II - LE ROYAUME D’ANGLETERRE

Londres à l’époque d’Elizabeth Ire: maquette pour « Henry V » (1945) de Laurence Olivier
Londres à l’époque d’Elizabeth Ire: paysage recréé pour « Anonymous » (2011) de Roland Emmerich.

17. L’ANGLETERRE DEVIENT UNE GRANDE PUISSANCE : ELIZABETH Ire (1558 à 1603)

Née en 1533, Elizabeth est la fille d’Henry VIII et d’Anne Boleyn, reine d’Angleterre et d’Irlande. Sa mère est exécutée alors qu’elle a moins de trois ans ; l’enfant est déclarée illégitime et perd temporairement le titre de princesse. Adolescente, outre l’anglais, elle a appris à parler le latin, le grec, le flamand, l’italien, l’espagnol et le français (à la fin de sa vie, elle possède également des notions de gallois, de cornique, de scots et d’irlandais). En 1558, Elizabeth succède à sa demi-sœur Mary Tudor après avoir passé près d’un an en prison, échappant de justesse au billot en raison de son soutien supposé aux rebelles protestants de Thomas Wyatt. La population acclame son couronnement qui marque l’annulation des lois d’hérésie et la fin des persécutions. Quoique protestante, Elizabeth attache plus de prix à l’unité nationale qu’aux doctrines religieuses et cherche avec ses archevêques de Canterbury à échafauder une Église protestante modérée et anglaise (les Trente-Neuf Articles de 1563), pragmatisme qui lui attire l’inimitié des catholiques et des puritains radicaux. Les premiers sont revigorés par l’envoi de missions venues des collèges anglais de Douai et de Reims et les complots contre la reine se multiplient lorsque Mary Stuart, la rivale catholique à Edimbourg qui aurait des droits sur le trône anglais, se réfugie en Angleterre en 1568. Réunissant des nobles conservateurs et de grands féodaux catholiques appuyés sur leurs paysans, la Rébellion du Nord (1569) – la première et la plus grave des crises internes du règne d’Elizabeth – a pour objectif de libérer la reine déchue d’Écosse et de la placer sur le trône à Londres. Le soulèvement armé est écrasé dans le sang, en application de la loi martiale. Cette ébauche de guerre civile reste toutefois locale, l’Angleterre dans son ensemble ne bouge pas, ce qui parle en faveur de la souveraine Tudor et de sa popularité. En 1570, le pape Pie V excommunie « Elizabeth, prétendument reine d’Angleterre et servante du crime », menace d’anathème ceux qui la suivent et soutient financièrement l’Espagne pour détruire l’« État hérétique » ; la bulle papale fournit à la Couronne anglaise un prétexte de répression, mais les personnes exécutées (en priorité des missionnaires) le seront pour des motifs exclusivement politiques.

Elizabeth mène une politique extérieure largement défensive et ne soutient qu’à contrecœur plusieurs campagnes militaires dans les Pays-Bas pour y fortifier la révolte des Hollandais protestants (1585/87), en France (1563, soutien à Henri IV en 1589, 1591) et en Irlande catholique, virtuellement autonome et rebelle, des entreprises qui échoueront en grande partie du fait de manque de ressources et, pour l’Irlande, de massacres commis par ses généraux (la révolte de Gerald Fitzgerald en 1582). Sur mer, la souveraine pose les bases d’un empire maritime hégémonique grâce aux prouesses d’aventuriers tels que Sir Francis Drake (en 1577 capitaine de la flotte de la deuxième circumnavigation, après Magellan, et le premier à doubler le Cap Horn) ou Sir Walter Raleigh qui fonde en 1584 au nord de la Floride la première colonie anglaise, la Virginie, ou encore Sir Martin Frobisher qui explore le Canada et revendique ce pays pour la couronne. L’Angleterre comme la France n’admettent pas le traité de Tordesillas (1494) par lequel l’Espagne et le Portugal s’entendent pour se partager le monde en excluant les autres nations d’Europe et en interdisant tout commerce direct avec leurs colonies. Londres, dont les trois-quarts de l’économie dépendent du commerce de coton et de textile, encourage des corsaires comme Jack Hawkins et Drake à s’attaquer aux navires espagnols dans les Caraïbes (Panama, Bahía de Cádiz) ainsi qu’à leurs chargements d’or et d’argent volés aux indigènes au Pérou et au Chili, déclenchant une guerre anglo-espagnole encore larvée. Plymouth devient ainsi la première base navale d’Europe, même si la politique d’Elizabeth s’avère délibérément insulaire, sans ambition territoriale au-delà de la Manche et du pas de Calais (une nouveauté pour les monarchies britanniques).

La décapitation de Mary Stuart en 1587 est ressentie dans l’Europe catholique comme un acte de barbarie inouïe alors qu’elle n’est que la conséquence tragique d’une machination visant, une fois de plus, à éliminer Elizabeth et que cette dernière a tout fait pour éviter le drame. Philippe II trouve ainsi prétexte à envahir l’Angleterre avec une « Armada » de 132 navires lourdement armés transportant 20'000 soldats et 100'000 marins (juillet 1588). De mauvaises décisions tactiques, la malchance et l’attaque de brûlots anglais dispersent la gigantesque flotte ibérique qui est repoussée en mer du Nord où une queue de cyclone fait chavirer une trentaine de galéasses (mais aucun galion). Cette victoire, un important succès de propagande à la fois pour Elizabeth et l’Angleterre protestante, doit cependant plus aux éléments qu’à la force militaire ; l’échec de l’opération décourage momentanément l’ennemi mais ne signifie aucunement un affaiblissement de l’empire hispanique, la menace d’invasion restant présente (plusieurs « Armadas » visant en particulier l’Irlande se succéderont en 1596, 1597 et 1601). Une fois la grande frayeur écartée, les artistes anglais célèbrent la reine sous les traits de « Gloriana », la reine des fées éternellement jeune, et la procession lors d’une cérémonie à l’Old St. Paul’s Cathedral rivalise avec le faste de son couronnement. Toutefois, l’économie du royaume est durement affectée par les mauvaises récoltes, divers abus sociaux, la corruption des officiers du fisc, l’insolence de certains privilèges, des luttes factieuses et surtout le coût astronomique de la guerre qui ternissent les dernières années. Reconnaissant qu’un monarque gouverne par l’approbation du peuple, Elizabeth travaille étroitement avec le Parlement et des conseillers sûrs (William Cecil, Lord Burleigh/Burghley et son fils Sir Robert Cecil, le maître-espion Sir Francis Walsingham), une forme de gouvernance que ni son géniteur ni ses successeurs parviennent à suivre.

Marquée par les déboires matrimoniaux de son père ainsi que ceux de Mary Tudor avec Philippe d’Espagne, Elizabeth a refusé obstinément le mariage, en dépit de protocoles royaux plutôt insistants (car Mary Stuart, la rivale catholique, a des droits sur le trône anglais) et de nombreux prétendants issus de toutes les cours d’Europe. Elizabeth est sans doute trop soucieuse de sa liberté, mais aussi consciente qu’en cette époque ravagée par les guerres de religion, une union avec un prince étranger pourrait avoir de graves conséquences si le royaume passait sous la coupe d’un État plus puissant (les Habsbourg ou les Valois). L’âge avançant, le jeu matrimonial devient pour la souveraine rouée une astucieuse façon de négocier ses alliances politiques. Par ailleurs, l’hyménée avec un aristocrate anglais créerait inévitablement de nouvelles factions au sein d’une noblesse déjà tumultueuse et déchirée. La célibataire forcenée, très portée sur les fêtes, les jeux, le rire et la danse, s’entoure toutefois de favoris dont on ignore s’ils furent aussi ses amants, les plus connus étant le Lord-chancelier Christopher Hatton, Walter Raleigh, Robert Dudley, comte de Leicester (son âme sœur, ami d’enfance qui fait partie du conseil restreint) et le fils adoptif de ce dernier, le fameux Robert Devereux, comte d’Essex dont l’ambition, l’ineptie et l’irascibilité le perdra. Représentée durant sa jeunesse sous les traits de Diane et d’Astrée, Elizabeth vieillissante interdit les portraits trop réalistes (sa peau a été marquée par un accès de variole en 1562 qui a failli lui coûter la vie, l’a laissée à moitié chauve et l’oblige à utiliser une perruque et des cosmétiques) pour devenir cette icône fardée et couverte de bijoux qu’exhibe l’imagerie officielle. La vie amoureuse de la « Reine Vierge », nourrie d’accès de coquetterie et d’éclats de jalousie, reste un mystère et la question n’a pas manqué de susciter une abondante littérature, des études psychologiques, des hypothèses médicales et des fictions en tous genres ; selon Stefan Zweig, Elizabeth aurait souffert d’une forme de vaginisme ou dyspaneurie grave qui rendait les rapports sexuels presque impossibles. Handicap physique, stérilité ou précaution garante d’indépendance tant individuelle que politique, le fait de cette « virginité » et ses conséquences pour le royaume contribue à faire de son règne l’un des plus pacifiques et stimulants qu’a connus la Grande-Bretagne. La stabilité de son règne, considéré comme un « âge d’or », et ses efforts pour établir une Église d’Angleterre ont aidé à forger une identité nationale.

Londres est durant cette période le théâtre d’une transformation radicale. Sa population quadruple entre 1500 et 1600. L’économie n’est prospère qu’en apparence et la situation générale singulièrement discordante, la peste bubonique et la misère contrastant avec une explosion culturelle et intellectuelle sans précédent. Le théâtre est l’épicentre de cette révolution, car il accueille les dramaturges les plus novateurs du monde (Shakespeare, Marlowe, Jonson). Ces derniers ne vont pas seulement bouleverser la langue anglaise mais le concept même de divertissement populaire, attirant dans la dizaine de théâtres londoniens entre 1580 et 1680 quelque 50 millions de spectateurs assidus. À elle seule, l’ère élisabéthaine comptabilise plus de sept mille ouvrages imprimés et un taux d’alphabétisation grimpant à 80% dans les classes moyennes.Ayant occupé le trône pendant 44 ans, Elizabeth Ire décède à l’âge de 70 ans. Personnage énigmatique et controversé, elle partage avec quelques autres le rare privilège d’avoir donné son nom à son siècle. La lignée des Tudor s’éteint avec elle.

Cf. aussi infra le sous-chapitre : « Un danger pour le trône : MARY STUART, la dernière reine d’Écosse – 1542 / 1567 ».
1908® Marie Stuart (FR) d’Albert Capellani. – av. Véra Sergine (Elizabeth Ire).
1909Kenilworth (US) de James Stuart Blackton
Albert E. Smith/Vitagraph Co. of America, 985 ft./275 m. – av. Maurice Costello (Robert Dudley, comte de Leicester), Florence Turner (Amy Robsart).
Un digest du roman de Sir Walter Scott (cf. le feuilleton télévisé de 1957) : la mort tragique de l’épouse secrète de Robert Dudley, le favori de la reine. Filmé dans les studios Vitagraph à Flatbush (Brooklyn).
1911An Elizabethan Romance (GB) de Theo Bouwmeester [=Theodorus Maurits Frenkel]
Natural Colour Kinematograph Co., 565 ft./180 m. – av. Julie Meijer (la comtesse) [?], Theo Frenkel.
Une comtesse subtilise l’anneau royal d’un gentilhomme condamné afin que le pardon de la reine lui soit refusé (vraisemblablement une variante de l’épisode de la bague donnée à Essex par Elizabeth). Récit tourné par le pionnier hollandais Bouwmeester alias Frenkel aux studios de Charles Urban à Hove (Brighton) en utilisant le procédé Kinemacolor (bicolore) mis au point par George Albert Smith.
1911Le Comte d’Essex. Épisode de l’Histoire d’Angleterre (FR) d’André Calmettes et Henri Pouctal
Société du Film d’Art (Paris), 335 m. – av. Jacques Guilhène (Robert Devereux, comte d’Essex), Henri Pouctal (Charles Howard, comte de Nottingham), Aimée Raynal (Sarah [=Catherine Carey], comtesse de Nottingham).
L’intrigue de l’opéra de Gaetano Donizetti (cf. captation de 1975) : la reine Elizabeth aime Essex qui, lui, aime la comtesse de Nottingham, épouse de l’ami d’Essex, le comte de Nottingham. Privé de ses soutiens politiques, Essex finit par y perdre la vie. Filmé aux studios de la rue Chauveau à Neuilly avec Jacques Guilhène de la Comédie-Française.
1911L'anello della Regina Elisabetta (La Bague de la reine Élisabeth) (IT)
Società Italiana Cines (Roma), 307 m. – av. Amleto Novelli (Lord Leigh), Gastone Monaldi (un conspirateur), Giuseppe Gambardella (le geôlier).
Elizabeth Ière donne à son amant, Lord Leigh (=Robert Devereux, comte d’Essex), une bague qui le mettra à l’abri du danger s’il la renvoie à la reine le moment venu. Leigh séduit Bessie, une fille d’auberge, et la comtesse de Southerville (=Catherine, comtesse de Nottingham), une ancienne maîtresse jalouse, dénonce son comportement à la reine. Dépité, Leigh participe à un complot contre le trône ; il est découvert, incarcéré à la Tour de Londres et condamné à mort. Il fait parvenir sa bague à la reine, mais la comtesse et son époux l’interceptent. La reine découvre le bijou à côté de son trône lorsqu’il est trop tard et elle s’effondre, prise de remords et de chagrin. – Variante, avec des noms inventés, de l’épisode probablement non moins inventé de la bague d’Essex (cf. La Reine Élisabeth, 1912), tourné dans les studios Cines de la Via Appia Nuova à Rome avec Amleto Novelli, jeune premier spécialisé dans les rôles héroïques (Le Cid, Tancrède, Don Carlos, Cola di Rienzo). Le sujet est bien connu en Italie grâce à l’opéra Robert Devereux de Gaetano Donizetti (1837). – US : Queen Elizabeth’s Ring.
La reine (Sarah Bernhardt) nomme Essex (Lou Tellegen) gouverneur d’Irlande dans « La Reine Élisabeth » (1912).
1912La Reine Élisabeth / Les Amours de la reine Élisabeth / Élisabeth, reine d'Angleterre / Queen Elizabeth / The Loves of Queen Elizabeth / The Queen’s Favorite / Queen Beth (FR/US/GB) de Louis Mercanton, Gaston Roudès et Henri Desfontaines
Louis Mercanton/Histrionic Film Co. (Paris)-Établissements Pathé Frères/Le Film d’Art (Paris)-Famous Players Film Co. [Paramount Pictures], New York (Adolph Zukor)-Charles Urban Trading Company (Paris-London), 1100 m., 4 bob./52 min. – av. Sarah Bernhardt (Elizabeth Ire, th), Lou Tellegen (Robert Devereux, comte d’Essex, th), Max H. Maxudian (Charles Howard, comte de Nottingham, th), Georges Chameroy (Sir Francis Bacon, th), Albert Decoeur (Sir Francis Drake, th), Marie-Louise Derval (Lady Howard, th), Suzanne Seylor (Elizabeth Cooke, Lady Russell, th), Jane Maylianes (Lady Elizabeth Southwell, th), Mlle Romain (Catherine Carey, comtesse de Nottingham), Guy Favières (William Somerset, comte de Worcester, th), Jean Angelo (Thomas Seymour, th), Georges Deneubourg (Charles de Gontaut, duc de Biron, th), Dick (John Harrington, th), Térestri (Torruy, th), Paul Guidé (William Shakespeare, th), Paul Laurent (Jacques Stuart), Romani (Lady Arabella Stuart, th), Mme Boulanger (la diseuse de bonne aventure), Henri Desfontaines, Durozat, Piron. – [* th=rôle également tenu sur scène].
Synopsis : Le 7 août 1588, dans le camp militaire de Tilbury, la reine Elizabeth attend avec inquiétude des nouvelles des combats entre la flotte anglaise et l’Armada espagnole. Seul le comte d’Essex, favori de la reine, est optimiste et peu après, Sir Francis Drake, accoutré en corsaire, annonce la défaite totale de l’ennemi. La reine est portée en triomphe par les soldats. Pour fêter la victoire, Essex fait donner Les Joyeuses Commères de Windsor et présente Shakespeare à la souveraine. Une diseuse de bonne aventure introduite auprès d’Elizabeth lui prédit un grand chagrin et la mort d’Essex sur l’échafaud. Alarmée, la reine remet un anneau royal au comte et lui fait promettre qu’en cas de danger, il lui fera porter le bijou afin qu’elle le sauve. La comtesse de Nottingham, maîtresse secrète d’Essex, est, elle aussi, bouleversée par la lugubre prédiction. En 1599, la reine nomme Essex lieutenant-gouverneur général en Irlande, et il prend discrètement congé de son amante. Mais le comte de Nottingham les a surpris ensemble. Fou de jalousie, il complote avec Francis Bacon, ennemi d’Essex, pour perdre ce dernier. Ensemble, ils font parvenir à la reine une lettre anonyme l’accusant de trahir les intérêts du Royaume. Elizabeth n’y prête d’abord pas attention, mais lorsqu’Essex revient d’Irlande, elle le surprend dans les bras de la comtesse et, à ses yeux, la lettre incriminante confirme à présent la duplicité foncière de son favori. Elle ordonne l’arrestation d’Essex et son incarcération à la Tour de Londres pour y être jugé. Peu après, elle regrette son geste intempestif et afin de sauver le condamné, elle supplie la comtesse de le persuader de lui rendre la bague royale en signe de soumission, une conversation qu’a entendue Bacon. La comtesse parvient non sans peine à ses fins, mais Nottingham lui arrache la bague salvatrice et la jette dans la Tamise tandis que son épouse s’évanouit. Sans nouvelles, Elizabeth croit le malheureux trop fier pour demander clémence et signe son arrêt de mort. Il est exécuté (janvier 1601). Le lendemain, en priant sur le cadavre de son ex-favori, la reine découvre que la bague a disparu et elle force la comtesse à révéler ce qui s’est passé. Dès lors, Elizabeth, inconsolable, ne trouve plus le bonheur et se laisse peu à peu mourir. Elle rend son dernier souffle en mars 1603.
Le film est entré dans l’histoire du septième art en raison de la présence – et de la performance – de Sarah Bernhardt, la plus célèbre comédienne du XIXe siècle (entourée à l’écran de presque toute sa troupe), mais aussi à cause de son métrage exceptionnel pour l’époque. Ces atouts sont une caution qui confère au cinématographe, distraction populaire encore méprisée par les élites, ses premières lettres de noblesse. La mise en chantier en est toutefois rocambolesque.
Sarah Bernhardt joue « La Reine Èlisabeth » au théâtre à Paris. – Publicité américaine du film de 1912.
 La comédienne, 68 ans, s’est déjà risquée devant la caméra en 1900 dans Le duel d’Hamlet (d’une durée d’une minute) de Clément Maurice, ex-collaborateur des Frères Lumière, en 1909 avec La Tosca d’André Calmettes avec Lucien Guitry, puis en 1911 avec La Dame aux camélias d’Henri Pouctal (16 min.), trois rôles sortis de son répertoire scénique et dont la transposition à l’écran ne la satisfait pas ; selon elle, un acteur de théâtre corromprait son art à l’appliquer au cinéma. Le 11 avril 1912, le Théâtre Sarah-Bernhardt à la Place du Châtelet présente La Reine Élisabeth, pièce en 4 actes d’Émile Moreau (un proche de Victorien Sardou), où elle tient, comme de bien entendu, le rôle-titre. Le choix du sujet n’est pas un hasard : en 1853, le dramaturge ligurien Paolo Giacometti avait écrit Elisabetta regina d’Inghilterra pour l’actrice Fanny Sadowsky, mais c’est la célèbre tragédienne Adelaide Ristori qui reprit le rôle et initia dès 1866 une tournée internationale dans le costume de la souveraine des Tudor, renforçant sa présence au cœur du répertoire dramatique universel ; l’Américaine Nance O’Neil fit de même en anglais en 1901 (Elizabeth, Queen of England). Le triomphe d’Élisabeth Ière sous les traits de « La Ristori », sa rivale décédée en 1906, déjà fêtée pour son interprétation de Maria Stuart de Schiller, ne laisse pas Sarah Bernhardt indifférente : le personnage est intéressant, curieux, avec une reine âgée – comme elle-même – se raccrochant à un amour d’arrière-automne pour un jeune courtisan, fringant, beau, ingrat et qui finit par conspirer. Malgré quelques réserves de la critique, Sarah Bernhardt se lance dans ce qui promet d’être une fresque aux accents intimistes. Adulée dans le monde entier, de Londres à New York en passant par Vienne, Stockholm, Moscou, Buenos Aires et Sydney, la tragédienne fantasque y est comme toujours entourée de comédiens faire-valoir que soutiennent une mise en scène colorée par les costumes de Paul Poiret et les décors rutilants d’Emile Bertin et Henri Cioccari. Mais la pièce est aussi médiocre que confuse et l’accueil public désastreux sonne le glas du drame historique sur les tréteaux parisiens (seulement 12 représentations, le pire fiasco qu’ait jamais connu la diva).
Henri Desfontaines et Clément Maurice ont alors l’idée de l’adapter à l’écran, bien entendu sous une forme très condensée. Desfontaines, réalisateur au service des sociétés Éclipse et Radios, s’en ouvre à son ami Louis Mercanton, administrateur-régisseur du Théâtre Sarah-Bernhardt. Acculée par les dettes, la vedette rechigne, mais Desfontaines finit par la convaincre (« c’est ma dernière chance d’être immortelle ! », aurait-elle proclamé). La Société Générale des Cinématographes Éclipse, sa maison-mère Charles Urban Trading Company (Londres-Paris) et Radios fusionnent, puis forment l’Histrionic Film Co., firme indépendante destinée à produire La Reine Elisabeth, en co-financement avec le distributeur anglais J. Frank Brockliss (Londres). Le tournage s’effectue au studio de Neuilly-sur-Seine, 5 boulevard Victor-Hugo. Sarah Bernhardt a insisté, conditio sine qua non, pour que le gros de sa troupe y participe (soit une quinzaine d’acteurs dans les rôles qu’ils tiennent aussi sur scène, dans leurs costumes) et que les décors du théâtre soient partiellement repris, ce qui permet de renflouer le déficit des représentations. C’est ainsi que l’acteur néerlandais Lou Tellegen (29 ans, spécialisé dans les rôles de bellâtre et ami de cœur de la patronne depuis1910) fait ses débuts dans le cinéma international. L’actrice est d’abord étonnée de devoir obéir aux directives d’un metteur en scène et s’avoue « plus intimidée par l’objectif que par une salle pleine de spectateurs ». Desfontaines gère l’ensemble des opérations tandis que Gaston Roudès (qui ne figure pas au générique) et Mercanton s’occupent personnellement de la star et de ses collègues. Alors qu’on est en pleine production, Histrionic Film, à bout de liquidités, est racheté par Pathé Frères. Mais le salut vient d’Amérique : lors d’une conversation, l’exploitant américain Adolph Zukor a appris d’Edwin S. Porter que le « long métrage » (quatre parties) de Mercanton serait en difficulté et il voit alors l’occasion de concrétiser ses rêves de films excédant la durée habituelle de 20 à 30 minutes. Zukor acquiert donc les droits de distribution exclusive du film pour les États-Unis, avance les fonds nécessaires pour l’achèvement du tournage (estimation des coûts totaux : 47'500 $), verse à la star la somme alors inouïe de 360 $ par jour plus dix pour-cent des bénéfices bruts et contacte Daniel Frohman, producteur et propriétaire de théâtres à Broadway (New York), où Queen Elizabeth sort en première exclusivité mondiale, devant un public trié sur le volet, le 12 juillet 1912 au Lyceum Theatre, pourvu d’une partition musicale idoine de Joseph Carl Breil, compositeur d’opéras et d’opérettes américain, qu’interprète le Lyceum Theater Orchestra. Dans le domaine du show-business, c’est l’événement de l’année, qui attire aussi les classes aisées et cultivées, en plus d’être un des tout premiers longs métrages exploités aux États-Unis. Pour distribuer le numéro de « the Incredible Sarah » sur tout le continent américain et promouvoir le cinéma à grand spectacle grâce aux recettes inespérées de l’opus français, Zukor fonde la Famous Players Film Company (« Famous Players in Famous Plays ») – qui deviendra Paramount Pictures en 1914. À défaut d’héritier de la Couronne, Élisabeth Ière engendre la Paramount à Hollywood... Un coup de maître : le légendaire nabab américano-hongrois aurait investi 18'000 $ dans le film et récolté 80'000 $. Zukor apporte ainsi la preuve que le cinéma peut sortir des nickelodeons et s’imposer dans les plus grands théâtres, devant des spectateurs exigeants, prêts à débourser plus que les habituels 25 cents pour voir une photo pantomime, formule bientôt rebaptisée motion picture. En Angleterre, le film sort le 16 août 1912 au Palace Theatre à Londres sous le titre de Queen Beth, tandis que la première française, sans tambour ni trompettes, n’aura lieu que cinq mois plus tard, le 31 janvier 1913 sous l’égide de la Société Eclipse. Le film ressortira brièvement aux USA à l’occasion du décès de la comédienne, rebaptisé The Queen’s Favorite (1923).
 Vu aujourd’hui, le film a, cela va de soi, surtout un intérêt historique : la mise en scène est théâtrale (style « Film d’Art »), la caméra est statique, cadrant le récit en tableaux (plans d’ensemble) ; 26 longs intertitres annoncent l’action qui suit tandis que les comédiens gesticulent ou prennent la pose. Néanmoins, la diva – privée de bande son et de gros plans, mais toujours ouverte aux expérimentations – cherche des équivalences gestuelles à ses célèbres effets de voix. « La tragédie se précise dans son attitude, dans ses gestes, dans le frémissement de ses mains, l’angoisse de ses yeux, dans le tremblement de sa voix haletante et brisée », remarquait le critique du Temps à propos de sa prestation scénique (15.4.12), et l’actrice parvient à rendre ses émotions – joie, amour, jalousie, furie, peine, terreur, remords – intelligibles à travers un langage physique très maîtrisé. C’est une souveraine passionnée, sans pitié, dominée par son affect (ce que n’était pas l’authentique « Reine Vierge »), qui meurt debout, les bras levés au ciel (avec de longues manches tombantes en hermine) avant de s’écrouler la tête en avant dans les coussins. Le tableau final est du reste un décalque de la toile de Paul Delaroche, Mort d’Élisabeth, reine d’Angleterre, en 1603 (1828, Louvre). Tous les costumes, exceptés ceux plutôt fantaisistes de la star, respectent scrupuleusement la mode des Tudor. Pour séduire son public, Sarah Bernhardt s’inspire plus d’une fois d’une imagerie familière ; sa harangue aux soldats renvoie au tableau The Procession Portrait of Queen Elizabeth I de Robert Peake (après 1593), et lorsque Essex, un genou à terre, étale sa cape sous les pieds de la reine, il s’agit d’un renvoi visuel à The Gallantry of Sir Walter Raleigh de Samuel Drummond (1828). La presse est généralement laudative, avec quelques réserves en Grande-Bretagne : « Sarah Bernhardt ressemble autant à notre Reine Bess qu’un destroyer lance-torpille d’aujourd’hui à une caravelle de Francis Drake », lance sarcastiquement le critique de Bioscope (23.1.13). Ce qui ne saurait affecter l’incorrigible histrionne qui, après la scène finale, réapparait souriante à l’écran pour saluer son public... (Elle subira trois ans plus tard l’amputation de sa jambe droite atteinte de gangrène mais refusera de laisser son handicap mettre fin à sa carrière.)
Pour l’anecdote : le dramaturge élisabéthain John Webster fait allusion à la légende romantique de la bague donnée à Essex par la reine dans sa pièce The Devil’s Law Case (1623), mais le récit apparaît pour la première fois en entier dans le roman anonyme Comte d’Essex, Histoire angloise, imprimé en France en 1678, puis en Angleterre en 1696 sous le titre de The Secret History of the most renowned Queen Elizabeth and the Earl of Essex, by a Person of Quality. Dans son History of England (1754-61), David Hume raconte que la reine donna le bijou à son favori pour le récompenser de la prise de Cadix en 1596, mais qu’après son procès, afin de sauver sa tête, Essex le remit à la comtesse de Nottingham, dame d’honneur et confidente de la reine. Celle-ci ne le donna pas à Elizabeth, car son époux haïssait Essex. Sur son lit de mort, elle aurait confessé sa faute à la reine et celle-ci, furieuse, lui aurait répondu : « Que Dieu vous pardonne, moi, je ne le pourrai jamais ! » L’anecdote, contestée par les historiens, sera amplement exploitée dans Robert Devereux (1837), l’opéra de Gaetano Donizetti (cf. infra, 1975). Précisons aussi qu’Essex ne fut pas décapité pour avoir trompé la reine, mais disgracié en 1601 après avoir fomenté un coup d’État. En 1590, il épousa Frances Walsingham (fille de Sir Francis) qui lui donna cinq enfants et décéda en 1633. Ce mariage irrita la reine, car il se fit sans son autorisation, mais elle finit par pardonner l’affront de son favori. Elizabeth Southwell, maîtresse d’Essex, lui donna un fils en 1591. A l’écran, la version la plus célèbre du drame reste The Private Lives of Elizabeth and Essex (La Vie privée d'Élisabeth d'Angleterre) (US) de Michael Curtiz, avec Bette Davis et Errol Flynn (pour plus de détails sur le cas d’Essex et sa prétendue liaison avec la reine, cf. infra, 1939).
1912L’Anneau du comte d’Essex (FR)
Léon Gaumont/Société des Établissements L. Gaumont S.A. (Paris), 306 m.
Une version rivale du film de Sarah Bernhardt qui n’a pas fait date.
1913® Mary Stuart (US) de Walter Edwin [et J. Searle Dawley]. – av. Miriam Nesbitt (Elizabeth Ire).
1913Drake's Love Story / US: The Love Romance of Admiral Sir Francis Drake (GB) de Hay Plumb
Cecil M. Hepworth/Hepworth Picture Plays (London), 2325 ft./753 m./3 bob. – av. Hay Plumb (Sir Francis Drake), Chrissie White (Elizabeth Sydenham), Violet Hopson (Elizabeth Ire).
En 1585, le mariage secret de Sir Francis Drake avec sa seconde épouse Elizabeth Sydenham, prévu au manoir familial de Combe Sydenham Hall (Somerset), doit être déplacé à Monksilver en raison d’un mauvais présage. L’union irrite la reine, à qui le navigateur-corsaire n’a pas demandé l’autorisation de se remarier. Mais l’imminence d’une invasion espagnole fait tout oublier. Trois ans plus tard, Drake, nommé vice-amiral, seconde Lord Charles Howard d’Effingham (comte de Nottingham) à la tête de la flotte anglaise lors de la bataille navale contre l’Armada. – Moyen métrage tourné aux studios de Walton-on-Thames, dernier film de C. M. Hepworth en faillite.
1914® The Life of Shakespeare (GB) de J. B. McDowell, Frank Growcott. – av. Aimee Martinek (Elizabeth Ire).
1915The Bridge of Time (US) de Frank Beal
William Nicholas Selig/Selig Polyscope Company (« Selig Diamond Special »), 3 bob./914 m./30 min. – av. Harry Mestayer (Sir Ralph Kennard), Eugenie Besserer (Elizabeth Ire), Virginia Kirtley (Marie Waters), Guy Oliver (Bob Walters, frère de Marie), Bertram Grassby, Will E. Sheerer.
Ralph Kennard, un jeune homme du XXe siècle descendant d’une lignée d’aristocrates et qui vénère ses ancêtres, désire sa dactylo Marie ; il organise un faux mariage pour la séduire, mais le frère de la belle saisit une vieille épée à la paroi et le blesse grièvement ; la blessure fait délirer Ralph et, traversant le « pont du temps », il se retrouve au XVIe siècle dans le corps d’un de ses ancêtres. Ce dernier découvre un complot de nobles dirigés par Sir Richard D’Arcy pour le tuer ainsi que la reine Elizabeth ; il parvient à neutraliser les félons à temps et à sauver la reine, mais perd la vie. Il reprend conscience au XXe siècle où il épouse Marie pour de vrai. – Un script fantasque de Roy L. McCardell filmé aux studios d’Edendale à Los Angeles.
1919Westward Ho ! (GB) de Percy Nash
Harry B. Parkinson/Master Films Limited-BEF, 1945 m. – av. Eric Harrison (Amyas Leigh), Renee Kelly (Rose Salterne), Charles Quartermaine (Don Guzman), Booth Conway (Salvation Yeo), Irene Rooke (Mistress Leigh), Ernest Wallace (John Oxenham), Dolly Robbins (Ayacanora), Allen Hilton (Frank Leigh), J. H. Barnes (Master Salterne).
À Bideford (Devon) en 1575. Amyas Leigh, jeune rebelle et indiscipliné, aime Rose Salterne, la beauté du village, mais celle-ci est enlevée par le pirate Don Guzman. Aguiché par les récits de voyage de John Oxenham, Amyas suit Sir Francis Drake en mer pour combattre l’Espagnol dans les Caraïbes puis sur les côtes du Venezuela, où il recherche de l’or. Entretemps, son frère Frank et Rose sont capturés par l’Inquisition et périssent comme hérétiques sur le bûcher. Amyas retourne en Angleterre au moment de l’affrontement contre l’Armada espagnole et perd la vue pendant le combat naval. Il se console dans les bras de l’Indienne Ayacanora.
Un récit d’aventures tourné avec peu de moyens aux studios de Teddington (Richmond-upon-Thames) et tiré d’un roman jadis extrêmement populaire de Charles Kingsley, paru en 1855 (trad. française : Cap à l’Ouest !). Le texte se base en partie sur les exploits de l’expédition de George Somers et Amyas Preston au Venezuela – prise de Caracas – et dans les Antilles espagnoles (mai-juillet 1595). Professeur d’histoire moderne à l’université de Cambridge, ami de Darwin, aumônier de la reine Victoria et fervent partisan de l’impérialisme britannique, Kingsley y déverse son aversion du catholicisme romain et des Irlandais tout en glorifiant la supériorité naturelle de la race teutonne (germanique, scandinave et anglo-saxonne) et leur juste domination des indigènes de couleur. C’est le premier roman britannique qui a été adapté en feuilleton radiophonique par R. E. Jeffrey à la BBC (7 avril 1925). Burbank Films Australia en fera un film animé en 1988. Aujourd’hui démodé et embarrassant.
1922Der Favorit der Königin (Les Morts Vivants) (DE) de Franz Seitz Sr.
Münchner Lichtspielkunst AG (Emelka-Konzern), München, 2614 m./7 actes/109 min./80 min. – av. Hanna Ralph (Elizabeth Ire), Maria Mindszenty (Lady Evelyne), Erich Kaiser-Titz (Sir Richard Surrey), Wilhelm Kaiser-Heyl (Sir Gordon Pembroke), Alf Blütecher (Arthur Lyde), Oskar Marion (le comte de Warwick), Carl Goetz (le bouffon), Max Schreck (Jack, voleur de cadavres), Ferdinand Martini (Tom, voleur de cadavres), Elise Aulinger, Albert Patry (Le Lord Chancelier), Otto Kronburger (colonel Fitzgerald), Josef Karma (Dr. Jefferson), Elise Aulinger (une domestique), Fritz Kampers (un garde), Hans Schwartze, Carl Österreicher.
En 1590, une terrible épidémie ravage Londres. Sir Gordon Pembroke et ses assistants médecins défient la loi en pratiquant des autopsies pour comprendre la nature de cette « mort grise » qui laisse ses victimes dans un état cataleptique. Lady Evelyne, orpheline et protégée de Pembroke, vient d’être admise à la cour comme demoiselle d’honneur où Lord Surrey, le favori de la reine Elizabeth, s’éprend d’elle. Mais Evelyne ne pense qu’à son cousin aimé, le docteur Arthur Lyde, qui s’acharne dans le secret de sa demeure à découvrir la nature du « mal maudit » dont souffre la population. Lord Surrey fait exécuter Pembroke pour ses pratiques médicales illicites. Lorsque Lyde, son disciple, est arrêté à son tour par le guet et accusé de magie noire, Evelyn obtient sa grâce auprès de la reine qui, jalouse des assiduités de son amant Lord Surrey, veut la marier au comte de Warwick. Lord Surrey tente d’assassiner Lyde, mais Evelyn comme la reine sont frappées du mal. Evelyn tombe en catalepsie et passe pour morte et, en s’apprêtant à l’autopsier, le jeune médecin fait une découverte qui le mène à trouver un remède à l’épidémie. La reine signe l’arrêt de mort de Lord Surrey et bénit l’union d’Evelyne avec Lyde.
Le sujet, tiré de la pièce Das zweite Leben. Drama in drei Akten de Georg Hirschfeld (1910) et tourné de juin à septembre 1922 aux studios munichois Emelka à Munich-Geiselgasteig (avec des décors de Willy Reiber), est interprété par Hannah Ralph, la fascinante Brunhilde des Nibelungen de Fritz Lang, et, dans un rôle fantasque, Max Schreck (le vampire Nosferatu de Murnau) en voleur de cadavres. Le film est considéré en Bavière catholique comme une provocation, car on y prône des idées progressistes et démocratiques, plaçant la science au-dessus de la religion. Les habitants de Londres s’y révoltent contre le clergé et assiègent la Tour de Londres en criant « la voix du peuple est la voix de Dieu ». Le film est exploité en France en 1924 sans mention de son origine allemande (les mauvais souvenirs sont encore vifs), tandis que les copies en Suisse distribuées sous le titre de Die lebende Mumie la momie vivante ») mentionnent une obscure société berlinoise (Vicor-Film AG), une longueur de 1800 mètres et des acteurs inconnus : Oszkár Dénes (Sir Richard Surrey), Paul Lucacs (Lord Arthur Walwick) et Sibyl Smolova (Lady Evelyn).
1922Der Graf von Essex (Le Comte d'Essex) (DE) de Peter Paul Felner
National Film-A.G. (Berlin), 7 actes/2955 m. – av. Agnes Straub (Elizabeth Ire), Eugen Klöpfer (Robert Devereux, comte d’Essex), Fritz Kortner (Charles Howard, comte de Nottingham), Ferdinand von Alten (Sir Walter Raleigh), Eva May (Lady Anne Rutland), Friedrich Kühne (William Cecil, baron Burghley), Magnus Stifter (Henry Wriothesley, comte de Southampton), Erna Morena (Catherine Carey, comtesse de Nottingham), Karl Huszar-Puffy (Cuff, le valet d’Essex), Rosa Valetti (sa femme).
Synopsis : Après sa victoire contre les Écossais, Essex fait une rentrée triomphante à Londres, adoré du peuple et de l’armée, au mécontentement de ses ennemis, Raleigh, Nottingham et Lord Cecil. Les femmes sont à ses pieds, Elizabeth en est amoureuse et en fait son favori. Aveuglé par l’ambition, celui-ci brave les pouvoirs de la Cour. Au Parlement, il interrompt les débats et déchire le document condamnant à mort les rebelles écossais ; Elizabeth sourit. Conscient de sa position délicate, Essex s’efforce de garder secret ses amours avec Anne Rutland, dame d’honneur de la reine. Essex sauve la vie d’Elizabeth lorsque des conspirateurs écossais tentent de la tuer au cours d’un banquet, et pour le remercier, la reine lui fait cadeau d’un anneau précieux, bijou qui doit lui conserver en toute circonstance les grâces royales. Essex gagne discrètement la maison de campagne où il doit épouser en secret Anne, mais la cérémonie est interrompue par l’arrivée d’Elizabeth et l’annonce d’un soulèvement des Irlandais. Essex est chargé sur-le-champ d’écraser la révolte (1599). En son absence, ses ennemis répandent des calomnies à son sujet, sabotent le ravitaillement de ses troupes et arrachent de fausses accusations à ses serviteurs soumis à la torture. Lâché par Londres, Essex conclut un armistice humiliant avec les Irlandais et rentre en Angleterre contre la volonté de la Couronne. Mais la reine apprend son mariage secret et, folle de jalousie, elle le dépossède de tous ses titres et charges. La population et l’armée se soulèvent et marchent avec lui vers la Tour de Londres pour exiger réparation. Elizabeth tient la foule en échec et fait jeter Essex, grièvement blessé, en prison. Le Parlement le condamne à mort. La reine attend en vain que son ex-amant, trop orgueilleux, lui fasse parvenir l’anneau permettant de le sauver. Trop orgueilleux, il hésite, puis le remet au dernier moment à Lady Nottingham pour qu’elle le transmette à la reine. Mais Lady Nottingham, également amoureuse d’Essex, jette l’anneau salvateur dans la Tamise afin que le comte ne connaisse pas le bonheur avec une autre femme. Essex est décapité. Sur son lit de mort, Lady Nottingham avoue son crime à la reine horrifiée.
Une suite statique de tableaux réunissant la crème des comédiens de théâtre et de cinéma allemands, le tout mis en valeurs par une débauche de costumes et des décors impressionnants signés Robert Herlth et Walter Röhrig, les géniaux collaborateurs de F. W. Murnau, Fritz Lang et G. W. Pabst. Le personnage de Lady Anne Rutland, l’épouse secrète du héros, est une invention de scénariste, les raisons de l’exécution d’Essex étaient purement politiques. Pour la légende romantique de l’anneau royal d’Elizabeth, cf. supra, La Reine Elisabeth (1912).
1922Sea Dogs of Good Queen Bess (GB) d’Edwin Greenwood
Série « Romance of British History », British & Colonial films (London), 325 m. – av. Gregory Scott (Sir Francis Drake).
Un épisode de la guerre navale anglo-espagnole où se distingue Sir Francis Drake. Court métrage tourné dans les studios de Hoe Street à Walthamstow (Londres).
1922The Story of Amy Robsart (GB) de George Ridgwell
Série « Romance of British History », H. W. Thompson/British & Colonial Films (London), 2000 ft./650 m. – av. Edith Morley (Amy Robsart), Gregory Scott (Robert Dudley, comte de Leicester), Gordon Hopkins, Harry J. Worth.
Un récit inspiré du roman Kenilworth de Sir Walter Scott (cf. feuilleton télévisé de 1957) et tourné dans les studios de Hoe Street à Walthamstow près de Londres : la mort tragique de l’épouse du favori d’Elizabeth, Robert Dudley, survenue à la suite d’une chute dans les escaliers le 8 septembre 1560. Dudley fut soupçonné de l’avoir tuée en vue d’épouser la reine en secondes noces, mais l’enquête conclut à la mort accidentelle (Amy Robsart souffrait d’un cancer du sein).
1923The Virgin Queen (La Reine Élisabeth) (GB) de James Stuart Blackton
J. Stuart Blackton/John Stuart Blackton Photoplays-Rose Film Co., 7 bob./2270 m. – av. Lady Diana Manners (Elizabeth Ire), Carlyle Blackwell (Lord Robert Dudley, duc de Leicester), Maisie Fisher (Mary Stuart), Walter Tennyson (le vicomte Hereford), Sir Francis Laking (Henry Stuart, Lord Darnley), Hubert Carter (Sir William Cecil), A. B. Imeson (Borghese Venturini), Marian Constance Blackton (Mary Arundel), Tom Haselwood (Prestall, l’astrologue), William Luff (l’évêque de Quadra), Violet Virginia Blackton (Lettice Knollys), Norma Whalley (Margaret Douglas, comtesse de Lennox), Lionel d’Aragon (Thomas Percy, comte de Northumberland), Bernard Dudley, Helen Wilson Barrett, Ursula Jeans, Eileen Magrath, Marcella Montague et le Felix Orman’s Beauty Squad.
L’intrigue imaginée par Harry Pirie Gordon tourne autour d’un complot d’assassinat contre la souveraine ourdi par sa grande ennemie, Margaret Douglas, comtesse de Lennox (et cousine de Mary Tudor), qui vise à placer son propre fils, Henry Stuart, Lord Darnley, sur le trône d’Angleterre aux côtés de Mary Stuart. Dudley, duc de Leicester, intervient à temps pour sauver la « reine vierge ».
Deuxième film historique anglais du pionnier anglo-américain J. S. Blackton (co-fondateur de la Vitagraph en 1896), qui tente sa chance à Londres après une série d’échecs à Hollywood. Il utilise pour la deuxième fois Lady Diana Manners, la fille du duc de Rutland (plus tard Lady Diana Cooper), une beauté très en vue dans la société huppée de Londres qu’il fit jouer auparavant dans The Glorious Adventure (sous le règne de Charles II). Blackton utilise son réseau social dans l’aristocratie également pour ce film-ci, ce qui lui vaut une publicité de taille dans la presse mondaine britannique. Le jeune New-Yorkais Carlyle Blackwell, lancé par Blackton en 1910, est déjà une star. Autre sensation que l’utilisation dans certaines séquences du procédé bichrome Prizma Color. À la caméra on découvre le nom du chauffeur privé du réalisateur, l’Italo-Américain Nicholas Musuraca, qui fait içi ses débuts et deviendra après la guerre le plus célèbre chef-opérateur du « film noir » (The Spiral Staircase de Robert Siodmak en 1946, Out of the Past de Jacques Tourneur en 1947, Clash by Night de Fritz Lang en 1953, etc.). Le tournage s’effectue en automne-hiver 1922 aux studios de Cricklewood (Camden), dans le domaine et les ruines de l’abbaye cistercienne de Beaulieu (Hampshire) avec des intérieurs au Palace House et au New Forest National Park près de Southampton. Mais la narration traîne, le style est lourd et vieillot, le jeu des comédiens novices laisse à désirer, les couleurs déçoivent, de sorte qu’en dépit de sa profusion décorative et de sa surcharge en costumes et en figurants, le spectacle n’attire pas les foules. Les recettes sont décevantes et Blackton retourne aux États-Unis.
1923® The Loves of Mary, Queen of Scots (Les Amours de Mary, reine d’Écosse) (GB) de Denison Clift. – av. Ellen Compton (Elizabeth Ire).
1924® Old Bill Through the Ages (GB) de Thomas Bentley. – av. Gladys Ffolliott (Elizabeth Ire).
1923/24* Dorothy Vernon of Haddon Hall (Dorothy Vernon de Haddon Hall / Le Grand Amour de Dorothy Vernon) (US) de Marshall Neilan [et Mary Pickford]
Mary Pickford/Mary Pickford Productions-Marshall Neilan Production-United Artists, 3029 m./132 min. – av. Mary Pickford (Dorothy Vernon de Haddon Hall), Anders Randolf (Sir George Vernon de Haddon Hall, son père), Allan Forrest (Sir John Manners), Wilfred Lucas (Sir Roger Manners, comte de Rutland, son père), Claire Eames (Elizabeth Ire), Estelle Taylor (Mary Stuart), Courtenay Foote (Lord Robert Dudley, comte de Leicester), Marc McDermott (Sir Malcolm François de Lorraine Vernon), Carrie Daumery (Lady Margaret Vernon de Haddon Hall), Lottie Pickford-Forrest (Jennie Faxton, servante de Dorothy), Howard Gaye (Thomas Howard, duc de Norfolk), Colin Kenny (Dawson), Julie Bishop, Margaret Reid, Roger Byrne, Marcella Daly, J. C. Fowler, Junior Johnston, Coy Watson.
Synopsis : Au printemps 1568 dans le comté du Derbyshire. Les chefs de deux puissantes familles, Sir George Vernon, seigneur de Haddon Hall, et Roger Manners, comte de Rutland, se fâchent pour une question de dot, alors qu’ils avaient projeté de marier leurs enfants, Dorothy et John. À présent, Dorothy se voit forcée de s’unir à son cousin, Malcolm Vernon d’Écosse, lors de son 18e anniversaire. Après un séjour en France à la cour de François II, puis en Écosse où il a raccompagné Mary Stuart, John revient au pays ; on murmure à tort qu’il aurait été l’amant de la reine. Il rencontre Dorothy, qu’il ne connaît pas, et les deux jeunes gens tombent éperdument amoureux. Dorothy se détourne cependant de lui en apprenant son identité, mais refuse aussi d’épouser Malcolm qui complote secrètement avec le duc de Norfolk pour placer Mary Stuart sur le trône d’Angleterre, à l’insu et contre la volonté de la concernée. Allié à la famille des Stuarts, Roger Manners ordonne à son rejeton d’aller chercher la reine d’Écosse captive à Loch Leven et de l’héberger dans son château de Rutland. De son côté, Sir Vernon invite la reine Elizabeth à Haddon Hall pour assister aux festivités du mariage forcé de sa fille avec le fieffé Malcolm, comme le lui a suggéré ce dernier – avec une idée derrière la tête. Dorothy protège John de la fureur de son géniteur qui a découvert leur liaison secrète et veut faire pendre le malheureux ; elle l’aide à s’enfuir et à esquiver la dague de Malcolm. Sir George emprisonne sa propre fille, mais lorsque Jennie, la servante de Dorothy que celle-ci a envoyée à Rutland, surprend John dans les bras de Mary Stuart, elle croit à une trahison, ignorant que le jeune homme, grièvement blessé par Malcolm, s’était effondré inanimé auprès de la reine fugitive. Jennie informe Dorothy qui, jalouse, se venge en révélant à la reine Elizabeth la cachette de son ennemie. Elizabeth ordonne à Malcolm d’arrêter l’Écossaise, John et Sir George. Dorothy se repent, s’évade et galope au château de Rutland pour avertir Mary Stuart et John de l’arrivée des troupes royales. John et Sir Georges sont capturés, mais Dorothy sauve la souveraine écossaise en revêtant ses vêtements royaux et prenant sa place. Le trio est enfermé dans les obscurs cachots de Haddon Hall, où Malcolm révèle à Dorothy, qu’il prend pour Mary Stuart, son intention d’assassiner Elizabeth. Dorothy et John se rendent auprès de la reine d’Angleterre par un passage secret et lui sauvent la vie de justesse ; Malcolm périt. Reconnaissante, Elizabeth relâche ses prisonniers, mais condamne John à un an d’exil au pays de Galles, accompagné de Dorothy. Quant à Mary Stuart, elle est conduite à Tutbury Castle sous bonne garde.
L’intrigue passablement tarabiscotée de Dorothy Vernon est tirée du troisième roman de l’Américain Charles Mayor, best-seller paru en 1902, puis adapté au théâtre par Paul Kester l’année suivante. Mayor est déjà l’auteur fêté d’un autre roman tudorien, When Knighthood Was in Flower (1898), porté à l’écran quatre fois (cf. s. Henry VIII). L’ouvrage présente quelques bases historiques : en 1563, John Manners (v.1534-1611), fils de Thomas Manners, premier comte de Rutland (v.1492-1563), aurait effectivement fugué et épousé une Dorothy Vernon (v.1545-1584), fille du propriétaire de Haddon Hall, George Vernon (surnommé « King of the Peak », v.1508-1565), contre l’avis de ce dernier ; les Manners étaient protestants et pauvres, les Vernon catholiques fortunés, détail de la chronique familiale que ne retient pas Mayor. Son livre fait de Malcolm le narrateur du récit, amoureux de Mary Stuart et ami fidèle de John Manners dont il cautionne la liaison secrète avec Dorothy. Le père de cette dernière planifie une union de sa fille rebelle avec Robert Dudley, comte de Leicester et favori d’Elizabeth, mais Malcolm couvre la fugue des amoureux et s’enfuit lui-même en France avec Madge, l’amie d’enfance de Dorothy. Notons que l’opéra Haddon Hall d’Arthur Sullivan (mus.) et Sidney Grundy, créé à Londres en 1892, conte également la fugue légendaire de Dorothy et John, mais en déplaçant curieusement l’action en l’an 1660, à la fin de la dictature puritaine de Cromwell. D’autres écrivains du XIXe siècle se sont inspirés de l’anecdote, comme Allan Cunningham (King of the Peak – A Derbyshire Tale, 1822), William Bennett (The King of the Peak. A Romance, 1823), Eliza Meteyard (The Love Steps of Dorothy Vernon, 1849) ou Fred Terry et Julia Neilson (la pièce Dorothy o’the Hall, 1906). Les ducs de Rutland, descendants de Dorothy et de John, vivent toujours à Haddon Hall.
Les films d’aventures historiques étant à la mode, les droits du roman de Mayor s’arrachent. À New York, le magnat de la presse William Randolph Hearst, qui vient d’investir une fortune dans When Knighthood Was in Flower (1922) pour son hégérie Marion Davies, cherche à les acquérir, mais Mary Pickford, femme d’affaires avisée et co-fondatrice de United Artists à Hollywood, le prend de vitesse en mettant 75'000 $ sur la table. Baptisée « America’s Sweetheart », la star de 30 ans dont la gloire est internationale et les boucles blondes aussi célèbres que la moustache de Charlot, est lasse de jouer les petites filles sages à la Pollyana ; inconsciemment, elle cherche à rivaliser avec son époux Douglas Fairbanks qui, lui, s’est imposé dans le registre des bondissantes péripéties situées dans d’extravagants décors, campant avec autant de panache que d’humour Zorro, d’Artagnan, Robin des Bois ou le voleur de Bagdad. Mary Pickford voit grand : en décembre 1922, elle sollicite Ernst Lubitsch à Berlin, dont Madame Dubarry et Anne Boleyn (1920) ont beaucoup frappé le public américain. Sur son invitation, Lubitsch quitte le vieux continent et s’installe en Californie, mais le projet de Dorothy Vernon ne lui dit rien qui vaille : « trop de reines, Elizabeth I, Mary Stuart, Dorothy ... et Mrs. Pickford ! » De surcroît, la productrice aime les réalisateurs obéissants. Mary Pickford lui confie donc Rosita (1923), aventure historique plus espiègle, et fait appel au turbulent Irlandais Marshall Neilan qui l’a déjà dirigée avec talent dans cinq films en 1917/18 pour enfin aborder l’époque tudorienne. Mais depuis lors, Neilan a pris goût à la bouteille et Mary Pickford doit parfois gérer elle-même les prises de vues en l’absence de son metteur en scène, notamment lors du défilé royal avec 500 figurants à San Francisco. Retardé par une réécriture radicale du scénario (Malcolm devient le méchant), le tournage a lieu d’octobre à décembre 1923 aux vastes Pickford-Fairbanks Studios à West Hollywood, et en extérieurs au Golden Gate Park à San Francisco et aux Busch Gardens à Pasadena. Le budget est imposant (750’000 $) et la star s’offre à cette occasion le costume le plus cher du cinéma muet : une somptueuse robe élisabéthaine incrustée d’authentiques perles de nacre, qui a été conçue par Mitchell Leisen (avec une touche Art Déco) et a coûté la bagatelle de 32'000 $. Mary Pickford filme en famille, confiant le rôle de Jenny à sa sœur Lottie et celui du séduisant John Manners à son beau-frère Allan Forest. Le résultat est visuellement chatoyant, très décoratif, avec une splendide photo de Charles Rosher, bref une combinaison jouissive (quoiqu’un peu trop longue) « de grand art et de slapstick, d’Histoire et de sornettes » (Kevin Brownlow, Mary Pickford rediscovered, H. Abrams, 1999, p. 206). Mais sur le fond, Lubitsch avait raison : face au drame – à peine esquissé – des deux souveraines, la petite Dorothy Vernon, entêtée, rebelle, farceuse parfois, ne fait pas le poids. En dépit de 16 semaines d’exclusivité au Criterion Theater à New York, avec augmentation conséquente des prix d’entrée, et de la cohorte de fans de Mary Pickford, le film est un échec commercial : les gains domestiques ne suffisent pas à couvrir les frais de production exorbitants.
DE, AT: Der Ritt ums Leben, ES: Dorotea Vernon.
1924* The Sea Hawk (L’Aigle des mers) (US) de Frank Lloyd
Frank Lloyd Productions-Associated First National Pictures, 12 bob./3902 m./123 min. – av. Milton Sills (Sir Oliver Tressilian, dit Sakr-el-Bahr), Enid Bennett (Lady Rosamund Godolphin), Wallace MacDonald (Peter Godolphin, son frère), Lloyd Hughes (Lionel Tressilian, demi-frère d’Oliver), Wallace Beery (cpt. Jasper Leigh), Marc McDermott (Sir John Killigrew, tuteur de Rosamund), Bert Woodruff (Nick, serviteur d’Oliver), Claire Du Brey (Siren, la femme légère), Lionel Belmore (le juge Anthony Blaine), Christina Montt (l'infante Isabelle d'Espagne, fille de Philippe II), Frank Currier (Assad-ed-Din, pacha d’Alger), Medea Radzina (Fenzileh, son épouse), William Collier jr. (Marzak, leur fils), Albert Prisco (le prince Yussuf-ben-Moktar, leur neveu), Fred De Silva (Ali, lieutenant d’Assad), George E. Romain (le capitaine espagnol), Kathleen Key (une esclave andalouse), Nancy Zann (une esclave espagnole), Hector V. Sarno (Tsamanni), Robert Bolder (Ayoub), Henry A. Barrows (l’évêque espagnol), Andrew Johnston (Sir Walter), Edwards Davis (Chief Justice d’Angleterre).
Synopsis : Sir Oliver Tressilian, 25 ans, baronnet de Pennarow Hall en Cornouailles, a été adoubé par la reine en août 1588 pour avoir combattu les navires de « l’invincible Armada ». Mais il est jalousé sournoisement par son demi-frère qu’il affectionne pourtant, Lionel. Sir Oliver est sur le point d’épouser Lady Rosamund Godolphin. Pour perdre son frère, Lionel le fait accuser d’un crime qu’il a commis lui-même, à savoir l’assassinat de Peter Godolphin, le frère de Rosamund, vieil ennemi de la famille. Mais Oliver parvient à prouver son innocence, et, par grandeur d’âme, refuse de dénoncer le véritable coupable. Afin de s’en débarrasser définitivement, Lionel fait enlever son demi-frère par un boucanier sans scrupules, Jasper Leigh, qui est chargé de le vendre comme esclave aux Maures. Capturé par des Espagnols, Oliver est enchaîné avec Leigh et le prince maure Yussuf sur une galère. Ils rament pendant des mois, jusqu’au jour où, au large du cap de Minorque, la réale est attaquée par des pirates barbaresques sous le commandement d’Assad-ed-Din, le puissant pacha d’Alger et oncle de Yussuf, attiré par la présence de l’infante d’Espagne à bord. Oliver brise ses chaînes avec l’aide de Yussuf et aide les Maures à vaincre les Espagnols qui l’ont tant fait souffrir. Pour le récompenser, Assad le nomme lieutenant de sa flotte. Ainsi, Oliver devient un redoutable corsaire sous le nom de « l’Aigle des Mers » ou Sakr-el-Bahr, renégat craint dans toute la Méditerranée chrétienne (mais les captifs anglais sont épargnés) et condamné au bannissement perpétuel dans sa patrie où Lionel s’est fait son accusateur public, s’est emparé du château familial et s’apprête à épouser Rosamund. Oliver jure de se venger, cingle vers les côtes de Cornouailles et, sous prétexte d’un raid à terre, s’empare de Lionel et de Rosamund ; Lionel est à son tour enchaîné comme galérien, mais de retour à Alger, le pacha s’entiche de Rosamund, esclave vendue aux enchères. Oliver parvient de justesse à la racheter et l’épouse. Fenzileh, la femme d’Assad, craint que son époux néglige son propre fils et lui suggère de mettre la loyauté de l’étranger à l’épreuve. Assad exige donc d’Oliver de le seconder dans une expédition en mer contre les Anglais. Oliver embarque secrètement Rosamund à bord. En cours de route, l’« Aigle des Mers » tombe sur une frégate anglaise commandée par Sir John Killigrew, tuteur de Rosamund. Pendant la nuit, Oliver envoie son demi-frère à la nage avertir Killigrew de la présence de sa protégée à bord. Au matin, les deux navires se font face. Oliver est sommé de se rendre, mais il menace de faire sauter sa galère si Killigrew ne fait pas le serment d’épargner son équipage. Pour sauver Rosamund, Killigrew accepte le marché. Le lendemain, Oliver est condamné à la pendaison. Mais avant de succomber à la fièvre après une longue traversée dans l’eau glacée, Lionel, pris de remords, avoue tous ses crimes et Oliver, enfin innocenté après cinq ans d’exil, peut rentrer en Angleterre avec Rosamund et l’ex-pirate Jasper Leigh, qui est devenu son ami.
 Les ouvrages du prolifique Rafael Sabatini, né à Ancône en 1875 et mort à Adelboden en 1950, ont été plusieurs fois adaptés au cinéma (Scaramouche en 1923 et 1952, Captain Blood en 1924, 1935, 1950, 1952 et 1991, The Black Swan/Le Cygne noir en 1942, etc.) et font du romancier anglo-italien l’un des meilleurs auteurs de cape et d’épée du XXe siècle. The Sea Hawk (trad. française : Le Faucon des mers) est paru en 1915. Neuf ans plus tard, le réalisateur et producteur Frank Lloyd, un natif de Glasgow, Écossais pure souche qui s’est fait une sérieuse réputation à Hollywood, notamment avec des adaptations littéraires de Dickens, Hugo, Balzac, Tarkington, jette son dévolu sur l’œuvre de Sabatini. Lloyd est depuis son enfance un passionné des aventures maritimes et on lui doit de nombreux films sur mer, notamment The Eagle of the Sea/Le Corsaire masqué (le pirate Jean Lafitte, 1926), The Divine Lady/Lady Hamilton (l’amiral Nelson, 1928), Rulers of the Sea/Les Maîtres de la mer (1939) et, bien sûr, la version oscarisée de Mutiny on the Bounty/Les Révoltés du Bounty (1935) avec Clark Gable et Charles Laughton. D’emblée le réalisateur voit grand : pas question de navires miniatures dans un bassin de studio. Lloyd fait transformer quatre bateaux désaffectés en galères d’époque, en grandeur nature, dont un galion espagnol de 53 mètres (pour la somme alors exorbitante de 250'000 $), puis installe 600 personnes, techniciens, acteurs et figurants, dans un campement de 150 tentes sur la côte ouest de l’île Santa Catalina (Calif.), en février-mars 1924. Après cinq semaines de tournage en mer (avec l’aide de trois autres navires pour le matériel technique), Lloyd rappelle son équipe aux United Studios à Marathon Street, L.A., futur Paramount, où sont érigés les décors de la ville maghrébine et son marché d’esclaves. Ces opérations, inédites dans leur ampleur et ruineuses pour l’époque (800'000 $), sont commentées dans toute la presse anglo-saxonne.
Les débuts du récit sont lents et les faiblesses du scénario (qui suit pourtant fidèlement le roman) manifestes, mais le film s’emballe avec un certain brio dès que l’on quitte la terre ferme. Les séquences très brutales des affres des galériens vont marquer Fred Niblo pour le tournage de Ben Hur l’année suivante et le réalisme des séquences d’abordage est si frappant que, onze ans plus tard, la Warner envisagera d’emprunter des plans du film de Lloyd pour sa version sonore de Captain Blood avec Errol Flynn (contrairement à la légende, elle n’en fera rien). Acteur dramatique, Milton Sills, 42 ans, n’a certes ni l’agilité ni l’élégance ou le charisme d’un Douglas Fairbanks, mais son jeu et sa fougue compensent l’absence de cascades spectaculaires. Sa transformation de paisible gentilhomme retraité en terreur des mers assoiffé de justice et ivre de vengeance est assez crédible. Alors qu’un évêque espagnol assiste souriant à sa flagellation à bord, Sir Oliver, couvert de sang, murmure à son compagnon arabe : « Si ceux-là sont chrétiens, devant Dieu, je récuse ce nom ! » Pendant plus de la moitié de l’intrigue, il apparaît désormais en turban et djellaba ou à moitié nu, déterminé à combattre « l’inhumanité des chrétiens envers les chrétiens ». Cette nudité (qui trouble Rosamund) se répercute parmi les esclaves ou dans les harems d’Alger, témoignant d’un orientalisme de bazar propre à émoustiller le public des années vingt. Les spectateurs sont enthousiastes, le film reste deux mois à l’affiche au Criterion Theatre de Los Angeles avant d’entamer une carrière internationale. Le Film Daily Year Book (1930) le place parmi les « Top best Pictures of 1924 », The Educational Screen salue un des « Ten Best Films for 1924-25 » et en 1935, l’œuvre se situe encore à la 26e place des plus grands succès d’Hollywood. Ce triomphe au box-office – avec une recette de deux millions de dollars – incite Mack Sennett à réaliser un court métrage avec Harry Langdon du titre de The Sea Squawk [Le Corbeau des mers] (1925), renvoi parodique au roman de Sabatini, et encouragera Fairbanks à produire, également à grands frais, The Black Pirate (1926) en Technicolor bichrome. Pour l’anecdote : un des galions du film sera racheté et retransformé par Buster Keaton pour La Croisière du Navigator. Enfin, rappelons que le film homonyme de Michael Curtiz en 1940 n’a aucun rapport avec le roman de Sabatini. – DE : Die Seeteufel, ES : El gavilán de los mares.
Sir Olivier Tressilian (Milton Sills) mène la révolte des galériens dans « The Sea Hawk » (1924).
1924® Old Bill Through the Ages (GB) de Thomas Bentley. – av. Gladys Ffolliott (Elizabeth Ire).
1926Kenilworth Castle : The Story of Amy Robsart (GB) de Maurice Elvey
Série « Haunted Houses and Castles of Great Britain », Cosmopolitan Productions, 583 m./31 min. – av. Madge Stuart (Amy Robsart), Reginald Fox (Robert Dudley, comte de Leicester), Edward Wallace (Edmund Tressilian), Gladys Jennings (Elizabeth Ire), Dick Webb, John Stuart, Pauline Johnson.
Les fantômes d’Amy Robsart et de son mari secret, Robert Dudley, hantent le château de Kenilworth. Le script de G. J. Banfield est inspiré du roman Kenilworth de Sir Walter Scott (cf. le feuilleton télévisé de 1957).
1928The Virgin Queen (US) de Roy William Neill
Herbert T. Kalmus/Colorcraft Pictures Corp.-Technicolor Motion Picture Corp.-Metro-Goldwyn-Mayer, 1613 ft./2 bob. – av. Dorothy Dwan (Elizabeth Ire), Forrest Stanley (Sir Walter Raleigh), Aileen Manning (Bess Throckmorton), Leon Abrams, Armand Kaliz.
Sir Walter Raleigh suscite la colère de la souveraine en épousant secrètement Bess Throckmorton, sa demoiselle d’honneur. Court métrage muet en Technicolor bichrome de la série « Great Events », filmé aux Tec-Art Studios à Hollywood. Pour les relations de Sir Walter Raleigh avec Elizabeth, cf. The Virgin Queen de Henry Koster (1955).
1928® Erik XIV (SE) de Sam Ask, Otto Berch. – av. Lisa Rydén-Prytz (Elizabeth Ire), Anders Sten (William Shakespeare), Stig Hultén (Robert Dudley, comte de Leicester). – cf. Suède. Le prince suédois fait une proposition de mariage à la reine d’Angleterre.
1935® Royal Cavalcade (GB) de Thomas Bentley, Herbert Brenon, W. P. Kellino, Norman Lee, Walter Summers, Marcel Varnel. – av. Athene Seyler (Elizabeth Ire).
1935Drake of England / Elizabeth of England (GB) d’Arthur B. Woods
Walter C. Mycroft/British International Pictures (BIP), 111 min./104 min./98 min. – av. Matheson Lang (Sir Francis Drake), Athene Seyler (Elizabeth Ire), Jane Baxter (Elizabeth Sydenham), Henry Mollison (John Doughty), Ben Webster (William Cecil, Lord Burghley), Sam Livesey (Sir George Sydenham), Margaret Halstan (Lady Sydenham), Charles Quatermaine (Parson Fletcher), Donald Wolfit (Thomas Doughty), George Merritt (Tom Moone), Amy Veness (Mother Moone), Allan Jeayes (Don Bernardino de Mendoza), Gibb McLaughlin (Don Martin de Enriquez), Helen Haye (Lady Lennox), Moore Marriott (Bright), Frederick Ranalow (le capitaine corsaire John Hawkins), Arthur Goullet (Pedro), Ian Fleming (William Howard, baron Howard d’Effingham et lord-grand-amiral), Torin Thatcher.
Synopsis : En 1567 dans le port de Plymouth, Elizabeth Sydenham assiste au départ de son bien-aimé Francis Drake en mission en Amérique, au vif mécontentement de ses parents qui désapprouvent cette liaison. L’année suivante à Hampton Court Palace, John Doughty, de confession catholique, conspire avec Don Bernardino de Mendoza, ambassadeur de Philippe II, alors que le duc d’Albe prépare une invasion de l’Angleterre à l’aide de mercenaires flamands afin d’instaurer Mary Stuart sur le trône. Lord Burghley signale à Êlizabeth les déficiences de leur flotte, tandis que Doughty tente de la convaincre de s’allier à l’Espagne. Mais la reine est plutôt tentée par les plans de Sir Francis Drake qui cherche à affaiblir la suprématie hispanique après la bataille navale catastrophique de San Juan de Ulúa (Veracruz) en septembre 1568, une trahison des Espagnols de Don Martin de Enriquez qui ont coulé cinq navires anglais, tué 500 marins et livré 110 rescapés à l’Inquisition. Drake se venge en s’emparant des trésors espagnols à Nombre de Dios (Panama), où il est blessé par Don Enriquez. À Windsor Castle, l’ambassadeur Mendoza exige que le « pirate » Drake soit puni, tandis que Doughty fait la cour à Elizabeth Sydenham, à la joie de ses parents et avec la bénédiction de la reine. Cependant, entre deux expéditions, Drake épouse secrètement la jeune Elizabeth. Au cours de son voyage autour du monde, en juin 1578 à Puerto San Julián, il confond les deux frères Doughty, John et Thomas ; ce dernier est pendu pour trahison et mutinerie tandis que John cherche à discréditer le corsaire auprès de la reine. Mais les nouvelles alarmantes de la construction d’une « armada » à Cadix changent la donne : pour toute réponse, la reine anoblit Drake. En 1588, Drake, John Hawkins et l’amiral en chef, Howard d’Effingham, anéantissent la flotte espagnole. Grâce à l’audace de ses corsaires, l’Angleterre domine désormais les mers et devient « le centre du monde ».
Passons sur la fabrication d’un film qui n’a jamais les moyens de ses ambitions. Adapté d’une obscure pièce de Louis N. Parker (1912), il est tourné en janvier-mars 1935 aux studios British International d’Elstree et Welwyn avec des raccords à Sound City à Shepperton et de rares extérieurs à Plymouth Hoe. Ronald Neame, futur réalisateur (L’Aventure du Poseidon, 1972), signe la photo ; la distribution est terne, seule ressort Jane Baxter dont Winston Churchill était un ardent admirateur, une des actrices les plus « glamour » de la scène londonienne et la marraine de Vanessa Redgrave. Dans la peau de Drake, le Canadien Matheson Lang, célèbre pour ses interprétations de Shakespeare au théâtre, bombe le torse tandis que la publicité vante l’insertion des « discours authentiques du corsaire et de sa reine » dans le scénario. Les affrontements armés sont mous, les galions et palais miniature peu convaincants. Plus intéressant est la présence d’une pareille production, aussi modeste soit-elle, dans le paysage politico-culturel de la Grande-Bretagne (sortie londonienne en 1935), avec un message insistant sur le réarmement et la modernisation de la flotte nationale, une mise en garde contre les ambitions d’un dictateur continental (Philippe II = Hitler), l’indécision voire la prudence et la politique d’apaisement d’un Lord Burghley (renvoi à MacDonald, Baldwin, Lord Halifax, Chamberlain) et le danger des traîtres de l’intérieur comme Doughty (allusion au fasciste Sir Oswald Mosley et au Cliveden Set d’extrême-droite). Par ailleurs, le film se différencie des productions Korda (The Private Life of Henry VIII) en célébrant sans ambages la vitalité de la monarchie britannique. Parallèlement, la British International Pictures de Walter Mycroft produit le semi-documentaire Royal Cavalcade (sortie : avril), œuvre collective qui fête les 25 ans de règne de George V avec, brièvement, à nouveau l’insipide Athene Seyler en reine Elizabeth et Matheson Lang, cette fois en Henry V, le vainqueur d’Azincourt. – US : Drake the Pirate ; Pirate to the Queen et Traitor Abroad (versions abrégées pour la tv américaine, 1950), IT : Drake il corsaro.
1936 – ® *Mary of Scotland / GB: Mary Queen of Scots (Marie Stuart, reine de France et d’Écosse) (US) de John Ford [et Leslie Goodwins]. – av. Florence Eldridge (Elizabeth Ire).
Flora Robson, remarquable reine Elizabeth dans Fire over England (1937).
1936/37** Fire over England (L’Invincible Armada) (GB) de William K. Howard
Erich Pommer, Alexander Korda/Pendennis Production Corp. Ltd.-London Film Productions, 92 min. – av. Laurence Olivier (Michael Ingolby), Flora Robson (Elizabeth Ire), Vivien Leigh (Cynthia Norris), Leslie Banks (‘Robin’ [Lord Robert Dudley], comte de Leicester), Raymond Massey (Philippe II d’Espagne), Morton Selten (William Cecil, baron Burleigh), Tamara Desni (Doña Elena Valdés, née de Cazans), Lyn Harding (Sir Richard Ingolby), James Mason (Hillary Vane, un traître), George Thirlwell (Lawrence Gregory, un traître), Henry Oscar (Bernardino de Mendoza, ambassadeur d’Espagne), Robert Rendel (l’amiral Don Miguel de Cazans), Charles Carson (l’amiral Don Pedro de Valdés, gouverneur de l’Escorial), Robert Newton (Don Pedro), Donald Calthrop (Don Escobal), Francis De Wolff (Sir James Tarleton, un traître), Raph Truman (le Grand Inquisiteur), Norma Varden (la gouvernante de Doña Elena), Lawrence Hanray (l’ambassadeur de France), Roy Russell (Sir Humphrey Cooper, un traître), Howard Douglas (Lord Amberley, un traître), Cecil Mainwaring (Lord Illingworth, un traître), Grahame Cheswright (Joseph Maddison, un traître), A. Corney Grain (Hatton), Beryl De Querton (la première dame d’honneur), Noel Brophy (l’Irlandais).
Synopsis : En 1587, l’Angleterre est menacée par la puissance expansionniste de l’Espagne. La reine Elizabeth feint d’entretenir de bonnes relations avec Philippe II – qui prépare l’invasion de son royaume – tout en soutenant les activités du corsaire Francis Drake (« El Draco »), lequel a coulé 24 navires espagnols et a pillé Cadiz, avec l’accord tacite du comte de Leicester et de Lord Burleigh, son ministre, à Westminster. Le navire de Sir Richard Ingolby est abordé en mer et détruit par le galion espagnol de l’amiral Don Miguel de Cazans ; au nom de leur vieille amitié, Don Miguel favorise la fuite du fils Ingolby, Michael, un jeune officier qui est soigné secrètement par sa fille Elena près de Lisbonne et avec laquelle il flirte jusqu’au jour où il apprend la mort atroce de son père, emprisonné et brûlé comme hérétique par l’Inquisition ; il fond en larmes, jure vengeance et regagne l’Angleterre sur un bateau de pêche. De retour à Windsor, Michael se console dans les bras de sa fiancée Cynthia Norris, dame d’atours de la reine et petite-fille de Burleigh. Michael sauve la reine qu’une patriote écossaise voulait assassiner pour venger Mary Stuart. Hillary Vane, un traître anglais, vient de se noyer en tentant de quitter illégalement le pays. Sur les conseils de Burleigh, Elizabeth confie au jeune Ingolby la tâche de se rendre en Espagne sous l’identité de Vane afin d’y identifier la poignée d’Anglais qui travaillent pour l’ennemi et découvrir la date de l’invasion prévue. Ingolby parvient à approcher Philippe II près de Madrid et lui soutire des informations secrètes avant d’être démasqué pour une bévue. Auparavant, il a revu la belle Doña Elena, à présent mariée à Don Pedro de Valdés, gouverneur de l’Escorial. Celle-ci ne peut se résoudre à le trahir, et Valdès, pour éviter la prison à sa femme, facilite la fuite de l’Anglais. Ingolby réussit à fausser compagnie à ses geôliers en provoquant un incendie et à rejoindre le camp militaire à Tilbury (l’avant-port de Londres), à temps pour apporter à la reine les noms de six traîtres qui conspiraient pour l’assassiner. Plutôt que de les faire pendre, la reine leur offre la possibilité de se racheter sur une ligne de sept vaisseaux en feu chargés de goudron qu’elle envoie contre la redoutable flotte en vue des côtes anglaises. Guidés par Ingolby, qui a été adoubé, ils réussissent à s’approcher et à incendier l’Invincible Armada à l’aide des brûlots. La flotte ennemie est anéantie, Sir Michael peut épouser Lady Cynthia tandis que la reine, entourée de ses sujets, remercie le Ciel pour la victoire.
Depuis le triomphe de The Private Life of Henry VIII (1933), Korda songe à un biopic sur la fille du Barbe-Bleue tudorien, l’autre grande figure de la galerie monarchique, rôle destiné d’emblée à l’actrice écossaise Flora Robson ; celle-ci a d’abord campé l’impératrice Élisabeth de Russie dans une production Korda moins connue, The Rise of Catherine the Great (1934) de Paul Czinner, puis rongé son frein pendant deux ans, car le scénario de ce qui est annoncé sous les titres de Gloriana, Queen Elizabeth, Elizabeth of England et I Serve donne du fil à retordre. On s’efforce d’adapter la pièce Elisabeth von England (1930) de Ferdinand Bruckner, auteur allemand en exil à Paris, puis émigré aux États-Unis. Las d’attendre et sans doute sous l’impact des bouleversements politiques sur le continent, Korda finit par acheter les droits du roman Fire over England, ouvrage que le prolifique A. E. W. [=Alfred Edward Woodley] Mason a publié tout récemment à Londres ; depuis le début du siècle, Mason célèbre le courage et les valeurs de l’Empire britannique, notamment à travers son livre le plus connu, The Four Feathers/Les Quatre Plumes blanches (1902), porté sept fois à l’écran. La célébration d’une grande souveraine se mue dès lors en une mise en garde face à un péril national imminent, un discours qui reflète sans ambages l’alarmisme prophétique de Winston Churchill quant à la puissance du Troisième Reich. Son porte-drapeau à l’écran, Michael Ingolby, est un personnage fictif confronté à une situation politique et à des personnages ancrés dans l’Histoire.
A droite : Raymond Massey, l’inquiétant Philippe II d’Espagne.
 En février 1936, Anthony Asquith est prévu à la réalisation, l’Allemand Conrad Veidt envisagé pour le rôle d’Ingolby. Finalement, Korda confie Fire over England à William K. Howard, cinéaste hollywoodien dans le vent (le très original The Power and the Glory/Thomas Garner avec Spencer Tracy, 1933) qui débarque accompagné de son célèbre chef opérateur sino-américain, James Wong Howe. Lazare Meerson, le génie franco-russe qui vient de travailler avec Jacques Feyder pour La Kermesse héroïque, élabore des décors majestueux et René Hubert, collaborateur de René Clair et de Fritz Lang, dessine les costumes. Une fois cette prestigieuse équipe internationale réunie, Korda cède généreusement sa place à son confrère exilé du Reich, Erich Pommer, jadis un des plus grands producteurs de la UFA berlinoise (Faust de Murnau, Der blaue Engel de Sternberg, Der Kongress tanzt de Charell) et qui a un compte à régler avec ses ex-compatriotes. Flora Robson a la mauvaise surprise de découvrir que deux jeunes premiers, pratiquement des débutants, lui volent la vedette : Laurence Olivier et Vivien Leigh, tourtereaux devant et bientôt derrière la caméra, avec la bénédiction complice de Korda (ils se marieront en 1940, après leurs divorces respectifs). Le Canadien Raymond Massey, révélé à l’écran sous les traits de l’ignoble Chauvelin dans The Scarlet Pimpernel de Korda, mime le roi d’Espagne et James Mason, encore inconnu, fait une apparition en traître. Quant à la belle Espagnole, Doña Elena, elle est interprétée, comble d’ironie, par une Berlinoise, Tamara Desni. Le tournage aux nouveaux studios de Korda à Denham (Buckinghamshire), les plus vastes du pays, nécessite quatorze semaines, de la mi-juillet à octobre 1936. Près de mille figurants sont réunis pour l’immense camp militaire d’Elizabeth à Tilbury et plusieurs galions sont construits grandeur nature sur les pelouses du studio où Olivier effectue ses cascades lui-même ; lorsque son bâtiment prend feu, il saute de bord dans un filet. Des modèles réduits dans un tank font le reste. La bataille navale s’étant effectivement déroulée la nuit, au large de Calais, le film peut faire illusion, et compte tenu des moyens techniques à disposition, le résultat, bien monté, est plutôt astucieux. (Pour le véritable déroulement de la bataille, cf. infra.) Churchill, très lié à Korda et conseiller historique du film, assiste de près au travail à Denham en août 1936, au même moment où les sportifs du pays, salués par Hitler, récoltent des médailles aux Olympiades à Berlin, contribuant sans s’en douter à la gloriole du monstre.
Le script de Clemence Dane [alias la romancière et dramaturge Winifred Ashton] et de Sergei Nolbandov modifie – et poivre quelque peu – la teneur naïve du roman. Le jeune héros (fictif) d’A.E.W. Mason s’appelle Robin Aubrey, étudiant à Eton en 1581. Son père George a été arrêté en Espagne en possession de « littérature hérétique » et aurait été exécuté, ce qui s’avère faux. Après diverses aventures, Robin revient sain et sauf avec son géniteur, tous deux cachés à bord d’un des navires rescapés de l’Armada. Le roman se montre relativement conciliant. Le film en revanche – et son scénario pétillant de dialogues souvent intelligents et fins – sont une œuvre de circonstance à tous les niveaux, voulue telle par Pommer comme par Korda. « C’est tout à l’honneur de Korda, résumera Francis Rousselet, d’avoir su puiser dans l’héritage historique de la nation les épisodes essentiels propres à éveiller son pays d’adoption à des dangers que lui, natif d’Europe centrale, avait côtoyés de près » (Et le cinéma britannique entra en guerre..., Cerf, Paris, 2009, p. 166).
Vivien Leigh et Laurence Olivier en amoureux. – À dr. : Flora Robson sans perruque, avec Vivien Leigh.
 Au cinéma, Aubrey devient donc Ingolby, un jeune ferrailleur remuant, exalté, sentimental mais politiquement lucide. « En Espagne, rapporte-t-il à la reine, on élève les âmes comme nous élevons du bétail, tout le monde est formé selon le même schéma et doit être du même sang. L’Espagne est la prison de toute liberté, l’Espagne c’est l’horreur ! » Ailleurs, Ingolby précise que la guerre qui se prépare n’est pas une guerre territoriale, mais « une guerre des idées ». « Comment pouvez-vous, reine d’un pays libre, comprendre le danger qui menace ? » s’exclame-t-il lorsqu’Elizabeth se montre dubitative, à l’instar de Stanley Baldwin en 1936/37, Premier ministre britannique et défenseur d’une politique d’apaisement face au Reich. « Mon Conseil est un ramassis de couards » conclut la souveraine lorsque la menace d’invasion se concrétise. Philippe II est le reflet négatif d’Elizabeth, imprévisible, rusé, un workalholic qui dort peu, ne connaît pas la pitié, ne fait confiance à personne et prône que « seule la crainte force le peuple à accomplir son devoir » ; ex-époux de Mary Tudor, il garde de mauvais souvenirs de l’Angleterre, « pays où il pleut toujours ». Il est du reste ironique de constater que les séquences espagnoles ont plus de tonus, de nerf et d’action dramatique que celles à Londres, portées qu’elles sont par des personnages complexes comme l’insaisissable et inquiétant Philippe II de Raymond Massey, les poursuites mouvementées dans l’Escorial, les violents jeux d’ombres ou l’étrange couple formé par Doña Elena et son mari Don Pedro, tous deux déchirés par leurs loyautés et amours respectifs. (« Vois-tu, Elena, il y a problème quand on traite ses ennemis comme des êtres humains ... à moyen terme, ça signifie la fin des nations, la fin des guerres, la fin de tout ! ») Cette Espagne totalitaire nourrit l’obsession du feu qui tourmente Ingolby (le leitmotiv des flammes dans la cheminée), un feu qu’on minimise – « ce n’est que de la fumée ! » murmure Elvira embarrassée à propos du bûcher aperçu au lointain dans lequel se consume le père de l’Anglais – et que l’Inquisition, cette Gestapo du XVIe siècle, réserve à ses victimes : des meurtres dissimulés sous le manteau de l’idéologie, que le citoyen lambda ne peut ou ne veut pas reconnaître. C’est donc par le feu qu’il faut combattre le feu, d’où les flammes dans l’Escorial et l’incendie final de l’Armada, à la fois licence poétique et synthèse métaphorique de l’anéantissement du mal.
Par comparaison, les scènes à la cour d’Angleterre qu’animent les roucoulements répétitifs, surexcités et peu originaux d’Ingolby et de Cynthia dans les appartements royaux, les sautes d’humeur de Sa Majesté ou les échanges ministériels pompeux paraissent plutôt pâles. Elles sont toutefois amplement rachetées par l’étonnante prestation de Flora Robson en Elizabeth (faux nez et lourdes robes perlées), une actrice qui, contrairement à ses appréhensions, domine sans peine toute la distribution. C’est une femme supérieurement intelligente, autoritaire, contradictoire, hantée par le vieillissement comme par son manque d’attraits, sensible au sexe dit fort sans en être dupe (Ingolby est beau garçon, tandis que Leicester, quadragénaire qui l’aime sans espoir, est à ses pieds), jalouse de la fraîcheur et de la beauté de Cynthia qu’elle console pourtant quand celle-ci croit son amoureux perdu. Une fois retirée dans ses appartements et ôtés ses habits de cour, perruque comprise (« mon déguisement »), elle se plaint de « ces miroirs laids et sales » qui lui renvoient son image fanée et qu’elle finit par bannir du palais. On la surprend éprouvant des remords pour l’exécution de Mary Stuart ou servant des cuillérées de porridge à Burleigh, son ministre âgé et impotent. Nul doute, Dame Flora Robson est, avec Bette Davis, une des Elizabeth les plus convaincantes du grand écran. Elle reprendra ce rôle en 1940 à Hollywood dans The Sea Hawk de Michael Curtiz puis en 1970 sur scène au festival d’Edinbourg dans la pièce Elizabeth Tudor, Queen of England de John Carroll. Un de ses derniers rôles sera l’impératrice douairière Tseu Hi dans 55 Days at Pekin (1963) de Nicholas Ray.
Visant le marché américain, Korda et Pommer sortent Fire over England en première mondiale à Los Angeles (preview au Grauman’s Chinese Theatre) le 8 janvier 1937, du jamais-vu pour une production anglaise. Londres et Paris suivent en février. Le film récolte un beau succès d’estime et d’excellentes critiques en Grande-Bretagne, où les spectateurs, toujours sous l’emprise de la politique d’apaisement des conservateurs et marqués par la crise de la monarchie (le couronnement d’Edward III en janvier 1936, son abdication en décembre en faveur de son frère, George VI), ignorent le message alarmiste mais réagissent aux harangues patriotiques. Visiblement, l’appel
 La reine Elizabeth à Tilbury – Les brûlots sèment la panique parmi les galions de l’Invincible Armada.



à la vigilance et au réarmement arrive trop tôt et il faudra attendre novembre 1939 et la sortie de The Lion Has Wings (Le Lion a des ailes), docu-fiction de propagande guerrière signé Michael Powell et Korda, pour que le fameux discours d’Elizabeth alias Flora Robson à ses troupes à Greenwich, inséré tel quel avec d’autres scènes « signifiantes » du film, soit vraiment entendu. L’apothéose finale est alors comprise comme un signe d’espoir en la capacité du pays à résister aux assauts de la Wehrmacht. Mais ailleurs, le film – qui gagne la Médaille d’Honneur 1937 du Comité Cinématographique International de la Société des Nations – est souvent pris pour ce qu’il n’est pas, à savoir une aventure maritime hollywoodienne à la Captain Blood (chef-d’œuvre du genre sorti sur les écrans européens en février 1936) avec Laurence Olivier en clone maladroit d’Errol Flynn ; la bataille navale, projetée en format large Magnascope dans quelques salles américaines avides de spectaculaire, montre ses limitations : « Nous attendions un cataclysme, on nous donne un feu de cheminée miniature », ironise Maurice Bessy (Cinémonde, 11.2.37). Les retombées professionnelles aux États-Unis sont d’un autre ordre : grâce à ce film, William Wyler engage Olivier pour Wuthering Heights (Les Hauts de Hurlevent) et David O. Selznick découvre Vivien Leigh, à qui il va confier le rôle tant convoité de Scarlett O’Hara dans Gone with the Wind (Autant en emporte le vent).Avec le recul des décennies, la mobilisation en images du combat idéologique de la Grande-Bretagne dans les années trente montre que cette « petite île libre » ne pensait pas protéger seulement ses propres rivages, comme le remarque Kevin Gough-Yates, car « l’illusion que l’Empire était une puissance civilisatrice universelle qui défendait les libertés de l’individu allait alors de pair avec la croyance que les Britanniques étaient le peuple élu par Dieu » (Mythen der Nationen : Völker im Film, Oehler & Amelang, München-Berlin, 1998, p. 100). Post scriptum : Le film fut bien sûr interdit dans le Reich, mais lors de l’occupation de la Tchécoslovaquie par les nazis en mars 1939, une copie fut saisie dans un cinéma à Prague et remise au Führer ; à en croire des diplomates anglais, Hitler, très admiratif, aurait visionné le film plusieurs fois, persuadé que les Anglais étaient des « frères aryens » de la race germanique.
Faits historiques, légendes et fictions propagés autour de l’Armada :
En conclusion, quelques rectificatifs s’imposent à propos de l’authentique Armada, déclarée a posteriori « invincible » par ses adversaires ironiques, et son échec : La « grande et très heureuse flotte » (Grande y Felicísima Armada) affrétée par Philippe II avait d’abord pour mission d’établir Mary Stuart, reine catholique, sur le trône d’Angleterre et de la rétablir sur celui d’Écosse, mais son exécution le 8 février 1587 modifia les objectifs. Avec la disparition de Mary Stuart, son fils protestant devenait le futur roi d’Angleterre. Il s’agissait dès lors de contrer la menace permanente que faisait peser l’île indocile sur les territoires espagnols des Pays-Bas et, accessoirement, de la ramener à la « vraie religion » avec les méthodes que l’on devine. La flotte d’invasion commandée par Alonso Pérez de Guzmán consistait en 132 navires et hourques transportant 20’000 soldats et 10'000 marins. Aperçue le 19 juillet depuis la péninsule de Lizard (Cornouailles), la force navale espagnole jeta l’ancre le 27 près de Calais pour y attendre l’armée espagnole d’Alexandre Farnese, duc de Parme, stationnée en Flandres (18'000 hommes d’élite), qui avait du retard. Dans la nuit du 28, la marine anglaise sous les ordres du Lord Admiral Charles Howard, comte de Nottingham, et de son vice-amiral plus expérimenté, Sir Francis Drake, profita de cette immobilité pour envoyer huit de leurs meilleurs navires transformés en brûlots contre l’ennemi, dont les galions étaient enchaînés les uns aux autres. Bien qu’aucun navire n’ait pris feu, les Espagnols levèrent l’ancre en panique afin d’éviter l’incendie général, sans pouvoir engager le combat. Le lendemain 29, une marine anglaise agile et déterminée affronta les Espagnols dans la baie de Gravelines/Grevelingen, esquivant toutes les manœuvres d’abordage jusqu’au moment où des vents violents dispersèrent l’Armada, l’empêchant définitivement d’embarquer les troupes de Flandre. Les Anglais avaient plus de bateaux (150) que les Espagnols, mais les navires de guerre de ces derniers étaient plus larges et lourdement armés. En absence de tout port ami pour relâcher, la flotte hispanique n’eut d’autre choix que d’abandonner ses projets de conquête et, entraînée par les vents et courants du pas de Calais, se dérouta en désordre pour contourner la Grande-Bretagne par le nord. Une queue de cyclone fit chavirer quelque trente-cinq galéasses (mais aucun galion) le long des côtes irlandaises (dans le comté de Sligo), où certains équipages furent capturés, voire massacrés, mais aussi beaucoup d’Espagnols accueillis chaleureusement et ravitaillés par la population catholique. Cet épisode, où la victoire dut plus aux éléments qu’à la force militaire, fut exploité un peu abusivement par la propagande britannique comme devant tout à leurs héroïques marins et à Drake. En vérité, aucun navire de guerre espagnol fut détruit par les Anglais, alors que ceux-ci en perdirent une dizaine : l’Armada fut découragée et affaiblie par la force des éléments naturels et quatre-vingt-sept de ses navires regagnèrent le port de Santander. L’échec de l’opération ne signifia aucunement un affaiblissement de la puissance espagnole, mais il est vrai qu’une invasion réussie de la Grande-Bretagne eût sérieusement modifié le cours de l’histoire européenne. La guerre anglo-espagnole ne prit pas fin pour autant (elle continua jusqu’en 1604) et plusieurs « Armadas » – visant en particulier l’Irlande – se succédèrent en 1596, 1597 et 1601. Contrairement aux représentations courantes, le fameux discours de la reine à Tilbury, dans l’estuaire de la Tamise, eut lieu non pas juste avant, mais onze jours après que l’Armada ait été forcée de rebrousser chemin en contournant l’Écosse et l’Irlande ; des troupes restaient stationnées à Tilbury au cas où Alexandre Farnese, duc de Parme, aurait tenté une invasion depuis Dunkerque. Deux jours avant la démobilisation des soldats, Elizabeth laissa sa suite à Fort Tilbury et se mêla à ses sujets, entourée seulement de six hommes : en tête, Thomas Butler, comte d’Ormond, portait l’Épée d’État (Sword of State) ; il était suivi de deux pages portant le casque d’argent sur un coussin, de la reine en blanc avec une cuirasse d’argent et à cheval sur un hongre gris. Elle était flanquée à droite de son lieutenant-général Robert Dudley, comte de Leicester, et à gauche par le jeune Robert Devereux, 23 ans, comte d’Essex et Maître du Cheval. Sir John Norris/Norreys fermait le petit cortège. Quant à la teneur du discours, elle fut étudiée jadis dans toutes les écoles de Grande-Bretagne.
ES : Inglaterra en llamas, Fuego sobre Inglaterra, Isabel de Inglaterra (VE), Fuego en Inglaterra (AR), AT : Sturm über England, DE (1960) et CZ (1937) : Feuer über England, IT : Elisabetta d’Inghilterra.
1937® Les Perles de la couronne (FR) de Sacha Guitry et Christian-Jaque. – av. Yvette Pienne (Elizabeth Ire).
1938® (tv) Will Shakespeare (GB) de George More O’Ferrall. – av. Nancy Price (Elizabeth Ire).
1939® (tv) The Dark Lady of the Sonnets (GB) de George More O’Ferrall. – av. Helen Haye (Elizabeth Ire). - cf. W. Shakespeare.
1939/40® Das Herz der Königin / Maria Stuart (Marie Stuart) (DE) de Carl Froelich. – av. Maria Koppenhöfer (Elizabeth Ire).
1939* The Private Lives of Elizabeth and Essex / Elizabeth the Queen [titre tv] (La Vie privée d'Élisabeth d'Angleterre) (US) de Michael Curtiz
Hal B. Wallis, Robert Lord/Warner Bros., 106 min. – av. Bette Davis (Elizabeth Ire), Errol Flynn (Robert Devereux, comte d’Essex), Olivia de Havilland (Lady Penelope Gray), Donald Crisp (Francis Bacon), Vincent Price (Sir Walter Raleigh), Alan Hale (l’Irlandais Hugh O’Neill le Grand, comte de Tyrone), James Stephenson (Sir Thomas Egerton, vicomte Brackley), Henry Stephenson (Lord William Cecil, baron Burghley), Henry Daniell (Sir Robert Cecil, comte de Salisbury, son fils), Nanette Fabray (Mistress Margaret Radcliffe), Ralph Forbes (Sir Francis Knollys), Robert Warwick (Charles Blount, baron Mountjoy), Leo G. Carroll (Sir Edward Coke), Guy Bellis (l’amiral Charles Howard de Nottingham), John Sutton (cpt. Armand de la garde royale), Doris Lloyd (une servante).
Synopsis : Londres en automne 1596. La flotte anglo-néerlandaise, dont les quatre escadres étaient commandées entre autres par l’amiral Charles Howard et Robert Devereux, comte d’Essex, reviennent des Caraïbes espagnoles avec un bilan mitigé : Sir Francis Drake y a succombé de la dysenterie, les Espagnols ont sabordé leurs galions transportant de l’or (le butin escompté) et Essex a dû se contenter de piller et d’incendier Cadix. Les Londoniens fêtent Essex, les dames de la cour se pâment d’admiration (en particulier Lady Penelope Gray), tandis que la jalousie de Sir Walter Raleigh et de Sir Robert Cecil envers le jeune amant de la reine ne connaît plus de bornes. Pourtant, lorsque Elizabeth reçoit officiellement le héros du jour à la cour de Whitehall, elle le réprimande en public au lieu de le féliciter et marque officiellement sa désapprobation en promotionnant son vieil ennemi Raleigh. La souveraine lui reproche, non sans raison, d’avoir trop pensé à sa gloire personnelle au détriment des intérêts du pays, et Essex se permettant de répondre, elle le gifle pour son insolence. De dépit, Essex se retire dans son manoir ancestral de Wanstead tandis que Raleigh, Lord Burghley et Sir Robert Cecil profitent de son absence pour accroître leur influence sur la souveraine. Conseillée par le chancelier et philosophe Francis Bacon (qui se dit l’ami d’Essex), Elizabeth rappelle son favori auprès d’elle, le nomme Gardien des Sceaux et les deux amants se réconcilient en donnant libre cours à leur passion mutuelle. Mais lorsque l’Angleterre subit une lourde défaite à Yellow Ford en Irlande, le Conseil sous la coupe Raleigh se sert de l’inextinguible soif de gloire et d’aventures d’Essex pour lui proposer le commandement d’une nouvelle armée chargée d’écraser le rusé Hugh O’Neill, comte de Tyrone en Ulster. Essex, qui avait pourtant promis à Elizabeth de ne plus s’éloigner de la Cour tombe dans le piège et accepte avec enthousiasme. Nommé Lord Lieutenant, Essex s’embarque avec 17'000 hommes, le plus grand corps expéditionnaire jamais envoyé d’Angleterre en Irlande. Une fois qu’il est sur place et affronte un chef de guérilla particulièrement rusé, la clique de Raleigh pousse Lady Penelope, jalouse de la reine, à intercepter les lettres qu’échangent les amants. Sans nouvelles l’un de l’autre, Essex et Elizabeth désespèrent, se croient trahis, abandonnés. Privée de soutien et de renforts, acculée dans les marais d’Irlande, l’armée anglaise est contrainte de capituler (septembre 1599). Essex revient meurtri à Londres où, encouragé par l’accueil que lui réserve la rue, il occupe le palais royal avec l’appui d’une armée payée de ses propres deniers, car Raleigh et ses compères ont tenté de lui barrer le chemin. Il exige une entrevue privée avec Elizabeth au cours de laquelle le malentendu des lettres se dissipe, tous deux ayant été trompés par leur entourage. Mais Essex, dont la lignée est plus ancienne que celle des Tudor (elle remonte au roi Jean), exige à présent de partager le trône avec Elizabeth, qu’il veut épouser. Elle feint d’accepter. Essex, confiant en sa parole, renvoie ses soldats. Aussitôt, la reine le fait arrêter, incarcérer à la Tour et condamner à mort pour trahison. Lady Penelope avoue avoir été manipulée, la reine lui pardonne. Par fierté, Essex refuse de se séparer de la bague qui entraînerait son pardon et de supplier la reine de le gracier. Une dernière entrevue montre que tous deux placent leur ambition politique et leur amour de l’Angleterre au-dessus de leurs sentiments personnels. « Prends mon royaume. Prends l’Angleterre. Tout t’appartient ! », hurle la souveraine en dernier recours. En vain : l’un des deux étant de trop, Essex choisit stoïquement de disparaître, laissant Elizabeth effondrée et seule sur son trône.
Le scénario repose sur une pièce bancale du dramaturge américain Maxwell Anderson, Elizabeth the Queen (1930), drame en 3 actes et en vers blancs retravaillé pour l’écran par Norman Reilly Raine et Aeneas MacKenzie. Lynn Fontanne et Alfred Lunt l’avaient interprétée avec passablement de succès en novembre-décembre 1930 au Guild Theatre à Broadway (147 représentations). Anderson, tant prisé par Hollywood (Mary of Scotland de John Ford en 1936, Anne of the Thousand Days de Charles Jarrott en 1969, sans parler de Joan of Arc de Victor Fleming en 1948) y reprend les aléas partiellement imaginaires de la vie sentimentale de la reine, contés pour la première fois sur les tréteaux en 1678 par Thomas Corneille (frère de Pierre) dans sa tragédie Le Comte d’Essex et en 1681 dans la pièce The Unhappy Favorite, or The Earl of Essex de John Banks. L’opéra s’y est mis en 1837 avec Robert Devereux de Donizetti. Enfin, le cinéma s’en est emparé en 1911 déjà (deux fois) et surtout en 1912 avec La Reine Élisabeth starring Sarah Bernhardt. Pour se démarquer, Anderson minimise le rôle de la fameuse bague « salvatrice » qui n’est pas ici égarée par des ennemis, mais dont Essex refuse sciemment de se séparer. L’écrivain invente le personnage de Lady Penelope Gray, dame d’honneur de la reine amoureuse, elle aussi, d’Essex (elle lui vole un baiser furtif) ; il y eut bien une Lady Penelope, mais c’était la propre sœur d’Essex, une Devereux. Quant au courrier des amants intercepté durant la campagne d’Irlande, c’est de la pure fantaisie. Le dramaturge escamote aussi entièrement l’épouse légitime d’Essex, Frances Burke (1567-1633), comtesse de Clarinricarde et fille de Sir Francis Walsingham, le Secrétaire d’État de la reine. Le mariage d’Essex et de Frances Burke en 1590 aurait fâché la reine, car contracté sans son autorisation, mais elle pardonna assez rapidement au couple qui eut par la suite cinq enfants, dont trois survécurent. Elizabeth Southwell, une des maîtresses d’Essex, lui donna un fils en 1591. Après le coup d’État manqué de son mari, Lady Frances tenta vainement d’intervenir auprès d’Elizabeth, mais celle-ci refusa de la recevoir. Pour se blanchir, Essex dénonça tous les participants au complot, y compris sa sœur mentionnée plus haut, Penelope Blount, comtesse de Devonshire, qui ne fut cependant pas inquiétée. Elizabeth aurait ordonné que la décapitation du malheureux, qui avait pleuré et supplié, se fasse avec une hache émoussée afin qu’il souffre plus, et il fallut trois coups au bourreau pour achever son travail. Pas très romantique. Enfin, la liaison entre la reine et Essex, pour autant qu’elle ait eu lieu (car Elizabeth souffrait, Stefan Zweig dixit, d’une forme de vaginisme ou dyspaneurie grave qui aurait rendu les rapports sexuels presque impossibles), ne revêtit certainement pas le caractère passionnel que lui attribue Anderson : en 1601, année de sa mort, Essex avait 34 ans alors que la reine était dans sa 68ème année (elle devait mourir deux ans plus tard) et n’était pas encline à perdre la tête pour un jeune coq dont la sollicitation l’amusait et la flattait, sans plus. La mère d’Essex était mariée à Robert Dudley, comte de Leicester, ami d’enfance, favori confirmé et vraisemblablement le seul amour de la reine ; quant à l’arrière-grand-mère d’Essex, c’était Mary Boleyn, la sœur d’Anne Boleyn (mère d’Elizabeth), les amoureux putatifs étaient donc cousins. Tant pour l’Histoire.
 La production de cette fresque est plutôt alambiquée, riche en crispations et en crises de nerfs. La réalisation en est d’abord confiée à William Keighley (mars 1939) qui a la bonne idée de partir en vacances, de sorte que Michael Curtiz reprend les rênes. Le choix de Bette Davis et Errol Flynn en tête d’affiche suscite d’emblée des tiraillements quant au titre du film : Flynn, la star la plus « rentable » du studio, refuse Elizabeth the Queen, titre qui ignore son personnage ; Bette Davis, dont c’est le premier film en Technicolor et qui a convaincu Hal Wallis d’acquérir les droits de la pièce, refuse The Knight and the Lady, jugé banal et pas à la hauteur du sujet culturel ni de son rôle en majesté (la reine n’est pas une simple lady). Le titre définitif, jugé trop « britannique », rebute les États du Sud et le Midwest, mais la Warner passe outre malgré les virulentes protestations des propriétaires de salles de l’Amérique profonde. Le tournage, du 11 mai au 6 juillet 1939, a lieu entièrement dans les studios Warner à Burbank, sur les plateaux 11 à 18 (les landes irlandaises comprises), avec, érigée sur le backlot de Dijon Street, l’imposante cour extérieure de la Tour de Londres où se déroule la parade militaire et l’exécution du héros sur Tower Green ; les spacieux et très astucieux décors d’Anton Grot seront recyclés pour deux autres films en costumes avec Flynn, The Sea Hawk l’année suivante (cf. infra) et The Adventures of Don Juan en 1948. (Dans la pièce, l’action est confinée au château royal de Whitehall.)
Le travail est sous haute tension, car Bette Davis, qui souhaitait donner la réplique à un « véritable acteur » du calibre de Laurence Olivier (admiré dans Fire over England), ne cache pas son mépris pour le partenaire que le studio lui a imposé, trop enjoué et peu professionnel à son goût ; la gifle qu’elle lui distribue au début du récit n’est pas factice (ses doigts sont lourdement bagués) et les deux ne rejoueront plus jamais ensemble, quoique Bette Davis se rétractera en revoyant le film à la télévision peu avant sa mort, s’exclamant que « Flynn est brillant ». Toujours est-il, Errol Flynn, humilié au quotidien, peine, doute, oublie souvent son texte. Curtiz fulmine. Quant à Olivia de Havilland, sa partenaire dans neuf films, elle vient de décrocher le rôle de Mélanie dans Gone with the Wind chez David O. Selznick, de sorte que Jack Warner décide de la « punir » et freiner ses velléités d’indépendance en lui attribuant un rôle de quasi-figurante ; elle s’absente plus d’une fois pour des prises de vues additionnelles chez Selznick et se vengera six ans plus tard devant les tribunaux : Olivia de Havilland est à l’origine d’une jurisprudence décisive pour la défense des droits des acteurs contre l’arbitraire des studios hollywoodien. C’est enfin la percée de Vincent Price dans le costume de Sir Walter Raleigh, un comploteur particulièrement mielleux auquel le scénario attribue la composition d’une chanson irrespectueuse raillant l’amour de la reine pour un homme qui a la moitié de son âge. (Le rôle négatif de Raleigh dans la chute d’Essex est documenté.)
Le matériau littéraire à la base de cette flamboyante tragédie politique en Technicolor implique un certain statisme dont Curtiz tire le meilleur parti possible, avec de longues scènes à deux, pleines de revirements peu vraisemblables et de changements de ton (notamment au dernier acte) sans que son mécanisme destructeur, donné dès le départ, ne puisse être modifié. Lui, charmant et enjôleur, est prisonnier de son ambition, de sa vanité de macho et de son orgueil. Elle, enrobée de satin aux mille reflets, est accablée sous le poids de son autorité tout en craignant de la perdre (« Comment faire revenir mon bien-aimé sans être obligée de le punir ? »). Lui souffre d’être sous les ordres d’une femme, toujours dans l’incertitude quant à savoir s’il s’adresse à l’amante ou à la reine. Cette relation sans espoir de deux amoureux égoistes qui s’aiment parce qu’ils se ressemblent trop, relève d’une psychologie stéréotypée et d’une dramaturgie de théâtre qui finit par saper la crédibilité des personnages ; à l’écran, leurs déclarations si prévisibles deviennent bavardes voire répétitives, les clichés ont libre cours (« Une reine n’a pas le droit d’être humaine »). En souveraine d’une volonté de fer mais dont la dureté est une armure, une self-made woman balancée entre la mélancolie et la rage, Bette Davis livre une performance certes complexe et tendue. Pourtant le couple, aussi tumultueux soit-il, ne fonctionne pas vraiment. L’interprétation d’Elizabeth – un mélange de maquillage et de maniérismes – est construite à partir d’un souci de réalisme minutieusement recherché, avec de petits mouvements de poignet et des tremblements trahissant l’âge avancé ou la santé chancelante, raison pour laquelle la reine brise tous les miroirs autour d’elle (comme l’Elizabeth de Flora Robson en 1936), tandis que l’Essex élégant, arrogant et nonchalant de Flynn appartient à un autre registre, au genre héroïco-romantique. Sa coupe de cheveux n’est même pas d’époque, alors que pour se vieillir et s’enlaidir, Bette Davis, qui a 31 ans, soit moins de la moitié de l’âge de son personnage, s’arrache tous ses cils et sourcils, puis se rase une partie du crâne qu’elle couvre d’une perruque rousse pour aboutir à un « masque d’hydrocéphale enfariné » (René Noizet). De surcroît, le comportement fatal de Lady Penelope, qui risque sa tête par jalousie, n’est jamais explicité.
Si ce psychodrame boiteux se voit sans déplaisir, c’est grâce à sa réalisation, à sa préciosité visuelle. Curtiz parvient souvent à brouiller les déséquilibres de la trame par l’inventivité de sa mise en scène, des cadrages et jeux d’ombres surprenants, des tableaux au chromatisme frôlant l’irréel (les parois éclairées par une lumière d’ambre ou de bleu qui mettent en valeur les magnifiques costumes d’Orry-Kelly). Soutenue par les accords majestueux d’Erich Wolfgang Korngold, la séquence finale dans la salle du trône à la Tour, gothique, glauque et caverneuse, avec son ouverture centrale au sol d’où jaillit une étrange lumière orange provenant des tréfonds de la prison – ou du royaume des morts – permet toutes les outrances. L’organisation spatiale et le montage de ces derniers instants (les deux protagonistes ne se regardent plus), suivis de la montée laconique d’Essex sur l’échafaud et les plans d’Elizabeth esseulée en disent beaucoup plus sur l’irréconciabilité de leurs univers respectifs que les tirades de Maxwell Anderson.
Essex (Errol Flynn) comparaît une dernière fois devant la reine avant son exécution.
 La première mondiale prévue pour la fin septembre 1939 à Londres est annulée en raison de l’état de guerre en Europe, et doit être déplacée à Beverly Hills (11 novembre). Il est intéressant à ce propos de noter que le film montre une Elizabeth qui défend une politique isolationniste tandis qu’Essex prône l’intervention militaire contre l’Espagne et l’Irlande catholique (base possible d’une invasion par Philippe II) ; la reine, qui a le militarisme en horreur, reproche à son amant d’avoir canonné Cadix alors qu’il était chargé seulement de s’emparer de l’or espagnol pour nourrir le peuple affamé d’Angleterre, et non pas de mettre la paix et la stabilité du pays en danger. « Quand je pense ce que tu ferais à mon pays si tu étais roi, le noyant dans un océan de sang et de dettes ! », lui lance-t-elle. Selon elle, les esprits bellicistes doivent être éradiqués. En cela, l’Elizabeth de Bette Davis reflète largement la politique rooseveltienne du moment et l’opinion publique américaine, encore hostile à 70% à toute immixtion militaire en Europe. Un an plus tard, la Warner Bros., Michael Curtiz et Errol Flynn renverseront la vapeur avec The Sea Hawk (L’Aigle des mers) qui invite à la guerre sans pitié aux tyrans, avec l’accord – encore tacite – de Roosevelt (août 1940).
Le film est globalement bien reçu par la presse et le public, comptabilisant un gain de 955’000 $ aux USA et de 658’000 $ à l’étranger, un succès honorable mais en dessous des attentes (la production aurait coûté 1'075'000 $). Certains journaux, comme le New York Times, ironisent gratuitement : « Bette Davis, en Elizabeth peu attrayante, donne une composition d’une force et d’une détermination contre laquelle M. Flynn en Essex a autant de chance qu’une pousse de haricot devant un tank... Elle a beaucoup de difficulté à sauver leurs scènes d’amour » (2.12.39). Aux Oscars 1939, le film récolte cinq nominations, pour les décors d’Anton Grot, la photo de Sol Polito, la musique de Korngold (qui réutilisera un thème du film dans sa Symphonie en fa dièse majeur en 1954), l’enregistrement et les effets spéciaux (Byron Haskin). Bette Davis reprendra son rôle dans une version radiophonique du texte d’Anderson (« Screen Guild Theater », 20.10.1947) et apparaîtra une dernière fois grimée en Elizabeth en 1955 dans The Virgin Queen de Henry Koster : la diva s’y jouera elle-même en vieille femme aigrie et méchante. Quant à la pièce d’Anderson, elle sera reprise à la télévision en 1956, 1959, 1962 et en particulier en 1968 avec Judith Anderson et Charlton Heston (cf. infra).
DE, AT : Günstling einer Königin, IT : Il conte di Essex, ES : La vida privada de Elisabeth y Essex.
La reine (Flora Robson) et son corsaire favori (Errol Flynn).
1940*** The Sea Hawk (L'Aigle des mers) (US) de Michael Curtiz
Hal B. Wallis, Henry Blanke/Warner Bros., 127 min. – av. Errol Flynn (Geoffrey Thorpe), Flora Robson (Elizabeth Ire), Claude Rains (Don José Alvarez de Córdoba), Brenda Marshall (Doña María Alvarez de Córdoba, sa nièce), Henry Daniell (Lord Wolfingham), Montagu Love (Philippe II d’Espagne), Donald Crisp (Sir John Burleson), Alan Hale (Alan Pitt), Una O’Connor (Miss Latham, dueña de Doña María), Robert Warwick (Sir Martin Frobisher, corsaire), Alec Craig (le cartographe flamand Jodocus Hondius), James Stephenson (l’abbé), Gilbert Roland (cpt. Lopez), William Lundigan (Danny Logan, corsaire), Julien Mitchell (Oliver Scott), J. M. Kerrigan (Eli Matson), David Bruce (Martin Burke), Clifford Brooke (William Tuttle), Clyde Cook (Walter Boggs), Fritz Leiber (le Grand Inquisiteur), Ellis Irving (Monty Preston), Francis McDonald (Samuel Kroner, l’indic), Pedro de Cordoba (cpt. Mendoza), Ian Keith (Don Gastón de Peralta), Jack La Rue (ltn. Ortega), Halliwell Hobbes (l’astronome), Victor Varconi (gén. Aguirre à Venta Cruz), Harry Cording (maître des esclaves), Mary Anderson (dame d’honneur), Whit Bissell (gardien du palais), Edgar Buchanan (Ben Rollins), J. W. Cody et Dave Kashner (les hommes au fouet), Charles Irwin (Arnold Cross), Frank Lackteen (cpt. Ortiz), Frank Wilcox (Martin Barrett), Herbert Anderson (Eph Winters), Frederick Worlock (Darnell).
Synopsis : En 1585, le conflit armé entre l’Espagne et l’Angleterre est imminent. Philippe II ordonne la construction d’une Armada et envoie Don Alvarez de Cordoba en ambassadeur à Londres pour gagner du temps et endormir les soupçons d’Elizabeth. A Londres, Sir John Burleson encourage la reine à construire une flotte défensive tandis que le chancelier Lord Wolfingham rassure la cour sur les intentions pacifiques de l’Espagne. Sur mer, la galéasse « Santa Eulalia del Monte » sur laquelle voyagent Don Alvarez et sa nièce Doña Maria est attaquée par l’« Albatros », navire corsaire du capitaine Geoffrey Thorpe qui écume les mers pour le compte d’Elizabeth ; son but est de délivrer les nombreux sujets anglais condamnés aux galères par la justice espagnole et enchaînés, squelettiques, aux rames du vaisseau. Thorpe ramène lui-même l’équipage prisonnier à la reine qui le réprimande vertement devant la cour et les nobles espagnols, mais lui témoigne sa gratitude en privé, peu après. Thorpe se propose de repartir discrètement pour le canal de Panama, à Nombre de Dios, afin de s’emparer d’un important convoi d’or et de bijoux précolombiens qui permettront d’affréter une puissante flotte anglaise. Mais à force d’espionner les visites de Thorpe auprès du célèbre cartographe flamand Jodocus Hondius, Don Alvarez et son complice Lord Wolfingham interceptent le but de sa mission secrète et le signalent à Madrid. Doña Maria, qui s’est éprise du beau corsaire et prend conscience de l’inhumanité de ses compatriotes conquistadors, découvre les manigances de son oncle avec Wolfingham et gagne Douvres de nuit pour mettre en garde son bien-aimé, sur le point d’appareiller. Elle arrive trop tard. Thorpe et ses hommes débarquent sur les côtes panaméennes près de Venta Cruz, se saisissent de l’or à Nombre de Dios, mais sont piégés par les Espagnols dans la jungle fétide et condamnés aux galères à vie par le tribunal de l’Inquisition. En apprenant la nouvelle par son oncle à Londres, Doña Maria, devenue dame de compagnie de la reine, s’évanouit. Après des mois de captivité cauchemardesque sous les coups de fouets, les corsaires parviennent à briser leurs chaînes et à s’évader du port de Cadix, sur les côtes de Séville, tout en emportant une lettre secrète de Philippe II à Wolfingham à propos de l’Armada et des plans d’invasion de l’Angleterre, document trouvé à bord du navire amiral « Madre de Dios ». Entretemps, Wolfingham a fait emprisonner tous les « Sea Hawks » et bloquer les entrées de la ville par ses sbires. Doña Maria, qui a pris congé de son oncle à Douvres, découvre Thorpe caché dans son carrosse ; elle l’introduit dans le palais où le corsaire démasque la félonie de Wolfingham et le tue en duel. Il convainc Elizabeth de l’imminence de l’attaque de la flotte espagnole. La reine l’adoube à la joie de l’équipage de l’« Albatros » et de Doña Maria, dont la mère était anglaise et qui a refusé de retourner dans son pays.
Philippe II (Montagu Love) se voit en maître du monde et donne ses instructions à son ambassadeur (Claude Rains).
 Sans conteste le chef-d’œuvre du cinéma d’aventures maritimes, The Sea Hawk est un joyau de l’âge d’or d’Hollywood auquel seul, soixante-trois ans plus tard, Master and Commander de Peter Weir peut se mesurer. Le triomphe international de Captain Blood en 1935, brillante transposition du roman de Rafael Sabatini rehaussée par le talent de Michael Curtiz, metteur en scène vedette du studio, et la révélation du jeune Australien Errol Flynn incite la Warner Bros. à enchaîner avec l’adaptation d’un autre ouvrage de Sabatini, The Sea Hawk, dont Frank Lloyd a déjà tiré un film muet en 1924 pour la First National (cf. supra) ; cette société ayant été rachetée par la Warner en 1928, les droits du roman sont acquis et Robert Neville, puis Delmer Daves esquissent laborieusement un premier scénario (novembre 1935-avril 1936). Sabatini situe son intrigue surannée en Méditerranée parmi les pirates algériens peu après la déroute de l’Armada, et seul le prologue fait mention de la reine Elizabeth. Mais tandis que le studio met en chantier The Adventures of Robin Hood avec Flynn, Hal Wallis, le producteur, décide de se baser plutôt sur l’intrigue de Beggars at Sea, un récit de Seton I. Miller centré autour d’un clone fictif du célèbre corsaire Sir Francis Drake et de ses mésaventures à Venta de Chagres/Venta Cruz, au Panama en mars 1573. Le nom de Sabatini disparaît, seul le titre de son roman est conservé, moyennant quelques arrangements : les « Sea Hawks » deviennent pour Hollywood la dénomination commune des corsaires anglais chassant les convois d’or espagnols (une invention, car en vérité, leur surnom était « Sea Dogs », et « Sea Beggars » pour les corsaires flamands, mais les chiens et les mendiants ne font pas fantasmer !) ; le maintien du titre permet une allusion au livre de Sabatini qui pourrait allécher des spectateurs égarés. Howard Koch, un des scénaristes surdoués de Casablanca (1942) qui sera black-listé par le maccarthysme et forcé de s’exiler en Grande-Bretagne en 1951, peaufine la matière et lui confère un profil politique de poids.
La Warner ne tient pas à filmer son sujet en mer, entreprise ruineuse et toujours aléatoire (comme l’a démontré Mutiny on the Bounty de la MGM cinq ans plus tôt) et choisit plutôt d’investir une fortune dans la construction d’un plateau « maritime » géant dans son studio à Burbank, sur Hennesy Street ; 375 ouvriers y travaillent pendant 11 semaines. Ce plateau 21, du jamais vu dans le monde du cinéma, peut être entièrement rempli d’eau et contenir un vaisseau de guerre anglais long de 41 mètres et une galéasse hispanique de 50 mètres, séparés par un bassin de 4 mètres de profondeur pour que les cascadeurs puissent y plonger. Les vaisseaux sont érigés sur des plateformes d’acier montées sur roues tandis qu’un système hydraulique permet de balancer les ponts (plusieurs figurants se plaindront de mal de mer...). Autour des deux bateaux, les parois sont couvertes d’une couche de mousseline semi-circulaire sur laquelle les décorateurs peignent le ciel et introduisent un système qui permet de bouger les vagues, donnant l’illusion d’une mer calme ou orageuse (ce plateau fermé, le plus grand jamais construit, sera anéanti par un incendie en 1952). Les manœuvres des quatre vaisseaux miniature et les matte paintings sont gérées par Byron Haskin, futur spécialiste du film de science-fiction (War of the Worlds, 1953). Rappelons que l’utilisation souvent colportée de stock-shots de batailles navales provenant de films antérieurs est une légende (quoique la chose fut envisagée à l’origine). Les quatre cinquièmes du film sont tournés en studio, du 1er février au 20 avril 1940 (68 jours), en recyclant la grande salle du trône et la place fortifiée de The Private Lives of Elizabeth and Essex (1939) ; un terrain adjacent de 46'000 mètres carrés baptisé « 30 Acres » est transformé en jungle marécageuse peu hospitalière ; le village mexicain édifié pour Juarez au ranch de Calabasas devient le marché de Venta Cruz et l’« Albatros » jette l’ancre à Point Mugu, plage à l’ouest de Los Angeles. Deux cinéastes en herbe, Jean Negulesco et Vincent Sherman, travaillent comme assistants dans la seconde équipe. Après les entrées décevantes d’Elizabeth and Essex, la Warner renonce provisoirement au Technicolor, mesure que justifieront les coûts exorbitants du film (1'701'000 $, soit plus du double de Captain Blood). Le noir et blanc raffiné de l’œuvre correspond d’ailleurs mieux aux tonalités âpres et denses d’un récit qui n’a plus rien des gaietés dynamiques, de l’ironie et de la truculence de Captain Blood ou de Robin Hood. Les séquences panaméennes sont toutefois teintées en sépia pour faire ressentir l’étouffante chaleur des lieux.
Outre Errol Flynn, le casting comprend l’Anglaise Flora Robson que le studio a fait exprès venir de Londres pour rejouer la reine Elizabeth après sa mémorable performance dans Fire over England (1936, cf. supra) ; sa reine – la plus crédible du cinéma d’avant-guerre – est moins crispée, plus directe, assurée et ironique que la Bette Davis tourmentée d’Elizabeth and Essex, ce qui enchante Flynn. Sa première audience auprès de la reine grâce à l’entremise comique de son petit singe égaré dans le palais – gag non prévu dans le scénario ! – témoigne d’une complicité entre les acteurs que confirment diverses anecdotes. Née Ardis Ankerson aux Philippines, d’origine suédoise, la semi-débutante Brenda Marshall joue la fière aristocrate espagnole (rôle moins doucereux que ceux tenus par Olivia de Havilland, qui a refusé d’apparaître) ; pendant le tournage, elle fait connaissance de son futur mari, William Holden. Claude Rains campe son oncle ambassadeur, déchiré entre famille et devoir ; dans la peau du traître Wolfingham qui rêve de devenir le vice-roi d’une Angleterre hispanisée, on retrouve l’obséquieux et glaçant Henry Daniell, inoubliable en caricature de Goebbels dans The Great Dictator de Charles Chaplin. (N. B. : ne pas confondre ce Wolfingham fictif avec Sir Francis Walsingham, chef des services d’espionnage.) Daniell fait toutefois problème lors du très long duel final contre Thorpe, affrontement orchestré avec brio par le fameux maître d’armes belge Fred Cavens, car ne sachant escrimer et n’ayant pas la phénoménale assurance et souplesse de son adversaire, l’acteur doit être doublé dans la majorité des prises par deux épéistes.
 The Sea Hawk frappe d’emblée par l’enthousiasme de l’interprétation, jusque dans les apartés du corsaire avec la reine. À l’apogée de sa carrière, Errol Flynn semble à l’aise partout, malgré des accès de malaria, l’alcool, les femmes et sa « bête noire », son tortionnaire Curtiz : tous deux sont aussi antagonistes que complémentaires (ils auront tourné ensemble un total de 11 films). Dictatorial, perfectionniste et un maniaque du réalisme, Curtiz alias Kertesz Mihály n’hésite pas à faire vraiment fouetter ses acteurs dans les sordides scènes de galère, provoquant un pugilat avec Flynn et une intervention de la production qui craint le veto du Code Hays. Au début du film, le cinéaste hongrois exécute avec une maestria absolue une séquence d’abordage qu’on peut qualifier d’anthologique (même si, sur le plan tactique, elle est en avance sur son temps et correspond plus aux guerres napoléoniennes qu’au XVIème siècle) : sa caméra survole la mêlée, dynamisant l’action avec toute la virtuosité du montage pour faire ressortir sauvagerie, tragédie et panache. Les corsaires s’accrochent aux agrès et aux mâts, ferraillent et exultent bruyamment. Furieux des libertés prises et des plans tournés derrière son dos, Hal Wallis écrit à Curtiz : « J’ai noté que lorsque les marins criaient victoire, grand nombre d’entre eux faisaient usage du point levé qui correspond au salut communiste. C’est vraiment visible et je ne comprends pas pourquoi on permet à ces gens de faire ça ! » (memo Warner Bros. du 19.3.40). Curtiz, son chef-opérateur Sol Polito et ses scénaristes ont prévu une progression intelligente du récit avec une conclusion forte qui renonce à la vaine surenchère d’un final également sur mer. Ce sera tout le contraire : un duel à mort, à deux, de nuit, dans un palais quasi déserté, palpitant et rythmé par l’extrême rapidité des estocades. Curtiz y déploie toute la chorégraphie des duellistes accompagnés de leurs ombres envahissantes sur les parois (motif visuel repris de Robin Hood, en mieux), noyés dans un univers oppressif et kafkaïen, aux relents expressionnistes de Mitteleuropa qui annoncent le « film noir ». Les décors d’Anton Grot (un Polonais), à la fois fastueux et très stylisés, sont influencés par le Bauhaus : hauts et de vaste dimension, ornés seulement de quelques remplages élisabéthains ou d’arcades à colonnes et pourvus de sols en miroir pour exprimer la toute-puissance politique, ils mettent en valeur la richesse des costumes et accessoires. Quant à la partition symphonique du Viennois Erich Wolfgang Korngold (admiré jadis par Gustav Mahler et Richard Strauss), ses élans postromantiques et son thème du générique sont restés longtemps dans les mémoires ; sa musique décroche une nomination à l’Oscar, tout comme les décors, le son et les effets spéciaux. La Warner peut se vanter d’avoir produit son film à la fois le plus cher et le plus populaire de 1940, comptabilisant un bénéfice record de 977'000 $.
À première vue, The Sea Hawk semble n’être qu’une variante plus enlevée, plus trépidante et sur mode « aventure romanesque », d’Elizabeth and Essex dont on retrouve ici le contexte historique (« Merrie England »), une bonne partie des acteurs, des techniciens et accessoiristes. C’est oublier les dates de tournage – printemps 1940 – et les événements récents (« drôle de guerre » à l’Ouest, invasions du Danemark et de la Norvège) auxquels répond l’impressionnante séquence d’entrée, située au palais royal espagnol de l’Escurial. Assis devant une gigantesque mappemonde murale, entouré de dignitaires muets, Philippe II y exprime ses visées expansionnistes : « Les richesses du Nouveau Monde sont sans limites et le Nouveau Monde nous appartient. Notre flotte croise sur les sept mers, nos armées battent l’Afrique et le Levant, invincibles partout, sauf à notre porte. Seule l’Europe du Nord reste debout contre nous, menée par l’Angleterre, cette île stérile comme sa reine. Une fois l’Angleterre conquise, rien ne nous arrêtera plus. L’Afrique du Nord, l’Europe, le Nouveau-Monde du nord au sud, d’est en ouest, puis la Chine et l’Inde feront partie du royaume. Un jour, cette mappemonde sera la carte de l’Espagne ! » Philippe II est caractérisé comme un tyran égomaniaque sur le modèle d’Adolf Hitler dont l’ombre de plus en plus envahissante recouvre toute la géographie du monde étalée sur la paroi du palais ; la Wehrmacht et la Luftwaffe sont assimilés à l’Armada, les camps de concentration aux galères et l’Angleterre apparaît comme l’unique rempart subsistant contre le Troisième Reich en Europe – ce qui sera une réalité au moment où sortira le film. Vu à travers cette grille, Lord Wolfingham devient un précurseur de Quisling ou de Lord Halifax, l’ambassadeur Don Alvarez un pendant de Ribbentrop, tandis que la reine est, au début, encore sous la coupe d’un Neville Chamberlain après Munich (« Notre sauvegarde réside dans notre diplomatie et non dans la force »). Thorpe, l’intrépide corsaire, représente l’antifasciste peu fréquentable ou le volontaire internationaliste de la guerre d’Espagne (en avril 1937, Flynn s’est rendu à Madrid et à Barcelone comme « correspondant de guerre »), sinon le rebelle dont la révolte se justifie par son engagement patriotique contre toute dictature, fût-ce avec la bénédiction tacite de la monarchie en place. « L’Espagne est en guerre avec le monde entier ! », répète-t-il à la reine. Lorsque Doña Maria le traite de voleur pour s’être emparé du « Santa Eulalia » et de son précieux chargement, il lui demande malicieusement comment les Espagnols ont acquis les bijoux aztèques en or qu’elle a dans son coffret personnel et par quels moyens ces Indiens ont été persuadés de s’en séparer... (Le film sera interdit dans l'Espagne de Franco.)
La production marche sur des œufs avec la conclusion du film qui proclame explicitement le début des hostilités : dans la version exploitée aux États-Unis, en Amérique latine et dans les pays encore neutres, on place le mot « fin » après l’adoubement de Thorpe par la reine. Sage précaution : les implications politiques du film semblent avoir échappé aux isolationnistes de l’influent mouvement « America First » et autres sympathisants nazis (Charles Lindbergh, le sénateur républicain Gerald Nye, e.a.), pourtant très attentifs aux productions du « juif Jack Warner » (proche de Roosevelt) et déjà outrés par Confessions of a Nazi Spy d’Anatole Litvak, une œuvre précédente du studio sortie en mai 1939. La presse ne souffle mot des intentions secrètes du film, celle d’influencer l’opinion publique américaine en faveur des Anglais ; seul le New York Times parle en passant d’une « touche d’implications contemporaines typique des films Warner » (10.8.40), tandis que le criticastre de Variety n’y voit que du feu et se plaint de « longs dialogues sans intérêt » (21.7.40). En revanche, dans les copies de The Sea Hawk distribuées en Grande-Bretagne et le Commonwealth, la Warner rajoute une séquence finale où la reine Elizabeth s’adresse à l’équipage de l’« Albatros » ainsi qu’à tous ses sujets : « Un important devoir nous oblige à préparer notre pays pour une guerre qu’aucun de nous ne souhaitait – et votre reine moins que quiconque. Nous avons tenté de toutes les façons possibles d’éviter ce conflit. Nous n’avons aucune querelle avec le peuple espagnol ni avec celui d’aucun pays. Mais lorsque les brutales ambitions d’un homme menacent le monde, il appartient solennellement aux hommes libres d’affirmer que la terre (car Elizabeth souffrait, semble-t-il, d’une forme de vaginisme ou dyspareunie grave qui rendait les rapports sexuels presque impossibles), n’appartient pas à un seul homme mais à l’humanité et que cette liberté ne peut être dissociée du sol que nous foulons. » Et tandis qu’elle vante la flotte « née des forêts d’Angleterre, une des premières au monde, non seulement pour aujourd’hui mais pour les générations à venir », les images des galions en bois s’effacent en fondu enchaîné sur celles de bâtiments de guerre modernes de la Royal Navy, prêts à affronter Hitler. En clair, l’appel d’Elizabeth (rédigé par Howard Koch en août 1939 déjà) ne s’adresse pas seulement aux Anglais, mais à tous les hommes épris de liberté, et lors de l’avant-première à Londres début août 1940, la presse locale, invitée par le baron Beaverbrook (ministre anglo-canadien de l’« Aircraft Production »), s’enthousiasme. The Daily Mail applaudit un « film à travers lequel Hollywood renonce à sa neutralité » (2.8.40), The Evening Standard titre « Hollywood ouvre le feu en faveur de la Grande-Bretagne » (2.8.40). Duff Cooper, premier Lord de l’Amirauté puis Ministre de l’Information, implore la Warner de précipiter la sortie de leur production dans tous les cinémas du pays. En décembre 1940, alors que les bombardements du Blitz dévastent les cités et que la bataille d’Angleterre dans le ciel fait rage, le public anglais se rue dans les salles : The Sea Hawk se place au deuxième rang du box-office annuel au Royaume-Uni après le mélo Waterloo Bridge, et plus d’un spectateur voit dans cette ébouriffante aventure de « cape et d’épée » un pendant américain du Fire over England produit par la London Film (1937, cf. supra), soit une parabole politique, animée cette fois par des compatriotes d’outre-Atlantique. On ne sera pas étonné d’apprendre que c’était un des films favoris de Winston Churchill, qui y reconnut la teneur de ses propres discours.
FR (1947) - DE (1948): Der Herr der sieben Meere, AT (1947): Der Seefalke, IT (1946): Lo sparviero del mare, ES (1985 tv): El halcón del mar.
1941[épisode] This England (GB) de David MacDonald
John Corfield/British National Films Ltd., 82 min. – av. Emlyn Willliams (Appleyard), John Clements (Rookeby), Constance Cummings (une gitane), Roland Culver (l’intendant), Ronald Ward (Lord Clevely), Frank Pettingell, Esmond Knight, Morland Graham, Leslie French, Martin Walker, James Harcourt.
Une première et maladroite tentative du cinéma britannique de mobiliser le passé pour chanter l’unité nationale et dépasser les divisions sociales du pays en temps de guerre. Tourné en 1940 (pendant le Blitz) aux Rock Studios-British National à Elstree et dans la région de Welwyn, le film retrace la chronique du village de Claverly Down, de la conquête normande au XIe siècle au présent, en passant par la menace de l’Armada en 1588 et celle de Napoléon en 1804. Les villageois querelleurs oublient leurs différends et se serrent les coudes lorsqu’un navire marchand espagnol fait naufrage sur la côte et qu’une gitane survivante annonce l’arrivée imminente de la flotte de Philippe II. La population prend la gitane pour une sorcière, elle fuit et se jette du haut de la falaise ; les esprits se calment lorsqu’on annonce la défaite de l’Armada. Film de propagande patriotique.
1943/44[Ivan Grozny III (Ivan le Terrible, partie III) (SU) de Sergej Mikhailovitch Eisenstein. – av. Nikolaï Tcherkassov (Ivan IV), Mikhail Romm (Elizabeth Ire), Oleg Shakov (le chevalier teutonique et espion polonais Heinrich Staden), P. Kadochnikov (le père Evstafij). – La troisième partie du chef-d’œuvre d’Eisenstein, commencée à Alma Ata, fut stoppée sur ordre de Staline. Environ 20 minutes furent tournées, mais seules 4 minutes subsistent aujourd’hui. Selon le scénario, Elizabeth apparaît dans le film, faisant de fausses promesses à l’ambassadeur allemand quant à l’envoi de renforts armés pour écraser la Sainte Russie et chantant un refrain (« Seul Dieu sait qui Elizabeth achète et qui elle vend »). Eisenstein tourna des tests avec le cinéaste Mikhaïl Romm grimé en souveraine britannique lubrique et peu amène (images perdues). – N.B. : Ivan le Terrible fut un des prétendants d’Elizabeth et chercha à s’allier avec elle (entre 1568 et 1580), ce que le scénario se garde bien de signaler !]
1944® Time Flies (GB) de Walter Forde. – av. Leslie Bradley (Sir Walter Raleigh), Olga Lindo (Elizabeth Ire), John Salew (William Shakespeare). – Voyage dans le temps, film de propagande patriotique.
1946® (tv) The Dark Lady of the Sonnets (GB) de George More O'Ferrall. – av. Dorothy Black (Elizabeth Ire). - cf. W. Shakespeare.
1951® (tv) Mary of Scotland (US) de Frank Telford. – av. Mildred Natwick (Elizabeth Ire).
1953® (tv) The Young Elizabeth (GB) de Michael Henderson (tv) et Charles Hickman (th). – av. Mary Morris (la princesse Elizabeth Tudor), Joseph O’Conor (Lord Thomas Seymour). – La vie turbulente de la jeune Elizabeth de 1547 à 1558, du décès de son père Henry VIII à l’accession au trône, en passant par les règnes de son demi-frère Edward VI et de sa demi-sœur Mary Tudor. Cf. supra, règne d’Edward VI.
1953® Young Bess (La Reine vierge) (US) de George Sidney. – av. Jean Simmons (la princesse Elizabeth Tudor), Stewart Granger (Sir Thomas Seymour, baron Seymour of Sudeley). – Récit conté en flash-back : En 1558, au manoir de Hatfield House, alors que « Bloody » Mary Tudor agonise et que la princesse Elizabeth est appelée à monter sur le trône, sa gouvernante, Mrs. Ashley, et son intendant, Mr. Parry, se souviennent des joies et des peines qui ont jalonné la jeunesse de la future souveraine... Le film narre les amours plus qu’hypothétiques entre la jeune princesse et Thomas Seymour, décapité en 1549 (cf. supra, règne d’Edward VI).
1953(tv) A Queen Is Born (US) d’Albert McCleery
« The Hallmark Hall of Fame » (NBC 29.3.53). – av. Sarah Churchill (Elizabeth Ire).
La jeune reine (interprétée par la fille de Winston Churchill, alias Sarah Millicent Hermione Tuchet-Jesson, baronesse Audley et, aux États-Unis, vedette de Hallmark Television) monte sur le trône après le décès subit de « Bloody Mary », sa demi-sœur. Sarah Churchill a déjà campé Catherine Parr dans A Queen’s Way (1953), cf. Henry VIII.
1953(tv) The Kentish Robin (GB) de Rex Tucker
« Children’s Television », Rex Tucker/BBCtv (BBC 19.3.53), 30 min. – av. Jimmy Verner (Robin Brandon), Colin Douglas (Humphrey Brandon), Hector Ross (Don Miguel de Ortega y Alvamadara), Desmond Montgomery (Gervase), John Van Eyssen (Sir Eustace Palmer), Grizelda Harvey (Elizabeth Ire), John Franklyn, Shaun Sutton, Elizabeth Barry, Lisa Sibley.
Drame pour la jeunesse situé à Brandon Hall (dans le Kent) un mois après l’anéantissement de l’Armada (août 1588), rédigé par Shaun Sutton et Rex Tucker.
1953(tv) An Evening’s Diversion Proffered On The Anniversary Of The Session Of Her Majesty Queen Elizabeth I. (GB) de Hal Burton
(BBC 17.11.53), 155 min. – av. Janet Butler (Elizabeth Ire), Andrew Osborn (Sir Walter Raleigh), Ronald Simpson (Richard Hakluyt), Jack Rodney (Thomas Deloney), Wensley Pithey (John Lane), Gerald C. Lawson, Brian Roper, Geoffrey Taylor, John Springett, James Laver, Noelle Middleton et McDonald Hoblet (les deux journalistes).
Un programme parodique de la BBC : une soirée de « télévision élisabéthaine » diffusée le 17 novembre 1596 (date anniversaire de l’accession au trône de la reine), en costumes d’époque. La soirée comprend des actualités (« A Chronicle of the Times » avec la réception de l’ambassadeur de France à la cour et la première de Roméo et Juliette, nouvelle pièce de Shakespeare), un programme de variétés au Cross Keys Inn, la présentation de la Société des Inventeurs, un débat entre Sir Walter Raleigh et d’autres personnalités contemporaines comme l’historien géographe Richard Hakluyt ou le romancier Thomas Deloney (« An Exchange of View »), un défilé de mode (« Conceits for your Leisure »), de larges extraits de la comédie The Honourable History of Friar Bacon & Friar Bungay de Robert Greene (1594), etc.
1953® (tv) Will Shakespeare (GB) de Rudolph Cartier. – av. Mary Clare (Elizabeth Ire).
1954® (tv) The Execution of Mary, Queen of Scots (February 8, 1587) (US) de John Frankenheimer (?). – av. Mildred Natwick (Elizabeth Ire).
1954® (tv) The First Performance of « Romeo and Juliet », 1597 (US) de Sidney Lumet. – av. Mildred Dunnock (Elizabeth Ire). – cf. W. Shakespeare.
1955** The Virgin Queen (Le Seigneur de l’aventure / La Reine vierge) (US) de Henry Koster
Charles Brackett/20th Century-Fox, 92 min. – av. Bette Davis (Elizabeth Ire), Richard Todd (Sir Walter Raleigh), Joan Collins (Beth [Bessy] Throgmorton), Jay Robinson (Chadwick, un courtisan), Herbert Marshall (Lord Robert Dudley, comte de Leicester), Robert Douglas (Sir Christopher Hatton), Dan O’Herlihy (Lord Derry, l’ami irlandais de Raleigh), Romney Brent (Michel de Castelnau Mauvissière, ambassadeur de France), Leslie Parrish (Anne), Lisa Daniels (Mary), Lisa Davis (Jane), Arthur Gould-Porter (Randall, le constructeur naval), Terence de Marney (Edmund Grindal, archevêque de Canterbury), Rod Taylor (cpt. Gwilym), Nelson Leigh (un médecin), Barry Bernard (le borgne), Margery Weston (Dame Bragg), Frank Mills (l’aubergiste), Robert Adler, Gertrude Astor, Frank Baker, Alan Marston.
Synopsis : En 1581, sur la route de Londres, le carrosse du vénérable comte de Leicester, Lord Chancelier, reste bloqué dans la boue. Moyennant quelques coups d’épée, Walter Raleigh, militaire sans le sou, de retour d’Irlande, contraint les clients récalcitrants d’une auberge à prêter main forte au comte. Pour le remercier, Leicester l’introduit auprès de la reine à Whitehall. Raleigh a confisqué un luxueux manteau commandé par l’ambassadeur de France chez son tailleur et l’étale sous les pieds de la souveraine alors qu’elle va enjamber une flaque d’eau dans la cour. La reine est séduite par la galanterie, la vivacité d’esprit et le tempérament combatif du bel aventurier (« Je suis entourée de danseurs, ça me fera du bien de parler avec un homme de guerre »). Elizabeth, qui ne manque pas d’à-propos cinglants, l’écoute détailler son rêve d’affréter trois navires pour fonder une colonie dans le Nouveau Monde, mais préfère garder l’entreprenant opportuniste à ses pieds, et, agacée par son insistance à parler de navigation et non de guilledou, le bombarde capitaine de sa garde personnelle. Raleigh s’attire ainsi la haine de l’ancien favori, Sir Christopher Hatton, et les sarcasmes de Beth Throgmorton, une demoiselle d’honneur de la reine qui s’est éprise de lui (« Que Dieu vienne en aide à votre fierté si vous obtenez les faveurs de la reine »). Beth le traite de petit chien de salon, assis au pied du trône. Ayant surpris les deux en aparté lors d’une partie de chasse, Elizabeth, folle de jalousie, interdit à son nouveau favori de fréquenter les dames de sa suite. Humilié, Raleigh la défie, quitte le palais, passe la nuit à discuter avec Beth et finit par l’épouser en secret. Après quelques semaines, Elizabeth adoube Raleigh et lui concède la construction d’un navire à Plymouth, le « Golden Falcon », pour une expédition outre-Atlantique – qu’elle n’a pas l’intention d’autoriser. Elle feint la maladie pour repousser un mariage avec le duc d’Alençon, puis décide d’envoyer toutes ses dames de compagnie, Beth comprise, pour deux ans à la cour de France. Craignant un revirement de Sa Majesté, Raleigh veut quitter l’Angleterre au plus vite, sans feu vert royal et en emmenant Beth, qui est enceinte, avec lui. Mais lorsque des espions de Hatton lui révèlent les épousailles de son favori, Elizabeth fait emprisonner le couple et le condamne à mort. Beth lui rappelle que la loi interdit l’exécution d’une femme enceinte. Dans la Tour, Elizabeth et Raleigh se reprochent leurs trahisons respectives (elle crie « J’ai eu pitié de vous et vous ai autorisé à me servir », lui répond « Je souhaite servir l’Angleterre, pas vous ! ») et la reine, réalisant qu’elle ne peut se passer de son chevalier indocile, autorise le départ du couple pour les Amériques à condition qu’il lui ramène les trésors nécessaires aux caisses du royaume. Elizabeth constate avec émotion et mélancolie qu’en quittant Londres, le « Golden Falcon » arbore son écharpe personnelle au mât de misaine.
Le premier – et à ce jour unique – film de fiction consacré à Sir Walter Raleigh (1552-1618), navigateur, explorateur et poète, et à ses relations orageuses avec Elizabeth Ière, si l’on excepte un court métrage muet de 1928, The Virgin Queen de Roy William Neill, un téléfilm pour la jeunesse en 1992, My Friend Walter, et le long métrage de Shekhar Kapur, Elizabeth : The Golden Age (2007), qui consacre une partie de son intrigue à Raleigh et à son épouse Bess. La chronologie de la vie de Raleigh est ici un peu malmenée. Dans les faits, Raleigh devient effectivement le favori d’Elizabeth à la cour d’Angleterre en 1581 (sans trace d’une liaison), couvert de cadeaux et de privilèges après avoir encouragé la reine à envahir l’Irlande catholique, avoir écrasé dans un bain de sang la résistance locale soutenue par des mercenaires hispano-italiens et imposé l’Église protestante ; il devient ainsi un puissant propriétaire terrien en Irlande. En 1584, Elizabeth autorise Raleigh à établir des colonies dans le Nouveau Monde et à y créer des bases pour s’attaquer aux transports d’or espagnols ; adoubé par la reine l’année suivante, puis membre du Parlement, il ordonne la fondation de la colonie de Roanoke (Caroline du Nord) en son nom, mais sans y mettre le pied ; lui -même mènera une expédition en Amérique latine à la vaine recherche de la cité d’Eldorado en 1595. En 1591, il épouse secrètement Elizabeth (Bess ou Beth) Throgmorton (ou Throckmorton, 1565-1647), sans autorisation de la reine qui envoie le couple pour quelques mois d’emprisonnement à la Tour. Les Raleigh se retirent par la suite dans leurs terres au Dorset ; ils auront trois enfants. Avec le décès d’Elizabeth et l’avènement du roi catholique James Ier en 1603, Raleigh, protestant farouche dont la famille échappa de peu à la mort sous Mary Tudor, perd tout crédit. Accusé d’avoir pris part à une conspiration contre le roi, il croupit pendant douze ans en prison, de 1604 à 1616. En 1617, il entreprend une seconde expédition pour retrouver le mythique Eldorado au Guyana où ses hommes détruisent des établissements espagnols. Sur demande de Madrid, il est à nouveau emprisonné en Angleterre, condamné à mort et exécuté. Lady Raleigh gardera la tête embaumée de son époux jusqu’à sa mort. L’incident du « manteau de velours » de Raleigh à Greenwich, geste chevaleresque qui aurait permis à la reine de ne pas marcher dans la boue, est sans doute apocryphe ; Thomas Fuller, chroniqueur réputé pour sa fantaisie, mentionne l’anecdote dans son History of the Worthies of England en 1662, mais elle sera surtout popularisée par Walter Scott dans son roman Kenilworth (1821). Autres légendes que l’introduction par Raleigh du tabac et des pommes de terre en Angleterre.
 Le projet d’un film sur Raleigh traîne dans les tiroirs des producteurs américains depuis l’automne 1952, alors que la MGM met en chantier Young Bess (la jeunesse de la reine) – le regard rivé sur les marchés du Commonwealth et les festivités autour du couronnement d’Elizabeth II. Raleigh, annonce-t-on, serait campé par Cornel Wilde, puis Burt Lancaster, enfin Richard Burton. Aux yeux de Darryl F. Zanuck, le patron de la Fox, la seule actrice entrant en ligne de compte pour interpréter la reine Elizabeth est Bette Davis, qui a tenu ce rôle dans The Private Lives of Elizabeth and Essex de Michael Curtiz en 1939, aux côtés d’Errol Flynn (cf. supra). Or la Davis, « monstre sacré » d’une éprouvante égomanie, s’est fâchée avec les studios, vit en semi-retraite et ni son caractère ni ses exigences n’ont changé. Contactée par Zanuck, elle tergiverse pendant trois ans, exige plusieurs remaniements du scénario plus une modification du titre ; bref, l’ex-reine de la Warner tire la couverture à elle. Ainsi, Sir Walter Raleigh (titre initial) devient The Hawk and the Vulture pour ensuite passer de Raleigh and the Virgin Queen à The Virgin Queen tout court. L’actrice requiert aussi son maquilleur d’Elizabeth and Essex, Perc Westmore, qui lui coupe les cheveux et fabrique un faux crâne pour simuler la calvitie. Le film promet une foire d’empoigne, un combat de coqs entre un ambitieux militaire, jeune, séduisant, arrogant et féru d’aventures, et une vieille fille amère, tyrannique, hommasse et capricieuse. En face d’elle, la Century-Fox place finalement l’Anglais Richard Todd, très populaire en Grande-Bretagne et nominé aux Oscars pour The Hasty Heart de Vincent Sherman en 1950. Todd a été révélé grâce aux films de fiction non animés de Walt Disney en interprétant Robin des Bois (1952), Sir Charles Brandon, l’amant de la sœur d’Henry VIII dans The Sword and the Rose (1953) et le rebelle écossais Rob Roy (1954) ; s’il n’a pas le charisme et l’ironie d’Errol Flynn, il en a la virilité assumée, la prestance et le maniement de l’épée : le duel que son Walter Raleigh mène au début du film, censé l’introduire comme un adversaire de taille, est stupéfiant de rapidité et d’adresse, supérieur même aux chorégraphies épéistes d’un Laurence Olivier. Il sera du reste le premier choix de Ian Fleming pour incarner James Bond dans Dr. No. Sa partenaire, la ravissante Joan Collins, née à Londres, fait ici ses débuts à Hollywood après avoir été choisie par Howard Hawks pour incarner à Rome et en Égypte l’épouse maléfique du pharaon dans Land of the Pharaohs.
Les réalisateurs maison ne se pressent pas au portillon. Jean Negulesco est aux abonnés absents ; Curtis Bernhardt, qui a fait ses expériences avec Mrs. Davis, se terre. C’est son ex-assistant, confrère et compatriote Henry Koster (alias Hermann Kosterlitz) qui hérite du bébé. Berlinois exilé aux USA, Koster a surtout fabriqué des comédies très rémunératoires (Harvey avec James Stewart), puis, en artisan honnête mais sans génie, a dirigé les premiers films en CinemaScope de la maison, des superproductions en costumes comme l’éprouvant péplum religieux The Robe (La Tunique) en 1953 ou Désirée avec Marlon Brando en Napoléon (1954) ; The Virgin Queen étant également prévu en CinemaScope et en couleurs DeLuxe, il semble être tout désigné pour survivre aux complications techniques et aux perpétuelles discussions, antipathies et caprices de la star ; enfin c’est lui qui propose Todd, qu’il vient de diriger dans A Man Called Peter. Budgété à 1,6 millions de $, le film est enregistré avec interruptions du 21 février à début mai 1955 aux studios de la 20th Century-Fox à Century City, L.A. Et, surprise, le résultat a de l’allure, au point où, dans leur notule sur Koster, Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon parleront d’« un de ses meilleurs films et l’une des meilleures productions historiques de l’époque » (50 ans de cinéma américain, Paris, 1995, p. 590).
La mise en scène reste naïvement picturale, avec de jolis effets chromatiques dans les costumes et les décors, mais elle est littéralement électrisée par la vivacité, l’intelligence et la subtilité des dialogues, qui à leur tour dynamisent les interprètes et rythment toute la narration. La justesse des propos et d’un vocabulaire parfois leste déteint sur la caractérisation des personnages comme sur celle de la cour tudorienne. Le mérite premier en revient au producteur du film qui n’est nul autre que Charles Brackett, le scénariste d’Ernst Lubitsch (Ninotchka, 1939) puis, surtout, le fidèle collaborateur de Billy Wilder pour 13 films, dont l’inoubliable Sunset Boulevard qui lui a valu l’Oscar en 1950. Quant au scénariste officiel de The Virgin Queen et auteur de la nouvelle qui lui sert de point de départ, c’est Harry Brown, lauréat de l’Oscar pour A Place in the Sun de George Stevens en 1951. Ces garde-fous littéraires additionné d’un féru d’histoire européenne comme Koster font que le film, aujourd’hui injustement négligé par la cinéphilie, tient la route malgré ses concessions de casting. Il illustre le sort de puissants et vaniteux seigneurs forcés, pour arriver à leurs fins, de s’abaisser dans une attitude d’obéissance dégradante devant une souveraine âgée, solitaire et dangereuse. Elizabeth les traite comme des animaux domestiques (« de petits, petits hommes ») tout en leur témoignant une condescendance affectueuse et en prenant elle-même des postures masculines (elle boit au goulot, hurle, s’assied avec les pieds sur la table). Seul Raleigh, le plus récalcitrant de ses courtisans, avec lequel elle partage une évidente affinité intellectuelle, refuse de tenir compte de son amour-propre blessé et de son besoin émotionnel à asservir les autres ou à jouer vicieusement avec leurs vies. Le jeu de Bette Davis, la démarche claudicante, s’est affiné depuis 1939 et son âge réel correspond à présent mieux au rôle d’un personnage qu’elle vampirise par ses propres idiosyncrasies.
Mais contrairement aux calculs des producteurs, les spectateurs ne se ruent pas dans les salles. Malgré l’écran panoramique et une nomination à l’Oscar pour les costumes, le film semble desservi par un manque d’extérieurs et de clous spectaculaires, à moins que l’abattage histrionique d’une Bette Davis enlaidie et antipathique dans un récit où, à l’origine, Richard Todd et Joan Collins devaient tenir le haut de l’affiche ait découragé une frange du public qui s’attendait à plus d’action que de tirades. L’étalage psychodramatique de sentiments peu courants dans le cinéma hollywoodien de l’époque peut aussi avoir aliéné certains. Toujours est-il, la 20th Century-Fox finit par se désintéresser de l’exploitation du film et celui-ci perd de l’argent. Résultat : la reine Elizabeth disparaît du grand écran pendant quarante-trois ans, pour ressusciter en 1998 sous les traits juvéniles de Cate Blanchett.
DE: Die jungfräuliche Königin, Der Rebell ihrer Majestät, IT: Il favorito della grande regina, ES: El favorito de la reina.
1955® (tv) The Dark Lady of the Sonnets (GB) de Douglas Allen. – av. Beatrix Lehmann (Elizabeth Ire). - cf. W. Shakespeare.
1956(tv) Elizabeth da Inglaterra (BR) de Cassiano Gabus Mendes et Walter George Durst
« TV de Vanguarda », Rede Tupi de Televisão, São Paulo (TV Tupi 25.11.56). – av. Lia de Aguiar (Elizabeth Ire), José Parisi, Márcia Real, David Neto, Turíbio Ruiz, Rogério Márcico, Jaime Barcelos, Fernando Baleroni, Maria Valéria, Araken Saldanha, Lucy Lourdes, Douglas Norris, Francisco de Assis, Carlos Menon, Leonam Luís.
Dramatique de Walter George Durst d’après la pièce Elizabeth the Queen (1930) de l’Américain Maxwell Anderson. Synopsis et commentaires cf. The Private Lives of Elizabeth and Essex (1939) de Michael Curtiz et la captation de 1968.
1956(tv) He Spied on the Queen (US) de William Berke
Série « I Spy », Edward J. Montagne/Rean Productions-Guild Films (Syndicated TV), 30 min. – av. Ruth Warrick (Mary Stuart), Bramwell Fletcher (Sir Francis Walsingham), Roy Dean (Gifford), Peter Donat (Sir Anthony Babington), Horace MacMahon (Ballard), Curt Lowens (Savage), Judy Hall (Jane), Raymond Massey (Anton the Spymaker, l’hôte).
Walsingham espionne Mary Stuart pour obtenir des preuves de sa trahison envers la reine Elisabeth.
1956(tv) Condemned to Glory (US) de Roger Kay
Série « Conflict » no. 2, Warner Bros. Presents/Roy Huggins Prod. (ABC 2.10.56), 55 min. – av. Jorja Curtwright (Elizabeth Ire), Geoffrey Toone (Geoffrey Thorpe), Michael Pate, David Locke, Carl Milletaire.
Les boucaniers de la reine pillent navires et ports du « Spanish Main » (les Caraïbes sous souveraineté espagnole). Produit de série fauchée filmé dans une baignoire, une resucée de The Sea Hawk (1940) de Michael Curtiz comprenant de nombreuses images sorties de ce grand classique d’aventures maritimes.
1956® (tv) Maria Stuart (DE-RDA) de Paul Hoffmann (th) et Wolfgang Luderer (tv). – av. Elisabeth Flickenschildt (Elizabeth Ire).
1957® (tv) Maria Stuart (CH/AT) de Leopold Lindtberg. – av. Käthe Dorsch (Elizabeth Ire).
1957(tv) The Kentish Robin (GB) de Rex Tucker
Rex Tucker/BBCtv (BBC 30.7.57), 40 min. – av. Peter Asher (Robin Brandon), Laurence Hardy (Humphrey Brandon), Hector Ross (Don Miguel de Ortega y Alvamadara), Keith Smith (Gervase), Alan Edwards (Sir Eustace Palmer), Jean Anderson (Elizabeth Ire), Nona Blair, John Doye, Fernando Glyn, Anthony Sheppard, Leslie Smith.
Voir le téléfilm éponyme de 1953.
1957(tv) Sir Francis Drake (GB) de John Barnes
Encyclopedia Britannica Films (London), 30 min. – av. Michael Goodliffe (Sir Francis Drake).
Docu-fiction sur la circumnavigation de Drake en 1577.
1957(tv) Kenilworth (GB) télésérie de Chloe Gibson
Chloe Gibson/BBCtv (BBC 8.2.-15.3.57), 6 x 30 min. – av. Maxine Audley (Elizabeth Ire), Robin Bailey (Robert Dudley, comte de Leicester), Ann Firbank (Amy Robsart), Anthony Newlands (Richard Varney), Stuart Hutchison (Sir Walter Raleigh), Paul Eddington (Edmund Tressilian), Hugh Morton (Sir Hugh Robsart de Lidcote), Tom Watson (Will Badger), Alan Edwards (Wayland Smith), Rowena Ingram (la duchesse de Rutland), James Raglan (Lord Hunsdon), Howard Lamb (Edmund Blount), Manning Wilson (Thomas Ratcliffe, comte de Sussex), Edward Brooks (son secrétaire), Bernard Archard (Dr. Masters), Noel Davis (Lawrence Goldthred), James Roughead (Bowyer), David Ritch (Tracey), Paul Hardtmuth (Zacharias Yoglan), John Ford (le ménéstrel Lawrence), Norman Bird (Butterworth), Margaret Tyzack (Janet Foster), Arthur Brough (Giles Gosling), Robert Hunter (Anthony Foster), McArthur Gordon (le médecin), John Wood (Dr. Doboobie dit Alasco), Peter Diamond, Pamela Binns, James Roughead, Peter Morny.
Adaptation du roman Kenilworth ; A Romance de Sir Walter Scott (1821) par Vincent Tilsley, livre qui s’inspire très librement de la mort suspecte d’Amy Robsart le 8 septembre 1560, mais transpose cet événement en 1575, année où la reine Elizabeth est reçue avec un faste inouï au château de Kenilworth (Warwickshire). Maxine Audley, du Shakespeare Memorial Theatre, qui interprète Elizabeth, sera la reine Irène dans A King in New York de Charles Chaplin et, en 1958, la reine Enid de Northumbrie dans The Vikings de Richard Fleischer.
Synopsis : Le jeune Tressilian aime la belle Amy Robsart, dix-huit ans, qui l’estime, mais ne l’aime pas. En 1575, elle est enlevée par Richard Varney afin qu’elle puisse épouser secrètement l’ambitieux Robert Dudley, comte de Leicester, ce favori de la reine en qui chacun voit déjà le futur roi d’Angleterre. Dudley cache son épouse dans le manoir de Cumnor Place, où la récluse s’impatiente. Ayant appris la disparition d’Amy, Elizabeth convoque Varney, premier écuyer de Dudley qui affirme avoir épousé lui-même la jeune femme. Lorsque la reine, sérieusement amoureuse de son favori, annonce à Leicester qu’elle lui rendra sous peu officiellement visite dans son domaine de Kenilworth en compagnie de Tressilian, Varney prend peur : Amy devient un obstacle pour l’accès de son maître au trône. Il tente odieusement de séduire Amy, puis de l’empoisonner. Se croyant découvert, il dépeint à Leicester une Amy complice et maîtresse de Tressilian ; Leicester exige sa mort, Varney s’exécute. Une lettre innocente la jeune femme et son époux avoue tout à la reine. Il arrive trop tard à Cumnor Place : Amy est morte, tuée par le scélérat.
Atteinte d’un cancer du sein, l’authentique Amy Robsart (1532-1560) a été retrouvée morte, le cou brisé au pied d’un escalier de Cumnor Place. L’enquête a conclu à un accident, mais les ennemis de Dudley propagèrent la rumeur d’un meurtre sur ordre du mari, afin d’épouser la reine. Le scandale fut grand, Elizabeth risqua sa couronne et dut renoncer à sa liaison avec Dudley pour démentir les bruits d’un mariage ou de fiançailles secrets. Dudley resta néanmoins son confident très influent et devint comte de Leicester en 1564.
1957® The Story of Mankind (US) d’Irwin Allen. – av. Agnes Moorehead (Elizabeth Ire), Edward Everett Horton (Sir Walter Raleigh).
1958® (tv) Maria Stuarda (IT) de Claudio Fino. – av. Sarah Ferrati (Elizabeth Ire).
1958(tv) Queen’s Champion. Loyalty and treason on the eve of the Armada (GB) minisérie de Shaun Sutton
« Children’s Television », Shaun Sutton/BBC Television (BBC 20.7.-7.9.58), 8 x 30 min. – av. Michael Anderson (Roger Penlynden), Frazer Hines (Toby, son ami), Peggy Thorpe-Bates (Elizabeth Ire), Patrick Cargill (Master Fidian), William Devlin (Sir Henry Penlynden), Colin Douglas (Ralph), Barry Letts (Sir Thomas Wycherly), Roger Delgado (Don José), John Woodnutt (Master Allan), Paul Whitsun-Jones (Rumbell), Nigel Arkwright (Old Bartholomew), John Welsh (Lord Burleigh), Douglas Dempster (Sir Francis Walsingham), Joseph Wise (Lord Leicester), John Geden (le comte Hawkeden), Derek Sydney (cpt. Elliot), Terry Baker (Hal), Jane Asher (Mary Brandon), Michael Brennan (John Brandon), Patrick Troughton (Don Alonzo), Desmond Llewellyn (Lord Bretherton).
Le 20 juillet 1588, une unité de la flotte anglaise sous les ordres de Sir Henry Penlynden guette l’invasion annoncée de l’Armada espagnole. Grâce à sa vaillance (il découvre des espions et un complot pour tuer la reine), le jeune Roger Penlynden, quatorze ans, gagne le « Queen’s Champion », une statuette en or remise de génération en génération dans sa famille. Télésérie pour la jeunesse écrite par Shaun Sutton. – Épisodes : 1. « The Betrayal » – 2. « The Escape from Penlynden » – 3. « The Outlaws » – 4. « The Rescue » – 5. « The Trap » – 6. « The Eve of the Armada » – 7. « The Edge of Defeat » – 8. « The Return to Penlynden ».
1958(tv) In the Shadow of the Axe (GB) de Cyril Coke
Série « ITV Play of the Week », Granada Television (ITV 3.12.58), 90 min. – av. Catherine Lacey (Elizabeth Ire), Laurence Payne (Robert Devereux, comte d’Essex), George Bishop (Burghley), Alan MacNaughton (Sir Robert Cecil), Derek Godfrey (Francis Bacon), Aubrey Richards (Anthony Bacon), Barbara Shelley (Mary Howard), Derek Aylward (Sir Walter Raleigh).
Les démêlés tragiques d’Elizabeth et d’Essex, selon la pièce Élisabeth, la femme sans hommes (1936) d’André Josset dans la traduction anglaise d’Yvette Pienne (cf. aussi 1960).
1958(tv) Till Time Shall End (GB) de Michael Barry
Série « BBC Sunday-Night Theatre » (saison 9, épis. 48) (BBC 30.11.58), 90 min. – av. Gwen Watford (Elizabeth Ire), Tony Britton (Robert Dudley, comte de Leicester), Alan Webb (Sir William Cecil, Lord Burleigh), Fabia Drake (Kate Ashley, duègne de la reine), Kynaston Reeves (l’historien Raphael Holinshed), Kevin Stoney (Nicholas Heath, archevêque de York), Norman Claridge (Lord William Howard), John H. Moore (Ferdinando Stanley, comte de Derby), Charles Cullum (George Talbot, comte de Shrewsbury), Tony Beckley (Henry Herbert, comte de Pembroke), Bernard Brown (Sir Francis Knollys), William Roache (le secrétaire de Lord Burleigh), George Skilan (l’amiral Edward Clinton, comte de Lincoln), Graham Rowe (l’ambassadeur d’Espagne), Guy Deghi (l’ambassadeur d’Autriche), Annabel Bishop (Lady Sidney), Beatrice Varley (Mrs. Pirto), Redmond Phillips (Dr. Huic), Pauline Murce et Vanessa Redgrave (dames d’honneur de la reine), John Gabriel (Speaker), Michael Jesset (le bouffon).
À Londres, Hatfield et Windsor entre 1558 et 1562. Elizabeth refuse d’épouser un des nombreux prétendants de l’étranger, car elle espère s’unir un jour avec son ami d’enfance, Robert Dudley. Mais le décès suspect de l’épouse de ce dernier, Amy Robsart, rend ce mariage impossible. – Un télédrame pour commémorer le 400ème anniversaire du couronnement d’Elizabeth, écrit par Clemence Dane, le scénariste de Fire Over England (1937) de William K. Howard et de Will Shakespeare (1938). La première apparition à l’écran de Vanessa Redgrave (dans un téléfilm hélas perdu).
1959(tv) Elizabeth da Inglaterra (BR) de Wanda Kosmo
« Grande Teatro Tupi », saison 9, épisode 24, Rede Tupi de Televisão, São Paulo (TV Tupi 11.+15.6.59). – av. Wanda Kosmo (Elizabeth Ire), Nydia Lícia, Sebastião Campos, Adélia Vitória, Osvaldo Louzada.
Dramatique d’après la pièce Elizabeth the Queen (1930) de l’Américain Maxwell Anderson. Synopsis et commentaires cf. The Private Lives of Elizabeth and Essex (1939) de Michael Curtiz et la captation de 1968.
1959® Maria Stuart (AT) d’Alfred Stöger et Leopold Lindtberg. – av. Liselotte Schreiner (Elizabeth Ire).
1959® (tv) Maria Stuart (DE-RDA) de Hannes Fischer et Helmut Krätzig. – av. Ursula Burg (Elizabeth Ire).
1959® (tv) Marie Stuart (FR) de Stellio Lorenzi. – av. Eléonore Hirt (Elizabeth Ire).
1960® (tv) Mary Stuart (US) de Dennis Vance. – av. Eva LeGallienne (Elizabeth Ire).
1960® (tv) The Prince and the Pauper (US) David Greene. – av. Portland Mason (la princesse Elizabeth Tudor).
Annie Ducaux (Elizabeth) et Jacques Toja (Essex) dans “Elizabeth, la femme sans hommes” (1960).
1960(tv) Élizabeth, la femme sans hommes (FR) de Roland-Bernard
RTF (1e Ch. 30.4.60). – av. Annie Ducaux (Elizabeth Ire), Jacques Toja (Robert Devereux, comte d’Essex), Robert Hirsch (Robert Cecil, comte de Salisbury), Louis Arbessier (Sir William Cecil, Lord Burghley), Bernard Dhéran (Francis Bacon), Jean-Marie Fertey (Anthony Bacon), Jean-Claude Le Guillou (Sir Walter Raleigh), Arlette Thomas (Lady Mary Howard, Mary FitzRoy, duchesse de Richmond).
Les amours dramatiques (et, semble-t-il platoniques) d'Elizabeth et d'Essex durant les années 1594 à 1603. Dramatique d'après une pièce en deux parties et cinq tableaux d'André Josset, enregistrée aux studios des Buttes-Chaumont à Paris. Créée avec succès le 19 novembre 1935 au Théâtre du Vieux Colombier dans une mise en scène de René Rocher (avec Germaine Dermoz en souveraine), la pièce est accueillie avec enthousiasme par le public et la critique et sera jouée plus de six mille fois dans trente pays différents. Elle entre au répertoire de la Comédie-Française en 1955 avec, dans le rôle d'Elizabeth, Annie Ducaux – rôle écrasant que la comédienne reprend ici pour la télévision. Avant de percer comme auteur dramatique, Josset a été médecin et son premier drame psychologique, rédigé pendant ses nuits de garde à l'hôpital, se propose de percer le secret d'une femme qui, selon lui, aurait eu une peur irraisonnée de l'amour. La pièce sera reprise à la Comédie-Française en février 1962, toujours avec Annie Ducaux (mise en scène d'Henri Rollan).
1960 – (tv) Elizabeth está muerta (AR) de Pedro Escudero
Canal 7/Televisión Pública Argentina (Buenos Aires) (Canal-7 9.6.60), 60 min. – av. Mecha Ortiz (Elizabeth Ire), Paquita Muñoz (une dame de compagnie).
Les derniers instants de la reine, entourée des siens. La pièce radiophonique Élisabeth est morte de l’auteur dramatique français Marcel Mithois (1958), une production interprétée par la « Greta Garbo argentine ».
Elisabeth Flickenschildt dans « Elisabeth von England » (1961) d’après Ferdinand Bruckner.
1961(tv) Elisabeth von England (DE) de Hannes Korngiebel
Sender Freies Berlin (SFB) (ARD 19.1.61), 116 min. – av. Elisabeth Flickenschildt (Elizabeth Ire), Carl Lange (William Cecil, Lord Burghley), Horst Rüschmeier (Robert Devereux, comte d’Essex), Peter Mosbacher (Francis Bacon), Kurt Jaggberg (Mountjoy), Jochen Schröder (Northumberland), Konstantin Paloff (Southampton), Richard Bohne (Francis Walsingham), Albert Johannes (Coke), Otto Graf (Gresham), Günter Hanke (Morland), Dieter Klein (Plantagenet).
Dramatique d’après Élisabeth d’Angleterre, pièce en cinq actes de l’Autrichien Ferdinand Bruckner (1930).Souveraine idéaliste et pacifiste à la tête d’une nouvelle puissance européenne, Elizabeth Ire hésite à guerroyer contre l’Espagne fanatisée et impérialiste de Philippe II. La faction belliciste que mène Francis Bacon, motivée par des raisons stratégiques ou religieuses, pousse à l’affrontement contre Madrid, tandis que le chancelier William Cecil met la reine en garde contre les risques et les coûts de l’opération. Elizabeth voudrait éviter une aventure militaire qui viderait le trésor royal, mais après l’échec d’un soulèvement de l’armée et la condamnation à mort de son amant Essex, elle décide de résister aux menaces espagnoles.
La grande comédienne hambourgeoise Elisabeth Flickenschildt, disciple de Gustaf Gründgens, fut d’abord un pilier de la scène et du cinéma nazi et interpréta par la suite tous les grands rôles du théâtre classique. L’actrice, dont on a souvent relevé l’ironie mordante alliée à une stupéfiante intelligence dans la caractérisation, joue également la reine Elizabeth dans le téléfilm Maria Stuart (1956) d’après le drame de Friedrich Schiller ; deux ans auparavant, elle a campé une inoubliable (et inégalable) Claire Zachanassian dans La Visite de la vieille dame de Friedrich Dürrenmatt, adaptée au petit écran en 1959 par Ludwig Cremer.
1961/62(tv) Sir Francis Drake (Sir Francis Drake, le corsaire de la reine) (GB) télésérie de Clive Donner (4,6,7,10,11), Peter Maxwell (1), David Greene (2,3,8,13,14,20,26), Terry Bishop (9,16,18,21,23,25), Anthony Bushell (5,12), Harry Booth (5,10,12), John Lemont (17,22,24) et Peter Graham Scott (15,19)
Anthony Bushell, Hary Fine, Leslie T. Harris/ABC-ATV Joint Network Production for Incorporated Television Company (ITC) (ITC 12.11.61-20.5.62), 26 x 30 min. – av. Terence Morgan (Sir Francis Drake), Jean Kent (Elizabeth Ire), Noelle Middleton (Mary Stuart), Zia Mohyeddin (Philippe II d’Espagne), Richard Warner (Sir Francis Walsingham), Alfred Burke (Sir Amyas Paulet), Patrick Allen (le duc de Navarre), Pamela Brown (Catherine de Médicis), Leon Peers (François de France, duc d’Alençon, son fils), Michael Ripper (Jacques de Caylus), Patrick McLoughlin (Richard Trevelyan), Michael Crawford (John Drake, neveu de Sir Francis), Milton Reid (Diego), Roger Delgado (Don Bernardino de Mendoza, ambassadeur d’Espagne), John Welsh (Walters, gouverneur de Roanoke), Ewan Roberts (Munro/Morton, comte de Lennox), Alfred Burke (Sir Amyas Paulet), Grazina Frame (Bess Pierpont), Raymond Huntley (Dr. Dee, l’alchimiste de la reine), Richard Pearson (Sir Richard Bosanquet), Patrick Holt (Lord Westbrook), Laurence Naismith (Sir Miles Burns), John Arnatt (le duc de Cordoue), Bryan Coleman (Sir Thomas Wenham), Francesca Annis (Mariella), Anthony Bushell (Tom Doughty), Kieron Moore (Sir Thomas Stukeley), Peter Halliday (Theobald Burke), Philip Guard (Johnny Factotum alias William Shakespeare, épis. 19), Basil Dignam (le duc d’Alva), Howard Lang (Grenville), Nigel Davenport (Don Miguel de Cervantes), Jack Melford (Sir Owen Tudor), Reginald Beckwith (Sir Henry Rainsford), Paul Stassino (Hassan Bey).
Dernier produit des téléfilms en costumes de l’ITC, cette série tardive est mise sur pied par Anthony Bushell, un acteur qui fut le producteur associé de Laurence Olivier sur Hamlet en 1948. Elle est hautement fantaisiste, mais comporte toutefois quelques épisodes ancrés dans l’Histoire qui mobilisent Mary Stuart (3), Catherine de Médicis (20), la colonie perdue de Roanoke (2), la mutinerie de Sir Thomas Doughty (13) ou des rencontres avec Shakespeare (19) et Cervantes (24). L’épisode consacré à Doughty a été imaginé et co-écrit par la romancière Margaret Irwin, auteure à succès de romans élisabéthains comme Young Bess (filmé en 1953). Terence Morgan, qui campe Drake, n’a pas de charisme, mais l’ensemble de la série est particulièrement soigné (décors, costumes), avec parfois des compositions visuelles recherchées. Tournage aux studios AB d’Elstree à Borehamwood et autour des baies de Torbay et Dartmouth, avec une réplique du « Golden Hind(e) » sans galerie arrière ni pont à canon amarrée depuis lors en permanence dans le port de Brixham (Devon).
Épisodes : 1. « The Prisoner » – 2. « The Lost Colony of Virginia » – 3. « Queen of Scots » – 4. « Doctor Dee » – 5. « Bold Enterprise » – 6. « The English Dragon » – 7. « Boy Jack » – 8. « The Garrison » – 9. « Visit to Spain » – 10. « The Flame-Thrower » – 11. « The Governor’s Revenge » – 12. « The Slaves of Spain » – 13. « The Doughty Plot » – 14. « King of America » – 15. « The Irish Pirate » – 16. « Beggars of the Sea » – 17. « Drake on Trial » – 18. « The Bridge » – 19. « Johnnie Factotum » – 20. « Mission to Paris » – 21. « The Reluctant Duchess » – 22. « The Gypsies » – 23. « Court Intrigue » – 24. « Gentlemen of Spain » – 25. « The Fountain of Youth » – 26. « Escape ». – En 1962, divers épisodes de la série ont été remontés en quatre longs métrages pour l’exploitation en salle : Marauders of the Sea, The Flame and the Sword, Mission of the Seahawk et Raiders of the Spanish Main. – DE (tv) : Sir Francis Drake, der Pirat der Königin.
1962(tv) Elizabeth the Queen (CA) de Robert Allen
Série « Festival » (CBC 12.2.61), 60 min. – av. Judith Evelyn (Elizabeth Ire), Leo Ciceri (Robert Devereux, comte d’Essex), Donald Davis (Sir Walter Raleigh), Peter Donat (William Cecil, Lord Burghley), Gillie Fenwick (Sir Robert Cecil), Eric Christmas (le bouffon), Pat Galloway (Lady Penelope), Max Helpman (cpt. Marvel), Peter Needham (Armin), William Needles (Francis Bacon), Douglas Rain (courrier).
Dramatique d’après la pièce de l’Américain Maxwell Anderson (1930), cf. The Private Lives of Elizabeth and Essex (1939) de Michael Curtiz et surtout la captation de 1968, fidèle à la pièce.
1962® (tv) Le Meurtre de Henry Darnley ou La Double Passion de Mary Stuart (FR) de Guy Lessertisseur. – av. Marcelle Ranson (Elizabeth Ire).
1962* Seven Seas to Calais / Il dominatore dei sette mari (Sir Francis Drake) / Sir Francis Drake il re dei sette mari / Il pirata dei sette mari (Le Corsaire de la reine) (US/IT) de Rudolph Maté et Primo Zeglio
Attilio Riccio, Paolo Moffa/Adelphia Compagnia Cinematografica (Roma)-Metro-Goldwyn-Mayer, 101 min./90 min. – av. Rod Taylor (Sir Francis Drake), Irene Worth (Elizabeth Ire), Keith Michell (ltn. Malcolm Marsh), Hedy Vessel (Arabella, dame de compagnie de la reine), Mario Girotti [=Terence Hill] (Sir Anthony Babington), Basil Dignam (Sir Francis Walsingham), Anthony Dawson (Sir William Cecil, Lord Burleigh), Massimo Righi (le Chancelier royal), Gianni Cajafa (Tom Moore), Arturo Dominici (Don Bernardino de Mendoza, ambassadeur d’Espagne), Esmeralda Ruspoli (Mary Stuart), Umberto Raho (Philippe II d’Espagne), Gianni Solaro (l’amiral Alonso Pérez de Guzmán el Bueno y Zúñiga, duc de Medina Sidonia), Marco Guglielmi (Parson Fletcher), Rossella D’Aquino (l'Indienne Potato), Aldo Bufi Landi (Vigeois), Adriano Vitale (Recalde), Bruno Ukmar (Emmanuel), Franco Ukmar (Francisco), Luciano Melani (Winter), Jacopo Tecchi (Garcia), Giuseppe Abbrescia (Chester), Anna Santasiero et Luciana Gili (les épouses indiennes).
Synopsis : Une nuit de l'an 1577 dans les rues de Plymouth, le corsaire Francis Drake échappe de justesse à un attentat fomenté par des sicaires espagnols ; Malcolm Marsh lui sauve la vie et devient son ami. A la cour, l'ambassadeur d'Espagne demande à la reine Elizabeth de punir Drake, responsable d'avoir infligé des pertes considérables à la Couronne en pillant les riches galions de Philippe II. Elizabeth feint de le punir, puis le félicite entre quatre yeux et lui donne feu vert pour continuer ses raids au service de la Couronne. Quoiqu'épris d'Arabella, une demoiselle de la cour, Malcolm se joint à Drake pour une expédition de trois ans autour du monde, muni d'une carte des trésors espagnols ; marquée par une mutinerie, des orages et la famine, la traversée les mène au Chili où, déjouant la surveillance des Espagnols, ils pillent les mines d'or, délivrent les indiens Araucans réduits en esclavage et interceptent un fabuleux transport d'or et d'argent inca. Accueillis chaleureusement par les Amérindiens en Californie (baptisée « Nouvelle Albion »), Drake et son équipage passent l'hiver avec les femmes indigènes qui leur font découvrir la pomme de terre et le tabac. De retour à Londres, où on les croyait morts, Drake et Malcolm introduisent avec succès ces ingrédients à la cour, déposent leur butin mirifique aux pieds de la reine, puis déjouent un complot catholique mené par Sir Babington qui vise à tuer Elizabeth et placer Mary Stuart sur le trône. Cette dernière est exécutée avec Babington, Philippe d'Espagne déclare la guerre. Adoubé, nommé vice-amiral de la flotte anglaise, Drake intercepte l'invincible Armada stationnée à Calais où elle doit embarquer l'armée du duc de Parme, et la met en déroute. Reconnaissante, la reine accorde la grâce d'Arabella, qui avait été impliquée malgré elle au complot régicide de Babington, et celle-ci part avec Malcolm pour le Nouveau Monde, tandis que Drake s'embarque pour de nouveaux exploits.
 Un film d'aventures assez dynamique, quoique sans prétentions et prenant quantité de raccourcis avec l'histoire (notamment pour la fameuse circumnavigation de 1577 à 1580). Bref, plus comic-strip que biopic. Le compositeur du film Franco Mannino (L'Innocent de Visconti) se permet un anachronisme ironique en accompagnant les faits de Drake par l'hymne de Rule, Britannia ! un siècle et demi avant sa composition. L'Australien Rod Taylor, sous contrat à la MGM et sur le point de s’imposer en beauté avec The Birds (Les Oiseaux) de Hitchcock, sait manier l'humour et l'épée avec classe, tandis qu'Irene Worth, une actrice de théâtre américaine qui va rejoindre la Royal Shakespeare Company, fait une reine loin des clichés, réaliste, avare, imprévisible et rusée (dont on nous épargne la vie sentimentale). Le tournage s'effectue en automne-hiver 1961 en CinemaScope et Eastmancolor aux studios Titanus Appia à Rome, à Salerno (Campanie), à Marina Di Maratea (Potenza), à San Nicola Arcella, dans la Grotta dell'Arco Magno et à Praia a Mare (Calabre), dans la baie de Naples, devant le Palais Saint James à Londres et, pour les effets spéciaux, aux Metro-Goldwyn-Mayer British Studios à Borehamwood (mars 1962). Construite dans un chantier naval de Naples, la réplique du « Golden Hind(e) » a nécessité une année de travail. Le film a officiellement deux responsables, en raison du système de subventions de l'État italien qui exige qu'en cas d'engagement d'un cinéaste étranger, un autre de nationalité italienne soit crédité au générique selon la formule « un film de ... mise en scène par ... ». Dans le cas présent, le réalisateur Américano-polonais Rudolph (« Rudy ») Maté, jadis l'immense chef-opérateur de La Passion de Jeanne d'Arc de C. T. Dreyer, assume la direction artistique (c'est son avant-dernier film), soit concrètement la mise en scène de l'ensemble, tandis que Primo Zeglio, qui ne fait que prêter son nom, signe seul la version italienne du film. Non crédité, Riccardo Freda aurait élaboré le découpage pour la bataille de l'Armada, bricolée tant bien que mal avec une douzaine de modèles réduits flottant dans un réservoir ; fort heureusement, la seconde partie de l'affrontement se déroule la nuit, à la lueur des explosions et des incendies provoqués par les brûlots que Drake a fait dériver en plein orage. Budgété modestement à 650'000 $, le film rapporte 2,25 millions de $. Il est bien sûr inédit en Espagne franquiste.
DE: Schrecken der Meere, Pirat der sieben Meere.
1963® (tv) Maria Stuart (DE) de Hans Lietzau. – av. Elfriede Kuzmany (Elizabeth Ire).
1963® Father Came Too ! (GB) de Peter Graham Scott. – av. Fred Emney (Sir Francis Drake), Hugh Lloyd (Mary Stuart).
1963/64* The Devil-Ship Pirates (Les Pirates du diable) (GB) de Don Sharp
Anthony Nelson Keys/Hammer Film Production-Columbia Pictures, 86 min. – av. Christopher Lee (cpt. Robeles), Andrew Keir (Tom le forgeron), John Cairney (Harry, son fils), Ernest Clark (Sir Basil Smeeton, le bailli), Suzan Farmer (Angela Smeeton, sa fille), Barry Warren (Don Manuel Rodriguez de Savilla), Natasha Pyne (Jane, fille de Tom), Duncan Lamont (Le Bosco), Michael Ripper (Pepe), Annette Whiteley (Meg), Charles Houston (Antonio), Philip Latham (Miller), Harry Locke (Bragg), Bruce Beeby (le pirate Pedro), Michael Newport (Smiler Miller), Peter Howell (le vicaire Brown), Joseph O’Conor (Don José Margella).
En août 1588, le « Diablo », un navire rescapé du désastre de l’Armada espagnole, quoique sérieusement endommagé, fait voile vers la côte septentrionale de l’Angleterre pour y trouver un endroit caché où l’équipage du capitaine Robeles pourra réparer les avaries. Le navire échoue dans les marais proches du village de Polruan dont la population ignore encore la victoire anglaise. Robeles annonce que les Espagnols ont gagné la bataille et que ses hommes qui sèment la terreur constituent l’armée d’occupation. Sir Basil Smithon, le bailli collabo, lui fournit la main-d’œuvre nécessaire pour réparer le navire. Le second, Don Manuel, fidèle à la couronne d’Espagne, apprend que Robeles et ses hommes ont l’intention de gagner les Caraïbes pour y reprendre leur activité de pirates. Il aide secrètement Harry, le fils du forgeron qui a découvert la supercherie, à armer les villageois. Robeles a décidé d’emmener six femmes en otage et tue Sir Basil qui tente de résister. Harry met le feu à la poix utilisée pour colmater les brèches dans la coque du navire qui s’enflamme, puis libère les femmes tandis que Don Manuel tue Robeles, avant de succomber à ses blessures.
Au faîte de sa gloire, la Hammer Film, spécialisée dans le film fantastique, varie sa production avec des films d’aventures en costumes, en y plaçant ses vedettes – ici Christopher Lee (Horror of Dracula), parfait en pirate machiavélique, brutal et intraitable, et le réalisateur Don Sharp (auteur de l’excellent Kiss of the Vampire). Malgré un manque de moyens évidents, la tentative est plutôt réussie, ceci aussi grâce au scénario original et assez astucieux de Jimmy Sangster. La bande est tournée d’août à octobre 1963 en Technicolor et Hammerscope (Megascope) aux studios Hammer de Bray (Berkshire), à Maidenhead et dans la sablière voisine d’Egham où l’on aménage un petit lac artificiel et construit une caravelle de 36 mètres de longueur qui peine à tenir l'eau (la bataille navale au début du film nécessite quantité de fumée pour masquer la proximité de l’autoroute en construction et le fait qu’il n’y a qu’un seul navire à disposition !). L’accueil et les recettes sont excellents.
DE : Die Teufelspiraten, ES : Los piratas del diablo, IT : La nave del diavolo.
1964(tv) Elizabeta Engleska (YU) de Daniel Marusic
Televizija Zagreb. – av. Vika Podgorska (Elizabeth Ire), Boris Buzancic.
Dramatique d’après Élisabeth d’Angleterre, pièce en cinq actes de l’Autrichien Ferdinand Bruckner (1930), cf. 1961.
1964® (tv) The Young Elizabeth (GB) de Charles Jarrott. - av. Valerie Gearon (la princesse Elizabeth Tudor), Katherine Blake (Mary Tudor), Gwenn Cherrell (Catherine Parr), Scott Forbes (Sir Thomas Seymour). – Les années de jeunesse de la future reine, de 1547 (mort de Henry VIII) à 1558 (accession au trône), selon la pièce des auteurs dramatiques américains Jennette Dowling et Francis Letton, parue en 1952 (cf. supra, règne d’Edward VI).
1965® (tv) Doctor Who : The Executioners (GB) de Richard Martin. – av. Vivienne Bennett (Elizabeth Ire).
1966® The Fighting Prince of Donegal (Le Prince Donegal) (GB/US) de Michael O'Herlihy. – av. Peter McEnery (Hugh Roe O'Donnell), Catherine Lacey (Elizabeth Ire). - Red Hugh Roe O’Donnell (Aodh Ruadh Uî Domhnaill, 1572-1602), prince catholique de Tyrconnell, prend la tête de l’insurrection contre le gouvernement anglais d’Irlande. – cf. chap. 18 : Écosse et Irlande.
1966® (tv) The Dark Lady of the Sonnets (US). – av. Nancy Marchand (Elizabeth Ire).
1966® (tv) Smuglaya ledi sonetov [The Dark Lady of the Sonnets] (SU) d’Aleksandr Belinsky. – av. Emma Popova (Elizabeth Ire). – cf. W. Shakespeare.
1967(tv) The Queen’s Traitor. An Elizabethan Thriller (GB) minisérie de Brandon Acton-Bond
Campbell Logan/BBC South and West (BBC1 28.8.-25.9.67), 5 x 30 min. – av. Nigel Green (le capitaine corsaire John Hawkins), Susan Engel (Elizabeth Ire), Stephanie Beacham (Mary Stuart), Dennis Chinnery (Robert Dudley, comte de Leicester), Geoffrey Matthews (Higford), Ewan Roberts (John Lesley, évêque de Ross), Anthony Newlands (Don Guerau de Espés, ambassadeur d’Espagne), Maurice Browning (Philippe II d’Espagne), Tom Kempinski (Bosun), Derek Francis (Sir William Cecil, Lord Burleigh), Conrad Phillips (Thomas Howard, duc de Norfolk), Norman Jones (George Fitzwilliam), Peter Madden (le duc d’Alva), David Calderisi (Roberto Ridolfi), Charles Houston (Charles Bailly, secrétaire de Mary Stuart).
En 1571, un complot visant à assassiner la reine et la remplacer par Mary Stuart (emprisonnée depuis trois ans) est organisé et planifié par Roberto di Ridolfi, un banquier international et fervent catholique qui est en mesure de voyager entre Bruxelles, Rome et Madrid afin de recueillir du soutien sans attirer trop de soupçons. Le complot Ridolfi, ourdi avec la bénédiction du pape Pie V, échoue grâce à l’aide du corsaire John Hawkins (ou Hawkyns, 1532-1595), navigateur, négociant, marchand d’esclaves et oncle de Sir Francis Drake. Un feuilleton d’espionnage imaginé par John Hale et enregistré aux studios BBC de Bristol, diffusé erronément dans l’après-midi pour la jeunesse. Le comédien Nigel Green (The Ipcress File, Zulu) y tient le rôle principal.
1967® (tv) The Queen of Scots (GB) de Geoffrey Nethercott. – av. Mary Kerridge (Elizabeth Ire).
1967® (tv) Maria Stuart (DE-RDA) de Karl Kayser (th) et Hilmar Elze (tv). – av. Luise Bork (Elizabeth Ire).
1968® (tv) Maria Stuarda (IT) de Luigi Squarzina (th) et Edmo Fenoglio (tv). – av. Lilla Brignone (Elizabeth Ire).
1968(tv) Kenilworth (GB) minisérie de Tristan de Vere Cole
David Conroy/BBCtv (BBC2 22.7.-12.8.68), 4 x 45 min. – av. Gemma Jones (Elizabeth Ire), Graham Lines (Robert Dudley, comte de Leicester), Prunella Ransome (Amy Robsart), David Langton (Thomas Ratcliffe, comte de Sussex), John Fraser (Richard Varney), Jeremy Brett (Edmund Tressilian), Nigel Terry (Sir Walter Raleigh), Geoffrey Dunn (Parson Spatchcock), Will Stampe (Badger), John Bryans (Anthony Foster), Patricia Fuller (Janet Foster), Ian Trigger (Hobgoblin), John Garrie (Dr. Dobooble dit Alasco), George Innes (Lambourne), Alaistair Hunter (Giles Gosling), David Monico (Lawrence Goldthred), John Byron (Blount), Graham Leaman (Zacharias Yoglan), Richard Huggett (Bowyer), Tony Gaunter (Staples), John Gabriel (Burleigh), Patrick Ludlow (Dr. Masters).
Le roman éponyme de Sir Walter Scott (cf. la télésérie de 1957), mis en scène pour le petit écran par un descendant du fameux Edward de Vere, comte d’Oxford, bien connu à la cour d’Elizabeth Ire. Le feuilleton est partiellement perdu. – Épisodes : 1. « The Sparrow’s Lure » – 2. « The Black Arts » – 3. « The Tide Turns » – 4. « The Wrath of Lions ».
Charlton Heston joue l’ambitieux Essex et Judith Anderson la reine dans la tragédie de Maxwell Anderson (1968).
1968* (tv) Elizabeth the Queen (US) de George Schaefer
« Hallmark Hall of Fame », George Schaefer/Compass Productions (NBC 31.1.68), 90 min. – av. Judith Anderson (Elizabeth Ire), Charlton Heston (Robert Devereux, comte d’Essex), Alan Webb (Sir Francis Bacon), Michael Allinson (Sir Walter Raleigh), Harry Townes (Sir Robert Cecil), Anne Rogers (Lady Penelope), Frederick Worlock (William Cecil, Lord Burghley), Herb Voland (cpt. Armin), Lynn Harper (Ann Rousseau), Dana Elcar (cpt. Marvel), Peter Church (Hemmings), Alan Caillou (Burbage).
L’Angleterre est secouée par la lutte pour le pouvoir que se livrent la reine et son amant rebelle Robert Devereux, comte d’Essex, dont elle finira par ordonner l’exécution. – Une mise en scène prestigieuse de la pièce de l’Américain Maxwell Anderson (1930), filmée en couleurs en mai 1967 aux studios NBC à Burbank (Calif.) avec deux grands noms de la scène (l’Australienne Dame Judith Anderson) et du cinéma (Charlton Heston) ; les deux comédiens ont déjà joué ensemble dans The Ten Commandments de Cecil B. DeMille (1956). Judith Anderson, qui est nominée pour l’Emmy Award, interprétera aussi la pièce au théâtre à New York en 1969, puis en 1970 au New York City Center. Le drame d’Anderson, qui lie personnages et incidents authentiques à une passion amoureuse vraisemblablement imaginaire entre la reine vieillissante et l’insolent Essex, et a été adaptée à l’écran en 1939 par Michael Curtiz sous le titre de The Private Lives of Elizabeth and Essex, avec Bette Davis et Errol Flynn (cf. supra, synopsis et commentaires). Les deux interprètes du téléfilm n’ont pas la renommée mondiale des stars de Hollywood, mais l’interprétation générale est nettement supérieure et la trame par conséquent plus crédible. Le metteur en scène George Schaefer, une des sommités du téléthéâtre américain, décroche un Emmy Award.
1969® (tv) Mary Queen of Scots (GB) de Basil Coleman. – av. Pamela Brown (Elizabeth Ire).
1969® (tv) Marie Stuart (FR) de Stellio Lorenzi. – av. Eléonore Hirt (Elizabeth Ire).
1970(tv) Elisabetta d’Inghliterra (IT) d’Edmo Fenoglio
(RAI 27.1.70), 127 min. – av. Lilla Brignone (Elizabeth Ire), Giuseppe Pambieri (Robert Devereux, comte d’Essex), Tino Bianchi (William Cecil, Lord Burghley), Virginio Gazzolo (Francis Bacon), Alfio Petrini (Mountjoy), Umberto Liberati (Southampton), Carola Zopegni (Lady Anna), Cecilia Todeschini (Lady Mary), Giulio Girola (Francis Walsingham), Marcello Bertini (Suffolk), Marco Bonetti (Plantagenet).
Dramatique d’après Élisabeth d’Angleterre, pièce en cinq actes de l’Autrichien Ferdinand Bruckner (1930), cf. captation de 1961.
La sorcellerie sévit dans les campagnes d’Angleterre (Cry of the Banshee, 1970).
1970Cry of the Banshee (Les Crocs de Satan) (GB) de Gordon Hessler
Samuel Z. Arkoff, Gordon Hessler, Louis M. Heyward/American International Pictures, 91 min. – av. Vincent Price (Lord Edward Whitman), Elisabeth Bergner (Oona, la Grande Sorcière), Hugh Griffith (Mickey), Essy Persson (Lady Patricia Whitman), Hilary Dwyer (Maureen Whitman), Patrick Mower (Roderick), Marshall Jones (le père Tom), Michael Elphick (Burke), Victoria Fairbrother (la sorcière Margaret Donald).
Dans l’Angleterre élisabéthaine, Lord Edward Whitman est un magistrat vicieux, sadique et hédoniste qui ne croit pas en la sorcellerie mais s’amuse à accuser la paysannerie de la pratiquer ; il imagine avec ses trois fils et leurs hommes de main tourments, tortures et exécutions en tous genres. Oona, la Grande Sorcière, jure vengeance et implore le Malin de lui envoyer de l’aide. Roderick, un jeune et brave domestique, est investi par les forces diaboliques. Le démon tue successivement tous les membres du clan Whitman et emporte le magistrat terrorisé vers une destination inconnue.
Pas de banshee (esprit femelle du folklore irlandais qui annonce une mort prochaine) dans ce récit de sorcellerie fabriqué par un modeste artisan de films d’horreur gothiques, avec un générique dessiné par Terry Gilliam et quelques lignes d’un poème d’Edgar Allan Poe. C’est le dernier travail de Vincent Price pour l’American International après la si lucrative série des films de Poe dirigés par Roger Corman, tourné en octobre-novembre 1969 en décors naturels dans le Middlesex (Grim’s Dyke House à Old Redding, Harrow Weald), en empruntant les costumes tudoriens de Anne of the Thousand Days (1969). Elisabeth Bergner, la grande star du cinéma européen et hollywoodien des années 1920-1930 sort de sa retraite suisse pour incarner la prêtresse du sabbat. Sélectionné par Quentin Tarantino pour son First Quentin Tarantino Film Festival à Austin (Texas) en 1996.
IT: Satana in corpo, ES: El grito del fantasma, DE: Der Todesschrei der Hexen.
1970(tv) Elizabeth : The Queen Who Shaped an Age (US) de John Paddy Carstairs
Série « The Shaping of the Western World », John Hermes Secondari Prod. (J. H. Secondari, Helen Jean Secondari)/The Phoenix Learning Group, Inc. (ITV 12.12.71), 27 min. – av. Frances Cuka (Elisabeth Ire), Gerald Sim (Sir William Cecil, Secrétaire d’État), Conrad Phillips (Gómez III Suárez de Figueroa y Córdoba, duc de Feria, ambassadeur d’Espagne), Patrick Newell (Peter Wentworth).
Court métrage didactique en couleurs écrit par J. H. Secondari et tourné à Hever Castle (Kent), le séjour d’enfance d’Anne Boleyn, avec un team entièrement britannique. Frances Cuka interprétera Catherine d’Aragon pour la BBC dans Henry VIII and his Six Wives (tv 1972). Dernier film de John Paddy Carstairs.
Glenda Jackson fait une Elizabeth royale, de sa jeunesse à son décès après 45 ans de règne mouvementé (1971).
1971** (tv) Elizabeth R / Elizabeth Regina (Moi, Élisabeth reine d’Angleterre / Élisabeth R) (GB) minisérie de Claude Whatham (1), Herbert Wise (2), Richard Martin (3), Roderick Graham (4, 6) et Donald McWhinnie (5)
Roderick Graham/BBC Television (BBC Two 17.2.-24.3.71), 6 x 85 min. – av. Glenda Jackson (Elizabeth Ire), Vivian Pickles (Mary Stuart), Robert Hardy (Robert Dudley, comte de Leicester), Ronald Hines (Sir William Cecil, Lord Burghley), Hugh Dickson (Robert Cecil, comte de Salisbury, son fils), Stephen Murray (Sir Francis Walsingham), John Shrapnel (Thomas Radclyffe, comte de Sussex), Judith South (Frances Radclyffe, comtesse de Sussex), Bernard Horsfall (Sir Christopher Hatton), Robin Ellis (Robert Devereux, comte d’Essex), John Woodvine (Sir Francis Drake), Hamilton Dyce (Sir Amias Paulet, gardien de Mary Stuart), Rachel Kempson (Katherine Ashley, gouvernante d’Elizabeth), James Laurenson (Jean de Simier), Nicolas Selby (Sir Walter Raleigh), Peter Jeffrey (Philippe II d’Espagne), Margaretta Scott (Catherine de Médicis), Michael Williams (François de France, duc d’Anjou et d’Alençon), Daphne Slater (Mary Tudor), John Nettleton (Sir Francis Bacon), Jason Kemp (Edward VI), Bernard Hepton (l’archevêque Thomas Cranmer), Basil Dignam (l’évêque Stephen Gardiner), Keith Michell (Henry VIII), John Ronane (Sir Thomas Seymour), Philip Brack (John Dudley, duc de Northumberland), Rosalie Crutchley (Catherine Parr), Sarah Frampton (Lady Jane Grey), Esmond Knight (l’évêque Alvaro de la Quadra), Leonard Sachs (Gómez Suárez de Figueroa y Córdoba, comte de Feria), Stacey Tendeter (Amy Robsart, épouse de Robert Dudley), Angela Thorne (Lettice Knollys, 2e épouse de Robert Dudley), John Hughes (François de Salignac de La Mothe Fénélon), Christopher Hancock (Don Juan de Idiaquez, secrétaire de Philippe II), Malcolm Hayes (Edward Kelley, le médium), Geoffrey Wincott (l’amiral Alonso de Santa Cruz), Paul Hardwick (le père Robert Parsons), Gordon Goestelow (l’amiral Alonso Pérez de Guzmán, duc de Medina-Sidonia), Ian Ricketts (Don Luis Cabrera de Cordoba), Julian Holloway (Gilles de Noailles), Judith South (Frances Burke, Lady Essex), Blake Butler (Sir Thomas Parry, intendant de la reine), Peter Egan (Henry Wriothesley, comte de Southampton), Sonia Fraser (Elizabeth Wriothesley, comtesse de Southampton), Brian Wilde (Richard Topcliffe, le tortionnaire), David Garfield (John Ballard, le prêtre espion), Hayden Jones (Charles Blount, baron Mountjoy), David Collings (Anthony Babington, conspirateur), Bernard Holley (Gilbert Gifford, espion de Walsingham), David Nettheim (Thomas Phelippes), John Graham (William Davison), Peter Howell (Lord Admiral Charles Howard, corsaire et comte de Nottingham), Clifford Rose (Thomas Egerton, vicomte Brackley), John Ruddock (John Whitgift, archevêque de Canterbury), Patrick O’Connell (Hugh O’Neill, comte de Tyrone), Shirley Dixon (Lady Penelope Rich), James Culliford (John Savage, un tueur catholique), Raf De La Torre (Dr. John Dee, l’astrologue), Michael Culver (John Tregannon), David Parfitt (le petit prince Philippe d’Espagne, futur Philippe III), Philip Voss (acteur jouant Richard II), David Hargreaves (acteur jouant Bolingbroke).
Une production britannique d’une durée de presque neuf heures (l’équivalent de six longs métrages de cinéma), à ce jour la plus longue consacrée à Elizabeth Ière, à la fois très ambitieuse et inhabituellement scrupuleuse sur le plan historique.
Épisode 1 : « The Lion’s Cub (La Fille du lion) ». – La série débute à Hampton Court le 16 janvier 1549 pour illustrer les risques mortels qu’encourt la princesse adolescente, qui, grâce à sa gouvernante Kate Ashley, parvient à échapper aux intrigues de Sir Thomas Seymour, accusé (à tort) de l’avoir séduite et tentant un coup d’État en enlevant son jeune demi-frère Edward VI. La princesse est innocentée, Seymour décapité pour trahison. En avril 1554, Elizabeth est soupçonnée sans preuves de complicité dans la révolte protestante de Sir Thomas Wyatt le Jeune lorsque sa demi-sœur Mary Tudor monte sur le trône ; elle séjourne deux fois à la Tour de Londres, feint de s’intéresser au catholicisme pour gagner du temps (« Je resterai en vie ! »), déjoue avec fermeté plusieurs interrogatoires piégés et échappe de peu à la hache du bourreau, la seconde fois grâce à l’intervention du prince-consort Philippe d’Espagne qui la trouve à son goût et désapprouve les bûchers et l’intégrisme sanglant de son épouse anglaise (détail authentique) ; celle-ci ne tarde pas à décéder. « Je ne suis pas un lion, commente Elizabeth en se référant à son géniteur, mais je suis l’enfant d’un lion et j’en ai le cœur ».
Mary Tudor (dr.) craint sa demi-sœur qui, elle, craint pour sa tête. – Elizabeth flirte avec Robert Dudley.
 Épisode 2 : « The Marriage Game (Des cœurs et des fleurs) ». – Devenue reine à vingt-cinq ans (1558), Elizabeth évite la myriade de propositions de mariage que lui soumet son vieux conseiller Sir William Cecil (« personne ne m’emprisonnera plus jamais »), mais s’éprend de Robert Dudley, son charmant Maître de Cavalerie, un ami d’enfance, bien qu’il soit déjà marié à Amy Robsart ; la mort accidentelle de cette dernière en 1560 et les rumeurs qu’elle suscite annihilent toute velléité d’union matrimoniale avec la souveraine ; toutefois, une complicité amoureuse mais platonique persistera entre les deux jusqu’à la fin. Très sollicitée, la reine raffole de danse, de jeux, de violes, luths et virginals, mais la mort se rappelle à son souvenir lorsqu’elle attrape la variole qui la défigure.
Épisode 3 : « Shadow in the Sun (Une ombre dans le soleil) ». – La Cour porte le noir, l’Angleterre protestante pleure les six mille victimes de la Saint-Barthélemy en France (1572). Mais tout en affirmant haut et fort qu’elle restera vierge, étant « mariée à l’Angleterre et à ses sujets », Elizabeth est séduite par l’esprit et la fantaisie insolente de François de France, duc d’Alençon, frère d’Henri III et dernier fils de Catherine de Médicis, union qui scellerait la réconciliation et l’alliance entre leurs deux pays, ce que craignent ses compatriotes puritains, dont Sir Francis Walsingham. La population refuse un Français catholique et la reine, la mort dans l’âme, décide d’écouter ni ses caprices ni son amour, mais la raison d’État, tandis que d’Alençon pleure amèrement.
Des bals animent la cour où Elizabeth reçoit le duc d’Alençon, le seul homme qu’elle se dit prête à épouser.
 Épisode 4 : « Horrible Conspiracies (Horribles conspirations) ». – En 1586/87 à Chartley Castle, Mary Stuart est emprisonnée en Angleterre depuis deux décennies, ses coreligionnaires la considèrent comme une martyre. Elizabeth tente vainement de la protéger contre son maître-espion machiavélien Walsingham et le responsable des interrogatoires musclés, le sinistre Richard Topcliffe. Elle prône la modération en général (« je n’ai pas l’intention d’ouvrir des fenêtres dans les âmes de mes prochains ») tout en étant terrorisée par son astrologue qui lui prédit la mort d’une personne importante. Walsingham tend un piège à Mary Stuart en introduisant auprès d’elle un faux ami, Gilbert Gifford, qui lui fait croire en une possibilité de s’évader, et en interceptant son courrier avec la France. Anthony Babington, page de la reine écossaise, planifie l’assassinat d’Elizabeth et la prise de pouvoir des catholiques dans le pays, assisté du prêtre John Ballard et de John Savage, un tueur. Les conspirateurs sont arrêtés et Elizabeth, folle de rage, ordonne des tortures inédites pour Babington. Mary Stuart n’a pas connaissance du complot, mais des lettres du continent la perdent. Elizabeth tergiverse, cherche à éviter l’exécution, voudrait faire « éliminer » sa cousine discrètement par Amias Paulet, qui refuse. En apprenant les détails sordides de la décapitation, elle passe la journée en pleurs, criseuse, tourmentée par sa mauvaise conscience et le rappel des exécutions passées.
Mary Stuart décapitée. – Robert Devereux, comte d’Essex, sur le billot.
 Épisode 5 : « The Enterprise of England (L’Angleterre face à la Grande Armada) ». – Philippe II, 61 ans, l’œil infecté, prostré et rendu infirme par la goutte, l’arthrose et le paludisme, exige le trône d’Angleterre après la mort de Mary Stuart. À l’Escurial en 1588, il force le duc de Medina-Sidonia, amiral réticent, incompétent et ignare des choses de la mer, à prendre le commandement de l’Armada, la « flotte de Dieu », tout en refusant d’augmenter le nombre des navires et de retarder une opération planifiée depuis quinze ans comme l’avait exigé le marquis de Santa Cruz, son vieil amiral à présent moribond. Il donne des ordres confus et irréalistes tandis qu’à Londres, Elizabeth ne croit pas en un danger d’invasion et menace ses corsaires, dont Sir Francis Drake, de pendaison pour leurs activités de piratage contre l’Espagne à Cadiz. L’annonce de la flotte ennemie à l’horizon la fait changer d’avis, elle harangue ses soldats à Tilbury. La rapidité des galions anglais et les tempêtes de la Mer du Nord font le reste. Philippe II reçoit l’échec comme une punition divine et s’enferme dans sa chapelle avec son confesseur. Pour la reine, la victoire navale est ternie par l’annonce du décès de Dudley, son seul ami (« my sweet Robin »). Terrorisée par la perspective de la vieillesse et de la mort, elle jette le juvénile et volubile Essex à la porte, puis s’effondre en pleurs au sol.
Épisode 6 : « Sweet England’s Pride (La Joie et l’orgueil de l’Angleterre) ». – En 1597, âgée et enlaidie, le visage fardé de poudre blanche et de rouge vif sur les joues, Elizabeth a été amusée un temps par l’allant du jeune Essex (« le soleil dans sa splendeur »). Mais la guerre contre l’Espagne a des conséquences économiques désastreuses, la reine doit vendre terres et bijoux personnels et les lourdes pertes de son nouveau favori à Cadiz la met de méchante humeur ; elle se dit lasse de la vanité et des folies ruineuses de son entourage. Pour aider Essex, fanfaron ruiné mais dévoré d’ambition (il a du sang royal et se prend pour Tamerlan), elle l’envoie guerroyer en Irlande contre le comte de Tyrone. Essex ne tient pas compte des ordres de la reine, son armée est décimée par la guérilla ; ayant négocié six semaines d’armistice avec les Irlandais, il retourne en Angleterre sans autorisation royale (« si on ne peut pas prendre Tyrone, on peut prendre Londres »). Démis de ses fonctions, soutenu par son clan et 300 partisans, Essex tente de s’emparer du pouvoir (à l’instar de Bolingbroke dans le Richard II de Shakespeare, pièce qu’il a fait représenter pour ses amis), mais les Londoniens ne le suivent pas. Encadrée par Raleigh et Cecil, la reine le fait arrêter et incarcérer à la Tour sans lui avoir reparlé ; Essex supplie, pleure, dénonce ses proches, s’évanouit avant d’être décapité (février 1601). Devant les députés du Parlement à Whitehall, la reine prononce son « discours en or » mettant fin au système des monopoles dont a profité sa cour aux dépends de son peuple (décembre 1601). Mais le drame d’Essex et les échecs militaires répétés en Irlande lui enlèvent le goût de vivre. Sentant la fin proche, elle renvoie ses médecins (elle veut « partir en paix ») et reste prostrée, attendant la mort debout, un doigt à la bouche, pendant quatorze heures, puis assise durant quatre jours, toujours un doigt à la bouche, tandis que des musiciens jouent (« elle a toujours préféré la musique à la messe », remarque Raleigh). Le 24 mars 1603, Elizabeth s’éteint. Ses courtisans ont déserté le palais et se hâtent à Édimbourg pour y acclamer leur nouveau roi, James VI d’Écosse, le fils de Mary Stuart qui prendra le nom de James Ier d’Angleterre.
C’est la première fois qu’un biopic audio-visuel s’attaque non pas à un ou deux épisodes plus ou moins rabâchés, mais à la carrière entière de la reine, de la jeune princesse à la grabataire chauve et enfarinée, en tenant compte de la psychologie des protagonistes comme des divers conflits politiques pendant un demi-siècle. Pas une mince affaire, qui justifie amplement la formule d’une minisérie. Celle-ci est conçue par la BBC comme la suite, en quelque sorte, d’une autre minisérie de prestige, The Six Wives of Henry VIII (Les Six Femmes d’Henry VIII), diffusée également en six parties en 1970 ; plusieurs comédiens y assument d’ailleurs les rôles tenus l’année précédente, comme Bernard Hepton en Cranmer, Basil Dignam en évêque Gardiner, John Ronane en Thomas Seymour et Rosalie Crutchley en veuve d’Henry VIII ; des images de Keith Michell en Henry VIII sont incluses dans les flash-backs. Les scénaristes John Prebble et Rosemary Anne Sissons (auteure de la série The Shadow of the Tower en 1972 et plus tard de 11 épisodes de The Adventures of Young Indiana Jones pour George Lucas et Steven Spielberg) reprennent également du service. Parmi les responsables à la mise en scène, tous piliers de la BBC, on relève Herbert Wise, téléaste réputé pour sa minisérie I, Claudius sur la déchéance de la Rome impériale (1976), ainsi que le producteur-réalisateur écossais Roderick Graham qui tournera un Bothwell sur la fin du troisième époux de Mary Stuart (1979) et Richard Martin, auteur de 22 chapitres de la fameuse franchise historico-fantastique Doctor Who (1964/65). On compte six scénaristes, un par épisode, dont John Hale qui signe le premier segment, particulièrement complexe pour ceux qui ne connaissent pas les faits ; plusieurs flash-backs en plan subjectif rappellent les jeux et la tentative de viol de Sir Thomas Seymour qui aurait cherché à manipuler la succession royale en épousant la princesse. Hale domine la matière, étant l’auteur des productions hollywoodiennes Anne of the Thousand Days (1969) et Mary, Queen of Scots (1971) de Charles Jarrott. Parmi les acteurs, seul Robert Hardy, l’interprète du fidèle Robert Dudley, a fait carrière au cinéma, notamment en magicien Cornelius Fudge dans quatre films de Harry Potter.
Mais l’ensemble repose pour l’essentiel sur les épaules de Glenda Jackson, comédienne alors au sommet de sa carrière cinématographique, muse surdouée et deux fois oscarisée du nouveau cinéma britannique grâce à Peter Brook (Marat/Sade), Ken Russell (Woman in Love, The Music Lovers), John Schlesinger (Sunday Bloody Sunday) et Joseph Losey (The Romantic Englishwoman). La prestation de Glenda Jackson est si fabuleuse qu’elle rejouera la reine Elizabeth cette même année pour le grand écran dans Mary, Queen of Scots de Charles Jarrott, aux côtés de Vanessa Redgrave (cf. infra), interprétation qui lui vaudra une nomination au Golden Globe à Hollywood. Puis, en 1992, ayant pris le goût du pouvoir, et ne trouvant plus des rôles à sa mesure, Glenda Jackson quittera la scène du spectacle pour celle de la politique et deviendra membre actif du Labour Party au Parlement sous Tony Blair. Comme Bette Davis seize ans plus tôt, la comédienne s’est fait raser la partie avant du crâne et, dans la dernière partie, noircir les dents. La BBC investit une grosse partie du budget dans la création de 200 costumes d’époque ; certaines robes de Glenda Jackson sont si lourdes que l’actrice arrive à peine à bouger les bras et se déplace difficilement. Ces dépenses se font aux frais des décors qui restent très justes dans leur sobriété mais souvent exigus et peu invitants. Le tournage s’étire sur sept mois, en 1970/71, principalement aux studios 1 du Television Centre à White City (West London) et, pour quelques extérieurs rarissimes, à Parham Park (West Sussex), à Penshurst Place et au village tudorien de Chiddingsstone avec son église St. Mary the Virgin, propriétés du « National Trust » (Kent). Seul l’épisode consacré à Essex en Irlande comporte de brèves scènes de cavalcades et d’échauffourées en forêt.
Prostrée dans sa chaise, Elizabeth, dans sa 70e année, a chassé ses médecins et attend la mort.
 Elizabeth R serait la télésérie favorite des historiens et spécialistes des Tudor, dit-on, ce qui est compréhensible, car en matière d’exactitude des faits, gestes et discours, elle n’a pas d’égal. Incarnée par Glenda Jackson, parfaitement crédible en jeune femme comme en femme âgée, la souveraine apparaît dans toutes ses contradictions et complexités. Sir William Cecil lui a enseigné la dissimulation et la temporisation ; la jeune princesse a vite appris à répondre aux interrogatoires sans donner prise ni risquer sa tête. Une fois couronnée, elle se révèle d’une intelligence supérieure, se montre rusé diplomate, comédienne, rapide, avec un sens politique aigu, tandis que ses fréquents éclats de rires voilent une autorité d’acier. Elizabeth refuse de se marier mais ne décourage personne, apparaît souvent indécise, ambigüe et d’humeur changeante. Tantôt, charmeuse, elle embrasse Dudley au bord du lit et devant ses dames de compagnie, puis elle le renvoie, l’humilie (« mon petit chien »), enfin le réclame près d’elle. Impulsive, autoritaire et passionnée, elle peut lancer des ordres contradictoires ou sibyllins puis blâmer son entourage, se révéler hypocrite, superstitieuse, cruelle parfois ou hystérique. Elle ne se livre pas et, devenue une silhouette de brocart momifiée dans une cour qui est à la fois sa tribune et sa cage, elle emporte son secret dans la tombe. De bout en bout, cette Elizabeth en majesté, foncièrement seule, cache son jeu tout en restant d’une féminité très émouvante et en laissant deviner de profondes blessures nichées dans les tréfonds de son âme (nuances qui ont échappé à une Bette Davis). En même temps, son humour terre-à-terre, un peu vulgaire, est bien dans le goût du temps : on la croit capable, au théâtre, de rire aux éclats au point de tomber de sa chaise (selon des témoignages d’époque). Sans doute influencée par le mouvement de libération des femmes américaines (Women’s Lib) apparu au courant des années 1960, Glenda Jackson, pour la première fois à l’écran, souligne la volonté d’indépendance de cette souveraine restée sciemment célibataire, une revendication constituant une anormalité majeure au XVIe siècle ; elle ouvre ainsi la voie aux futures interprétations « féministes » de la reine par Cate Blanchett (1998, 2007), Helen Mirren (2005) ou Anne-Marie Duff (2006).
Téléfilm d’une honnêteté intransigeante et repoussant tout sentimentalisme, Elizabeth R montre ou suggère sans expliquer : on n’y apprend rien de concret, voire d’imaginé sur sa vie amoureuse ou sexuelle, mais on perçoit la souffrance qui en découle. Comme déjà signalé ailleurs (cf. The Private Lives of Elizabeth and Essex, 1939), la « reine vierge » pourrait avoir souffert d’une forme de vaginisme ou dyspareunie grave qui rendait les rapports sexuels presque impossibles, ainsi que l’a rapporté Ben Jonson, un contemporain, et plus tard Peter Bayle (1710), Lytton Strachey (1928) ou Stefan Zweig (1935). Héros ultra-romantique dans la fiction (de Sarah Bernhardt à Gaetano Donizetti et Errol Flynn), Essex n’est ici qu’un arriviste mégalomane assez pitoyable. Cette volonté de cerner les différentiations psycho-politiques se retrouve aussi chez d’autres personnages de l’intrigue et permet d’introduire des éclairages particuliers. Mary Tudor, qui traite la mère de sa demi-sœur Anne Boleyn de « sorcière » et de « putain », est une femme malheureuse, sans attraits, mal aimée et intellectuellement peu éclairée ; Mary Stuart, martyre dupée de la cause « papiste », peut se montrer fourbe et envisager sans états d’âme l’élimination physique de sa royale cousine. Le chapitre qui lui est consacré est singulièrement sombre, envahi de pans obscurs et de détails sordides (la torture des prêtres, la tête détachée de Mary Stuart) ; on y esquisse, pour la seule et unique fois à l’écran, les activités du docteur Mengele de l’ère tudorienne, le sadique et monstrueux puritain Richard Topcliffe (1531-1604), aux ordres de la police secrète d’Elizabeth, qui possédait sa propre chambre de torture à domicile – et qui est mort dans son lit ; Philippe II, qui n’est plus qu’un vieillard cacochyme et à moitié borgne, est longtemps réticent à l’idée de venger le « meurtre » de Mary Stuart par les armes et craint, dans ce cas, la réaction militaire de la France et du Saint Père, etc.
Si cet écrin historisant, compensant l’absence de spectaculaire par la profondeur des portraits humains, semble idéal, un léger bémol s’impose toutefois compte tenu de la durée du récit. On eût souhaité l’aérer pour introduire une respiration, des cadrages plus variés brisant le statisme voire la théâtralité des continuels échanges verbaux (et parfois verbeux) en lieux clos. Tous les événements extérieurs sont rapportés oralement, jamais montrés (épisode de l’Armada, coup d’État d’Essex, etc.) ; il faut se contenter de scènes en mer qui se déroulent dans une cabine de navire, de la reine prononçant son discours royal à Tilbury encadrée de deux soldats, etc. Cela n’enlève bien sûr rien à la pertinence du propos, mais peut s’avérer lassant si l’on enchaîne les épisodes (en dvd) au lieu de les goûter séparément, comme prévu à l’origine. Sortie sur BBC Two en février 1971 en Grande-Bretagne, la mini-série obtient un tel succès à l’audimat qu’elle est immédiatement reprogrammée la semaine suivant la diffusion du dernier épisode, en mars 1971 ... du jamais vu à la BBC ! La BBC One la reprend en juin 1972, puis en 1981, enfin la BBC Two encore en 1994. Le Daily Telegraph vante une « histoire sans larmes et extrêmement addictive », le Sunday Times un spectacle « très impressionnant ». Les récompenses s’enchaînent, dont une nomination au BAFTA Award (Londres) pour Glenda Jackson et cinq Emmy Awards aux États-Unis en 1972 (où Elizabeth R est la première série britannique à emporter le prix de la meilleure série dramatique, après une programmation sur trois chaînes différentes) ; Glenda Jackson et la costumière Elizabeth Waller sont parmi les lauréats, cette dernière gagnant aussi le Royal Television Society Award. Aujourd’hui un grand classique de la télévision britannique.
1971® Mary, Queen of Scots (Mary Stuart, reine d'Ecosse) (GB) de Charles Jarrott. – av. Glenda Jackson (Elizabeth Ire).
1972® (tv) O Principe e o Mendigo (BR) de Dionisio Azevedo. – av. Suzana Gonçalves (la princesse Elizabeth Tudor). – cf. règne de Edward VI
1972(tv) The Money Program : Erizabeth L (GB) de Ian McNaughton
Série « Monty Python’s Flying Circus », épisode no. 29 (saison 3), BBC Television-Python (Monty) Pictures (BBC 2.11.72), 30 min. – av. Graham Chapman (Elizabeth Ire), John Cleese, Eric Idle, Terry Jones (le réalisateur japonais), Michael Palin, Terry Gilliam.
Une parodie hilarante de la minisérie Elizabeth R (cf. supra, 1971) dans laquelle Yakomoto, un réalisateur nippon qui se fait passer pour Luchino Visconti (!), tourne un épisode de la vie de la reine ; sous la direction loufoque du Japonais, tous les « r » deviennent des « l » et inversement : on parle donc « engrish », il y est question de « Flancis Dlake », de « Sil Wartel Lareigh », de la « frotte de l’Almada », etc. Filmé aux studios d’Isleworth à Twickenham.
1974(tv) Witness to Yesterday : Walter Raleigh (CA) d’Arthur Voronka
Tom Moore, Arthur Voronka/Look Hear Productions-Global Television Network (Global 9.4.74), 30 min. – av. Chris Wiggins (Sir Walter Raleigh), Patrick Watson (l’interviewer).
Sir Walter Raleigh est interviewé par un journaliste-vedette de la télévision canadienne.
1975® (tv) Churchill’s People – 14. A Rich and Beautiful Empire (GB) de Michael Hayes (BBC 31.3.75), 50 min. – av. John Turner (Sir Walter Raleigh). – Après avoir été un favori d’Elizabeth Ire, Sir Walter Raleigh, écrivain, poète, courtisan, officier et explorateur en Virginie, perd tout crédit sous Jacques/James Ier, fils de Mary Stuart. Accusé d’avoir pris part à une conspiration contre le roi en faveur d’Arabella Stuart,
cousine du roi, il croupit douze ans en prison (1604-1616). En 1617 il est mis provisoirement en liberté. Lors d’une expédition en Guyane, où il espère trouver des mines d’or, ses hommes détruisent à son insu des établissement espagnols et Raleigh est emprisonné à son retour sur demande de l’Espagne, puis décapité le 19 octobre 1618 à la Tour de Londres. Episode enregistré au BBC Television Centre de Shepherd's Bush à Londres.
Cf. Absolutisme : Angleterre (1).
1975(tv) Orgy and Bess (GB) d’Alan Tarrant
Série « Carry On Laughing », saison 1, épis. 4, Gerald Thomas/Thames Television (ITV 25.1.75), 23 min. – av. Sid James (Sir Francis Drake), Hattie Jacques (Elizabeth Ire), Barbara Windsor (Lady Miranda), Jack Douglas (Lord Essex), Kenneth Connor (Philippe d’Espagne), John Carlin (Sir Walter Raleigh), Norman Chappell (Lord Burleigh), Victor Maddern (Todd).
Parodie de Sir Francis Drake et de l’Armada, tournage à Pinewood.
1975(tv-mus) Roberto Devereux (US) de Kirk Browning (tv) et Tito Capobianco (th)
Wolf Trap Farm Park-Video Artists International, 132 min. – av. Beverly Sills (Elizabeth Ire), John Alexander (Robert Devereux, comte d’Essex), Susanne Marsee (Sarah [=Catherine Carey], comtesse de Nottingham), Richard Fredricks (Charles Howard, comte de Nottingham), David Rae Smith (Sir Walter Raleigh), John Lankston (Lord Cecil [=Sir William Cecil, Lord Burleigh]).
La tragédie lyrique en trois actes de Gaetano Donizetti (1837), partant d’un livret de Salvatore Cammarano (et de la tragédie Élisabeth d’Angleterre de Jacques-François Ancelot, 1832). Il y va des amours tourmentées entre la reine et son favori Essex. Elizabeth aime ce dernier qui, cependant, lui préfère Sarah, la duchesse de Nottingham (en fait Catherine Carey, comtesse de Nottingham, v.1547-1603) ; le duc (Charles Howard, comte de Nottingham, 1536-1624) se doute de la liaison entre Essex et son épouse que la reine lui a imposée. Lorsqu’Essex est accusé de trahison pour avoir soutenu une rébellion en Irlande et condamné au billot, la reine décide de le grâcier. Mais, retenue par son mari jaloux, Sarah arrive trop tard devant Elizabeth pour le sauver.
1976® (tv) Mariya Styuart (SU) de Feliks Glyamshin et Viktor Stanitsyn. – av. Angelina Stepanova (Elizabeth Ire).
1977(tv-mus) Roberto Devereux (FR) d’Alberto Fassini
Festival d’Aix-en-Provence/House of Opera, 125 min. – av. Montserrat Caballé (Elizabeth Ire), José Carreras (Robert Devereux, comte d’Essex), Janet Coster (Sarah [=Catherine Carey], comtesse de Nottingham), Franco Bordoni (Charles Howard, comte de Nottingham).
Les amours tragiques d’Elizabeth et d’Essex selon la tragédie lyrique en trois actes de Gaetano Donizetti (1837), cf. captation de 1975. Enregistrement historique au Festival d’Aix-en-Provence (30 juillet 1977), dans une mise en scène d’Alberto Fassini (protégé de Luchino Visconti) et sous la direction musicale de Julius Rudel.
1977(tv) « Here I Stand... » : Margaret Clitheroe (GB) de Laurence Moody
Julian Amyes/Granada Television (ITV 31.7.77), 45 min. – av. Kate Binchy (Margaret Clitheroe/Clitherow), Jonathan Adams (John Clitherow, son mari), Gary Carp (Henry Clitherow, leur fils), Ralph Bates (Fawcett), Mark Dignam (le juge John Clench, High Sheriff de Suffolk), Donald Douglas (Giles Wiggington), Ian East (John Mush), Ashley Knight (Harry Clitherow), Simon Lack (le juge Rhodes), Joan Miller (Mrs. Yoward), Alan Partington (Gibson), Sheila Price (Ann Tesh), David Threlfall (Stapleton), Frederick Treves (Henry May), Gerry Cowan (narration).
Margaret Clitherow ou Clitheroe (1556-1586), sainte anglaise et martyre de l’Église catholique romaine (canonisée en 1970), surnomée « The Pearl of York ». Elle est arrêtée à York pour avoir caché des prêtres catholiques rebelles dans le Nord de l’Angleterre et condamnée à mort par le supplice de l’écrasement (« pressed to death »).
1978® Jubilee (FB) de Derek Jarman. – av. Jenny Runacre (Elizabeth Ire).
1978® (tv) Will Shakespeare (GB/IT) télésérie de Peter Wood, Robert Knights et Mark Cullingham. – av. Patience Collier (Elizabeth Ire), Simon MacCorkindale (Sir Thomas Walsingham), Keith Baxter (Robert Devereux, comte d’Essex), Julian Curry (Sir Robert Cecil).
1978® (tv) Ghostwriter (GB) de Quentin Lawrence, série « The Ghosts of Motley Hall ». – av. Christine Rose (Elizabeth Ire).
1979® (tv) Marie Stuart (FR) de Jean Kerchbron et Paul-Emile Deiber. – av. Malka Ribowska (Elizabeth Ire).
1980[The Mirror Crack’d (Le Miroir se brisa) (GB) de Guy Hamilton. – av. Elizabeth Taylor (Mary Stuart), Kim Novak (Elizabeth Ire). – Meurtre pendant le tournage d’un film sur Mary Stuart (d’après le roman policier d’Agatha Christie).]
1980® (tv) Maria Stuart (DE-RDA) de Günter Rüger (th), Karin Hercher (tv). – av. Gisela Leipert (Elizabeth Ire).
1980(tv) ** Drake's Venture (L'Amiral Drake) (GB/DE) de Lawrence Gordon-Clark
Lawrence Gordon Clark, Terry Heet/Westward Television-Bayerischer Rundfunk (ITV 28.12.80), 115 min./104 min. – av. John Thaw (Sir Francis Drake), Charlotte Cornwell (Elizabeth Ire), Paul Darrow (Sir Thomas Doughty), Michael Turner (Sir William Cecil, Lord Burleigh), Terence Budd (John Drake, neveu du corsaire), Thomas Douthey (Paul Darrow), David Ryall (Sir Francis Walsingham), Peter Cellier (Sir Christopher Hatton), Esmond Knight (John Dee), Michael Stroud (l’amiral Winter), Alan Downer (Nuno da Silva), Michael Irving (Leonard Vicary), Roger Adamson (Francis Fletcher), Paul Alexander (Ned Bright), Colin Matthews.
Parti de Plymouth en novembre 1577, Drake fait un retour triomphal en septembre 1580 après un voyage éprouvant de trois ans autour du monde à bord du « Golden Hind(e) » (la « Biche dorée »), circumnavigation secrète mais approuvée par la reine au cours de laquelle il a du faire exécuter son meilleur ami, l’érudit Sir Thomas Doughty, pour trahison et mutinerie à Puerto San Julián (Patagonie, juillet 1578). Doughty souhaitait rentrer au plus vite en Angleterre, alors que Drake comptait amasser des trésors dans les pays lointains (il avait fait croire à son équipage qu’ils partaient pour Alexandrie seulement); ses découvertes territoriales et ses raids spectaculaires dans les ports espagnols de l’Amérique latine – notament au Pérou – rapportent à la Couronne plus de 600’000£. Les trésors ramenés financeront en partie la flotte militaire lancée contre l’Armada, mais la reine refuse d’adouber le corsaire elle-même, afin de ne pas provoquer Philippe II qui a mis à prix la tête de Drake.
Le film est conçu comme une suite de retours en arrière, Drake étant inquiet de la réaction d’Elizabeth à qui il relate en détail les circonstances de son voyage et la décapitation de Doughty ; son récit laisse toutefois apparaître un conflit psychologique ambigu entre un autocrate paranoïaque (Drake) et un aristocrate trop conscient de ses droits de caste (Doughty). Une restitution scrupuleuse du périple (scénario de John Nelson Burton), avec un John Thaw mémorable en capitaine corsaire, tournée en couleurs à Plymouth, à Slepton Sands (pour San Julián), en Cornouailles et dans la Manche en utilisant la réplique grandeur nature du « Golden Hind(e) » construite en 1973 à Appledore (North Devon) et ancrée temporairement près du Tate Modern à Londres. Produit pour célébrer le 400ème anniversaire de la circumnavigation, le téléfilm décroche une Médaille d’argent plus que méritée à l’International Film and Television Festival de New York.
1980* (tv+ciné) Shôgun (US/JP/HK) minisérie de Jerry London
Eric Bercovici, James Clavell/NBC-Paramount-Toho-Asahi National Broadcasting-Jardine Matheson Co. (Hong Kong) (NBC 15.-19.9.80), 9h16 min., puis 5 x 55 min. / cinéma : 159 min. et 125 min. – av. Richard Chamberlain (John Blackthorne [=William Adams] dit Miura Anjin-san), Toshiro Mifune (Yoshinaga Torenaga, seigneur du Kwanto [=Tokugawa Ieyasu]), Yôko Shimada (Dame Toda Buntaro Mariko [=Hosokawa Gracia]), Frankie Sakai (Kasigi Yabu, daimyo d’Izu), Alan Badel (le père Dell’Aqua), Michael Hordern (frère Domingo), Leon Lissek (père Sebastio), Damien Thomas (le père jésuite Martin Alvito), John Rhys-Davies (le pilote portugais Vasco Rodriguez), Vladek Sheybal (cpt. Ferriera, gouverneur de Macao), Tôru Abe (gén. Hiro-Matsu), Shin Takuma (Naga [=Takeda Nobuyoshi]), Nobuo Kaneko (Ishido, seigneur d’Osaka [=Ishida Mitsunari]), George Innes (Johann Vinck [=Jan Joosten van Lodensteijn]), Orson Welles (narration en anglais).
En 1600, un navire hollandais piloté par l’Anglais John Blackthorne s’échoue avec quelques survivants sur les côtes japonaises, où les Jésuites hispano-portugais, dont la religion est (encore) tolérée pour des raisons purement mercantiles, ont établi de fructueuses relations commerciales depuis de nombreuses années et n’hésitent pas à faire incarcérer ou disparaître tout concurrent, voire d’autres religieux, missionnaires franciscains ou dominicains. (Le Japon est un marché important pour le commerce de la soie, mais les marchands japonais n’ont pas le droit d’accoster en Chine sous peine de mort.) Les Jésuites prétendent que le navire protestant échoué est celui d’un pirate, et l’« hérétique » Blackthorne est sauvé de la mort grâce à l’intervention du puissant seigneur Torenaga. Celui-ci apprend de sa bouche les méfaits de l’Église catholique en Amérique latine et réalise que la présence des Jésuites au Japon n’est pas innocente. Blackthorne reçoit un nom idoine, Anjin-san (« honorable navigateur »), apprend le japonais et est sacré samouraï après avoir sauvé la vie de Torenaga lors d’un tremblement de terre puis l’avoir aidé à obtenir le titre de Shôgun (le chef militaire suprême du Japon qui règne au nom de l’Empereur) au cours de la guerre menée contre Ishido à Osaka.
Un téléfilm tiré du best-seller éponyme de James Clavell (1975), roman de plus de deux milles pages et vendu à sept millions d’exemplaires. L’auteur a calqué son Blackthorne sur la personnalité de William Adams (1564-1620). Ancien commandant de Sir Francis Drake, Adams quitta Amsterdam en 1598 et fut en effet le premier Anglais à débarquer au Japon – en avril 1600 sur l’île de Kyushu – et le premier Européen à être devenu samouraï. Il se lia d’amitié avec le shogun Tokugawa Ieyasu, et, rebaptisé Miura Anjin, il épousa Oyuki, la fille d’un noble ; il mourut à Hirado, au nord de Nagasaki, après avoir été témoin de l’effrondrement du pouvoir local des Jésuites et des terribles persécutions des Japonais convertis au catholicisme dès 1614 (cf. Silence de Martin Scorsese, 2016). La vie aventureuse d’Adams a déjà tenté les cinéastes comme Fred Zinnemann, John Huston et Peter O’Toole dans les années 1960, sans résultats. Ayant essuyé un échec totalement immérité pour son film historique The Last Valley (La Vallée perdue) en 1971, d’après son propre roman, produit et mis en scène par l’auteur, James Clavell cherche vainement à intéresser les studios hollywoodiens ; il engage en un premier temps Richard Attenborough pour réaliser son film et Robert Bolt (Lawrence of Arabia) pour l’écrire ; il souhaite confier le rôle de Blackthorne à Sean Connery, puis à Roger Moore ou Albert Finney, mais tous trois déclinent, pas libres, voire effrayés par la longueur du script.
Le succès inattendu de la série télévisée Roots (1977) change la donne et Clavell décroche un financement de la NBC, qui a son tour s’allie à la Paramount, aux Japonais et à Hong Kong ; Toshiro Mifune, l’acteur fétiche d’Akira Kurosawa, campe un impressionnant Torenaga, aux côtés de l’Américain Richard Chamberlain ; la version nipponne est plus centrée sur les personnages japonais que sur Blackthorne. Le tournage se fait de juillet à novembre 1979 aux studios Daiei et Shochiku à Kyoto, aux studios Toho à Tokyo et Paramount à Hollywood, les extérieurs au Japon (châteaux de Hakkone et de Himeji [le palais d’Osaka], le village d’Anjiro reconstruit sur l’île de Nagashima) ; la caravelle « The Golden Hinde » se déplace de Londres à Yokohama via San Francisco pour les scènes en mer. En 1980, c’est la production la plus chère jamais réalisée pour la télévision (22 millions de $). L’approche est innovatrice : le film consiste en une plongée en apnée dans l’univers du Japon traditionnel et féodal, comme l’a voulue Clavell (découverte qui n’évite pas toujours les clichés), les dialogues sont souvent parlés japonais et le spectateur, comme Blackthorne, doit attendre la traduction de l’interprète Mariko pour comprendre de quoi il s’agit (une idée du scénariste-producteur Eric Bercovici) ; Clavell, pourtant survivant des terribles camps de prisonniers alliés de Changi, à Singapour en 1942, parle d’un « cadeau » personnel au Japon. Cette exploration d’une culture et de mentalités radicalement différentes ne tient hélas pas sur la durée, étant parfois parasitée par des redites et une passion amoureuse entre le pilote et une Japonaise mariée qui complique inutilement le récit. Néanmoins, la série est un triomphe sensationnel à l’antenne et sort également en salle dans une version raccourcie. Trois Emmy Awards (production, costumes, design) et 14 nominations, Golden Globe Award (Chamberlain, Shimada, production). – Cf. aussi Espagne Absolutisme, s. Philippe III
1981(tv) Titans: Elizabeth I (CA) de Tom O'Neill
Série « Titans » (épis. 6), Moses Znaimer, Lisa Smith/Titans Television Ltd.-Canadian Broadcasting Corporation (CBC 7.8.81), 30 min. – av. Frances Hyland (Elizabeth Ire), Patrick Watson (l'interviewer).
La reine est interviewée par un journaliste-vedette de la télévision canadienne.
1981® (tv) La Dernière Nuit / La Dernière Nuit de Marie Stuart (FR) de Didier Decoin. – av. Catherine Rethi (Elizabeth Ire).
1982(tv) Elisabeth, the Queen Who Shaped an Age (GB) de John Paddy Carstairs
Série « The History Makers », John Hermes Secondari & Helen Jean Rogers Secondari/John H. Secondari Productions (ITV 21.4.82), 27 min. – av. Frances Cuka (Elizabeth Ire).
Docu-fiction filmé en partie à Hever Castle (le manoir familial d’Anna Boleyn). Repris au USA dans la série « The Shaping of the Western World ».
1982® (tv-mus) Mary Stuart (GB) de Peter Butler. – av. Rosalind Plowright (Elizabeth Ire).
1982/83(tv) Elisabeth von England (DE) de Rudolf Noelte
Zweites Deutsches Fernsehen, Mainz (ZDF 23.1.83), 125 min. – av. Maria Schell (Elizabeth Ire), Fred Kretzer (Philippe II d’Espagne), Matthias Schuppli (Robert Devereux, comte d’Essex), Erik Frey (Lord William Cecil), Christian Quadflieg (Francis Bacon), Sebastian Baur (Plantagenet), Katharina Brauren (Lady Anne).
Dramatique d’après Élisabeth d’Angleterre, pièce en cinq actes de l’Autrichien Ferdinand Bruckner (1930), synopsis cf. 1961. Captation de la mise en scène de Rudolf Noelte à la Freie Volksbühne Berlin avec l’actrice germano-suisse Maria Schell (Die Ratten der Robert Siodmak, Gervaise de René Clément, The Brothers Karamazov de Richard Brooks, Cimarron d’Anthony Mann, The Hanging Tree de Delmer Daves), grande vedette du cinéma international des années 1950/60.
1984(tv-mus) Gloriana (GB) de Derek Bailey et Colin Graham
Colin Graham, Robin Scott/English National Opera (London)-Monarda Arts-Channel 4 Television Corp. (Channel 4), 146 min./135 min. – av. Sarah Walker (Elizabeth Ire), Anthony Rolfe-Johnson (Robert Devereux, comte d’Essex), Jean Rigby (Frances Devereux Burke, comtesse d’Essex), Neil Howlett (Charles Blount, Lord Mountjoy), Elizabeth Vaughan (Lady Penelope Rich, sœur d’Essex), Alan Opie (Sir Robert Cecil), Richard Van Allan (Sir Walter Raleigh), Malcolm Donnelly (Henry Cuffe), Lynda Russell (une dame d’honneur), Norman Bailey (le chanteur aveugle), Dennis Wicks (le Juge de Norwich), Shelagh Squires (une femme d’intérieur), Alan Woodrow (le Maître des cérémonies), Robert Huguenin (danseur Morris), Leigh Maurice (le crieur public), Adrian Martin, Ian Stewart, Amanda Maxwell.
L’opéra en 3 actes de Benjamin Britten. – Synopsis : Jaloux des faveurs de la reine, Essex défie Lord Mountjoy en duel, combat qu’Elizabeth fait interrompre. Sir Robert Cecil, Secrétaire du Conseil, la met en garde contre les ambitions et le tempérament incontrôlable d’Essex, alors que la guerre contre l’Espagne menace. Essex charme la souveraine par ses chansons puis exige qu’on lui confie le commandement d’une expédition militaire en Irlande, mais Elizabeth rejette sa demande. Lady Penelope Rich, la sœur d’Essex, est amoureuse de Mountjoy. Le couple ainsi qu’Essex et sa femme Frances rêvent de puissance, certains qu’après la mort de la reine vieillissante, Essex occupera le trône. Lors d’un bal à Whitehall, Lady Essex attire l’attention de la reine grâce à une toilette extravagante que son époux lui avait conseillée. Après la danse, les dames vont se changer et Elizabeth en profite pour subtiliser la robe en question, forçant sa rivale à revêtir des atours plus modestes. Mais la robe est trop petite pour la reine et les deux dames sont également humiliées. Afin de rétablir son autorité, Elizabeth envoie Essex en Irlande où il est battu. De retour à Londres, il fait irruption dans la chambre de la reine, la surprenant en négligé et sans perruque ; il s’attire une violente rebuffade. Sir Robert Cecil révèle à Elizabeth qu’Essex provoque des troubles dans le royaume, son compagnon Cuffe tentant de soulever le peuple en sa faveur. La reine fait arrêter son favori. Mountjoy, Lady Essex et Lady Penelope plaident sa cause, mais cette dernière le fait de façon si insolente qu’elle obtient la confirmation du verdict. Restée seule, Elizabeth évoque le passé et se prépare à la mort.
Commissionné par le Royal Opera House à Covent Garden (Londres), Britten compose Gloriana pour célébrer le couronnement de la reine Elisabeth II en juin 1953. Le livret du poète et romancier William Plomer s’inspire d’Elizabeth and Essex : A Tragic History (1928), roman de Lytton Strachey, auteur marqué par les travaux de Sigmund Freud. Plomer reprend lointainement l’intrigue du film The Private Lives of Elizabeth and Essex de Michael Curtiz (1939, cf. supra) ainsi que celle de Roberto Devereux de Donizetti. L’œuvre de Britten, présentée d’abord au ROH le 8 juin 1953 avec Joan Cross (la reine) et Peter Pears (Essex), est très mal reçue par le public officiel qui trouve scandaleux que l’on offre à une jeune reine le spectacle de sa grande ancêtre flétrie, trahie et repoussée, motivée surtout par la vanité et le désir. Les spectateurs huppés estiment que le sujet est particulièrement mal choisi pour l’occasion. – N. B. : « Gloriana » était le nom qu’Edmund Spenser donna à la reine Elizabeth dans son poème épique The Faerie Queene publié en 1590. La population l’adopta et après la déroute de l’Armada espagnole, l’armée salua la souveraine à Tilbury en criant « Gloriana ! Gloriana ! Gloriana ! ». – La présente captation, une production de l’English National Opera, suscite une réévaluation de « l’œuvre maudite » de Britten, boudée par la télévision pendant trente-et-un ans.
1984® Orinoko, nuevo mundo (VE) de Diego Risquez. - av. Diego Risquez (Sir Walter Raleigh), Henrique Vera-Villanueva (son fils). - cf. Espagne.
1985(tv-mus) Elisabetta, regina d’Inghliterra (IT) de Gianfranco De Bosio
RAI-Hardy Trading Co., Milano (RAI 7.11.85), 150 min. – av. Lella Cuberli (Elizabeth Ire), Antonio Savastano (Robert Dudley, comte de Leicester), Rockwell Blake (Thomas Howard, duc de Norfolk), Daniela Dessi (Matilda, épouse secrète de Leicester et fille de Mary Stuart), Adriana Cicogna (Enrico, son frère), Mario Bolognesi (Guglielmo, capitaine de la garde).
L’opéra en deux actes de Gioachino Rossini (1815), adaptée par Giovanni Schmidt à partir d’une nouvelle anglaise, The Recess, or A Tale of Other Times de Sophie Lee. Synopsis : Elizabeth veut honorer son favori, le comte de Leicester, pour sa victoire sur les Écossais, mais le héros est bouleversé de découvrir parmi les prisonniers de guerre sa bien-aimée Matilda (avec qui il s’est marié en secret) et le frère de celle-ci, Enrico. Trahi par Norfolk, son rival à la cour qui l’accuse à tort de fourberie, Leicester est condamné à mort avec Matilda. Leicester refuse de divorcer discrètement comme le lui a demandé la reine jalouse en échange de leurs vies, les époux sont prêts à mourir ensemble. Elizabeth découvre le double jeu de Norfolk (qui tente même de l’assassiner) et pardonne à tous, « l’amour ayant déserté à jamais son cœur ». (L’épouse écossaise de Leicester comme la trahison de Norfolk sont une pure invention du librettiste.)
Une captation de la mise en scène visuellement et chromatiquement somptueuse de Gianfranco De Bosio au Teatro Regio à Turin ; homme de théâtre, De Bosio a attiré l’attention au cinéma avec Il terrorista (1963), âpre drame de la Résistance où joue Gian Maria Volonté, et à la télévision avec une mégafresque biblique, Moïse (1974/75), interprétée par Burt Lancaster et Irene Papas.
1986(tv) Roanoak : Part I-II-III (Roanoak) (US) minisérie de Jan Egleson
Série « American Playhouse » (saison 5, épis. 16-17-18), Timothy Marx, Lindsay Law/First Contact Films-South Carolina Television (SCTV) (PBS 26.5.+2.6.+9.6.86), 3 x 60 min. – av. Victor Garber (John White), J. Kenneth Campbell (Sir Walter Raleigh), Patrick Kilpatrick (Amadas), Joseph Runningfox (Wanchese), Will Sampson (Wingina), Adrian Sparks (Ralph Lane), Tino Juarez (Manteo), Eddie Benton-Banai (Tirchtough), Sherry Blakey-Banai (Ascopo), Victoria Racimo (Appomosiscut), Ralph Brannen (Cossine), Andrew Davis (Harriot), Giancarlo Esposito (Simon Fernandez), Hallie Foote (Agnes Wood), Richard Jennings (Griff Jones), Paris Peet (Arnold Archard).
Histoire de la « colonie perdue » de Roanoak, en 1587 en Virginie (cf. film de 2007, Roanoke : The Lost Colony).
1986® (tv) Maria Stuart (DE) de Heinz Schirk. – av. Daniela Ziegler (Elizabeth Ire).
1986® (tv) Blackadder II (La Vipère noire) (GB) minisérie de Mandie Fletcher (BBC One (9.1.-20.2.86), 6 x 30 min. – av. Rowan Atkinson (Lord Edmund Blackadder), Tony Ribinson (son valet Baldrick), Tim McInnerny (Lord Percy), Miranda Richardson (Elizabeth Ire, dite « Queenie »), Simon Jones (Sir Walter Raleigh). – Pastiche loufoque des feuilletons historiques de la tv britannique dans lequel le veule Blackadder, roi de la réplique cynique et de la méchanceté gratuite, est confronté à la cour des Tudor. Filmé aux studios 4 du Television Center à White City (West London).
1986(tv) The Marlowe Inquest (GB) d'Anthony Garner
série "ScreenPlay (24 Heures pour survivre)" no.9, Martin Thompson/BBC (BBC2 3.9.86). - av. Michael Pennington (Thomas Kyd), Geoffrey Beevers (Ingram Frizer), Nicholas Gecks (Richard Baines), Nicholas Le Prevost (Robert Poley), Matthew Marsh (Thomas Walsingham), John Savident (Sir John Puckering), John Woodvine (William Danby), Patrick Stewart (narration).
Une enquête sur la mort du dramaturge et espion Christopher Marlowe (1564-1593), rival de Shakespeare retrouvé mort à Deptford le 30 mai 1564 et dont des papiers incriminants (prouvant son athéisme) ont été retrouvés chez son amant Thomas Kyd. Les circonstances de sa mort - dispute accidentelle dans une taverne, tentative de fuite ou assassinat? - n'ont jamais été élucidées.
1988® (tv) Blackadder’s Christmas Carol (GB) Richard Boden. – av. Miranda Richardson (Elizabeth Ire).
1988® (vd-mus) Maria Stuarda (DE/CZ) de Petr Weigl. – av. Magda Vásáryová [voix: Huguette Tourangeau] (Elizabeth Ire).
1990(tv) Border Warfare – 1. The Greater Shall Draw the Lesser (GB) de John McGrath
David Brown/Freeway Films-Channel 4 TV-Tramway Theatre, Glasgow (Channel Four 10.2.90), 3 x 60 min. – av. Juliet Cadzow (Elizabeth Ire), Maria Miller (Mary Stuart), Derek Anders (Irish Angus / Robert the Bruce / John Knox), John Purcell (David I / Henry II), Bill Riddoch (William Lyon / Henry VIII), John Bett (James I).
Histoire des relations mouvementées entre l’Écosse et l’Angleterre en trois épisodes d’une heure (cf. aussi sous Henry III). Les épisodes 2 (« Towards the Union » et 3 (« The Fruits of Union ») concernent James I, Cromwell et les temps modernes.
1991 – (vd-mus) Elisabetta, regina d’Inghliterra (IT)
Premiere Opera-Teatro San Carlo, Napoli, 135 min. – av. Anna Caterina Antonacci (Elizabeth Ire), Chris Merritt (Robert Dudley, comte de Leicester), Sumo Jo (Matilda, son épouse secrète), Rockwell Blake (Thomas Howard, duc de Norfolk).
Captation de l’opéra de Gioachino Rossini (11.12.1991), cf. version de 1985.
1991® (tv) Maria Estuard (ES) de Josep Montanyès. – av. Maife Gil (Elizabeth Ire).
1992® Orlando (GB/RU/FR/NL/IT) de Sally Potter. – av. Quentin Crisp (Elizabeth Ire). – De 1600 à nos jours, le destin d’un Anglais éternellement jeune, androgyne, tantôt homme tantôt femme, à travers quatre siècles d’histoire britannique. Adaptation libre du roman de Virginia Woolf (1928). La reine est interprétée par l’écrivain Quentin Crisp, travesti pour l’occasion.
1992(tv) My Friend Walter (GB/US) de Gavin Millar
Thames Television-Portobello Pictures Ltd.-Wonderworks-Children’s Film and Television Foundation (ITV 24.4.92), 51 min. – av. Ronald Pickup (Sir Walter Raleigh), Polly Grant (Bess [Elizabeth] Throckmorton), James Hazeldine (Charlie Throckmorton), Louise Jameson (Joan Throckmorton), Lawrence Cooper (Will Throckmorton), Prunella Scales (tante Ellie), Don Henderson (Bertie Borrowbill), Richard Strange (Boney Borrowbill).
Téléfilm pour enfants d’après le livre de Michael Morpurgo et enregistré aux studios de Pinewood : lors d’une réunion de famille, la petite Bess Throckmorton, dix ans, rencontre le fantôme de son célèbre ailleul, Sir Walter Raleigh, qui avait jadis épousé en secret Elizabeth Throckmorton (dame de compagnie de la reine, devenue Lady Raleigh en 1591) et s’était ainsi attiré la colère d’Elizabeth.
1993® (tv) King & Queens [of England] (GB) de Graham Holloway. – av. Kate Dunn (Elizabeth Ire).
1994® (tv) Famous People: Elizabeth I (GB) de Ronald Smedley, série « Magic Grandad ». – av. Robin Weaver (Elizabeth Ire).
1994(tv) Sir Walter Raleigh and the Orinoco Disaster (GB) de James Bisgood
Série « Great Adventurers », Simon Freeston/Cromwell Productions, 50 min. – av. Neale McGrath (Sir Walter Raleigh), Kate Dunn (Elizabeth Ire), Michael Leighton (John Aubrey/narration), Ian Brooker (Sir Ralph Lane, gouverneur de Roanoke), John Fenner (Robert Devereux, comte d’Essex)
Docu-fiction dont le titre est trompeur : le film conte toute la vie de Raleigh, de ses études à Oxford jusqu’à son exécution sous James Ier en 1618.
1995(tv) Sir Francis Drake (US) de Mike Finney
Série « A.J.’s Time Travelers » (saison 1, épis. 31), Gianni Russo/Gold Coast Company Entertainment-DNA Productions (Fox Television), 30 min. – av. Jeremiah Birkett, Larry Cedar, Teresa Jones, Patty Maloney, Julie St. Claire, John Patrick White. – Film pour adolescents: le teenager A. J. Malloy voyage à travers le temps et rencontre Drake.
1995(tv) The Armada 1588 (GB) de Ruth Wood
Série « History of Warfare », Ruth Wood/Cromwell Productions, 55 min. – av. Kate Dunn (Elizabeth Ire), Hu Pryce (Sir Francis Drake), Marcus Fernando (Alexandre Farnese, duc de Parme), Paul Page-Hamilton (Alfonso Pérez de Guzmán el Bueno y Zúñiga, duc de Medina Sidonia, commandant en chef de la Felicisima Armada), John Nolan (narration).
Docu-fiction avec utilisation de la réplique du « Golden Hind(e) » de Roddy Coleman.
1996(tv) An Evil Business (GB) de Ken Horn
Série « In Suspicious Circonstances » (saison 5, épis. 7), Sue Durkan, Ian McBride/Granada Television (ITV 26.8.96), 51 min. – av. Helen Baxendale (Elizabeth Ire), Valentine Pelka (Robert Dudley, comte de Leicester), Joanna Roth (Amy Robsart, Lady Dudley), Greg Hicks (William Cecil, Lord Burleigh), Trader Faulkner (l’évêque de Quadra), Peter Woodward (Tamworth), Victoria Hasted (Pinto), Jill Benedict (Mistress Owen), Georgine Anderson (Mistress Odingsells), Edward Woodwart (le narrateur).
Enquête sur la mort opportune d’Amy Robsart, l’épouse de Dudley, favori de la reine (1560).
1996® (tv) Marija Stjuart (YU) de Ljubomir Draskic. – av. Svetlana Bojkovic (Elizabeth Ire).
1997(tv-mus) Roberto Devereux (IT) d’Alain Guingual (th) et Alberto Fassini (tv)
RAI Radiotelevisione Italiana-Teatro di San Carlo (Napoli), 136 min. – av. Alexandrina Pendatchanska (Elizabeth Ire), Giuseppe Sabbatini (Robert Devereux, comte d’Essex), Ildikó Komlósi (Sarah [=Catherine Carey], comtesse de Nottingham), Roberto Servile (Charles Howard, comte de Nottingham), Davide Baronchelli (Sir Walter Raleigh), Pierre Lefebvre (Lord Cecil [=Sir William Cecil, Lord Burleigh]), Massimiliano Chiarolla (le page d’Essex), Giuseppe Zechillo, Alesandro Corbelli, Antonio Abete.
Les amours tragiques d’Elizabeth et d’Essex selon la tragédie lyrique en trois actes de Gaetano Donizetti (1837), cf. captation de 1975.
1998*** Elizabeth / Elizabeth, the Virgin Queen (Elizabeth) (GB) de Shekhar Kapur
Tim Bevan, Eric Fellner, Alison Owen, Liza Chasin, Debra Hayward/Working Title Films-PolyGram Filmed Entertainment-Channel Four Films-MEDIA (Union européenne), 124 min. – av. Cate Blanchett (Elizabeth Ire), Joseph Fiennes (Robert Dudley, comte de Leicester), Geoffrey Rush (Sir Francis Walsingham), Christopher Eccleston (Thomas Howard, duc de Norfolk), Eric Cantona (Paul de Foix, ambassadeur de France), Sir Richard Attenborough (Sir William Cecil, baron Burghley), Fanny Ardant (Marie de Guise-Lorraine, régente d’Écosse et mère de Mary Stuart), Kathy Burke (Mary Tudor), Emily Mortimer (Kate Ashley), Vincent Cassel (le prince Henri d’Anjou, futur Henri III de France), Sir John Gielgud (le pape Pie V), George Yiasoumi (Philippe II d’Espagne), Kelly Macdonald (Isabel Knollys, Lady Leighton), Daniel Craig (John Ballard), James Frain (Alvaro de la Quadra, ambassadeur d’Espagne), Edward Hardwicke (Henry FitzAllan, comte d’Arundel), Jamie Foreman (Thomas Radclyffe, comte de Sussex), Terence Rigby (l’évêque Stephen Gardiner), Angus Deayton (le chancelier Armagil Waad), Amanda Ryan (Lettice Howard), Kenny Doughty (Sir Thomas Elyot), Michael Beint (l’évêque Carlisle), Hayley Burroughs (le nain d’Elizabeth), Wayne Sleep (maître de danse), Alfie Allen (Henry FitzAllan, fils du comte d’Arundel), Daisy Bevan (Jane Lumley, sa sœur), Viviane Horne (Mary Arundel), Lily Allen (dame de compagnie).
Le retour de la reine sur grand écran, après 43 ans d’absence. Un retour qui fait grand bruit et dont la responsabilité revient curieusement à Shekhar Kapur, cinéaste natif de Lahore, établi à Bombay et acclamé à Cannes 1994 avec Bandit Queen (La Reine des bandits), une fresque qui illustre avec une certaine férocité la révolte armée de Phoolan Devi, le Robin des Bois féminin de l’Inde contemporaine ; sa crudité aux antipodes de l’habituelle marmelade bollywoodienne lui vaut d’être interdit par la censure locale, mais invité à la « Quinzaine des réalisateurs ». Pour Elizabeth, Tim Bevan et Eric Fellner, les jeunes producteurs de Working Title Films (responsables de The Big Lebowski des frères Coen), envisagent un « thriller » conspirationnel qui tranche sur les reconstitutions filmiques courantes de l’ère des Tudors ou le britannisme nostalgico-tempéré du cinéma de James Ivory (A Room with a View, Howard’s End). C’est à dessein qu’ils engagent un réalisateur aussi peu familier que possible avec l’histoire monarchique d’Angleterre. Celle-ci a déjà subi quelques égratignures avec des films récents tels que The Madness of King George (1995) de Nicolas Hytner ou Mrs. Brown (1997) de John Madden, l’un sur la folie récurrente de George III, l’autre sur l’intimité de la reine Victoria avec son palefrenier écossais, mais Working Title vise une approche radicalement différente.
Au lieu de Meryl Streep, Kate Winslet, Emily Watson ou Nicole Kidman, toutes envisagées pour incarner Elizabeth, Shekhar Kapur propose une quasi-inconnue venue de l’autre versant de la planète, l’Australienne Cate Blanchett, 29 ans, surtout occupée au théâtre à Sydney. Pour Walsingham, protecteur impassible de Sa Majesté, il engage Geoffrey Rush, autre Australien portant bien le costume et qu’on retrouvera cette même année au générique de Shakespeare in Love en directeur de théâtre, tout comme Joseph Fiennes (il y sera le grand barde). Quelques vieilles gloires britanniques telles que le réalisateur de Gandhi, Sir Richard Attenborough (en Cecil, bien trop âgé pour le rôle) et le vénérable Sir John Gielgud (le pape, sa dernière apparition, en remplacement de Marlon Brando), des clins d’œil comme le footballeur Eric « The King » Cantona en ambassadeur de France ou Daniel Craig (futur James Bond 007) en jésuite tueur, enfin les stars françaises Fanny Ardant et Vincent Cassel complètent une distribution cosmopolite aussi jouissive que peu académique. Si un Anglais filme la vie du Mahatma Gandhi, se dit Kapur, un Indo-pakistanais peut bien discourir sur une souveraine iconique du Royaume-Uni.
Elizabeth se tourne en Grande-Bretagne du 1er septembre à fin décembre 1997 aux studios de Shepperton et, pour les intérieurs de Whitehall Palace, dans plusieurs recoins de la cathédrale de Durham, Kapur ayant souhaité – audace iconoclaste et anhistorique – des décors à dominance minérale pour représenter la dureté de l’environnement auquel la jeune reine doit se mesurer. Les extérieurs sont effectués aux châteaux d’Alnwick, Aydon, Wackworth, Bamburgh, Chillingham (Northumberland), Leeds (Kent), Bolton et York Minster (North Yorkshire), Raby (Durham), à Haddon Hall (Derbyshire), à Middle Temple à Londres, enfin à la cathédrale d’York pour les scènes du couronnement et à l’église de St. Alban à Teddington (Middlesex) pour l’apothéose finale. Des touches patrimoniales pour compenser une approche à première vue saugrenue, placée entre les mains d’un Pendjabi irrévérencieux, rigolard et bagarreur, pur produit oriental. « Ye Olde England » n’a qu’à bien se tenir.
Cate Blanchett, une princesse Tudor subtile (g.). – Les hérétiques voués aux flammes (dr.).
Des messagers de Londres annoncent à Elizabeth qu’elle est reine d’Angleterre.
 Synopsis : Des hérétiques luthériens sont brûlés vifs sur la place publique. La princesse Elizabeth est emmenée à la Tour pour y être exécutée, mais la noblesse papiste réunie autour de l’ambitieux duc de Norfolk ne parvient pas à prouver sa complicité dans la révolte protestante de Thomas Wyatt et Mary Tudor est contrainte de renvoyer sa demi-sœur à Hatfield House. En 1554, quand « Bloody Mary » décède enfin d’un cancer de l’utérus, le pays est en liesse. Elizabeth, libre et à présent reine, retrouve le compagnon aimé de son enfance, Robert Dudley. En proie à une grande instabilité financière et religieuse après la répression sanglante contre les protestants, qui reviennent à présent d’exil, l’Angleterre est affaiblie. Le pays est au bord de la banqueroute, son armée est désorganisée, la marine exsangue, les diplomates étrangers et l’aristocratie catholique intriguent à la cour. La guerre civile menace. Afin de sauver la Couronne en produisant sans tarder un héritier, Sir William Cecil presse Elizabeth de se marier. En dépit de son amour pour Dudley (qui partage secrètement sa couche), elle se résout à recevoir les ambassadeurs de la France des Valois et de l’Espagne habsbourgeoise ; l’un, Paul de Foix, représente le futur roi Henri d’Anjou et l’autre, Don Alvaro de la Quadra, parle pour Philippe d’Espagne, les deux principaux prétendants.
Une grave crise politique éclate au nord du royaume lorsque les garnisons françaises de Marie de Guise, régente d’Écosse pour le compte de sa fille Mary Stuart (reine pubère de France), menacent la frontière. Contre l’avis de son maître-espion, le machiavélique mais toujours fidèle Walsingham, Elizabeth, timide et encore peu sûre d’elle, cède au parti belliciste de son Conseil mené par Norfolk ; à Leith, l’armée anglaise constituée de jeunes recrues est massacrée, car les évêques anglais ont interdit aux aînés de combattre des Écossais fidèles à Rome. La défaite est instrumentalisée afin de destituer la reine. C’est une leçon amère pour Elizabeth, ni respectée ni crainte et qui doit désormais se fier à sa propre intuition. En 1559, après avoir soigneusement préparé son discours, elle séduit le Parlement et lui fait voter l’Acte d’uniformité unifiant l’Église anglicane et décrétant une tolérance religieuse relative (« je ne souhaite pas ouvrir une fenêtre dans le cœur de mes sujets ») ; Walsingham a fait auparavant enfermer cinq évêques hostiles au projet de loi. Henri d’Anjou arrive à Londres, mais Elizabeth tergiverse. Lors d’une somptueuse fête nocturne, masquée en barque sur la Tamise, elle échappe de justesse aux flèches d’un assassin. Après avoir surpris Anjou dans les bras de ses mignons, elle éclate de rire, puis décline les propositions de noces et d’alliance des franco-espagnols, provoquant la colère des factions qui souhaitent un retour de l’Angleterre dans le giron de la Sainte Église. Au Vatican, le pape Pie V anathématise la reine et donne des ordres secrets pour la destituer ou « s’en débarrasser ». Apprenant avec amertume que Dudley s’est marié, elle reporte sa confiance sur Walsingham. De dépit, Dudley fréquente Norfolk et Alvaro et court le guilledou. Marie de Guise n’apprécie pas le rejet d’une union avec son neveu le duc d’Anjou et cherche à se venger. Après la mort atroce d’une de ses dames d’honneur qui avait emprunté une robe royale imprégnée d’un poison violent, Elizabeth, furieuse, charge Walsingham de frapper tous azimuts. Celui-ci se rend d’abord subrepticement à Édimbourg, séduit Marie de Guise et l’assassine. Puis, tandis qu’Elizabeth gère les affaires courantes ou s’enferme pour lire la Bible dans ses appartements, ses espions trouvent les cachettes de Lord Arundel, du jésuite tueur John Ballard, de l’évêque Gardiner, de Sussex, d’Alvaro et de Norfolk qui est en possession d’un blanc-seing d’assassinat signé par le Saint Père. Tous sont torturés et exécutés ; Norfolk est décapité pour haute trahison, sa tête placée sur une pique à l’entrée de la Tour. Elizabeth gracie Dudley : il sera pour elle un souvenir vivant du danger qu’elle a couru. Décidée à ne plus envisager des alliances par mariage, elle se fait couper les cheveux et décrète, perruque rousse, visage poudré et robe blanche, qu’elle sera désormais « mariée à l’Angleterre » : nous sommes en 1560, le règne de la Reine Vierge commence. C’est une virginité métaphorique qui est à comprendre comme une posture politique visant à préserver l’indépendance de l’île face aux puissances étrangères. L’image finale d’Elizabeth est une recréation du fameux portrait de Marcus Gheeraerts le Jeune (Ditchley Portrait, ca. 1592).
Elizabeth et Dudley dansent le volta devant la cour.
 Soit, les libertés pris avec l’Histoire sont légion. Sir Francis Walsingham n’a ni visité ni tué Marie de Guise, décédée d’une insuffisance cardiaque en 1560, peu avant que le protestantisme ne soit proclamé religion d’État à Edimbourg. Le maître-espion (témoin oculaire du massacre des huguenots à la Saint-Barthélemy) est présenté ici comme un personnage amoral et sans états d’âme qui, à sa première apparition, tranche calmement la gorge d’un jeune catholique venu l’assassiner. Le script remplace le duc François d’Anjou, qui se rendit effectivement à la cour d’Elizabeth en 1571, par son frère ainé, le futur Henri III qui n’y mis jamais les pieds (mais affichait bien les mœurs que lui attribue le film). Ce n’est pas l’évêque Stephen Gardiner qui mourut à la Tour, mais son confrère Edmund Bonner ; Norfolk fut décapité 12 ans plus tard. Dudley, le favori, est confiné ici à la période insouciante et de liesse, son rôle ultérieur n’a plus de poids. Joli garçon et danseur émérite, il était d’abord marié à Amy Robsart, décédée mystérieusement en 1560, et son deuxième mariage avec Lettice Knollys, contracté à l’insu de la reine, date de 1578, soit dix-huit ans après la fin du film ; il ne conspira à aucun moment avec les ennemis de la Couronne, etc. Pareille désinvolture sur le plan historique ne pardonne pas dans le cadre d’une minisérie qui peut s’étaler à volonté dans le temps, mais peut s’excuser dans un long métrage à la durée limitée et aux visées particulières, d’où des raccourcis censés renforcer l’impact émotionnel du film.
Le scénario de Michael Hirst implique clairement qu’Elizabeth et Dudley avaient des rapports sexuels, ce qui n’a jamais été prouvé ; compte tenu qu’ils se comportaient comme des amants en public, Hirst et Kapur ont jugé superflu de développer la question, les complexités et contradictions de la reine n’étant pas primordiaux pour l’intrigue qui, elle, se concentre en priorité, et pour la première fois à l’écran, sur les débuts critiques et l’instabilité périlleuse du règne, sur l’ambition malsaine qui pourrit la cour (« les loups »), sur le choc des idéologies religieuses, sur l’apprentissage dramatique d’une souveraine débutante (elle s’entraîne en chemise de nuit pour ses discours) et l’élaboration d’une icône politique – en remplacement allégorique des statues de la Vierge écartées des églises anglicanes. Le sacrifice de la chevelure royale à la fin est un renvoi à la tonte d’une malheureuse livrée aux flammes au début. N’étant qu’un arrière-fond anecdotique, la vie sentimentale de l’« hérétique illégitime » passe donc au second rang. Car la menace de mort est omniprésente, identifiée au début (l’incarcération sous Mary Tudor), puis, tandis qu’Elizabeth danse, rit et s’amuse, de plus en plus larvée et alarmante. Au fil de ce traité sur le pouvoir absolu et son bilan humain, la jeune reine – jadis enfant brutalisée et dont le père tua la mère – doit apprendre à vivre avec un masque (ou une carapace) et à maîtriser les règles du pouvoir pour sa propre sécurité. D’où une conclusion qui se veut un décalque de la mise en parallèle située à la fin de The Godfather (Le Parrain, 1972) de F. F. Coppola, lorsque le chef mafieux Michael Corleone assiste au baptême de son filleul à l’église tandis qu’au même instant ses sbires liquident systématiquement tous ses ennemis. C’est la « nuit des longs couteaux » version Tudor, Whitehall se transforme en bas-fonds de Chicago (musique : Te Deum de Thomas Tallis).
Elizabeth convainc le Parlement d’accepter l’Acte d’uniformité.
 « Le film le plus baroque du cinéma d’outre-Manche » titre Libération (11.11.98). À raison. On n’avait rien vu de visuellement aussi élaboré sur Elizabeth Ire depuis les œuvres d’un Michael Curtiz (1939/40), tant par les cadrages originaux et très stylisés, la fluidité de la caméra (tenue par l’Anglo-nigérien Remi Aderfarasin), les éclairages en chiaroscuro, le montage nerveux ou l’éclat inhabituel des formes et couleurs, un sens du tableau et des effets visuels à mettre sans doute sur le compte de la sensibilité indienne du réalisateur. C’est la barbarie terrifiante des conflits religieux et non les faits historiques qui interpellent Kapur : pour l’enfer des bûchers en ouverture, il affirme s’être inspiré des pogroms antimusulmans qui ont ensanglanté l’Inde six ans plus tôt ; sur ce point, le réalisateur se veut proche du réalisme social d’un Mike Leigh ou Ken Loach. « Bloody Mary » est un affreux crapaud et sa disparition salutaire est ponctuée par des fondus en blanc. Plongées et contreplongées vertigineuses se succèdent, réduisant les humains à des fourmis ou magnifiant la splendeur factice des lieux. Ayant préalablement visionné The Scarlet Empress (L’Impératrice rouge, 1934) de Josef von Sternberg pour en étudier le langage, le cinéaste a réalisé qu’Elizabeth, tout comme Catherine de Russie, quitte un havre de sécurité (Hatfield House) pour vivre dans un palais aux apparences fabuleuses, mais qui est en réalité un antre effrayant, peuplé d’images troublantes ; chaque sourire y cache une dague. Cate Blanchett apporte à cette lente prise de conscience beaucoup de versatilité, de naturel désarmant, du charme et une surprenante souveraineté tout en se montrant capable de transformer ses robes de brocart en armure. Les costumes parfois irréalistes et théâtraux (pour l’époque) conçus par Alexandra Byrne traduisent le cheminement intérieur de la souveraine qui sait, à l’occasion, se métamorphoser en silhouette préraphaélite et androgyne. On est frappé par la prédilection de Kapur pour les voiles et tissus aux teintes riches, saturées, toujours soigneusement choisies et signifiantes : la dramaturgie chromatique exprime les relations entre les personnages. Quand Elizabeth, provocante en rouge tapant avec quelques bijoux en or, fait face aux conseillers et grands patriciens de la Chambre, rigides et menaçants en noir, c’est la force débordante du naturel qui se dresse contre l’artificialité d’un pouvoir moralisateur, absolutiste – et masculin.
Alexandra Byrne et Kapur auraient trouvé leur palette de couleurs et d’ors sur les marchés du quartier indien de South Hall à Londres, mais également sur ceux de Delhi, le cinéaste ayant refusé toute représentation « muséale » de la reine. Cette exubérance vestimentaire et décorative très sensuelle peut aussi se marier idéalement avec les moments de joie intenses à la cour – séquences que certains critiques ont d’ailleurs cru plutôt inspirées des bords du Gange que de ceux de la Tamise, notamment quand Elizabeth danse la volte avec Dudley ; or il s’agit en réalité d’une danse virtuose à trois temps où le cavalier prend sa partenaire par la taille afin de la faire virevolter et sauter, une chorégraphie révolutionnaire de la Renaissance qui imposa la danse en couple (figures déjà apparues sur le petit écran dans la télésérie avec Glenda Jackson en 1971). Par ailleurs, la bande son n’hésite pas à se servir – anachronismes assumés – du Requiem de Mozart ou d’Edward Elgar (Enigma Variations à la fin). Le dynamisme spécifique de cette œuvre somptueusement hybride, tantôt opéra, tantôt film noir, repose plutôt sur la distance – et non la vénération d’un public national – face au phénomène « Gloriana », de sorte qu’avec son regard décalé et son intelligence, Kapur réussit à capter à l’écran aussi bien l’intensité que l’altérité radicale de l’ère élisabéthaine. « Si le film n’est pas une célébration de l’anglitude (Englishness), écrit Andrew Higson, on peut certainement le lire comme une exploration de cette anglitude, une méditation historique sur la construction de l’Angleterre moderne » (English Heritage, English Cinema, Oxford, 2003, p 198).
L’arrivée sur la Tamise d’Henri, duc d’Anjou et prétendant d’Elizabeth.
 À New York, la Ligue catholique pour les droits civils et religieux (Catholic League for Religious and Civil Rights) s’offusque de la description d’un Saint Père magouilleur, de séides en capuchon, et condamne le film pour son « anticatholicisme ». Il faut pourtant bien reconnaître qu’au XVIe siècle, les défenseurs de la « Vraie Foi » avaient le bûcher et la dague facile et que les menaces contre Elizabeth ne provenaient pas d’un conte de fées ! En 1570, Pie V excommunia la reine en absolvant ses sujets de tout serment d’allégeance ; son successeur Grégoire XIII alla plus loin en déclarant que ce ne serait pas un péché que de débarrasser le monde de cette « misérable hérétique » ; mourir à la tâche serait un martyre. En France, quelques voix s’élèvent aussi contre la représentation d’un duc d’Anjou, dernier des Valois, en travesti décadent qui en rajouterait dans l’arrogance libertine (Vincent Cassel avait accepté le rôle à condition de pouvoir « faire la folle »). Tout cela n’empêche pas Cate Blanchett d’être rapidement propulsée au firmament des stars internationales et le film d’attirer des foules considérables : budgété à 25 millions $ (soit le quintuple d’une production britannique courante), il rapporte 82'150’600 $ en recettes mondiales. En Angleterre même, le succès public est sans doute aussi lié indirectement à la brusque disparition de la très populaire princesse de Galles, tuée dans un accident d’automobile le 31 août, à la veille du premier jour de tournage du film. Suite aux divers dysfonctionnements matrimoniaux de la famille royale dont se gavent quotidiennement les tabloïds, la maison des Windsor n’a pas bonne presse et plusieurs critiques établissent un parallèle entre la rébellion de « Lady Di » contre le carcan monarchique et le comportement de la jeune reine Tudor face à l’establishment. Sir William Cecil ne martèle-t-il pas que « le corps et la personne de Sa Majesté ne sont plus sa propriété, mais celle de l’État » – ce que la concernée interprète à sa façon ?
La première mondiale d’Elizabeth a lieu au Festival de Venise et le film représente la Grande-Bretagne au festival de Toronto. Il est nominé à l’Oscar dans sept catégories, comprenant celles du meilleur film, de la meilleure actrice, des décors, de la photo, de la musique et de la production, mais ne remporte qu’une statuette pour les maquillages. (Ironie du sort, c’est Judi Dench en Elizabeth âgée dans Shakespeare in Love, recréation historique bien sage, qui décroche l’Oscar de l’interprétation.) Les BAFTA Awards (Londres) récompensent le meilleur film britannique, Cate Blanchett, Geoffrey Rush, la musique, la photo et le maquillage. Cate Blanchett récolte huit autres prix internationaux, dont le Golden Globe à Hollywood. Shekhar Kapur doit se contenter du prix de la meilleure réalisation décerné par le National Board of Review (New York) et de nominations aux BAFTA et aux Golden Globe Awards. Neuf ans plus tard, Kapur, Cate Blanchett, Geoffrey Rush et l’équipe si créative de Working Title Films se retrouvent sur le plateau de la suite, Elizabeth : The Golden Age (cf. infra, 2007). Entretemps, Cate Blanchett aura ravi les cœurs de la nouvelle génération sous les traits de Dame Galadriel, la reine des elfes imaginée par Tolkien dans le triptyque de Lord of the Rings (Le Seigneur des anneaux). Un itinéraire de l’allégorique au féerique.
1998® Shakespeare in Love (US) de John Madden. – av. Judi Dench (Elizabeth Ire).
1999® (tv) Blackadder Back and Forth (GB) Paul Weiland. – av. Miranda Richardson (Elizabeth Ire).
1999(tv-mus) Gloriana (UK) de Phyllida Lloyd
Shaun Deeney, John Wyver/Illuminations-BBCtv (BBC2 25.12.99 / 24.4.00), 138 min./109 min. – av. Josephine Barstow (Elizabeth Ire), Tom Randle (Robert Devereux, comte d’Essex), David Ellis (Charles Blount, Lord Mountjoy), Susannah Glanville (Lady Penelope Rich), Elmer McGilloway (Frances, comtesse d’Essex), Eric Roberts (Sir Robert Cecil), Clive Bayley (Sir Walter Raleigh), Richard Whitehouse (Henry Cuffe), Hilary Jackson, Peter Bodenham, Iain Paterson.
Opéra en trois actes du compositeur anglais Benjamin Britten (1953) sur un livret du poète et romancier William Plomer, inspiré par le roman Elizabeth and Essex : A Tragic History de Lytton Strachey (1928), détails cf. captation de 1984. Cette mise en scène très acclamée de la compagnie Opera North au Leeds Playhouse (direction musicale de Paul Daniel, English Northan Philharmonia) intègre des séquences filmées sur scène, derrière les décors et dans le public. Lauréat de l’International Emmy Award.
1999(vd) The Tudor Navy from the Mary Rose to the Armada / Seapower : Tudor Navy (GB) de Bob Carruthers
Lara Lowe/Cromwell Productions, 50 min. – av. Hu Price (Sir Francis Drake), Marcus Fernando (Alexandre Farnèse, duc de Parme), Paul Page-Hamilton (Alonso Pérez de Guzmán, duc de Medina Sidonia), Roy Cane (narration).
Docu-fiction.
1999[épisode:] (tv) The Nearly Complete and Utter History of Everything (GB) de Dewi Humphreys, Paul Jackson et Matt Lipsey
Patricia McGowan, Jon Plowman/BBCtv (BBC1 2.1.2000), 40 min. – av. Robert Bathurst (Sir Francis Drake), Angus Dayton (Sir Walter Raleigh).
Sketch parodique de la BBC.
2000(tv) Elizabeth I – Red Rose of the House of Tudor (US/CA) de René Bonnière
Série « The Royal Diaries », Deborah Forte, Bill Siegler, Martha Atwater/Scolastic Entertainment-Home Box Office-PBS Television (HBO 4.11.00), 27 min. – av. Tamara Hope (la princesse Elizabeth Tudor), Daniel Clark (Robert Dudley, comte de Leicester), Marion Day (Mary Tudor), Jefferson Mappin (Henry VIII), Jennifer Wigmore (la reine Catherine Parr), Byron Long (le prince Edward), Tara Rosling (Kat Ashley, la gouvernante d’Elizabeth), Simon Barry (Thomas Wriothesley), Ron Kennell (Will Somers), Eric Fink (le jardinier), Susan Sheridan (Jane la Chauve).
Durant les années 1544-1546, la princesse Elizabeth, onze ans, perturbée par la froideur de son père et l’exécution incompréhensible de sa mère (« une sorcière », lui dit-on), rédige son journal intime. Elle est tourmentée par sa demi-sœur Mary, craignant d’être empoisonnée alors que la santé de son père décline ou se débattant contre son entourage … avec un fort accent américain. Du cinéma pour enfants, d’après le roman psychologiquement assez subtil et bien recherché de Kathryn Lasky (1999).
2000* (tv-mus) Gloriana : A Film (GB) de Phyllida Lloyd
Shaun Deeney, John Wyver/Illuminations Production-BBC Television (BBC Two 24.4.2000), 138 min. – av. Josephine Barstow (Elizabeth Ire), Tom Randle (Robert Devereux, comte d’Essex), David Ellis (Charles Blount, Lord Mountjoy), Susannah Glanville (Lady Penelope Rich, sœur d’Essex), Emer McGilloway (Frances Devereux Burke, comtesse d’Essex), Eric Roberts (Sir Robert Cecil), Clive Bayley (Sir Walter Raleigh), Richard Whitehouse (Henry Cuffe), Hilary Jackson (une dame d’honneur), Peter Bodenham (le Maître des cérémonies), Iain Paterson (le crieur public).
L’opéra en 3 actes de Benjamin Britten (1953) sur les rapports tumultueux entre la reine Elizabeth et Essex, d’abord mis en scène en 1993, puis en 1997 et 1999 par la compagnie d’Opera North à Leeds sous la direction de Phyllida Lloyd et de Paul Daniel pour la musique. Le téléfilm réalisé en juillet 1999 pour 450'000 £ intercale des images du travail scénique prises au Leeds Playhouse, du public au Grand Theatre de Leeds et des séquences enregistrées en studio (Yorkshire Television). « Non pas un opéra filmé, genre captation TV, mais un vrai film, en marge d’une production (...) entièrement repensée pour la faire passer à l’écran. Donc pas seulement le plateau, mais aussi les coulisses, les loges d’artistes, l’identification d’une cantatrice (Dame Josephine Barstow, bouleversante) et d’un rôle (Élisabeth Ière). Donc aussi des coupures, mais un rythme propre, une caméra librement articulée sur le jeu et les visages. Depuis La Flûte enchantée réinventée par Ingmar Bergman, on ne se souvient pas d’avoir vu une réalisation aussi forte et inventive » (Le Temps, 25.11.06). Lauréat de l’International Emmy Award. Synopsis et commentaires, cf. captation de 1984.
2000(tv) Elizabeth R / David Starkey's Elizabeth – 1. From the Prison to the Palace – 2. The Virgin Queen – 3. Heart of a King – 4. Gloriana (GB) minisérie de Mark Fielder (1, 3) et Steven Clarke (2, 4)
Channel Four Television Corp. (Channel Four 4.-25.5.2000), 4 x 55 min./197 min. – av. Imogen Slaughter (Elizabeth Ire – 1/2), Karen Archer (Elizabeth Ire – 3/4), Miles Richardson (Thomas Seymour), Abigail Harrison (Catherine Parr), Jonathan Jaynes (Tyrwhitt), Colin Higgins (William Cecil), Richard Trinder (Robert Dudley), Seána Montague (Mary Stuart), John Gully (Thomas Howard, duc de Norfolk), Alain Bourgouin (François duc d’Anjou), Russell Wilcox (Edmund Campion), Toby Sawyer (Robert Devereux, comte d’Essex), Adam Meggido (Sir Robert Cecil), Wayne Opie (le roi James Stuart).
Quarante ans de règne revus par l’historien David Starkey, auteur de Elizabeth. The Struggle for the Throne. Docu-fiction sans surprises tourné à Londres (le pont et la Tour de Londres), Glastonbury Abbey (Somerset), Oxburgh Hall (Norfolk), Sudley Castle (Gloucestershire), Carlisle (Cumbria) et Edimbourg (château, Holyrood Park).
2000(tv) Piratengold für England : Sir Francis Drake, Abenteurer, Admiral, Kapitän / Die Abenteuer des Francis Drake (DE) de Jeanette Erazo Heufelder et Sylvio Heufelder
Série « Sphinx – Geheimnisse der Geschichte / Terra X », Zweites Deutsches Fernsehen (ZDF 19.11.2000), 45 min. – av. Michael Jacques Lieb (Sir Francis Drake).
Docu-fiction avec reconstitutions et acteurs anonymes, tourné en partie au Panama.
2000® (tv) The Nearly Complete and Utter History of Everything (GB) de Dewi Humphreys, Paul Jackson, Matt Lipsey. – av. Robert Bathurst (Sir Francis Drake), Angus Deayton (Sir Walter Raleigh).
2001® (tv) Her Grace Under Pressure (CA) de Michele Boniface (série « Mentors »). – av. Margot Kidder (Elizabeth Ire).
2001(tv) Pirates : Raiders of the Spanish Main (GB) de Henry Chancellor
Henry Chancellor, David Dugan/Windfall Films Ltd. (London)-Channel Four, 2 x 60 min. – av. Derek Wilson (narration).
Docu-fiction dont la première partie est centrée sur Sir Francis Drake, le corsaire le plus haï des Espagnols, avec reconstitutions et acteurs anonymes.
2002(tv) Das Empire schlägt zu (Feu sur l’Armada espagnole !) (DE) d’Axel Engstfeld
Série « Mission X », saison 1, épis. 4, Engstfeld Filmproduktion (Köln)-ZDF-ZDF Enterprises-Arte-Discovery Communications (ZDF 2.6.02), 52 min. – av. Wolfgang Hess (narration).
Docu-fiction avec reconstitutions et comédiens anonymes : en 1580, Adam Dreyling fuit Innsbruck, emportant avec lui le secret des Habsbourg sur la fonte des canons (fabrication des couleuvrines à long rayon d’action mis au point par Hans Christoph Löffler, l’oncle de Dreyling) et s’installe en Angleterre, tandis que le mathématicien et armateur Mathew Baker suit les conseils des corsaires Sir Francis Drake et Martin Frobisher, faisant construire une flotte de petits navires mobiles, capables, avec la nouvelle artillerie, de tenir tête à l’Armada de Philippe II et ses vieilles bombardes imprécises.
2002® (vd-mus) Maria Stuarda (IT) de Francesco Esposito et Marco Scalfi. – av. Sonia Ganassi (Elizabeth Ire).
2004(tv) Elizabeth Rex (CA) de Barbara Willis Sweete
Niv Fichman, Daniel Iron, Jennifer Jonas/Rhombus Media-Canadian Broadcasting Company (CBC 6.5.04), 92 min. – av. Diane D’Aquila (Elizabeth Ire), Brent Carver (Ned Lowenscroft), Peter Hutt (William Shakespeare), Scott Wentworth (Jack Edmund), Bernard Hopkins (Sir Robert Cecil), Joyce Campion (Kate Tardell), Keith Dinicol (Percy Gower), Florence MacGregor (Lady Mary Stanley), Paul Dunn (Henry Pearle), Evan Buliung (Mathew Welles), Claire Julien (Eliza Vernon).
Elizabeth passe la nuit du 23 au 24 février 1601 précédant l’exécution d’Essex en compagnie de gens de théâtre (dont Shakespeare) qui viennent d’interpréter pour elle Much Ado About Nothing, ne sachant toujours pas si elle veut gracier son ancien favori ou non. Ned, un des acteurs, est préposé à jouer les femmes sur scène ; il est mourant, malade de la syphilis, mais refuse de dénoncer l’amant qui l’a infecté. La reine craint, pour sa part, qu’en épargnant Essex elle détruira l’homme en elle, une qualité indispensable pour régner. Tous les comédiens sont pour laisser Essex en vie (ils récitent à ce propos divers passages des pièces de Shakespeare), mais Lord Cecil insiste pour qu’il soit décapité et la reine tergiverse jusqu’à six heures du matin, quand un coup de canon annonce la mort d’Essex. – Adaptation de la pièce éponyme de du dramaturge canadien Timothy Findley, créé en juin 2000 par le Tom Patterson Theatre au Stratford Festival (Ontario) ; les comédiens reprennent les rôles joués sur scène.
2004(tv) Battlefield Britain – 2. The Spanish Armada (GB) de Nathan Williams
Nathan Williams, Danielle Peck/BBCtv (BBC2 27.8.04), 55 min. – av. Rupert Proctor, Jake Curran, Tim Fordyce, Santiago Cabrera, Vincent Carmichael. – Docu-fiction présenté par Peter et Dan Snow.
2004® (tv) Gunpowder, Treason & Plot (GB) minisérie de Gillies MacKinnon. – av. Catherine McCormack (Elizabeth Ire).
2005(tv) Monarchy with David Starkey – 8. The Shadow of the King (The Children of Henry VIII) (GB) de David Hutt
Granada Pictures-Channel Four (C4 26.9.05), 55 min. – av. Tony Cottrell, Gail Felton, Katy Finn-Bar, Matthew Ford, Gerard Hayling, Darrell Heath, Claire Jennings, Angela Kelly, Nina Maffey, Stuart Powell.
Docu-fiction d’après David Starkey. L’Acte de succession de 1544 autorise les trois enfants d’Henry VIII à accéder au trône. Edward veut imposer le protestantisme, Mary Tudor le catholicisme, Elisabeth impose la modération dans le domaine religieux.
2005Sword of Hearts (US) de David Schmidt
James M. Collins II, David Schmidt/Sword & Cloak Productions (Chicago), 93 min. – av. Travis Estes (Geoffrey Pierce), Amy E. Harmon (Lady Grace Durant), E. Zach Thomas (le vicomte Tristan Durant), Chuck Guthrie (Sir William Cecil, Lord Burghley), Mary Kababik (Elizabeth Ire), Maurice McNicholas (Wilfred Shy), Susan Scot Fry (Verina Durant), Ralph Scotese (Pigot), Kathrynne Wolf (Nola Fletcher).
Geoffrey Pierce rentre au village après avoir guerroyé à l’étranger et trouve la femme qu’il a aimée et perdue jadis, Lady Grace Durant, affairée à empêcher qu’un talisman « mystique » tombe entre les mains de sa tante perfide Verina et de son beau-frère, le vicomte Tristan. Ce dernier cherche à s’en emparer pour renverser Elizabeth et, ben voyons, prendre sa place. Aidé par les coupe-jarrets, voleurs et autres marginaux des lieux, Tristan et Grace récupèrent ledit talisman au château des Durant et sauvent le trône d’Angleterre. Elizabeth et son fidèle conseiller, Lord Cecil, les récompensent généreusement. – Film de cape et d’épée à mini-budget pour mini-cerveaux, tourné dans le parc de la « Foire Renaissance » au village de Bristol (Wisconsin) où se tient un festival costumé en été, et au complexe pseudo-médiéval du Stronghold Conference Center près d’Oregon (Illinois) qui sert de château.
2005(tv-mus) Roberto Devereux (DE) de Brian Large (vd) et Christof Loy (th)
Bayerischer Rundfunk (BR München)-UNITEL-Classica, 135 min. – av. Edita Gruberova (Elizabeth Ire), Roberto Aronica (Robert Devereux, comte d’Essex), Steven Humes (Sir Walter Raleigh), Jeanne Piland (Sarah [=Catherine Carey], comtesse de Nottingham), Albert Schagidullin (Charles Howard, comte de Nottingham), Manolito Mario Franz (Lord Cecil [=Sir William Cecil, Lord Burleigh]), Johannes Klamas (James, roi d’Écosse), Nikolay Borchev (un page d’Essex).
Les amours d’Elizabeth et d’Essex selon la tragédie lyrique en trois actes de Gaetano Donizetti (1837), cf. captation de 1975. Captation effectuée à la Bayerische Staatsoper à Munich.
La reine (Helen Mirren) et son ami amoureux Robert Dudley, Lord Leicester (Jeremy Irons).
2005(tv) * Elizabeth I (Élisabeth Ire) (GB/US/LT) minisérie de Tom Hooper
Barney Reisz, George Faber, Suzan Harrison, Nigel Williams/Company Pictures Productions (London)-Channel Four Television Corp.-HBO Films (New York)-Lietuvos Kinostudija (Vilnius) (Channel Four 29.9.+6.10.05 / HBO 22.4.06), 223 min./130 min. et 125 min. (2 parties) – av. Helen Mirren (Elizabeth Ire), Jeremy Irons (Robert Dudley, comte de Leicester), Patrick Malahide (Sir Francis Walsingham), Toby Jones (Sir Robert Cecil), Hugh Dancy (Robert Devereux, comte d’Essex), Barbara Flynn (Mary Stuart), Ian McDiarmid (William Cecil, Lord Burghley), Jérémie Covillaud (François de France, duc d’Anjou et d’Alençon), Erick Deshors (Jean de Simier), Simon Woods (Gilbert Gifford), Diana Kent (Lettice Knollys, Lady Essex), Toby Salaman (Dr. Roderigo Lopez), Geoffrey Streatfield (Sir Anthony Babington), David Delve (Sir Francis Drake), Martin Marquez (Don Bernadino de Mendoza), Ann Firbank (Lady Anne), Mykolas Dorofejus (William Davison), Rimantas Bagdzevicius (Howard of Effingham), Edwin Bremner (James VI Stuart, futur James Ier), Will Keen (Francis Bacon), Ben Pullen (Sir Walter Raleigh), Charlotte Asprey (Lady Frances Walsingham), Eddie Redmayne (Henry Wriothesley, comte de Southampton), Malcolm Terris (le chapelain), John McEnerey (le prêtre jésuite), Ramunas Rudokas (Thomas Burghley), Tom Hooper (un domestique).
Synopsis partie 1 : En 1579, au mitan de son règne, « the Good Queen Bess » refuse toujours de se marier, bien que Burghley et Walsingham insistent pour une union avec le duc d’Anjou afin de consolider l’alliance avec la France contre l’Espagne. Dudley, son ami, amoureux et confident, s’y oppose également, mais pour des raisons privées. Walsingham cherche à prouver la culpabilité de Mary Stuart dans le plan d’assassinat de sa cousine. Elizabeth rencontre secrètement Mary Stuart qui lui promet de ne pas chercher à la tuer, mais Walsingham la confond et l’ex-reine d’Écosse est exécutée. Leicester assiste militairement les Pays-Bas contre l’Espagne, mais la campagne est un échec ; il est exilé de la cour après son mariage avec Lettice Knollys. Lorsque l’Armada menace, la reine confie toutefois à Dudley le commandement des troupes terrestres. Accompagnée de ce dernier comme de son beau-fils, le jeune comte d’Essex, elle gagne Tilbury où on s’attend au débarquement des Espagnols. L’Armada est défaite, mais Dudley tombe gravement malade au moment de la victoire anglaise. Sur son lit de mort, il supplie Essex d’entourer Elizabeth. – Partie 2 : En 1589, Elizabeth s’éprend d’Essex et en fait son favori, mais se fâche lorsque celui-ci entreprend sans autorisation une expédition militaire contre Lisbonne et échoue. Pourtant, elle lui pardonne, lui accorde 10% d’une taxe sur les vins doux et un siège au Conseil privé, où il entre en conflit avec son rival Robert Cecil. Accusé par Essex d’avoir conspiré avec les Espagnols, le médecin de la reine, Dr. Roderigo Lopez, est pendu ; Cecil démontre trop tard que les preuves de la culpabilité avancées par Essex sont fabriquées. Les ambitions politiques de ce dernier s’achoppent à celles de la reine qui, désemparée, nomme Robert Cecil Secrétaire d’État après le décès de Walsingham. Essex est acclamé publiquement après sa prise de Cadix, mais Elizabeth et Cecil le soupçonnent à raison d’être en contact secret avec James VI d’Écosse (fils de Mary Stuart), héritier potentiel de la couronne d’Angleterre. Après la mort de William Cecil, la reine envoie Essex guerroyer en Irlande où celui-ci négocie une trêve avec les rebelles et retourne à Londres. Sa tentative d’insurrection sur place ayant échoué et ses accusations de trahison contre Cecil étant sans fondement, il est décapité. Peu après, Elizabeth devient apathique, ne mange plus pendant trois semaines, se couche, demande un prêtre et se prépare à mourir.
L’Armada en vue. – La reine (Helen Mirren) malmenée par les complots d’Essex.
 Sept ans après le succès populaire de Cate Blanchett sur grand écran (cf. Elizabeth de Shekhar Kapur), la télévision anglo-américaine de Channel Four et HBO aborde à son tour la saga de la « Reine vierge », une matière mise de côté pendant trente-quatre ans sur les écrans cathodiques, tant l’interprétation de Glenda Jackson pour la BBC en 1971 semblait indépassable. C’est Dame Helen Mirren, 60 ans, qui hérite du rôle craint autant que convoité : son accord précède l’écriture du scénario signé Nigel Williams qui se concentre sur la deuxième moitié de sa vie et en particulier sur sa relation catastrophique avec Essex (titre de travail : Elizabeth and Essex). D’origine anglo-russe, épouse du cinéaste Taylor Hackford et lauréate du Laurence Olivier Theatre Award, Helen Mirren a déjà interprété la reine Charlotte d’Angleterre dans The Madness of King George (1994) de Nicholas Hytner et, en 2006, elle fera une parfaite Elizabeth II dans The Queen de Stephen Frears, rôle qui lui vaudra l’Oscar. L’actrice a beau se proclamer antimonarchiste, les têtes couronnées, ça la connaît. À sa demande, la production choisit Tom Hooper, un réalisateur très prometteur avec lequel elle a déjà travaillé (la série Prime Suspect en 2003) et qui aura sa consécration, également oscarisée, cinq ans plus tard avec The King’s Speech (Le Discours d’un roi) sur l’intronisation de George VI en 1936. Pour des raisons d’économie, le tournage a lieu en été 2005 en Lituanie, aux Lietuvos Kinostudija (Lithuanian Film Studios) à Vilnius, dans les anciennes structures techniques de l’ère soviétique – Whitehall Palace est reconstruit à partir des plans originaux sur un terrain de sport désaffecté – et dans l’Eglise gothique de Sainte Anne au cœur de Senamiestis, la vieille ville de Vilnius.
Si cette reconstitution aux décors fastueux laisse peu à désirer pour une télésérie (avec un budget de 5,5 millions de £), l’intrigue, en revanche, reste problématique, car construite à partir de deux histoires d’amour très largement romancées sinon fantasmées. En 1579, les rapports d’Elizabeth avec Dudley-Leicester s’étaient bien assagis (ce dernier était remarié depuis une année), et quant à la passion tumultueuse que la reine aurait eue pour ce blanc-bec corrompu d’Essex, on peine à y croire. Les deux rencontres d’Elizabeth avec Mary Stuart (victime potelée et joufflue), puis avec le fils de cette dernière, James VI d’Écosse (entretien situé en 1596 en présence de Lord Cecil), sont de la pure fiction, tout comme la tentative d’assassinat de la souveraine par le sicaire catholique Gilbert Gifford que Dudley parvient à clouer au sol, ou la fusillade dans les rues lors de l’arrestation d’Essex ; Elizabeth n’était pas non plus au chevet de Dudley, à lui susurrer de doux propos quand celui-ci rendit l’âme. Le script colle ici moins aux réalités du XVIe siècle qu’au romanesque du XIXe. La réalisation se complaît dans de l’imagerie léchée telle que l’affectionnera Hooper plus tard avec sa version grand luxe des Misérables (2012) starring Russell Crowe et Hugh Jackman, ou du musical Cats (2019) avec Judi Dench. Quelques détails gore effrayent les âmes sensibles (exécutions détaillées, têtes et mains coupées, corps écartelés, entrailles étalées) pour donner l’illusion de réalisme. Reste le casting, certes de grande qualité, avec Jeremy Irons, qui se joue lui-même mais donne, à titre de « lion en hiver », quelque étoffe aux débats amoureux. Évidemment, Helen Mirren domine l’ensemble dans le rôle ultra-émotionnel d’une souveraine inapte à gouverner son propre cœur tout en exploitant la perspective du mariage comme une arme politique. Le sacrifice de sa vie personnelle, sa voracité sexuelle frustrée, ses aspirations protoféministes s’accompagnent parfois d’un humour cinglant, ainsi lorsque le pape Pie V lance contre elle une fatwa catholico-vaticane, l’excommunication de 1570. La reine apparaît à la fois dure et sentimentale, vaine et aimable, plus approchable, fantasque, pathétique et vacillante, s’apitoyant sur elle-même ou cherchant dans les yeux des hommes les traces de sa jeunesse enfouie tandis que son entourage subit les piques de sa vanité. Son Elizabeth est un peu trop délicate, c’est une midinette criseuse, parfois pleurnicharde et peu sûre d’elle. Pour tout dire, elle est plus biche que lionne, plus une Windsor (ou une Hanovre) qu’une Tudor combative. Sa harangue hésitante à Tilbury, entourée de figurants lituaniens qui ne comprennent un traître mot de ce qu’elle dit, est éloquent à ce propos.
Mais ces réserves ne ternissent en aucune manière le succès tant cathodique que critique de cette minisérie agréable à l’œil et qui remporte une avalanche de prix aux États-Unis, avec huit Primetime Emmy Awards (dont meilleure minisérie, Mirren, Irons, Hooper), trois Golden Globes (meilleure minisérie, Mirren, Irons), deux Screen Actors Guild Awards (Mirren, Irons) et un George Foster Peabody Award (minisérie). Helen Mirren continuera à collectionner les profils de majesté pour le petit écran, à nouveau en Elizabeth II dans The Audience (2013), puis – cette fois un peu trop âgée pour le rôle – en impératrice russe dans la minisérie britannique Catherine the Great de Philip Martin (2019), autre script de Nigel Williams tourné à Vilnius.
2005* (tv) The Virgin Queen / Elizabeth I, the Virgin Queen (La Reine vierge) (GB/US) minisérie de Coky Giedroyc
Paul Rutman, Vanessa de Sousa/BBC-Power Entertainment Media Ltd. (London)-Public Broadcasting Service (PBS) “Masterpiece Theatre” (New York) (PBS 13.-21.11.05 / BBC One 22.1.-12.2.06), 237 min./4 x 55 min. – av. Anne-Marie Duff (Elizabeth Ire), Tom Hardy (Robert Dudley, comte de Leicester), Ian Hart (Willliam Cecil, Lord Burleigh), Hans Matheson (Robert Devereux, comte d’Essex), Derek Riddell (Sir Walter Raleigh), Neil Stuke (Francis Bacon, vicomte St. Albans), Sienna Gullory (Lettice Knollys, épouse de Robert Dudley), Joanne Whalley (Mary Tudor), Stanley Townsend (Philippe II d’Espagne), Dexter Fletcher (Sir Thomas Radcliffe, comte de Sussex), Emilia Fox (Amy Robsart, Lady Dudley), Matthias Gibbig (François de France, duc d’Anjou), Enzo Cilenti (Jean de Simier), Ben Daniels (Sir Francis Walsingham), Ewen Bremner (Sir James Melville), Daniel Evans (Sir Robert Cecil), Michael Feast (cardinal Reginald Pole), Ralph Ineson (Dr. William Cowes), Marcello Magni (Don Alvaro de la Quadra), Kevin McKidd (Thomas Howard, duc de Norfolk), Robert Pugh (Lord Chancellor Stephen Gardiner), Tara Fitzgerald (Kate Ashley, la gouvernante), Sebastian Armesto (Charles Blount, comte de Devonshire et baron Mountjoy), Tony Guilfoyle (John Brydges, baron Chandos), Stella Maris (Valencia), Nicholas Hewetson (l’artiste), Pearce Quigley (Sir Henry Bedingfeld), Siobhan Hewlett (Cecily), Karl Theobald (Sir Horace Alsop), Geoff Bell (le dentiste), Shaun Evans (comte de Southampton), Joanna Griffiths (Agnes), Vincent Franklin (Thomas Phelippes), Stephen Walters (Gilbert Gifford), Jason Watkins (Sir Christopher Hatton), Alan Williams (John Dee), Bryan Dick (Sir Thomas Wyatt le Jeune), Emma Kennedy (Ellen), Tony Maudsley (cpt. Morgan), Lisa Millett (Mrs. Odingsell), Ulrich Thompson (baron Casper Breuner), Marcelo de Ramos et Rodrigo De Veccha (les bouffons).
On peut s’étonner qu’en dépit de la performance notable de Helen Mirren dans Elizabeth I sur Channel Four/HBO cette même année (cf. supra), la BBC éprouve le besoin de livrer sa propre vision de la reine tudorienne, revue par la réalisatrice Coky Giedroyc (alias Lady Bowyer-Smyth). Reflexe chauvin, correctif historique ou rejet d’un déplacement factice de l’Histoire nationale dans des paysages lituaniens, allez savoir ? Pourtant, financé pour 9 millions de £, The Virgin Queen est tourné simultanément au projet rival de Helen Mirren, en été 2005. On filme aux studios de Pinewood, puis en extérieurs dans les châteaux d’Alnwick, de Bamburgh, de Chillingham (Northumberland), de Raby (Durham), à Warwick, Baddesley Clinton (Warwickshire), au Lord Leicester’s Hospital (Warwick), au New College de l’Oxford University, à Chastleton House (Oxfordshire) et au Middle Temple à Londres. La diffusion en Grande-Bretagne est initialement programmée pour septembre 2005, mais elle entre en conflit avec celle du film de Helen Mirren et, beau joueur, la BBC décide de ne sortir The Virgin Queen, production du terroir bénéficiant des trésors de l’architecture patrimoniale, qu’après son passage à l’affiche de « Masterpiece Theatre » (Boston) sur la chaîne américaine PBS, programme réservé aux séries télévisées de prestige d’origine britannique. Les Américains découvrent donc la série en novembre, les Anglais seulement en janvier-février de l’année suivante.
Robert Dudley (Tom Hardy), ami et confident amoureux d’Elizabeth (Anne-Marie Duff).
 C’est l’Irlandaise Anne-Marie Duff qui assume le rôle-titre, une actrice de théâtre et de télévision rarement vue au cinéma (elle est une des filles-mères maltraitées par les religieuses catholiques dans The Magdalena Sisters de Peter Mullan, 2002), tandis que Tom Hardy, qui lui donne la réplique, a fait des débuts remarqués en 2001 dans deux fresques guerrières, la série Band of Brothers de Steven Spielberg et Black Hawk Down (2001) de Ridley Scott. Le scénario de Paula Milne reprend, en plus serré, la structure et les principaux épisodes de la mémorable série de 1971 avec Glenda Jackson, mais en axant plus fortement son récit sur la relation ambiguë entre Elizabeth et Dudley-Leicester, marquée par les blessures indélébiles de l’enfance. Les nuits de la souveraine sont hantées par des cauchemars récurrents où elle voit son père – prototype du mâle alpha – ricaner en parlant de sa « putain » de mère ; selon Milne, l’exécution d’Anne Boleyn pourrait expliquer l’opposition ultérieure d’Elizabeth à toute union matrimoniale et sa peur pathologique de l’intimité et des décisions de mise à mort. Pour se protéger, elle se crée un statut iconique de vierge, de femme toute-puissante, image magnifiée qu’elle peaufinera tout au long de son règne.
Le récit débute en mars 1554, vers la fin de règne de « Bloody Mary » Tudor (une remarquable prestation de Joanne Whalley), lorsque la princesse attend son sort à la Tour puis, ayant échappé de justesse au bourreau, vit sous surveillance à Hatfield Manor ; elle s’y lie avec Dudley et les deux adolescents (« Bess and Robbie ») développent une liaison amoureuse mais chaste ; la princesse exprime déjà son désir de ne jamais se marier. Devenue reine, Elizabeth est courtisée vainement par Philippe II d’Espagne, l’archiduc Charles d’Autriche et le duc d’Anjou. Lorsqu’elle frôle la mort en attrapant la variole, elle nomme Dudley Lord Protector, c’est à dire régent pendant son absence, ce qui fait jaser la cour. Le décès suspect d’Amy Robsart (que Dudley a dû épouser à la demande de ses parents) est présenté comme un suicide, mais Elizabeth est en fureur quand elle apprend le remariage de son bien-aimé avec Lettice Knollys. Le scénario laisse sous-entendre que le jeune Essex serait le fils secret de ces deux derniers. Au décès de Dudley, Lettice, bannie de la cour, encourage son fils à profiter des faiblesses de sa rivale couronnée pour s’enrichir, puis à prendre le pouvoir. Tiraillé entre sa mère et la reine qui se haïssent mutuellement, Essex perd son équilibre mental, est blessé en duel avec Charles Blount, s’auto-apitoye puis tente un coup d’État qui lui coûte la vie. Après son exécution, la reine fait une dépression, se met à souffrir de démence sénile et à se promener en armure dans son palais de crainte d’être assassinée. Sur son lit de mort, elle revoit les étapes de sa vie avant de succomber à une crise cardiaque. Au doigt de la morte, Robert Cecil découvre une bague avec un médaillon caché qui ne l’a jamais quitté : le portrait de « cette putain d’Anne Boleyn », sa mère... (des propos impensables venant de la bouche d’un Lord du Sceau Privé !).
La série se veut une approche moderne de la matière, un « thriller » mélodramatique (Gledroyc dixit) soutenu par une musique contemporaine, du folk-rock aux accents africains (Mediæval Bæbes, London Bulgarian Choir) mêlé à des airs médiévaux et celtiques. L’émotion et les amours priment sur la politique, le religieux ou le militaire – ce qui ampute l’ensemble d’une dimension tout sauf négligeable, cela d’autant plus que, quoiqu’en dise la BBC, le scénario est ponctué d’une myriade d’inexactitudes. En outre, les personnages autour d’Elizabeth oublient de vieillir avant l’épisode final et le Dudley de Tom Hardy se comporte comme un teenager attardé, affable et falot, dépourvu du charisme et de la finesse cultivée qu’on attribuait au comte de Leicester. Mais le principal handicap de la série reste Anne-Marie Duff, au demeurant excellente comédienne qui se débat avec vaillance dans le labyrinthe psychologique du rôle, mais ne possède ni la majesté, ni la dignité, le feu et l’intelligence aiguë de son modèle. Nous sommes loin de la grande manipulatrice qui marqua son siècle et plaça l’Angleterre sur la carte du monde : « More soap-opera than history », se lamente la critique. En guise de prix de consolation, le téléfilm obtient un BAFTA Award bien mérité pour les costumes d’Amy Roberts et deux nominations (meilleure série dramatique, Duff), un Emmy Award (série), IFTA Award (Duff).
ES: La reina virgen.
2005® (tv) Princes in the Tower (GB) de Justin Hardy. – av. Nadia Cameron-Blake (Elizabeth Ire).
2006(tv-mus) Roberto Devereux (IT) de Francesco Bellotto (th) et Matteo Richetti (vd)
Dynamic S.r.l.-Bergamo Music Festival, 134 min. – av. Dimitra Theodossiou (Elizabeth Ire), Massimiliano Pisapia (Robert Devereux, comte d’Essex), Federica Bragaglia (Sarah [=Catherine Carey], comtesse de Nottingham), Andrew Schroeder (Charles Howard, comte de Nottingham), Giorgo Valerio (Sir Walter Raleigh), Luigi Albani (Lord Cecil [=Sir William Cecil, Lord Burleigh]).
Les amours tragiques d’Elizabeth et d’Essex selon la tragédie lyrique en trois actes de Gaetano Donizetti (1837), cf. captation de 1975. Filmé à Bergamo, en Lombardie.
2006(tv) Sir Francis Drake – Voyage Around the World (GB) Jeremy Freeston
Série « Great Adventurers », Jeremy Freeston/Cromwell Productions, 50 min. – av. Kate Dunn (Elizabeth Ire), Hu Pryce (Sir Francis Drake), Jeremy Freeston (un marin), Ian Brooker (un officier), Michael Leighton (narration).
Docu-fiction avec utilisation de la réplique du « Golden Hind(e) » de Roddy Coleman.
2006® (tv) La mandrágora (ES) de Miguel Sarmiento (TVE 12.7.06). – av. Lindsay Kemp (Elizabeth Ire).
La reine « divinisée » à Tilbury, en armure blanche. – Discussion joyeuse avec Sir Francis Walsingham.
2007** Elizabeth : The Golden Age / Elizabeth : L’Âge d’or / Elizabeth – Das goldene Königreich (GB/FR/DE/US) de Sekhar Kapur
Tim Bevan, Jonathan Cavendish, Eric Fellner, Mary Richards/Working Title Films Ltd. (London)-StudioCanal Image SA (Paris)-Motion Pictures ZETA Produktionsgesellschaft mbH & Co. (Pullach/Bayern)-Universal Pictures (Hollywood), 114 min. – av. Cate Blanchett (Elizabeth Ire), Geoffrey Rush (Sir Francis Walsingham), Clive Owen (Sir Walter Raleigh), Abbie Cornish (Bess/Elizabeth Throckmorton, Lady Raleigh), Steven Robertson (Sir Francis Throckmorton, son cousin), Samantha Morton (Mary Stuart), Jordi Mollà (Philippe II d’Espagne), Aimee King (la petite Isabella, infante d’Espagne), William Houston (Don Guerau de Espés del Valle, ambassadeur d’Espagne), Laurence Fox (Sir Christopher Hatton), John Shrapnel (Lord Admiral Charles Howard, comte de Nottingham), Susan Lynch (Annette [=Mary] Fleming), Rhys Ivans (le comploteur jésuite Robert Reston [=John Ballard]), Eddie Redmayne (Thomas [=Anthony] Babington), Stuart McLoughlin (John Savage), Penelope McGhie (Margaret), Adrian Scarborough (Calley), Steven Loton (l’Algonquin Manteo, chef des Croatan), Martin Baron (l’Algonquin Wanchese de Roanoke), Jeremy Barker (Ramsey), George Innes (Burton), Adam Godley (William Walsingham, frère de Francis), Kelly Hunter (Ursula Walsingham, épouse de Francis), Christian Brassington (Charles II, archiduc d’Autriche), David Robb (l’amiral Sir William Winter), Robert Cambrinus (le comte Georg von Helfenstein), Tom Hollander (Sir Amias Paulet), Sam Spruell (un tortionnaire), David Threlfall (l’astronome-astrologue Dr. John Dee), Tim Preece (Sir Nicholas Throckmorton), Vidal Sancho (le ministre espagnol), Dave Legeno (le bourreau), Antony Carrick (l’archevêque espagnol).
Synopsis : « En 1585, l’Espagne domine le monde et Philippe II, fervent catholique, a plongé l’Europe dans la guerre sainte. Seule l’Angleterre résiste, gouvernée par une reine protestante, Elizabeth. Sa cousine catholique, Mary Stuart, ex-reine d’Écosse qui la considère comme une bâtarde usurpatrice, est emprisonnée dans une forteresse anglaise » (à Chartley). Avec ce texte introductif lapidaire, ultradramatique, le ton est donné. À l’Escurial, entouré de religieux capuchonnés en noir, silhouettes vampiriques sorties du Nosferatu de Murnau, Philippe déclare que l’Angleterre est « sous l’emprise du diable ». Sur ses ordres, des forêts entières sont abattues pour construire la plus grande flotte jamais vue, « apte à transporter les légions du Christ contre la bâtarde stérile et athée ». À Londres, des Parlementaires martèlent que « chaque catholique anglais est un assassin potentiel », ce à quoi Elizabeth, à présent âgée de 52 ans, rétorque qu’elle ne tient pas compte des croyances, mais seulement des faits, et en effet, les catholiques anglais ne sont pas persécutés, bien qu’ils ne reconnaissent que Mary Stuart comme leur reine légitime. Elizabeth reçoit son monde à Whitehall, où la délégation espagnole se plaint amèrement des raids des pirates anglais alors qu’un des responsables de ces rapines, le corsaire Walter Raleigh, de retour du Nouveau Monde, tente d’approcher le trône flanqué de deux individus aux accoutrements exotiques, les Algonquins Manteo et Wanchese. Le « coup du manteau dans la boue » n’ayant pas eu d’effet apparent, Raleigh parvient, grâce à l’entremise de Bess Throckmorton, dame de compagnie et proche confidente d’Elizabeth, à exposer ses plans pour établir une colonie anglaise à Roanoke, dans une région baptisée Virginie en honneur de la « reine vierge ». Il charme la souveraine par le récit coloré de ses exploits lointains, l’initie au tabac, lui fait goûter des pommes de terre. Elizabeth peine à réprimer le trouble que lui inspire le séduisant aventurier et encourage Bess à se rapprocher de lui. Mais elle interdit à Raleigh de reprendre la mer, l’adoube et le nomme capitaine de sa garde personnelle. Tandis que l’ambassadeur d’Espagne fulmine contre les razzias de Raleigh aux Antilles, le « pirate politicien » explique à la reine que « plus il rapportera d’or en Angleterre, plus elle sera en sécurité. »
Sir Walter Raleigh (Cliff Owen) séduit la reine et sa suite par ses récits d’aventures.
 Entre-temps, Sir Francis Walsingham, secrétaire d’État et maître-espion, déjoue le complot catholique d’Anthony Babington auquel son propre frère William (personnage fictif) est mêlé et qui vise à éliminer Elizabeth ; il désarme son frère venu le poignarder et le fait exiler en France. Alors que la reine prie à St. Paul’s, Babington s’introduit dans la chapelle et vise Elizabeth avec un pistolet, mais le coup ne part pas et l’assaillant est neutralisé. Walsingham ordonne l’incarcération, la torture et la pendaison de tous les conspirateurs à la solde du duc de Guise et des Espagnols, parmi lesquels le cousin de Bess, Francis Throckmorton ; Raleigh console Bess en pleurs et entame une liaison avec elle. Walsingham ignore toutefois que les agents de l’Escurial avaient pour mission d’impliquer Mary Stuart dans la conspiration, de faire en sorte que la tentative d’assassinat échoue (l’arme n’était pas chargée), que l’arrogante reine d’Écosse soit exécutée, que Philippe soit ainsi justifié à envahir l’Angleterre avec l’approbation du Saint Siège et à s’emparer du trône, pour lui-même ou pour sa fille, l’infante Isabelle. (Aucun document historique n’atteste d’aussi machiavéliques intentions !) L’opération réussit : soupçonnée d’être au courant de ces manigances (qu’elle ignorait en réalité), Mary Stuart est arrêtée, transférée à Fotheringay, puis jugée pout haute trahison ; faisant fi des réserves hypocrites d’Elizabeth (qui refuse de verser le sang d’une autre reine), le Parlement la condamne à mort. Puis l’ambassadeur d’Espagne ayant accusé publiquement Elizabeth d’héberger dans son lit royal les « pirates ancrés dans la Tamise », la souveraine humiliée le renvoie dans son « trou à rats » et crie qu’elle commande aux vents et qu’elle a en elle un ouragan qui décimera tout ennemi venu de la mer. C’est la guerre. Le mathématicien, alchimiste et astrologue personnel d’Elizabeth, Dr. John Dee, prédit la montée d’un grand empire et la chute d’un autre, mais lequel ? Philippe II envoie son immense flotte contre la « vierge sanguinaire » afin de rétablir la « vraie Foi » en Angleterre. C’est alors que la reine apprend que Bess est enceinte et qu’elle et Raleigh se sont mariés sans son consentement ; furieuse, se sentant doublement trahie, elle roue Bess de coups et fait enfermer le couple à la Tour. Mais l’Armada est en vue. Le 19 août 1588, sur son destrier blanc, Elizabeth exhorte ses forces terrestres rassemblées à Tilbury (Essex), dans l’estuaire de la Tamise, en vue d’un éventuel débarquement espagnol qui « livrerait les Anglais à l’Inquisition ». Simultanément, elle ordonne la mise en liberté de tous les prisonniers du royaume (« tous des Anglais capables de se battre »), Drake et son épouse compris. Grâce à la stratégie développée par ses capitaines, dont Drake à bord du Yacht Royal et Raleigh à bord du Tyger, qui lancent des bateaux-brûlots contre la flotte espagnole, l’Armada connaît une déroute cinglante. Pris dans les tempêtes de la mer du Nord et les flammes, ses navires ne parviennent pas à atteindre les côtes anglaises. Raleigh éperonne un vaisseau ennemi, abandonne au dernier moment son navire en feu et saute à l’eau. Le royaume est sauvé. Tandis que Walsingham se meurt, Elizabeth se réconcilie avec Raleigh et Bess et bénit leur nouveau-né qu’elle prend dans ses bras. Tandis qu’elle sourit à l’enfant qu’elle n’aura jamais, on entend sa voix en off : « On m’appelle la Reine Vierge – célibataire, je n’ai pas de maître – sans enfants, je suis la mère de mon peuple – mon Dieu, donne-moi la force de porter cette terrible liberté – je suis votre reine – je suis moi. »
 En 2007, Cate Blanchett reprend donc le rôle qui l’a révélée : dans Elizabeth de Shekhar Kapur, film stylistiquement très innovateur de 1998, la jeune reine s’imposait en faisant face aux menaces internes ; c’était le passage de l’innocence à l’inhumanité du pouvoir. À présent – l’intrigue se situant près de trois décennies plus tard – il s’agit de contrer les dangers venus de l’extérieur, ce que souligne la publicité : « Woman. Warrior. Queen ». Pourtant, l’actrice a longtemps hésité avant d’accepter l’idée d’une suite qui la présente féline dans les ballets diplomatiques avec les dignitaires européens, très chatte avec ses dames de compagnie, manipulatrice avec les hommes qui l’admirent – tout en imposant son omnipotence et sa solitude. Comme il le fit dans le premier volet de son diptyque, le cinéaste indien ne s’embarrasse pas d’exactitude quant aux faits ou aux personnages historiques et bouscule joyeusement la chronologie. On constate d’emblée que tous les habituels favoris d’Elizabeth sont absents : Robert Dudley, comte de Leicester, lieutenant-général des armées terrestres et ami de toujours, ainsi que son jeune beau-fils Robert Devereux, comte d’Essex (23 ans en 1588) étaient de service lors du péril de l’Armada, mais ils ne sont même pas mentionnés ; quant à Sir Francis Drake, vice-amiral de la flotte anglaise, son nom tombe deux fois, il fait de mini-apparitions mais il n’est pas crédité au générique. Ici, Raleigh synthétise à lui seul tous les amants supposés de la reine, afin d’illustrer les rapports complexes que celle-ci entretenait avec la gent masculine en général. Dans les faits, le psychodrame du mariage de Raleigh est postérieur aux événements relatés dans le film de Kapur : Raleigh et Bess furent mariés en automne 1591, soit trois ans après l’Armada. Leur enfant naquit en mars 1592, la reine apprit la chose en mai. Après trois mois en prison, Raleigh, retiré avec son épouse à Sherborne Castle, resta écarté de la cour pendant cinq ans pour avoir refusé de demander pardon. Contrairement aux chromos populaires, ce n’est pas Raleigh qui introduisit le tabac et les pommes de terre en Angleterre, et il ne se rendit jamais personnellement en Virginie. Charles, le malheureux archiduc d’Autriche qui amuse la reine en baragouinant l’anglais (elle lui répond en allemand, langue qu’elle ne connaissait pas) entreprit bien de timides négociations de mariage vers 1565, mais ne mit jamais les pieds en Angleterre. Walsingham mourut non pas au lendemain de l’Armada, mais vingt-et-un mois après, en avril 1590. L’assassinat manqué de la reine est la combinaison de plusieurs complots (Throckmorton, Parry, Babington), etc. Pour le déroulement de l’affrontement naval, où, en vérité, aucun navire hispanique ne prit feu, les Espagnols ayant levé l’ancre en panique afin d’éviter l’incendie général, Kapur ressert sans d’états d’âme la légende fabriquée après coup par la propagande anglaise, en exagérant lourdement les pertes espagnoles et en magnifiant l’héroïsme des marins de la reine (Drake dirigea un navire-brûlot, pas Raleigh – qui était en Irlande au moment de la bataille !) ; quant au discours royal à Tilbury, il eut lieu onze jours plus tard, une fois la flotte de Philippe II disparue de l’horizon (pour plus de détails, cf. nos rectificatifs en conclusion du film Fire over England en 1937). Bref, on pourrait croire que le transfuge de Bollywood reprend à son compte la devise que son grand confrère hollywoodien John Ford attribue aux journaleux de l’Amérique profonde : « Quand la légende devient un fait, imprimez la légende » (dans The Man Who Shot Liberty Valance, 1962). Mais il n’en est rien, l’approche de Kapur se situant à un autre niveau, purement artistique et personnel, et si ses libertés relèvent sciemment du mythe populaire tel qu’il s’est forgé au fil des siècles, elles aboutissent à une hagiographie baroque pleinement assumée, célébrant un règne qui fut à ses yeux l’apogée de l’audace et de la créativité. « L’Histoire n’est finalement que de l’interprétation », souligne-t-il avec malice, « elle est écrite par ceux qui détiennent le pouvoir ».
Fidèle à cette vision « mythologisante », le film se lit comme un combat de titans, l’incarnation de la tolérance contre celle de l’obscurantisme. La démonisation des catholiques qui scandalisera l’Osservatore Romano ou le National Catholic Register est bien sûr outrancière ; les prélats entourant Philippe II sont d’une noirceur quasi caricaturale (on se croirait dans The Da Vinci Code) et, lors de la défaite de l’Armada, les crucifix géants et les lourdes cloches d’église à bord des navires ennemis glissent dans la mer tandis que les flammes anéantissent l’agresseur « infernal ». Kapur récuse toutefois l’accusation d’anticatholicisme, il dénonce simplement l’extrémisme de toutes les religions. Après la fatwa contre Salman Rushdie ou les attentats-suicides du 11 septembre 2001 à New York, dit-il, l’Occident, qui a la mémoire courte, s’imagine que tout fondamentalisme est forcément oriental. En revanche, présenter les sujets d’Elizabeth comme jouissant d’une parfaite liberté de conscience paraît largement exagéré ; la bulle papale Regnans in excelsis (du 25 février 1570) qui déliait ses sujets catholiques de toute obligation d’obéissance fournit à la Couronne d’Angleterre un prétexte en or pour la répression (quoique certains missionnaires furent exécutés pour des motifs politiques), tandis que, parmi les intégristes adverses, l’opposition virulente des protestants radicaux, les puritains, influents à l’université et sur une partie importante des couches dirigeantes du pays, fut tenue plus ou moins en respect grâce au Parlement avant qu’elle ne déchire tout le pays au XVIIe siècle, sous Cromwell.
Il s’agit cette fois d’une coproduction internationale, à nouveau sous l’égide de Working Title Films à Londres, mais réunissant des capitaux anglo-franco-germano-américains, ce qui permet de gonfler le budget à 55 millions de $. À l’affiche, l’Australien Geoffrey Rush qui campe à nouveau Walsingham est rejoint par la blonde Abbie Cornish (Australienne elle aussi) en Bess et par Clive Owen, nominé à l’Oscar pour Closer de Mike Nichols en 2004, en Raleigh ; Samantha Morton est saisissante en Mary Stuart grassouillette, naïve, dupée par les siens. Alexandra Byrnes dessine à nouveau les costumes et, à la caméra, Remi Adefarasin fournit derechef des compositions qui sortent des sentiers battus. Toutes les robes, en majorité à vertugadin, d’un luxe ostentatoire et choisies par la reine en fonction de l’image qu’elle voulait donner (l’authentique Elizabeth en possédait paraît-il 3000), sont inspirées des dessins du célèbre couturier espagnol Cristóbal Balenciaga, tracés exécutés à partir de la peinture d’époque ; les chapeaux à plumes sont créés par Stephen Jones, un modiste de Christian Dior, et les bijoux par Erickson Beamon ; Cate Blanchett, frisettes couleur de feu, aigrettes agressives, collerettes ou fraises surdimensionnées, endosse 16 perruques différentes. Outre les studios de Shepperton (Surrey), le tournage en juillet-août 2006 a lieu dans les châteaux d’Eilean Donan (Kyle of Lochalsh) et de Doune (Stirling) en Écosse. Mais Kapur reste surtout fasciné par les lieux rituels. L’intérieur de l’Escurial, antre obscur, illuminé aux bougies, est photographié dans la nef de la cathédrale catholique de Westminster à Londres. Les recoins et chapelles de la cathédrale d’Ely (Cambridgeshire) deviennent la cour d’Elizabeth à Whitehall où les nombreux éléments féminins, comme les fleurs gravées dans la pierre, les gargouilles et les couleurs renforcent l’idée que la reine a pris entièrement possession des lieux. La cathédrale de Wells (Somerset) abrite le mariage de Raleigh et Bess. D’autres sites patrimoniaux tels que St. John’s College de Cambridge University, Baddesley Clinton (Warwickshire), Brean Down (Weston-super-Mare, Sommerset), Burghley House à Stamford (Lincolnshire), Burnham-on-Sea (Somerset), Dorney Court (Buckinghamshire), Hatfield House (Hertfordshire), Leeds Castle (Kent), Petworth House (West Sussex), St. Barthomolew’s Hospital à Londres et la cathédrale de Winchester (Hampshire) sont utilisés comme décors partiels. Le célèbre discours à Tilbury est enregistré à Brean Down, sur la côte du Somerset.
Kapur filme les intérieurs privés d’Elizabeth dans des décors circulaires pour exprimer ses questionnements personnels, et les scènes professionnelles avec le trône dans des pièces rectangulaires. Les parois sont remplacées par une structure légère d’arches et de colonnes qui permettent une variété infinie d’angles et de prises de vues, l’ensemble étant illuminé par une profusion de bougies en grappes. De manière générale, la palette des couleurs est plus claire, afin d’exprimer l’assurance d’une reine qui a surmonté ses doutes ; pour les moments de troubles érotiques, le cinéaste habille sa souveraine en bleu azur, une couleur quasi inexistante à la cour des Tudor. Le gros du travail sur les décors – qui mêlent passé et modernité – incombe à Guy Hendrix Dyas, également responsable des images de synthèse (animation CGI) très élaborées pour toute la partie navale. Dyas a refusé d’utiliser des bateaux miniatures et fait construire en studio la réplique d’un galion d’époque en grandeur nature, 55 mètres de long, habitable et fixée sur une armature en acier montée sur un mécanisme mobile, dont un flanc est orné à l’anglaise (le Tyger de Raleigh) et, pour réduire les coûts, l’autre à l’hispanique. Les scènes filmées ont ensuite été intégrées dans un cadre maritime numérique. Le résultat est stupéfiant de réalisme et les tableaux ainsi créés, proches de la peinture de marine hollandaise, font partie des moments forts du film.
Elizabeth avec Raleigh – et Bess, sa dame de compagnie.
 En dépit de réparties souvent excellentes, la matière du scénario de Michael Hirst et William Nicholson semble plus mince, car les événements historiques narrés ici ont déjà été abondamment traités et les clichés relatifs aux exploits de Raleigh relèvent de la littérature pour la jeunesse. The Virgin Queen (Le Seigneur de l’aventure) de Henry Koster en 1955, avec Bette Davis (cf. supra), adoptait le point de vue de Raleigh, jouet rebelle d’une souveraine tyrannique. Mais, outre son imagerie débridée, la grande originalité d’Elizabeth : The Golden Age réside dans son approche psychologique, unique à ce jour au cinéma. Kapur veut creuser la nature, les contradictions et les motivations complexes de son héroïne qui s’interdit le mariage par crainte de perdre le pouvoir, libère ses énergies libidinales à travers les intrigues de cour et les conflits internationaux tout en guettant les rides naissantes sur son visage (avec ses 39 ans, Cate Blanchett est encore bien jeune pour une reine de 52 à 56 ans). Derrière son masque, c’est une « femme vide » (« a hollow woman »), seule, vulnérable, privée de l’affection d’un homme et d’enfants. Elle trompe sa solitude auprès de ses dames de compagnie et partage une amitié particulière avec Bess Throckmorton, la plus jolie de toutes, qu’elle choie et câline ; Bess lui tient la main, l’appelle « mon aventurière », lui caresse les cheveux et partage son intimité au bain (allusions discrètes de lesbianisme). Selon le cinéaste, Bess incarnerait le côté mortel de la déesse Elizabeth et elles seraient les deux faces d’un même personnage. « Toutes deux se ressemblent, dit-il, elles sont en fin de compte la même personne. »
Débarque Raleigh, romantique en diable et qui se mue en épigone d’Errol Flynn. Bess est chargée d’approcher Raleigh et de l’introduire auprès de sa maîtresse. Le troublant pirate, incarnation fantasmatique d’un esprit libre, stimule d’abord sa passion pour l’aventure : intelligente et cultivée, Elizabeth n’a jamais pu quitter l’Angleterre et les explorations du marin par-delà le monde connu des cartographes la fascinent. Promenades à cheval, un baiser (qu’elle exige) réveillent son désir. Se développe alors une relation triangulaire aux transferts multiples que Kapur cherche à approfondir. Elizabeth pousse Raleigh à danser le volte avec Bess, spectacle qui l’électrise, puis manipule le couple afin de vivre par procuration l’amour qu’elle s’interdit, comptant garder le contrôle du cœur et de l’esprit de son chevalier servant tout en lui offrant le corps de sa favorite. Kapur intercale en montage parallèle la souveraine nue devant son miroir et Raleigh et Bess en pleine étreinte. Elizabeth utilise Raleigh et Bess comme poupées érotiques, représentations de sa propre androgynéité, masculine et féminine. Mais, fatale erreur, elle ne s’attend pas à ce que ses jouets lui échappent en tombant amoureux, et qu’elle en perde le contrôle. Une trahison à ses yeux.
Lors de la bataille de Gravelines contre l’Armada, Raleigh quitte son navire en feu.
 À la violence de ce réveil répond celle de l’attaque espagnole, un combat auquel Kapur confère une dimension cosmique. Une première ébauche du scénario montrait les marins anglais incapables d’arrêter l’avancée de l’Armada, jusqu’au moment où la reine elle-même déclenchait tempêtes et éclairs dans la Manche. La production a prudemment renoncé à cette intervention surnaturelle. Bardée de métal telle Jeanne d’Arc devant Orléans, Elizabeth change de garde-robe. La soie bleue cède sa place à l’armure argentée, ornée d’un voile blanc scintillant. Comme l’annonçaient déjà les derniers plans du film précédent, la reine se met littéralement en scène, instaurant un culte qui vise à rendre son image majestueuse et immortelle, foncièrement persuadée que son règne est « de droit divin ». Hélas, c’est là que Kapur, sous l’impact des splendeurs conjurées à l’écran, se laisse glisser dans l’emphase et le kitsch. Son film bascule dans l’excès illustratif à partir de l’exécution de Mary Stuart que le cinéaste-enlumineur alourdit d’inutiles ralentis, de sur-dramatisations, de fondus au blanc et d’effets de montage pompeux qui ne font que souligner l’aspect « révisionniste » de l’ensemble (la « mystique du trône »). Plus tard, Elizabeth apparaît en chemise de nuit sur les falaises de Tilbury battues par les vents et les vagues déchaînées tandis que les flammes de la vengeance illuminent l’horizon et que l’Armada sombre aux sonorités d’un chœur liturgique (la musique d’Allah Rakha Rahman, de Chennai, a été choisie sur insistance de Cate Blanchett, passionnée de civilisation hindoue). Lors de ces dernières scènes d’opéra ou de musical déjanté, la reine, entourée d’un halo de lumière, se trouve sanctifiée, divinisée dans un étourdissement final (avec tournoiement de la caméra et contre-plongées). Compte tenu de ces dérapages dans une grandiloquence très peu british, on est en droit de se demander si Kapur – qui aurait invoqué théâtralement Ganesha, « celui qui enlève les obstacles », tous les matins du tournage – ne confond pas un peu sa princesse Tudor avec les déités du Mahâbhârata...
La victoire d’Elizabeth : l’Armada espagnole en flammes, un fantasme.
 Cela dit, sur le plan purement cinématographique, Elizabeth : The Golden Age est tout sauf indifférent, et le doigté psychologique comme les audaces de Kapur tranchent de manière assez jouissive sur le lot des films et téléfilms consacrés à la souveraine. Cate Blanchett porte le film et ses délires avec grâce, élégance et majesté, poignante dans la gaieté comme dans le drame. Son approfondissement en finesse, sa verve, sa coquetterie et son adéquation naturelle au rôle surprennent – et font tout passer. Mais on ne peut se défaire de la fâcheuse impression qu’aux yeux des producteurs cette suite au film de 1998 n’avait pas d’autre objectif que de spéculer sur le succès financier du premier opus plutôt que d’obéir à une véritable envie de poursuivre le récit. La première mondiale a lieu au Festival international de Toronto. Les rentrées pécuniaires sont un peu inférieures mais toujours estimables (recettes mondiales : 75'800’000 $) et l’accueil critique relativement mitigé. Le film récolte un Oscar pour les costumes et une nomination pour Cate Blanchett ; l’actrice est également nominée pour un Golden Globe Award (Hollywood) et un BAFTA Award (Londres). Kapur envisagerait un troisième – et dernier – volet de sa « trilogie du pouvoir » intitulé Elizabeth : The Dark Age. En attendant le feu vert de sa star, il ne quitte pas entièrement la période élisabéthaine puisqu’il signe en 2017 quatre épisodes de la télésérie américaine Will, avec Laurie Davidson dans le rôle du jeune Shakespeare.
ES: Elizabeth: La edad de oro.
2007® (tv) Doctor Who : The Shakespeare Code (GB) de Charles Palmer. – av. Angela Pleasence (Elizabeth Ire).
2007® (vd-mus) Maria Stuarda (IT) de Pier Luigi Pizzi et Davide Mancini. – av. Laura Polverelli (Elizabeth Ire).
2007Roanoke: The Lost Colony (GB) de Bertie Stephens
Bertie Stephens/BSDS Productions, 84 min. – av. James Alexander (Sir Walter Raleigh), Michael Armstrong (Waits), Michael Chalkley (Christian), Misha Crosby (Tom Alexander), Andy Courtney (John White, gouverneur de Roanoke), Charlotte Hunter (Eleanor Dare-White), Fraser Knight (Ananias Dare), Rhett Giles (George), Marcus Massey (Edward), Anthony Morter (cpt. Barlowe), Ivor Potter (Simon Fernandez), Brogan West (Nathaniel Hawthorne).
En 1585, Sir Walter Raleigh finance une expédition vers les côtes d’Amérique du Nord, au nord de la Floride espagnole, menée par Richard Grenville. Sur l’île de Roanoke, Grenville prend possession des terres habitées par les Algonquins au nom de la reine d’Angleterre, baptisant le pays “Virginie” (aujourd’hui Caroline du Nord), et fonde Fort Raleigh. Après une année de survie dans l’île, le dessinateur et géomètre John White, auteur des célèbres dessins réimprimés plus tard par Théodore de Bry, est rapatrié en Angleterre grâce au détour que le corsaire Francis Drake fait faire à ses navires au retour du sac d’Hispaniola dans les Antilles en 1586. L’année suivante, lorsque Raleigh organise une seconde campagne de colonisation vers les côtes de Virginie, avec un effectif de 112 hommes et femmes, White est choisi comme gouverneur de la colonie de Roanoke. À la suite de dissensions avec les Amérindiens, la colonie commence à souffrir de disette et White doit retourner d’urgence en Angleterre commander du ravitaillement. Mais la mère-patrie est à présent en guerre avec l’Espagne et tous les navires sont mobilisés. Lorsqu’il refait voile vers Roanoke en août 1590, White découvre l’île désertée et retourne bredouille à Plymouth ; seul subsiste le mot “Croatoan” gravé dans le bois d’une hutte. Nul ne sait ce qu’il est advenu de la centaine de colons restés sur place en 1587, parmi lesquels la fille de White, Eleanor, son beau-fils Ananias Dare et sa petite-fille Virginia. – Nota bene : deux Algonquins, Manteo et Wanchese, furent présentés à la reine Elizabeth Ire par Raleigh à Londres en 1584, où ils séjournèrent pendant huit mois avant de retourner à Roanoke. Manteo devint par la suite un étroit collaborateur et traducteur du gouverneur John White, et se convertit au christianisme en 1587. L’arrivée des deux Amérindiens à la cour est reconstituée brièvement dans Elizabeth : The Golden Age de Shekhar Kapur (2007).
Une production modeste mais instructive mise sur pied par des étudiants de la London South Bank University, filmée à Bristol, dans le Suffolk (West Stow), Sussex (West Wittering), Hampshire (Fleet) et au Weals & Downland Open Air Museum à Singleton (Chichester, West Sussex).
2007(tv) Wraiths of Roanoke / Lost Colony (US/BG) de Matt Codd
Dana Dubovsky, Rafael Jordan, Mark L. Lester/American World Pictures (AWP)-Rainstorm Entertainment, 95 min. – av. Adrian Paul (Ananias Dare), Frida Farrell (Eleanor Dare-White), Alex McArthur (John White, gouverneur de Roanoke), Rhett Giles (George Howe), Michael The (Manteo), Mari Mascaro (Elizabeth Viccars), George Calil (Thomas Stevens), Doug Dearth (Gregory Hemphill), Atanas Srebrev (Samuel Fillion), Hristo Mitzkov (Ambrose Viccars), Terence H. Winkless (Frère Jacob), George Zlatarev (Simon Fernandez), Dessie Morales (une femme Viking).
Une version horrifique du sort des colons disparus de Roanoke, dont Ananias Dare a pris la direction en l’absence de son beau-père, le gouverneur John White, parti chercher des vivres en Angleterre (cf. film de 2007). Quoiqu’aidés par un Amérindien chamane, les malheureux sont assiégés par trois sorcières vikings et des revenants d’un autre temps. Tournage sans surprises en Bulgarie, avec effets numériques gores fauchés, ralentis, flous et accélérés bien inutiles (cf. supra, film de 2007).
2008Sir Francis Drake: The Queen’s Pirate (CA) d’Adrian Carter
Adrian Carter, Jonas Diamond/Smiley Guy Studios (Toronto), 6 min. – av. Scott Gorman (Sir Francis Drake), Seán Cullen (le vice-amiral Lord Howard of Effingham), Joe Pingue (Giovanni Battista Boazio, l’ami de Drake), Ian Rutledge (le lieutenant), Adrian Egan (narration).
Alors que l’Armada s’approche des côtes anglaises, Drake sauve son honneur et règle ses comptes avec son vieil ennemi, le vice-amiral Lord Howard d’Effingham, en le battant au jeu de boules… tandis que sifflent les premiers boulets espagnols. Petite comédie filmée à Toronto (Ontario).
2008® (tv-mus) Maria Stuarda (IT) de Pier Luigi Pizzi (th) et Carlo Tagliabune (tv). – av. Anna Caterina Antonacci (Elizabeth Ire).
2008® (tv) Maria Stuart (DE) de Stephan Kimmig, Peter Schönhofer. – av. Paula Dombrowski (Elizabeth Ire).
2008® (vd) The Twisted Tale of Bloody Mary (GB) de Chris Barnard. – av. Imogen Slaughter (Elizabeth Ire).
2009(tv) The Immortal Voyage of Captain Drake : The Pirate King (Le Voyage fantastique du capitaine Drake) (US/BG) de David Flores
Jeffery Beach, Philip J. Roth/Sci Fi Pictures-Voyage Productions (Sci Fi Channel 17.1.09), 86 min. – av. Adrian Paul (Sir Francis Drake), Temuera Morrison (Don Sandovate), Wes Ramsey (Peter Easton), Daniel Kash (Baldassare Kossa), Sofia Pernas (Isabella Drake), Nick Harvey (Wendon), Valentin Ganev (Sayif).
En 1592, quatre ans après l’anéantissement de l’Armada espagnole, Drake affronte à nouveau son vieil ennemi, le capitaine Don Sandovate qui cherche à s’emparer de ses trésors, tandis que sa fille Isabella est enlevée par un sultan syrien ; la quête d’un arbre aux pouvoirs magiques lui permet de surmonter tous les obstacles. Fantaisie écervelée avec effets spéciaux bricolés, entre Aladin et Robin des Bois. Un passe-temps pour teenagers fatigués. – DE: Die unglaubliche Reise des Sir Francis Drake, IT: L’incredibile viaggio di Captain Drake.
2010(tv) Revealed : The Virgin Queen’s Fatal Affair (Élisabeth Ière. Les Secrets de la reine vierge) (GB) de Tom Cholmondeley et Mark Fielder
Mark Fielder, Andrew O’ Connell/Quickfire Media-Cholmondeley Films Ltd.-National Geographic Television (Channel Five 18.11.10), 48 min. – av. Samantha E. Hunt (Elizabeth Ire).
A Oxford le 8 septembre 1560, la mort soudaine d’Amy Robsart, épouse secrète du favori de la reine Robert Dudley, comte de Leicester, provoque de folles rumeurs... Et si la reine avait commandité l’assassinat ? (cf. Kenilworth, le roman de Sir Walter Scott, le feuilleton de 1957 et autres versions). Amy a été retrouvée la nuque brisée au bas des escaliers, mais le rapport du légiste découvert 450 ans plus tard révèle d’autres blessures importantes. – Une enquête docu-fictionnelle menée par l’historien Chris Skidmore, filmée en partie au château de Kenilworth avec comédiens anonymes et scènes reconstituées. Lauréat des RTS West of England Awards 2010 (« Best Specialist Factual »).
DE : Elisabeth I. – Mörderin auf dem Thron.
2010® (vd-mus) Maria Stuarda (DE/IT) de Denis Krief et Tiziano Mancini. – av. Sonia Ganassi (Elizabeth Ire).
2011® (tv) Maria Stiouart (GR) de Spyros Evangelatos. – av. Maria Skountzou (Elizabeth Ire).
2011® (vd) King James Bible (KJB) : The Book that changed the World (GB) de Norman Stone. – av. Paola Dionisotti (Elizabeth Ire), Simon Gregor (Sir Robert Cecil). – cf. Absolutisme : Angleterre s. James I.
Edward de Vere, comte d’Oxford (Rhys Ifans) est-il le véritable auteur des drames de Shakespeare ? – À dr. : la reine Elizabeth âgée interprétée par Vanessa Redgrave.
2011** Anonymous / Anonymus (GB/DE/US) de Roland Emmerich
Roland Emmerich, Larry J. Franco, Robert Leger/Anonymous Pictures-Centropolis Entertainment (Culver City)-Relativity Media-Studio Babelsberg Motion Pictures GmbH-Columbia Pictures, 130 min. – av. Rhys Ifans (Edward de Vere, comte d’Oxford), Jamie Campbell Bower (Edward de Vere, comte d’Oxford jeune), Vanessa Redgrave (Elizabeth Ire), Joely Richardson (Elizabeth Ire jeune), Sebastian Armesto (Ben Johnson), Rafe Spall (William Shakespeare), David Thewlis (Lord William Cecil, baron Burghley, secrétaire d’État), Edward Hogg (Sir Robert Cecil, comte de Salisbury, son fils), Ulrike Brandt (Elizabeth Cecil-Brooke, femme de Robert), Xavier Samuel (Henry Wriothesley, 3ème comte de Southampton), Sam Reid (Robert Devereux, comte d’Essex), Tristan Gravelle (Christopher Marlowe), Robert Emms (le dramaturge Thomas Dekker), Tony Way (Thomas Nashe, poète et pamphlétaire), Alex Hassell (Gabriel Spenser), Paolo De Vita (Francesco), Mark Rylance (Henry Condell, acteur), John Keogh (Philip Henslowe, imprésario), Helen Baxendale (Anne de Vere, comtesse d’Oxford), Amy Kwolek (Anne de Vere jeune), Paula Schramm (Bridget de Vere, fille d’Edward), Detlef Bothe (John de Vere, père d’Edward), James Clyde (James Ier, roi d’Angleterre), Vicky Krieps (Bessie Vavasour), Julian Bleach (cpt. Richard Pole), Lloyd Hutchinson (Richard Burbage), Amy Kwolek (Anne de Vere jeune), Luke Thomas Taylor (Edward de Vere enfant), Isalah Michalski (Robert Cecil enfant), Timo Huber (comte de Southampton enfant) et Sir Derek Jacobi (prologue moderne).
Synopsis : En 1604, sur ordre de Sir Robert Cecil, ministre obtus et hostile aux arts comme aux plaisirs mais chargé de la sécurité de l’État, l’écrivain Ben Jonson est arrêté au théâtre du Globe où il s’est réfugié et que ses poursuivants incendient ... Une décennie auparavant, Edward de Vere, comte d’Oxford et Grand Chambellan d’Angleterre, amateur passionné de théâtre et poète lui-même, a pris Ben Jonson sous sa protection. Il lui révèle qu’il est l’auteur de nombreuses pièces, mais comme son rang ne lui permet pas de les publier, il charge Jonson de les mettre en scène tandis qu’un comédien sans grand talent (mais fort imbu de lui-même) et infâme maître-chanteur du nom de William Shakespeare s’en attribue publiquement la paternité. À la cour, les intrigues liées à la future succession de la reine vont bon train. Lord William Cecil, le vieux conseiller puritain de la souveraine, œuvre pour un rapprochement avec le roi James VI d’Écosse (fils de Mary Stuart) et s’oppose au fougueux comte d’Essex qui, lui, refuse un souverain catholique et songe à s’emparer du trône tant qu’il est encore temps. Oxford est proche d’Elizabeth Ire dont il fut jadis l’amant, mais aussi un proche d’Essex grâce à l’amitié qui lie son protégé et fils naturel, le jeune comte de Southampton, à ce dernier. À la mort de Lord Cecil, son fils Robert lui succède. En 1601, au Globe, on ne joue désormais que les œuvres de Shakespeare. Frustré de ne pouvoir y monter les siennes, Ben Jonson informe Cecil qu’une pièce séditieuse, Richard III, mettant en scène un monarque bossu et haï comme le jeune ministre, va être présentée lors d’un spectacle gratuit financé par Essex, qui veut ainsi pousser la population à se soulever. Cecil déjoue ses plans, la rébellion est écrasée dans le sang, Essex est arrêté et exécuté. Oxford obtient la grâce de son fils après une conversation secrète avec la reine. Elizabeth décède en 1603. Quelques heures avant sa propre mort en 1604, Oxford reçoit Ben Jonson et lui demande ce qu’il pense de son œuvre littéraire. Jonson reconnaît le talent immense de son bienfaiteur qu’il qualifie d’« âme de son temps » et se repend de l’avoir trahi auprès de Cecil lors du complot d’Essex ... Fin du flash-back : Arrêté, Jonson refuse malgré la torture de reconnaître que le comte d’Oxford se cachait sous la signature de William Shakespeare ; les manuscrits, affirme-t-il, ont été détruits dans l’incendie du théâtre. Cecil le croit et le fait libérer. Dans les cendres encore fumantes du Globe, Jonson dégage une malle dans laquelle se trouvent, intactes, les pièces créées par Oxford et qu’il emporte précieusement.
Shakespeare ne serait donc qu’un prête-nom, un homme de paille pour un aristocrate au talent « shakespearien », une (hypo)thèse qui sert de prétexte à ce film lancé sous le slogan de « La vérité est la plus grande de toutes les tragédies ». On y défend la fameuse « théorie oxfordienne » révisionniste dont au moins deux comédiens du film, Sir Derek Jacobi et Mark Rylance, mais aussi d’illustres interprètes de Shakespeare comme Sir John Gielgud ou Dame Sybil Thorndike, sont d’ardents partisans. En 1920, dans son livre Shakespeare Identified, John Thomas Looney attribue les œuvres du barde au dix-septième comte d’Oxford, Edward de Vere (1550-1604). En 2005, Mark Anderson fait de même avec son ouvrage ‘Shakespeare’ by Another Name : The Life of Edward de Vere, Earl of Oxford, the Man Who Was Shakespeare. En 2009, le philologue Kurt Kreiler rempile avec Der Mann, der Shakespeare erfand : Edward de Vere, Earl of Oxford/Anonymous Shake-Speare : The Man Behind. Cela dit, le film peut surprendre à plus d’un titre, à commencer par son auteur. C’est le premier long métrage allemand de Roland Emmerich (natif de Stuttgart) depuis son départ pour Hollywood vingt ans plus tôt. Le réalisateur s’y est fait un nom dans le domaine des blockbusters, en particulier dans les méga-fictions apocalyptiques comme Independence Day (1996), Godzilla (1998), The Day After Tomorrow (2004) ou 2012 (2009) et, à défaut de cinéma intimiste, il excelle dans une fresque historico-guerrière comme Midway (2019). C’est dire qu’Anonymous est pour lui un tournant, même si, là aussi, une forme de destruction est au cœur du spectacle ! Le scénario de l’Américain John Orloff (qui ne se base pas sur les trois ouvrages cités plus haut) existe déjà depuis 1998 sous le titre de Soul of the Age, mais il a été d’abord mis de côté pour ne pas faire d’ombre à Shakespeare in Love, puis refusé par Tom Hanks et Steven Spielberg (pour lesquels Orloff avait écrit quelques épisodes de la minisérie Band of Brothers). Emmerich le découvre en 2005, y détecte la matière d’un « thriller politique sous un régime totalitaire » et lui fait subir cinq ans de réécriture et révisions. Passionné par son sujet, il décide d’autofinancer le film avec l’argent gagné grâce à ses précédentes productions, ce qui lui permet de conserver le contrôle absolu sur son travail ; le budget étant moderé (30 millions de $), il tourne tout dans son pays natal, du 22 mars au 18 juin 2010. Les rues de Londres avec le Rose et le Globe Theatre sont reconstruits sur les terrains des studios de Babelsberg à Potsdam. Le directeur artistique Sebastian T. Krawinkel (The Pianist de Roman Polanski) crée 80 décors, dont certains en images de synthèse, dans lesquels déambulent quelque 500 figurants ainsi qu’un casting presque exclusivement britannique. Rhys Ifans, comédien gallois aux multiples visages, a interprété le redoutable espion jésuite Robert Reston dans Elizabeth – The Golden Age (2009) de Shekhar Kapur ; quant à Vanessa Redgrave, qui incarne la reine âgée, elle jouit déjà d’un passé tudorien ou élisabéthain, ayant incarné Anne Boleyn dans A Man for All Seasons (1966) et Mary Stuart dans Mary, Queen of Scots (1971) ; sa fille Joely Richardson (qui a joué Catherine Parr, belle-mère d’Elizabeth, dans la télésérie The Tudors en 2007-10), la remplace pour les jeunes années de la reine.
Essex (Sam Reid), Southampton (Xavier Samuel) et Oxford (Rhys Ifans) à la veille d’une tentative de coup d’Etat.
 Sur le plan strictement historique, le film se permet passablement de libertés, ce qui ne détonera pas trop pour une intrigue visant à chambouler certitudes et « acquis » culturels (comme l’a déjà démontré Milos Forman avec son Amadeus). Le théâtre que la soldatesque incendie au début, juste après le décès d’Oxford, ne peut être le Globe, qui fut détruit accidentellement par le feu neuf ans plus tard, en juin 1613 (il s’agit plutôt du Rose Theatre) ; quant à Ben Jonson, il fut certes brièvement emprisonné en 1597, mais pour sa propre pièce, The Isle of Dogs, et il devint par la suite un des dramaturges favoris du roi James Ier et de Sir Robert Cecil. Marlowe était déjà sous terre depuis six ans quand il intervient dans l’action du film (en 1599). À la mort de son géniteur, le petit comte d’Oxford, 12 ans, fut effectivement intégré à la maisonnée de Lord Cecil père, qui ne détestait cependant ni la poésie ni le théâtre ; l’aristocrate orphelin épousa sa fille Anne, 14 ans, en 1571. À l’écran, Anne ainsi que son père et son frère grimés en protestants austères et rigides, insistent pour qu’Oxford renonce à l’écriture, tentation du diable, et le contraignent ainsi à travailler en cachette jusqu’à sa mort. En réalité, Anne ne survécut pas à son époux, elle décéda en 1588 et Oxford se remaria avec Elizabeth Trentham (inexistante dans les scénario) trois ans plus tard, un mariage malheureux, probablement en raison de la bisexualité du comte. Il n’était du reste nullement interdit à l’aristocratie élisabéthaine de s’adonner à la poésie ou au théâtre (cf. l’œuvre de Sir Philip Sidney, premier fiancé d’Anne Cecil, puis gendre de Sir Francis Walsingham, mais aussi les écrits de sa sœur Mary Herbert, comtesse de Pembroke et fondatrice du Wilton Circle, le « paradis des poètes »). Le scénario d’Orloff lie mystérieusement un autre membre de la noblesse au destin d’Oxford : le jeune et séduisant Henry Wriothesley, troisième comte de Southampton (1573-1624) auquel Shakespeare dédia ses deux poèmes narratifs et qui pourrait être le « Fair Youth » des Sonnets. Lui aussi fut intégré à la maisonnée de son tuteur Lord Cecil à l’âge de neuf ans, après le décès de son père.
Le dramaturge Ben Jonson (Sebastian Armesto). – A dr. : Les jeunes Elizabeth (Joely Richardson) et Oxford (Jamie Campbell Bower).
 Pour les besoins de la dramaturgie, on exagère grandement la portée politique des pièces d’Oxford/Shakespeare qui ne se voulaient pas, loin s’en faut, des œuvres de propagande susceptibles de s’attirer les foudres de l’État. Ce ne fut pas Richard III qu’Essex fit jouer au Globe pour inciter à la révolte, mais Richard II, et il ne s’agissait pas de renverser le jeune Cecil (qui n’était pas bossu comme Richard III, seulement petit, surnommé « le pygmée »), mais de destituer la reine elle-même à l’instar du monarque tyrannique de la pièce, accusée d’avoir vendu le pays à l’Espagne. Cecil n’avait rien d’un puritain caricatural, sinon il n’aurait jamais encouragé la succession d’un roi catholique tel que James Stuart d’Écosse sur le trône d’Angleterre et ne serait pas devenu son plus influent ministre ; d’ailleurs Essex lui-même soutenait cette candidature. La foule ne se souleva pas à l’issue de la pièce au Globe et il n’y eut aucun bain de sang avec artillerie et mousquets, ni au London Bridge ni dans la cour du palais royal, bien au contraire : la foule refusa de suivre les insurgés et Essex se barricada dans sa résidence, puis se rendit sans qu’il y ait de sang versé. Oxford ne fut pas impliqué dans la tentative de soulèvement, il siégeait au tribunal qui la condamnait. En revanche, Southampton, protégé d’Essex, fut condamné à mort, mais grâce à l’intercession de Cecil, sa peine fut commuée en emprisonnement à vie et il fut libéré à l’accession de James Ier. Quant à la procession funèbre d’Elizabeth sur la Tamise gelée et couverte de neige (à la fin mars 1603), elle relève de la plus haute fantaisie mais fait un joli tableau.
Sur ces assertions et envolées imaginaires pour lesquelles le scénariste invoque la licence poétique (à l’instar de Shakespeare qui se permit plus d’une fois de maltraiter l’Histoire) se greffent des révélations atterrantes. Au fil des retours en arrière, le spectateur apprend qu’Oxford est non seulement le « vrai Shakespeare », mais aussi le rejeton illégitime de la reine Elizabeth et de John de Vere, conçu en secret sous le règne de Mary Tudor, quand la princesse avait seize ans. Cette naissance clandestine digne d’Alexandre Dumas le fait à son insu héritier putatif du trône, un secret connu seulement de Lord Cecil père qui envisage de s’en servir en temps voulu (la succession est pourtant interdite aux bâtards). Mais il y a mieux : deux décennies plus tard, la soi-disante « Reine Vierge », qui ignore ce qu’est advenu de son nourrisson, prend le séduisant Oxford dans son lit, et de cette union incestueuse naît, à nouveau dans le plus grand secret, un « prince Tudor », le futur comte de Southampton. Pendant deux générations, la maisonnée de Lord Cecil aurait donc été la pouponnière cachée de la Couronne. Voilà qui explique pourquoi Southampton ne sera pas décapité lors de l’affaire Essex. (La triangulation Elizabeth-Oxford-Southampton, élément-clé de la « Prince Tudor theory », a déjà fait l’objet d’un livre de Dorothy et Charlton Ogburn Sr., This Star of England, paru en 1952.)
Le cumul de tant de distorsions historiques, de controverses, de spéculations et d’extravagances quant à l’identité fictive ou réelle des différents personnages menace de discréditer tout le récit, déjà malmené par de multiples emboîtements temporels, des allers-retours sur plus de quatre décennies entre 1559, 1505, 1599 et 1604 qui risquent de désarçonner le spectateur lambda. Il faut le métier, le talent narratif et l’indéniable sens de l’image d’Emmerich pour garder le cap dans pareille tempête et, quoiqu’on pense des idées défendues ici, on suit ses développements avec intérêt, voire même avec un plaisir certain. La reconstitution s’opère avec un luxe de détails peu courant (les intérieurs ressemblent à des toiles de Holbein) et on reste étonné de l’élégance comme de la gravité avec laquelle le cinéaste orchestre son « biopic » détourné. Le film n’offre pas seulement une synthèse décapante des théories oxfordiennes (suggérées en ouverture par Derek Jacobi dans l’enceinte d’un théâtre du XXIème siècle), mais présente les tréteaux comme reflet tragico-comique des secrets du monde élisabéthain au moment crucial où le texte imprimé devient une arme politique. En passant, Emmerich s’amuse à restituer des représentations théâtrales très animées (la bataille d’Azincourt d’Henry V jouée sur scène où l’on décoche des projectiles depuis les galeries, le monologue de Hamlet joué sous une pluie battante et qui fait pleurer le public, etc.). Le jeu de Rhys Ifans est tout en retenue et finesse mélancolique dans la peau d’un aristocrate qui dilapide sa fortune pour écrire tandis que Vanessa Redgrave parvient à suggérer les multiples fractures d’une souveraine hors normes mais en définitive insaisissable.
Sans surprise, le film d’Emmerich suscite la fureur de la presse bien-pensante, le New York Times parlant carrément d’un « travestissement de l’histoire britannique » et d’une « insulte brutale à l’imagination humaine » (28.10.11) ; les critiques s’étranglent de colère face à ce « refus de célébrer le verbe » à l’écran et une supposée « haine blasphématoire à l’égard de la littérature », ce d’autant plus qu’ils ne peuvent nier les qualités intrinsèques de la mise en scène. « Ridicule mais jamais ennuyeux », résume à regret la Chicago Tribune et The Guardian à Londres s’avoue « choqué » de devoir reconnaître l’excellente facture d’un pareil navet. Quant à la réaction des « stratfordiens » orthodoxes et du Shakespeare Birthplace Trust, elle frôle l’apoplexie : l’élite philologique crie au complot universel, ce qui suscite des débats qui mériteraient à leur tour de figurer dans un documentaire. Sorti en première mondiale au Toronto International Film Festival (11.9.11) puis au BFI London Film Festival (25.10.11), Anonymous est toutefois sanctionné par un échec public retentissant, avec seulement 15,4 millions de $ en recettes mondiales, fiasco dû sans doute aux défauts de sa structure dramatique trop complexe. Mais les spectateurs et cinéphiles intrigués par l’originalité du sujet ou intéressés par le XVIe siècle en général ne retiennent pas leurs éloges (l’ouvrage est encensé presque unanimement dans l’abondant courrier du site IMDb). Anonymous est nominé aux Oscars pour les costumes de Lisy Christl, le London Film Critics Circle Award désigne Vanessa Redgrave « meilleure actrice britannique de l’année » et le Prix du film allemand (« Deutscher Filmpreis ») à Berlin 2012 récompense les responsables des costumes, des décors, de la photo, du montage, des maquillages et du son.
CA (Québec): Anonyme.
2013® (tv-mus) Maria Stuarda (US) de Gary Halvorson. – av. Elza van den Heever (Elizabeth I).
2013® (tv) Moi, Charles Quint, maître du monde (FR) de Dominique Leeb et David Jankowski. – av. Delphine Montaigne (Elizabeth Ire). – cf. Espagne.
2013(tv) The Day of the Doctor (Le Jour du Docteur) (GB) de Nick Hurran
Série « Doctor Who », Steven Moffat, Faith Penhale/BBCtv (BBC One 23.11.13), 77 min. – av. Joanna Page (Elizabeth Ire), Orlando James (Lord Bentham), David Tennent (le dixième Docteur).
En 1562, une dangereuse conspiration est déjouée à la cour de la reine par les héros de cette célèbre série de science-fiction et de voyage à travers le temps. Épisode spécial diffusé pour le cinquantenaire de « Doctor Who ».
2013(vd-mus) Gloriana (GB) de Robin Lough et Richard Jones
Frances Whitaker/Royal Opera House (London), 163 min. – av. Susan Bullock (Elizabeth Ire), Toby Spence (Robert Devereux, comte d’Essex), Kate Royal (Lady Penelope Rich, sœur d’Essex), Mark Stone (Charles Blount, Lord Mountjoy), Patricia Bardon (Frances Devereux Burke, comtesse d’Essex), Benjamin Bevan (Henry Cuffe), Clive Bayley (Sir Walter Raleigh), Jeremy Carpenter (Sir Robert Cecil), Jeremy White (le Juge de Norwich), Andrew Tortise (l’esprit du Masque), Nadine Livingston (une dame d’honneur), David Butt Philip (le Maître des cérémonies), Lake Laoutaris-Smith (le Temps), Giulia Pazzaglia (Concord), Brindley Sherratt (le chanteur aveugle), Carold Rowlands (une femme d’intérieur), Michel de Souza (le crieur public).
L’opéra en 3 actes de Benjamin Britten (1953) sur les rapports tumultueux entre la reine Elizabeth et Essex. Captation vidéo d’une représentation de juin-juillet 2013 organisée pour célébrer les 80 ans de l’opéra et le centenaire de la naissance de Britten. Synopsis et commentaires, cf. captation de 1984.
2013(tv) Elisabeth I. – Verheiratet mit England (Elizabeth Ière) (DE) de Christian Twente et Michael Löseke
Série « Frauen, die Geschichte machten (Ces femmes qui ont fait l’histoire) », épis. 5, Uwe Kersken/Gruppe 5 Filmproduktion Köln-ZDF Enterprises-Arte (Arte 30.11.13), 43 min. – av. Marleen Lohse (Elizabeth Ire), Gerrit Hamann (William Cecil), Sami Loris Hajjaj (Robert Dudley, comte de Leicester).
La reine défie l’Espagne de Philippe II dont elle défait la flotte : une victoire qui marque le début de ce qui va devenir l’empire britannique. Un docu-fiction débitant des banalités et platement illustré avec l’appui de l’infographie
2014(tv) Griff nach der Weltherrschaft : 2. Sir Francis Drake (A la conquête du monde : 2. Sir Francis Drake) (ES/PT/GB) de Hannes Schuler, Holger Preusse
Fernsehbüro (Arte 27.9.14), 52 min. – av. Martin Rother (Sir Francis Drake), Peter Eberst (Thomas Doughty), Thomas Krutmann (Sir John Dee), Jeffrey Zach (le vicaire Fletcher). – Docu-fiction.
2015(tv) Roanoke: Search for the Lost Colony (US) de Brandon McCormick
Karl Horstmann, Nicholas Kirk, Zack Sweeney, Dale Weller/Left+Right-Triple Horse Studios-Whitestone Motion Pictures (History Channel 26.10.15), 45 min. – av. Kate Kovach (Eleanor Dare-White), Sam Ayers (Boyden Sparkes), Daniel Williams-Lopez (Kesegowaase), Jason Lumberjack Johnson, Jennifer Davis Brennan, Jim E. Chandler.
Docu-fiction sur la recherche des colons disparus de Roanoke en 1587 (cf. film de 2007).
2015(tv) Armada : 12 Days to Save England / Armada : The Untold Story (Invincible Armada, l’histoire méconnue) (GB) minisérie de Robin Dashwood
Robin Dashwood/BBC History Production, London (BBC2 24.+31.5.+7.6.15), 3 x 52 min. – av. Anita Dobson (Elizabeth Ire), Philip Cox (Philippe II d’Espagne), Rupert Frazer (Lord William Burghley), Crispin Redman (Sir Francis Walsingham), Iain Fletcher (Sir Francis Drake), Dominic Jephcott (l’amiral Charles Howard), Joseph Balderrama (le duc de Medina Sidonia), Alun Raglan (Juan Martinez de Recalde), Phoebe Thomas (Elizabeth Throckmorton, Lady Raleigh), Gwenyth Petty (Blanche Parry), Zeh Prado (Marco), Freddie Cushley (cabin boy), Dan Snow (présentateur).
Docu-fiction au budget restreint mais au commentaires précis et pédagogiques qui cernent tous les aspects stratégiques du conflit. Philippe II a déployé dans la Manche une gigantesque flotte de 130 navires hérissés de canons et où ont embarqué 30’000 hommes. Drake est à la tête de la flotte anglaise, un corsaire que les amiraux espagnols craignent tellement qu’ils l’appellent « El Dragón », mais seules les conditions météorologiques et la discorde parmi les commandants de l’Armada empêcheront l’Espagne de l’emporter (la bataille est assez bien reconstituée en images de synthèse). Dans les coulisses, la reine Elizabeth jalouse sa dame de compagnie, Elizabeth Throckmorton, l’épouse de Raleigh, et la force à goûter ses repas, car elle craint un empoisonnement. – Épisodes : 1. « The Queen’s Stand » – 2. « The Battle for England » – 3. « Endgame ».
2015(tv) Francis Drake, Pirat der Königin / Der Pirat und die Königin (Francis Drake, corsaire de Sa Majesté) (DE) de Robert Schotter
Berndt Wilting, Uli Veith/Taglichtmedia (« Terra X »)-Arte-ZDF (Arte 31.10.15), 52 min. – av. Mathias Harrebye Brandt (Francis Drake), Charlotte Sieglin (Elizabeth Ire), Peter Kotthaus (Sir Francis Walsingham), Dennis Beltchikov (Francis Drake adolescent), J. David Hinze (Philippe II d’Espagne), Anton Bogner (Don Bernardino de Mendoza, ambassadeur d'Espagne).
Docu-fiction sur la carrière de Drake, de son adolescence comme fils de paysan pauvre à sa mort à 55 ans, victime d’une épidémie après une attaque manquée sur Panama. Ses expéditions commerciales et ses pillages des colonies espagnoles permettront à l’Angleterre de se hisser au rang des grandes puissances mondiales. Téléfilm tourné à Lübeck et à Salzbourg.
2015® (tv) La española inglesa (ES) de Marco A. Castillo. - av. Lola Herrera (Elizabeth Ire). - cf. Espagne
2015® (tv) Bill (GB) de Richard Bracewell. - av. Helen McCrory (Elizabeth Ire).
2016(tv) Bloody Queens - Elizabeth & Mary (GB) de Renny Bartlett
Renny Bartlett, Ailsa Orr, Stuart Carter, Katie Brimblecombe/Pioneer Film & Television Productions Ltd.-BBCtv (BBC Two 2.2.16), 52 min. – av. Helen Bradbury (Elizabeth Ire), Beth Cooke (Mary Stuart), Adam Burton (Thomas Randolph), Michael Jenn (Lord Burghley), Jamie Laird (Sir James Melville), Simon Cotton (Lord Robert Dudley), Nicholas Agnew (Sir Anthony Babington).
Docu-fiction basé sur la correspondance échangée entre les deux reines, révélant la haine, les obsessions et l’amère rivalité qui les opposent.
2016(tv) The Private Lives of the Tudors – 3. Elizabeth, the Golden Age (GB) de Henry Scott
Henry Scott, Danny O’Brien/Like a Shot Entertainment (London)-Smithsonian Networks-UKTV Media Ltd., 44 min. – av. Jo Marriott (Elizabeth Ire), Gabriella Montrose (sa dame de compagnie), Nicola Campbell (Amy Robsart), Sean Francis George (l’envoyé de Philippe II d’Espagne), Tracy Borman (présentation).
Docu-fiction superficiel commenté par Tracy Borman, curatrice des Historic Royal Palaces.
2016® Maria Stuart (DE) de Robert Zerbst. – av. Annika Träger (Elizabeth Ire).
2016-2018® (tv) Upstart Crow (GB) série de Matt Lipsey, Richard Boden. – av. Emma Thompson (Elizabeth Ire).
2016-2018® (tv) The Windsors (GB) série parodique d’Adam Miller et Amanda Blue. – av. Lucy Montgomery (Elizabeth Ire).
2016(tv-mus) Roberto Devereux (IT) d’Alfonso Antoniozzi (th) et Matteo Ricchetti (vd)
Dynamic S.r.l.-Teatro Carlo Felice (Genova), 138 min. – av. Mariella Devia (Elizabeth Ire), Stefan Pop (Robert Devereux, comte d’Essex), Sonia Ganassi (Sarah [=Catherine Carey], comtesse de Nottingham), Mansoo Kim (Charles Howard, comte de Nottingham), Alessandro Fantoni (Sir Walter Raleigh), Matteo Armanino (le page d’Essex), Loris Purpura.
Les amours tragiques d’Elizabeth et d’Essex selon la tragédie lyrique en trois actes de Gaetano Donizetti (1837), cf. captation de 1975.
2016(tv-mus) Donizetti’s Roberto Devereux (US) de David McVicar et Gary Halvorson
« The Metropolitan Opera HD Live », A Metropolitan Opera High-Definition Production (16.4.16). – av. Sondra Radvanovsky (Elizabeth Ire), Matthew Polenzani (Robert Devereux, comte d’Essex), Elina Garanca (Sarah [=Catherine Carey], comtesse de Nottingham), Mariusz Kwiecien (Charles Howard, comte de Nottingham), Christopher Job (Sir Walter Raleigh), Brian Downen (Lord Cecil [=Sir William Cecil, Lord Burleigh]), Yohan Yi (le page d’Essex).
Les amours tragiques d’Elizabeth et d’Essex selon la tragédie lyrique en trois actes de Gaetano Donizetti (1837), cf. captation de 1975.
2017(tv) Elizabeth I – 1. Battle for the Throne (Bataille pour un trône) – 2. The Enemy Within (L’Ennemi vient de l’intérieur) – 3. Death of a Dynasty (La Fin d’une dynastie) (GB) minisérie de Christopher Holt
Christopher Holt, Nicolas Kent, Susan Jones, Abigail Adams/Oxford Film and Television and GroupM Entertainment Ltd-Channel5 (Channel Five 9+16+23.5.17), 3 x 60 min. – av. Lily Cole (Elizabeth Ire), Felicity Dean (Elizabeth I âgée), Summer Rose Allison (Elizabeth enfant), Sheya McAllister (Elizabeth jeune), Sally Mortemore (Kat Ashley), Kate Holderness (Catherine Parr), James Oliver Wheatley (Thomas Seymour), Daisy Ashford (Mary Tudor), Malcolm Tomlinson (Robert Tyrwhit), Chris Clynes (Thomas Wyatt), Ray Bullock Jr. (l’évêque Stephen Gardiner), Alex Hughes (William Cecil), Audrey Lebrellec (Mary Stuart), Darren Bransford (comte de Bothwell), James Ellis (Francis Walsingham), Jamie Piggot (Lord Darnley), James Groom (Robert Dudley, comte de Leicester), Darren Bransford (Sir Robert Cecil), Vicent Kauschbaum (le duc de Feria), Will Kenning (Philippe II d’Espagne), Charlie Clements (le comte d’Essex), Andrew Greenough, Tim Holt, Suzannah Lipscomb et Dan Jones (présentation).
Des reconstitutions médiocres et minimalistes pour un récit sans surprise, présenté par d’agaçantes vedettes « people » du docu-fiction britannique. Elizabeth jeune échappe aux avances intéressées de Thomas Seymour (qui en perd la tête) comme aux conseillers catholiques de sa demi-soeur Mary Tudor, refuse de se marier, se débarrasse de Mary Stuart, rehausse le moral de son armée à Tilbury en attendant l’Armada et démasque Essex, courtisan ambitieux et rebelle. Titre de travail du film: Elizabeth & Her Enemies.
2017(tv) Queen Elizabeth’s Secret Agents (Les Agents d’Elizabeth) (GB) minisérie de Chris Durlacher et Julian Jones
Bernadette Ross, Mark Raphael, Chris Durlacher, David Glover/72 Films Ltd. for BBC (BBC2 23.10.+30.10.+6.11.17). 3 x 60 min. – av. Julie Neubert (Elisabeth Ire), Philip Rosch (Sir William Cecil, Lord Burghley), Kevin James (Sir Robert Cecil, comte de Salisbury), Adam Jackson-Smith (James I), Joe Wredden (Robert Devereux, comte d’Essex), Stuart McMillan (John Gerard), Tony Parkin, Colin Tierney (narration).
Docu-fiction. Isolé dans une Europe catholique, le petit royaume anglican est un État instable et miné par les luttes internes. Pour protéger les intérêts de la reine, le ministre en chef, Sir William Cecil, met en place une véritable armée clandestine et recrute des agents parmi les diplomates, les marchands, les catholiques anglais. C’est le premier réseau d’espionnage moderne au monde. (La troisième partie s’étend sur le règne de James I, successeur d’Elizabeth menacé par la Conspiration des poudres).
Parties (pas de titres en anglais) : 1. « Le Piège de Marie Stuart » – 2. « Cecil contre Essex » – 3. « Le Plan du roi Jacques ».
2017(tv) Return to Roanoke : Search for the Seven (US) de Brandon McCormick
Karl Horstmann, Nicholas Kirk, Zack Sweeney, Kevin Vargas/Triple Horse Studios (History Channel 26.3.17), 45 min. – av. Matt Mangum (John Smith), Daniel Williams-Lopez (Ksegowaase), Dango Nu Yen (un Guerrier Powhatan), Fred Galle (William Strachey), Ben Bladon (un colon), Alexander Kane, Josh Tipis (soldats).
Docu-fiction sur la recherche des colons disparus de Roanoke en 1587 (cf. film de 2007).
2018(tv-mus) Gloriana (ES) de Stéphane Lebard
Frédéric Allain, Natlia Camacho, Francisco Javier Gonzalez, Miguel Sáinz/Wahoo Production (Sky Arts), 164 min. – av. Anna Caterina Antonacci (Elizabeth Ire), Leonardo Capalbo (Robert Devereux, comte d’Essex), Paula Murrihy (Frances Devereux Burke, comtesse d’Essex), Duncan Rock (Charles Blount, Lord Mountjoy), Sophie Bevan (Lady Penelope Rich, sœur d’Essex), Leigh Melrose (Sir Robert Cecil), David Soar (Sir Walter Raleigh), Benedict Nelson (Henry Cuffe), Elena Copons (une dame d’honneur), James Creswell (le chanteur aveugle), Sam Furness (l’esprit du Masque), Alex Sanmartí (le crieur public), Scott Wilde (le Juge de Norwich), Itxaro Mentxaka (une femme d’intérieur), Gerardo Lopez (le Maître des cérémonies), Dan Thomas (Vihuela).
L’opéra en 3 actes de Benjamin Britten (1953) sur les rapports tumultueux entre la reine Elizabeth et Essex. Synopsis et commentaires, cf. captation de 1984.
2018® Mary Queen of Scots (Marie Stuart, reine d’Écosse) (GB) de Josie Rourke. – av. Margot Robbie (Elizabeth Ire).
2018® (tv) Marie-Stuart, reine de France et d’Écosse (FR) de Benjamin Lerner (fict.) et David Jankowski (doc.). – av. Nina Lopata (Elizabeth Ire).
2018® (tv) La Guerre des trônes : Au nom de Dieu (1559-1561)L’Europe s’embrase (1561-1569) – Frères ennemis (1575-1584) (FR) série d’Alain Brunard et Vanessa Pontet. – av. Isabelle Desplantes (Elizabeth Ire), Fred Etherlinck (William Cecil, Lord Burghley), Alix Heurmont (Elizabeth jeune). – cf. France.
2020® (tv) Mary Queen of Scots (US) de Stefano Mazzeo. – av. Monica Nash (Elizabeth Ire).
2020(tv) The Reformation (US) minisérie de Stefano Mazzeo
Stefano Mazzeo, Ellen Plumridge, John Elson, Doug Keck/Eternal Word Television Network (Catholic Television Network/EWTN TV Channel, Irondale Alabama) (Crusade Channel 6.5.-21.10.20 / EWTN 31.10.20), 12 x 30 min. – av. Monica Nash (Elizabeth Ire), Julian Casey (Richard Topcliffe, persécuteur de prêtres), Joe Ansted (Sir Francis Walsingham), John Cooper Day (William Cecil, baron Burghley), Kit Carson (Robert Dudley, comte de Leicester), Andrew N. Hill (St. John Fisher, cardinal anglais martyr exécuté en 1535), Tom Ling (Philippe de Hesse), Lewis Marsh (St. Richard Gwyn, martyr anglais exécuté en 1584), Claire Churchman (Mary Stuart), Lilam Driver (Lord Darnley), Eamon Goodfellow (John Knox), John Smethurst (James Hepburn, comte de Bothwell), Will Busby (Davide Rizzio), Paul Dawson (James Stewart, comte de Moray), Jacqui Mazzeo (Lady Mary Seaton), Lucy Martinez (dame de compagnie d’Elizabeth), Anthony Plumridge (Sir Thomas More), Jonathan Cuming (Humphrey Arundell, Prayer Book Rebellion).
Minisérie docufictionnelle de l’EWTN Global Catholic Television Network (Alabama) visant à détruire la « légende noire » collée à l’Église catholique romaine par ses ennemis et à justifier sa politique à travers les siècles. L’épisode no. 10, intitulé From the Western Rising to Elizabeth I, illustre les persécutions entre protestants, anglicans et catholiques en Grande-Bretagne et le cas de Mary Stuart. Écrit, produit et réalisé par l’Italo-Américain Stefano Mazzeo, qui tourne au pays de Galles, en Angleterre (Camden Town, Northern London) et en Écosse. Commentaires généraux, cf. Allemagne : Réforme.
2022(tv) Becoming Elizabeth (US/GB) mini-série de Justin Chadwick, Udayan Prasad, Catherine Morshead
Lisa Osborne/The Forge (Starz! TV 12.6.-7.22), 8 x 58 min. - av. Alicia von Rittberg (Elizabeth Tudor), Jessica Raine (Catherine Parr), Alexandra Gilbreath (Kat Ashley), Tom Cullen (Thomas Seymour), Romola Garai (Mary Tudor), John Heffernan (le duc de Somerset), Leo Bill (Henry Grey), Bella Ramsey (Jane Grey), Oliver Zetterström (Edward VI), Ekow Quartey (Pedro), Olivier Huband (Guzmán de Silva), Jamie Blackley (Robert Dudley). - Le corps de Henry VIII est encore chaud et déjà la course au pouvoir est lancée... Médiocre série, mal jouée, pour un public jeune dépourvu de la moindre notion d'Histoire. L'ascension d'Elizabeth Ire façon Game of Thrones, filmée au château de Cardiff (Wales).
2022/23(tv-df) Krieg der Königinnen - 1. Elisabeth I. und Maria Tudor / Maria Tudor, Elisabeths ungeliebte Schwester - 2. Elisabeth I. und Maria Stuart / Maria Stuart, die intrigante Kusine (La Guerre des Reines - 1. Marie et Élisabeth Tudor, soeurs, rivales et reines - 2. Élisabeth d'Angleterre et Marie d'Écosse) (DE/AT) d'Andrea Oster
Michael Cencig, Volker Schmidt-Sondermann/Metafilm-IFAGE-ZDF-ORF-Arte (Arte 11.3.23), 2 x 52 min. - av. Marie-Christine Friedrich (Elizabeth I). - Docu-fiction. La reine d'Angleterre hantée par le souvenir de sa demi-soeur et de sa cousine.