminel et passé par les armes ! » L’allusion est transparente. (Notons que le film confond le colonel Mörner avec le baron Carl Otto Mörner qui proposera à Bernadotte le trône de Suède en juin 1810.) Guitry entend opposer aux visées impérialistes du Troisième Reich une figure impériale nettement plus recommandable – et du cru : « Napoléon fut l’un des plus grands soldats de tous les temps », reconnaît l’ambassadeur anglais à l’annonce de son décès. En introduction, le cinéaste précise, à travers les propos de papa Clary à ses fillettes : « La France, c’est le plus beau pays du monde. Et si jamais vous la voyez dans le malheur, ne vous effrayez pas plus qu’il ne faut. Relisez son histoire : elle s'en tire toujours ... » En pleine apogée de la Révolution nationale pétainiste, le cinéaste introduit également quelques répliques subversives, écrites pour choquer : « La République est morte. Vous aurez tout fait pour sauver la République, dont vous voyez bien qu’elle était condamnée. Ce n’est pas la République qu’il convenait de sauver, c’est la France ... Erreur de croire qu’en sauvant le régime, on sauve la nation. Être républicain, ce n’est qu’une opinion. » Le scénario est d'abord refusé par la censure nazie qui craint curieusement que Guitry ne ternisse l'image de l'Empereur, ici un personnage pathétique, victime de complots perpétuels, malmené par ses proches et poursuivi par la haine des époux Bernadotte qu'il a pourtant comblés d'or et d'honneurs durant quinze ans. « Je ne me marie pas, je me venge ! », avoue la petite bourgeoise marseillaise en épousant son futur maréchal (dont la secrète ambition est d'écarter Napoléon afin de monter lui-même sur le trône de France en 1814). L’intérêt national dont se réclament les protagonistes n’est qu’un prétexte visant à satisfaire ambitions ou rancœurs personnelles. Guitry envisage de montrer « l’étalage de la grandeur historique pervertie par la spéculation et la mesquinerie » (Noël Simsolo) et signe un film amer, plein d’allusions politiques voilées sur les rapports vainqueurs-vaincus. Comme le souligne Jacques Lourcelles dans son Dictionnaire du cinéma (1992), Guitry conjugue ici les thèmes du hasard et de la prédestination qui l’ont toujours fasciné, quitte à réinventer les chronologies et à s’aventurer dans l’uchronie. Il réutilise le procédé inauguré dans Remontons les Champs-Élysées (1938) : un conteur – lui-même – travaillant à son bureau commente l’aventure à laquelle sa voix va servir de fil conducteur. Le film débute à Marseille en 1788. Bernadotte, sergent fourrier muni d’un billet de logement, se fait éconduire par Monsieur Clary qui ne veut pas de troufion sous son toit, mais la petite Désirée, 11 ans, est impressionnée par le beau militaire et conserve précieusement son billet ... qui lui servira de carte de visite. Six ans plus tard, Joseph Bonaparte rencontre et épouse Julie Clary, tandis que son frère Napoléon, un disciple de Rousseau (son « seul rêve ici-bas, dit-il, est de posséder une petite terre » dont il dirigerait lui-même l’exploitation), se fiance avec Désirée. Suivent de longs mois de silence, puis la rupture. Mais en mars 1796, Désirée rencontre Napoléon, Joséphine de Beauharnais et Bernadotte chez sa sœur à Paris. Désirée à son ex-fiancé : « Aussi longtemps que je vivrai, je vous ferai du mal. » – Napoléon : « Aussi longtemps que je vivrai, je vous ferai du bien. » – Guitry, passant de l’ironie au sarcasme : « Ils tinrent parole l’un et l’autre. » D’emblée, le républicain Bernadotte se montre hostile à Bonaparte qu’il considère comme un danger public (« il a une âme de dictateur »), fréquente le salon de Madame Récamier, conspire avec les royalistes, se ligue contre ses ennemis, à l’instar de son épouse que Napoléon surnomme « ma petite espionne » et dont il conserve pourtant en cachette une boucle de cheveux dans un médaillon. L’animosité viscérale entre le Corse et le Béarnais repose sur une rivalité à la fois amoureuse et politique. « Oui, Bernadotte », dit Napoléon dans une tirade avec laquelle Guitry, sans doute, s’identifie entièrement, « vous aurez tout fait pour sauver la République. Donc vous voyez bien qu’elle était condamnée. Ce n’est pas la République qu’il convenait de sauver, mon ami, c’était la France. C’est une grande et commune erreur de croire qu’en sauvant le régime, on sauve la Nation. Être républicain, ce n’est qu’une opinion. » Au fil des ans, Désirée, plus rancunière que jamais, développe une mentalité de concierge médisante et hypocrite, tandis que Bernadotte, arriviste envieux, est bombardé prince, puis maréchal. Le trône des Vasa est pour lui un détour afin de mieux frapper l’Empire, et au lendemain des revers de Napoléon en Russie, Désirée pousse son mari à faire rentrer la Suède dans la coalition contre la France. Après Waterloo, tout bascule. Située après 1821, la dernière partie du film montre les Bernadotte en proie aux remords d’avoir tant maltraité leur bienfaiteur ; à Stockholm, le vieux couple ne trouve plus ni paix ni sommeil, s’efforçant à expier vingt-cinq années d’ingratitude et le « crime » d’avoir souhaité le malheur du grand homme. Lui cherche à se persuader qu’il n’a pas trahi l’Empereur : « Nous nous sommes détestés tous les deux, j’ai agi en Suédois, mais je n’ai jamais cessé de penser en Français. » Pour sa part, la « petite fiancée de Napoléon » a plaidé en vain la cause du proscrit de Sainte-Hélène dans tous les salons, jusqu’auprès d’un Louis XVIII forcément évasif, car personne ne songe à adoucir son exil. Emporté par les trémolos de son discours, Guitry se risque à suggérer que Désirée, sexagénaire ratatinée, serait allée secrètement se jeter aux genoux du roi Louis-Philippe, le suppliant de faire revenir les cendres de l’Empereur à Paris, « sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple français [qu’il a] tant aimé ». À cette occasion, le cinéaste se laisse aller à un panégyrique de Napoléon où la vénération confine à l'idolâtrie ; il modifiera quelque peu son point de vue – admettons qu’il fut de circonstance, en 1941 – dans la longue biographie filmée qu'il consacrera au « Petit Tondu » en 1954. Il est piquant, dans ce contexte, de comparer l’image de Talleyrand, présenté ici comme « pervers, prestigieux, subtil » avec celle, autrement plus flatteuse, que le génial auteur-interprète offrira dans Le Diable boiteux en 1948 (cf. p. 181) et dans sa fresque napoléonienne de 1954 (cf. p. 17). Mais on n’est jamais à une contradiction près, et Guitry affiche sa totale liberté narrative en plaçant le générique du film carrément au milieu du récit ; puis, d’humeur ludique, il interrompt l'action pour demander aux jeunes acteurs de céder leurs rôles à des camarades un peu plus mûrs : Geneviève Guitry fait place à Gaby Morlay, Jean-Louis Barrault (un « Chat Botté » acceptable, anguleux quoique trop souriant) à Guitry, qui, à défaut de ressemblance physique, suggère avec une surprenante conviction l'autorité, la démarche et le magnétisme de l'Empereur. Le procédé a été inauguré déjà en 1937 dans Les Perles de la couronne, où le Napoléon d’Emile Drain succédait au Bonaparte de Barrault, et il sera repris dans son Napoléon avec Daniel Gélin et Raymond Pellegrin. Ce n’est pas du meilleur Guitry, loin s’en faut, le film est longuet, facilement bavard et solennel, et les sœurs Clary ne sont guère séduisantes, mais l’éclairage tant historique qu’idéologique qu’il fournit est passionnant à suivre. Et les dialogues, très souvent, font mouche. – AT : Napoleon’s Braut, Mademoiselle Desiree, SE : Den förste Bernadotte (= le premier Bernadotte), US : Mademoiselle Desiree. |