Ia - NAPOLÉON ET L'EUROPE

15. DÉCLIN ET EXIL

Le tsar Alexandre (Willy Fritsch) s’amuse incognito au Prater avec la petite gantière (Lilian Harvey) dans Der Kongress tanzt (1931).

15.2. Le Congrès de Vienne (1814/15)

Conformément aux termes du traité de Paris du 30 mai 1814, les pays vainqueurs de Napoléon décident d’une grande conférence à la cour des Habsbourg réunissant les représentants diplomatiques de tout le continent. Il s’agit de rédiger et signer ensemble les conditions de la paix en Europe, avec le but d’établir un nouvel ordre pacifique entérinant la réinstauration générale de l’Ancien Régime – et en particulier de régler le sort des territoires repris à la France napoléonienne. Le Congrès s’étire sur sept mois, du 1er novembre 1814 au 9 juin 1815, se poursuivant pendant le coup de tonnerre des Cent-Jours (cf. infra, chap. 15.3) pour se clore une semaine avant la seconde abdication de Napoléon, quand les Alliés traumatisés tombent enfin d’accord et se défont définitivement de « l’aventurier corse » en le déportant à Sainte-Hélène. Toute l’Europe monarchique afflue : quinze membres de familles royales (dont deux empereurs) côtoient deux cents princes et deux cent seize chefs de missions diplomatiques, ainsi que divers groupes de pression, au total près de 20 000 personnes (familles, serviteurs, espions et demi-mondaines compris).
Dès l’ouverture des pourparlers, Vienne devient « un caravansérail infernal où grouillent rois et femmes galantes, diplomates et filous, princesses et marchands » (Henri Troyat), un tourbillon de bals et de festivités auxquels participent également la tsarine Élisabeth Alexeïevna, depuis longtemps délaissée par son époux, et son amant, le prince Adam Czartoryski. En fait, on compte très peu de séances plénières : à l’abri des regards et oreilles indiscrètes, l’Autriche (représentée par le prince-chancelier Metternich), la Prusse (Hardenberg, Humboldt), le Royaume-Uni (Castlereagh, Wellington) et la Russie (le tsar Alexandre) se réservent les attributions territoriales les plus importantes, tentant de satisfaire leurs ambitions tout en contrecarrant celles de leurs anciens alliés. L’Angleterre vise l’équilibre des forces sur le continent et se méfie du réveil de la Prusse. À la recherche d’un débouché sur les eaux chaudes, la Russie menace la suprématie britannique sur les mers et sa prétention au protectorat des populations slaves contrecarre les intérêts autrichiens dans les Balkans. Prête à céder ses territoires polonais à la Russie en échange de la disparition à son profit du royaume de Saxe, la Prusse irrite l’Autriche qui vise la domination d’une Allemagne morcelée. Délégué par Louis XVIII, Talleyrand défend avec brio les intérêts de la France (ramenée à ses frontières de 1792 sans paiement d’indemnités) en signant des traités secrets et en manœuvrant une puissance coalisée contre l’autre. Mais sa tentative de rétablir les Bourbons de Naples sur le trône occupé par Murat (un allié de la dernière heure) se heurte au veto anglo-autrichien. Dès le début, Talleyrand propose de transférer par la force Napoléon (alors souverain de l’île d’Elbe) des côtes méditerranéennes à l’Atlantique Sud ou aux Antilles. Wellington et Metternich l’approuvent, mais le tsar s’y oppose.
Les travaux sont laborieux ; Alexandre (qui a fait son entrée seul à la Hofburg à Vienne le 25 septembre) se dispute avec Metternich, manque de se battre en duel avec lui et boude ses réceptions. « Le Congrès danse beaucoup, mais il ne marche pas », commente sarcastiquement le prince Charles-Joseph de Ligne, « maître des plaisirs » du Congrès. Chacun a ses espions et ses maîtresses : Dorothée, princesse de Courlande, est l’informatrice bénévole de Talleyrand. Le tsar a pour meilleur agent de renseignements la très dévergondée princesse Bagration, veuve du général tombé à la Moskova, qui tente vainement de séduire le prince-diplomate français. Par ailleurs, Alexandre, durement affecté par sa rupture avec la princesse polonaise Maria Narychkina (sa seule véritable passion et sa maîtresse de 1803 à 1814), est saisi d’une frénésie de séductions tous azimuts, s’éprenant tour à tour de la princesse Gabrielle d’Auersperg, de la duchesse Wilhelmine de Sagan, de la comtesse Caroline Szechenyi, de la comtesse Sophie Zichy et des comtesses Esterhazy, Saaran, Vbrna, etc. Wellington, lui, amène sa favorite, la cantatrice Giuseppina Grassini (qui fut, détail piquant, aussi l’amante de Napoléon en 1800 à Milan).
1919Alte Zeit – neue Zeit (AT) d’Emil Leyde
Leyka-Film GmbH (Wien). – av. Christl Giampietro (Helene von Heussenstamm), le baron Philipp Haas (Friedrich von Gentz), Poldi Müller, Leopold Kramer, Josef Reithofer, Franz Höbling, Marcell Noe, Pauline Schweighofer, J. Stoll.
Synopsis : Hélène, fille du baron de Heussenstamm, est un incorrigible garçon manqué. Pour lui inculquer des manières dignes de son rang, ses parents l’envoient chez une vieille tante dans un château sur le Danube. C’est là que la jeune femme découvre le portrait de son arrière-grand-mère Hélène qui lui ressemblait tant. Une nuit, cette dernière sort de son tableau et lui raconte sa vie, en particulier comment elle a trouvé un mari, en automne 1814, au Congrès de Vienne (flash-back). Hélène s’est éprise du secrétaire d’État Friedrich von Gentz, bras droit du prince Metternich, mais connaissant sa faiblesse pour les jupons, elle feint d’ignorer ses avances en lui faisant comprendre qu’il a un sérieux rival : le tsar Alexandre en personne courtise la jolie Viennoise et lui propose même de l’emmener en Russie. Ayant demandé un temps de reflexion, elle se présente à lui le lendemain entourée d’une foule d’enfants ; ce sont tous des orphelins des guerres napoléoniennes dont elle s’occupe quotidiennement et qu’elle refuse d’abandonner en quittant Vienne. Impressionné, le tsar se retire galamment et Hélène peut solliciter auprès de Metternich l’autorisation d’épouser Gentz, l’homme de sa vie.
Une idylle biedermeier d’après un scénario d’Alfred Deutsch-German et Emil Leyde qui prend quelques libertés avec l’Histoire : écrivain, publiciste et homme politique allemand décédé à Vienne, Friedrich von Gentz (1764-1832), fut un des adversaires les plus acharnés de Napoléon en terre germanophone et, effectivement, diplomate à Vienne auprès de Metternich. Bon vivant, grand amateur des salons et de maisons de jeux, il ne se maria qu’une fois, avec une certaine Minna Gilly qu’il trompa abondamment et dont il divorca en 1802, treize ans avant le Congrès de Vienne. Il était lié avec la danseuse Fanny Elssler (cf. chap. 2.5) qui resta à ses côtés jusqu’à sa mort. Tournage à Vienne (Prater, Belvédère, Schwarzenberggarten), Spitz et Dürnstein.
1931**Der Kongress tanzt (DE) d’Erik Charell
Erich Pommer/Universum-Film AG, Berlin (Ufa), 101 min. – av. Lilian Harvey (Christine Antonia Weinzinger, dite Christel), Willy Fritsch (le tsar Alexandre Ier et son sosie Alexandre Uralski), Conrad Veidt (le prince-chancelier Klemens Wenzel von Metternich), Otto Wallburg (le prince Bibikoff, aide-de-camp du tsar), Carl-Heinz Schroth (Pepi, secrétaire de Metternich), Alfred Abel (Friedrich August I., roi de Saxe), Lil Dagover (la comtesse française), Adele Sandrock (la vieille princesse), Eugen Rex (l’ambassadeur souabe), Alfred Gerasch (Frédéric-Séraphin de La Tour du Pin Gouvernet, ambassadeur français), Margarete Kupfer (une comtesse), Paul Hörbiger (le chansonnier au Prater), Julius Falkenstein (le comte Johann Philipp von Stadion, ministre des Finances), ERNST STAHL-NACHBAUR (Napoléon), Max Gülstorff (Stephan Edler von Wohlleben, maire de Vienne), Sergius Sax (un valet russe).
Synopsis : Septembre 1814. Le Congrès de Vienne bat son plein, chaque jour arrive un nouveau monarque, toute la ville chante, danse et flirte. Les participants au Congrès ayant la tête ailleurs, le prince Metternich a les mains libres pour diriger les délibérations politiques, refaire l’Europe et décider seul du sort de Napoléon. Dernier arrivé (25 septembre), le tsar Alexandre traverse justement la ville lorsque Christel, une petite gantière, s’enhardit à jeter un bouquet de fleurs dans son carrosse, une manœuvre publicitaire pour son magasin. Croyant à un attentat, les Russes la font arrêter. Pepi, le secrétaire général de Metternich, aime Christel depuis toujours, sans retour. La gantière est condamnée à une déculottée publique, mais, alerté par Pepi, le tsar intervient et, découvrant la « dangereuse conspiratrice », tombe sous son charme. Son aide de camp, Bibikoff, s’arrange pour lui procurer du temps libre grâce à cet imbécile d’Uralski, un sosie du monarque, de service chaque fois qu’Alexandre veut sécher une réception ou court un risque. Même Metternich n’y voit que du feu, à l’instar de son espionne, une comtesse française censée séduire le Russe. Une calèche amène Christel dans un petit palais à l’extérieur de la capitale, le parfait nid d’amour où la jeune femme écervelée croit vivre un rêve, n’étaient les changements d’humeur incompréhensibles du tsar qui se fait à l’occasion remplacer par son double (lequel a bien sûr l’interdiction d’embrasser la dame). Coordonnant ces apparitions, Bibikoff frôle la crise de nerfs. Alexandre et Christel passent leurs soirées au Prater bercés par le vin et les chansons, tandis que Metternich, renseigné par ses espions, se frotte les mains. Jusqu’au soir (la nuit du 6 au 7 mars 1815) où le grand bal à la Hofburg est interrompu par l’annonce du retour du trouble-fête : Napoléon. C’est le branle-bas de combat ; Alexandre rejoint précipitamment son armée, laissant Christel se consoler dans les bras de Pepi.
Le plus célèbre film-opérette du début du parlant, un triomphe mondial tant pour Lilian Harvey et son partenaire d’élection Willy Fritsch que pour Erik Charell, le roi de la revue musicale à Berlin, le Ziegfeld germanique. Ce dernier vient de mettre en scène au Grosses Schauspielhaus trois « Revueoperetten » à sujets historiques qui mélangent, comme ici, le grotesque, le slapstick et le frivole, la musique d’antan (valses) et des airs de variétés contemporains. Disciple de Max Reinhardt, Charell n’a aucune expérience cinématographique : c’est son premier film, mais son sens inné de la chorégraphie et du maniement des foules se répercute dans les mouvements longs et compliqués d’une caméra qui arpente les décors avec virtuosité. Un moment anthologique et, à l’époque, un tour de force : l’objectif ne lâche pas la star pendant sept minutes à partir du moment où elle quitte son magasin de gants, la suivant dans sa calèche à travers la ville et la campagne jusqu’au premier étage de sa nouvelle villa, où, toujours débordante de joie, elle danse de salon en salon pour finalement s’affaler sur un grand lit double, promesse de plaisirs qui ne se concrétiseront jamais (photo : Carl Hoffmann). Elle chante pendant tout le trajet, accompagnée en chœur par la population en liesse qui lui jette des fleurs, les paysans, les pêcheurs, les lavandières, les amoureux, etc. Par ailleurs, la réalisation de Charell fourmille de trouvailles visuelles, d’effets de montage ironiques ou contrapuntiques, et les scènes intimistes sont dirigées comme des ballets.
L’entreprise est chapeautée et supervisée de près par Erich Pommer (Der blaue Engel/L’Ange bleu de Josef von Sternberg), le plus influent et le plus créatif des producteurs allemands d’avant-guerre ; Lilian Harvey l’a convaincu de récupérer le scénario du film qu’Ernst Lubitsch se réservait jalousement à Hollywood depuis 1929, et plusieurs scènes comiques semblent témoigner de ce parrainage lointain (le système élaboré d’écoute de Metternich dans tout le palais, le rôle des domestiques, l’ambiguïté érotique, le fétichisme sexuel) ; Norbert Falk, coauteur du script avec Robert Liebmann, a du reste écrit cinq films pour Lubitsch entre 1918 et 1923. Production sonore de la Ufa visant à disputer l’hégémonie de l’industrie du cinéma américain en Europe, ce conte de fées extravagant est entièrement fabriqué dans les studios géants de Neubabelsberg près de Berlin (juin-septembre 1931) pour la somme alors astronomique de 1 913 173 Reichsmark, du rarement vu à la Ufa, somme dépassée seulement par les 2,3 millions de L’Ange bleu. Les décors sont signés Robert Herlth et Walter Röhring (Le Dernier des hommes, Faust de F. W. Murnau), les costumes style Empire ont été créés par Ernst Stern, bras droit de Reinhardt. La technique de synchronisation n’étant pas encore au point, Pommer fait, en collaboration avec l’Alliance Cinématographique Européenne, réaliser simultanément trois versions, une allemande, une française et une anglaise – toujours avec « la Harvey » qui est parfaitement trilingue. Les acteurs les plus talentueux et les plus populaires de Berlin l’entourent : Fritsch, le partenaire d’élection de Lilian Harvey (12 films ensemble), le fascinant Conrad Veidt, la troublante Lil Dagover, l’inénarrable Adele Sandrock. Napoléon apparaît seulement dans la version allemande, Talleyrand dans la française, le duc de Wellington dans l’anglaise. Les mélodies très entraînantes de Werner Richard Heymann font le tour du monde (« Ce n’est qu’un rêve, un joli rêve, mais bien trop beau pour être vrai. C’était un songe, un joli songe, qui s’évapore et disparaît », chante la bergère dans le carrosse du prince). La chimère qu’évoque le refrain semble s’appliquer également aux visées du film lui-même : de la crème fouettée, au diapason du jeu de Lilian Harvey, danseuse et acrobate de formation, dont la mimique gracieuse obéit à une gestuelle de ballet.
Le film sort en première mondiale le 29 septembre 1931 à Vienne, dans l’ancien Johann Strauss Theater transformé en cinéma, et en présence de membres du gouvernement. Mauvaise idée : le fiasco est total, la projection provoque des ricanements, les Autrichiens n’appréciant que médiocrement cette mégarevue pseudo-viennoise tricotée à Berlin. Pour sauver la mise avant que les échos désastreux de la presse autrichienne ne sabotent la carrière de son film, Pommer organise en un tour de main une première berlinoise à l’Ufa-Palast am Zoo qui enchante les spectateurs et les médias amoureux d’une Vienne ouvertement fantasmée : le film fait 87 000 entrées en 17 jours. En Allemagne (numéro 1 au box-office 1931/32) comme dans le reste de l’Europe, c’est un succès renversant, tant public que critique. Avec quelques réticences à caractère idéologique : ainsi, la presse socialiste et communiste se déchaîne contre cette ruineuse amourette douce-amère, « plus film de diversion que de divertissement », une provocation alors que le pays est terrassé par la crise économique et compte six millions de chômeurs (Rudolf Arnheim dans Die Weltbühne, Siegfried Kracauer dans la Frankfurter Zeitung). « De l’opium pour le peuple », fulmine Heinz Hieber (Sozialistische Bildung, déc. 1931). L’extrême droite nazie n’y voit qu’une débauche de kitsch, fruit d’une « désastreuse mégalomanie juive » et réclame la tête de Charell, de son vrai nom Erich Löwenberg (Der Angriff, 28.10.31). Charell, Pommer, Falk et Liebmann devront quitter précipitamment Berlin à l’arrivée d’Hitler en 1933, mais leur film continuera à alimenter les caisses de la Ufa jusqu’en mars 1937, quand Goebbels aura étatisé la société et le fera interdire.
Rétrospectivement, les intellos grincheux de l’époque, aveuglés par la débauche des moyens mis en œuvre, n’ont pas vu – ou n’ont pas voulu voir – ce qui fait une des particularités du film : son aspect « comédie des apparences et des tromperies ». La politique y est présentée comme une vaste farce, facilement ridicule (un bouquet de fleurs est pris pour une bombe), et surtout comme l’art de duper les foules (le sosie du tsar salue la populace depuis le balcon) ... et les cœurs (Christel). Le machiavélique Metternich, meneur du jeu, fait cyniquement valser ses diplomates tels des marionnettes, préfère les ragots de sa valetaille, plus fiables, à la langue de bois de ses confrères, ces politiciens incapables qui ferment les yeux devant les réalités du monde et désertent la table de conférence pour « danser sur le volcan ». C’est la capitulation tragique des gouvernants (le plan des rangées de fauteuils à bascule vides autour de Metternich ne manque pas d’audace, deux ans avant la prise de pouvoir d’Hitler). La réalité crue s’impose de manière très graphique à travers l’intrusion soudaine d’une estafette couverte de boue au milieu des crinolines virevoltantes. Entouré de couples totalement indifférents, l’officier crasseux parvient à peine à se déplacer sur la piste de danse surbondée pour enfin, après plusieurs tournoiements, identifier le prince-chancelier dans la foule. La silhouette de l’« ogre corse » apparaît en surimpression claire-obscure au son d’une Marseillaise hoquetante, et la salle est littéralement balayée, vidée par le ressac des vagues de Golfe-Juan. En chantant à tue-tête « Ça n’arrive qu’une fois, ça ne reviendra plus ! (Das gibt’s nur einmal, das kommt nicht wieder) », ce petit monde trop joyeux, si peu soucieux des contingences de la vie, formule en sous-texte une sorte d’adieu métaphorique à la République de Weimar – et l’adieu involontaire d’Erik Charell à la Ufa. – IT : Il congresso si diverte, ES : El congreso se divierte.
1931Le Congrès s’amuse / Le Congrès qui danse (DE/FR) d’Erik Charell et Jean Boyer
Erich Pommer, André Daven/Universum-Film AG, Berlin (Ufa)-Alliance Cinématographique Européenne (ACE), 102 min. – av. Lilian Harvey (Christine Weinzinger), Henri Garat (le tsar Alexandre Ier et son sosie Alexandre Uralsky), Pierre Magnier (le prince-chancelier Klemens Wenzel von Metternich), Jean Dax (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Armand Bernard (le prince Bibikoff, aide-de-camp du tsar), Robert Arnoux (Pépi, secrétaire de Metternich), Lil Dagover (la comtesse française), Odette Talazac (la vieille princesse), Paul Ollivier (Stephan Edler von Wohlleben, maire de Vienne), Tarquini d’Or (le chansonnier au Prater), Jean Sinoël (le comte Johann Philipp von Stadion, ministre des Finances).
[Version française du film précédent] – Production tournée à Neubabelsberg pour un coût total de 408 000 Reichsmark et sortie à Paris le 30 octobre 1931 avec un casting idoine (la star, Lilian Harvey, parle le français). Alors qu’à Hollywood, les version multilingues sont réalisées une fois l’original anglophone dans la boîte, à Berlin, les versions internationales sont filmées simultanément à la version allemande, plan par plan, avec les mêmes décors et, souvent, des mouvements d’appareil et éclairages identiques. Hélas, Henri Garat possède la vivacité photogénique mais pas le charisme de Willy Fritsch, et Pierre Magnier (prototype du militaire cassant franchouillard) n’arrive pas à la cheville de Conrad Veidt en Metternich. Le personnage de Napoléon qui apparaît furtivement dans la version originale allemande n’est pas repris ; en revanche, on a rajouté celui de Talleyrand, une présence latine bienvenue. Le très inégal Jean Boyer, co-réalisateur qui dirige les comédiens français, signe également les dialogues et les paroles des chansons. Le tube du film, Das gibt’s nur einmal, devient Serait-ce un rêve ?, et Wien und der Wein devient Ville d’amour.
1932The Congress Dances (Old Vienna) (DE/GB) d’Erik Charell
Erich Pommer, Carl Winston/Universum-Film AG, Berlin (Ufa)-Alliance Cinématographique Européenne (ACE)-[Gaumont British], 92 min. – av. Lilian Harvey (Chrystel Weinzinger), Henri Garat (le tsar Alexandre Ier et son sosie Alexandre Uralski), Philip Manning (Friedrich August I., roi de Saxe), Conrad Veidt (le prince-chancelier Klemens Wenzel von Metternich), Humberston Wright (Arthur Wellesley, duc de Wellington), Lil Dagover (la comtesse française), Gibb McLaughlin (le prince Bibikoff, aide-de-camp du tsar), Reginald Purdell (Pepi, secrétaire de Metternich), Helen Haye (la vieille princesse), Spencer Trevor (le comte Johann Philipp von Stadion, ministre des Finances), Thomas Weguelin (Stephen Edler von Wohlleben, maire de Vienne), Tarquini d’Or (le chansonnier au Prater), George Merritt (le cocher).
[Version anglaise du film précédent] – Production tournée à Neubabelsberg et sortie à Londres le 11 avril 1932 avec un casting idoine (la star, Lilian Harvey, est de mère anglaise et possède un passeport britannique). Le scénario revu par Rowland V. Lee a rajouté le duc de Wellington, absent de la version originale comme de la version française. Le tube du film, Das gibt’s nur einmal, devient Just Once for All Time.
1941/42*Wiener Blut (Sang viennois) (AT/DE) de Willi Forst
Deutsche Forst-Film-Produktion GmbH (Berlin) pour Wien-Film GmbH (Karl Hartl), 111 min. – av. Willy Fritsch (le comte Georg Wolkersheim), Maria Holst [chant : Maria Reining] (la comtesse Melanie Wolkersheim), Hedwig Bleibtreu (la princesse Auersbach), Fred Liewehr (Ludwig von Wittelsbach, prince héritier de Bavière), Ernst Fritz Fürbringer (le prince-chancelier Klemens Wenzel von Metternich), Julius Karsten (le prince wallon Charles-Joseph de Ligne), Paul Henckels (le prince Ypsheim-Gindelbach von Reuss-Schleiz-Greiz), Dorit Kreysler (Liesl Stadler), Wilma Tatzel (Anni), Klaramaria Skala (Cilli), Egon von Jordan (le peintre Moritz Daffinger), Hans Moser (Knöpfel), Theo Lingen (Jean), Karl Blühm (von Treysing), Fritz Imhoff (le vieux Viennois), Willi Forst (l’alchimiste).
Synopsis : Mariés récemment, le comte Wolkersheim, diplomate allemand, et son épouse viennoise Melanie sont délégués au Congrès de Vienne pour y défendre les intérêts du prince Ypsheim et de sa minuscule principauté Reuss-Schleiz-Greiz (fictive). Le comte n’a que mépris et sarcasmes pour la valse, « cette sauterie insensée », et la gaieté proverbiale des Viennois l’agace ; son attitude provoque bientôt la discorde dans le ménage. Sur conseil de son valet Knöpfel, Melanie part pour Bade chez sa tante, la princesse Auersbach. Entre-temps, Metternich prie Wolkersheim d’apprendre secrètement la valse avec la comédienne Liesl Stadler, afin de mieux s’acclimater à sa nouvelle tâche. Peu à peu, le comte se laisse séduire par le charme de la ville. Le prince Ypsheim, très prude et coincé, découvre Liesl dans les appartements du comte et la prend pour Melanie. N’arrivant pas à éclaircir le quiproquo, Wolkersheim se voit forcé d’emmener Liesl au grand bal du Congrès, où celle-ci se fait passer pour la comtesse. Or, justement, Melanie, de retour à Vienne, se rend au même bal, rendez-vous de toutes les têtes couronnées. La prenant pour Liesl, Ludwig, le prince héritier de Bavière, l’invite à sa table, puis la confronte à la comédienne. Surprise : les deux femmes s’entendent à merveille (elles chantent en duo Sang viennois), et le lendemain, les époux Wolkersheim se réconcilient. La principauté de Reuss-Schleiz-Greiz, qui devait être incorporée à la Bavière, reste indépendante, les Wolkersheim décident de s’établir définitivement à Vienne, tandis que Liesl poursuivra sa carrière d’actrice en Allemagne sous la « protection » du prince Ypsheim.
Wiener Blut est un des plus grands succès populaires du cinéma allemand sous Hitler, avec une recette mirobolante de 7 millions de Reichsmark (il fera aussi une très jolie carrière en France occupée). Mais son intérêt est ailleurs : d’une part, il s’agit d’une œuvre du plus brillant des cinéastes autrichiens, Willi Forst (Maskerade, 1934), remarquablement mise en scène et interprétée, avec un faste rare, des costumes somptueux, une grâce et un entrain communicatif à faire pâlir la profession. Déguisé en alchimiste, Forst apparaît lui-même avant le générique pour mélanger quatre fioles étiquetées « humour », « légèreté », « cœur » et « musique », le tout créant le titre du film. Le scénariste Ernst Marischka s’est inspiré très, très librement de l’opérette comique en 3 actes de Johann Strauss fils, Victor Léon et Leo Walther Stein (1899), qui conte les escapades amoureuses du comte Balduin Zedlau, diplomate au Congrès de Vienne, déchiré entre son épouse viennoise Gabriele et la danseuse Franziska Cagliari (cf. infra, téléfilm de 1972).
Mais les accents ont été changés. Ni Forst ni son confrère Karl Hartl (qui dirige la Wien-Film) n’ont digéré l’annexion de leur patrie par les nazis, dégradée au rang de province et dont Berlin nie l’identité. Quoique phagocytée par l’industrie de Goebbels, la Wien-Film s’est donc spécialisée dans les sujets locaux, chantant un passé disparu et pourtant toujours vivant ; cette orientation thématique, accessoirement très lucrative, est aussi un prétexte pour contourner les diktats hitlériens et ne pas avoir à traiter de sujets entachés de croix gammées. « J’ai fait mes films les plus autrichiens lorsque l’Autriche n’existait plus », dira plus tard Forst, qui s’est fixé pour tâche de célébrer l’« âme viennoise » et « la Vienne éternelle » en opposition à l’esprit prussien militariste qui prédomine dans l’Allemagne du moment ; les diverses piques satiriques contre Berlin et les allusions codées à l’actualité politique (découpage de l’Europe, suprématie germanique) sont à comprendre comme un acte de résistance interne, une sorte de propagande pro domo. Dans son journal intime, Goebbels, soufflé et jaloux, ne cache pas son irritation et se plaint du fait qu’« il n’existe rien d’équivalent pour glorifier la capitale du Reich » (3.4.42). Entièrement tourné sur place (Hofburg, Theater an der Wien) et dans les trois grands studios de Rosenhügel, Sievering et Schönbrunn, le film est officiellement « recommandé pour sa valeur artistique et culturelle », et obtient le Prix spécial de la Biennale au festival de Venise 1942. – IT : Sangue viennese, US : Vienna Blood.
1943Un seul amour (FR) de Pierre Blanchar
Société Nouvelle des Établissements Gaumont, 101 min. - av. Micheline Presle (Clara Biondi), Pierre Blanchar (Gérard de Clergue), Jean Périer (le prince Talleyrand), Julien Bertheau (James de Poulay).
Adapation libre de La grande Bretèche d'Honoré de Balzac par Bernard Zimmer. Le 18 mars 1815, la ballerine Clara Biondi danse à l'Opéra de Vienne pendant le Congrès. Le prince Talleyrand assiste au spectacle, accompagné du diplomate français Gérard de Clergue, qui s'éprend de la belle danseuse. Lorsque Napoléon s'évade de l'île d'Elbe et que la nouvelle sème la panique à Vienne, Gérard ramène Clara à Paris, où elle se produit encore devant Louis XVIII, puis épouse Gérard et se retire avec lui sur ses terres. James de Poulay, un ancien amant, la fait chanter avec des lettres d'amour; Clara enferme l'intrus dans une pièce du château pour éviter la colère de son époux, mais celui-ci a deviné sa présence et fait emmurer le malheureux. Le comte se suicide à la chasse, la comtesse se retire dans un couvent où elle le suit bientôt dans la mort. On retrouvera le squelette de Poulay un demi-siècle plus tard. - Athur Honegger signe la musique de ce mélo psychologiquement boiteux, lent, mal joué et mal dirigé, et que seul sauvent la splendide photo de Christian Matras et la beauté de Micheline Presle.
1955Der Kongress tanzt (Le Congrès s’amuse) (AT) de Franz Antel
Erich von Neusser/Neusser Film GmbH Wien et Cosmos-Filmproduktions GmbH Wien, 106 min. – av. Rudolf Prack (le tsar Alexandre Ier), Johanna Matz (Christl Weinzinger), Karl Schönböck (le prince-chancelier Klemens Wenzel von Metternich), Günther Phillip (Pepi Gallinger, son secrétaire), Hans Moser (Schöberl), Hannelore Bollmann (Babette, sa fille), Marte Harell (comtesse Ballansky), Jester Naefe (Lydia), Josef Meinrad (Franzl Eder), Paul Westermeier (Franz, le cuisinier prussien), Ernst Waldbrunn (Schabzigl), Ilse Peternell (Liesl), Carl W. Fernbach, Raoul Retzer, Karl Fochler, Peter Czeike.
Remake du film-opérette de 1931, avec les mêmes chansons, sauf que le pâtissier en chef ne possède pas le dixième du talent d’Erik Charell. Le cinéma autrichien se met à exploiter le passé lointain pour faire oublier le passé récent. En même temps, le film annonce la renaissance du pays, étant réalisé deux mois après la signature du traité d’État autrichien (15 mai 1955) qui marque la fin de l’occupation alliée et l’indépendance. Franz Antel, le grand rival d’Ernst Marischka (Sissi et consorts) en matière de viennoiseries nostalgiques, a remis les fantasmes de la Vienne des Habsbourg au goût du jour dès 1953 avec la sucrerie Kaiserwalzer (Valse impériale), où Rudolf Prack interprétait le malheureux archiduc Louis, fils de François-Joseph. Le film a battu le record des recettes du cinéma autrichien en Allemagne depuis le début du siècle. Prack est donc promu tsar ; Johanna Matz, alors la rivale de la toute jeune Romy Schneider sur les écrans germaniques, lui donne la réplique en petite gantière ; ni l’un ni l’autre ne feront oublier le couple Fritsch-Harvey. Tourné en CinemaScope et Trucolor (c’est le premier film autrichien en scope) aux studios de Wien-Sievering et de Rosenhügel, en extérieurs à Vienne (Hofburg, Belvédère, Schönbrunn) et dans la vallée de Wachau. La version internationale est cofinancée par Republic Pictures (Hollywood). – IT : Il congresso si divierte, US : The Congress Dances.
1957(tv) Die schöne Lügnerin [= La Belle Menteuse] (DE) de Rolf Kutschera
Deutsches Fernsehen (ARD 18.6.57), 76 min. – av. Herta Staal (Jenny/Fanny Emmetsrieder), Peter Schütte (le tsar Alexandre Ier), Louis Soldan (le prince-chancelier Klemens Wenzel von Metternich), Susanne von Almassy (la princesse Maria Eleonore von Metternich), Hans Reiser (Martin Landau [Franz Lukaschek]), Erwin Linder.
Une corsetière viennoise aime le secrétaire particulier de Metternich, séduit le tsar Alexandre et invente un mensonge énorme pour se rendre intéressante : Napoléon aurait quitté l’île d’Elbe... Une variante du Congrès s’amuse, d’après la comédie musicale éponyme en 3 actes d’Ernst Nebhut et Just Scheu (création en janvier 1954 au Théâtre de Braunschweig), déjà présentée sous forme de pièce radiophonique adaptée et mise en ondes par Fritz Benscher (Bayerischer Rundfunk, 30.1.1955), avec Margit Saad. Pour plus de détails, cf. le film de 1959 (infra).
1959Die schöne Lügnerin / La Belle et l’Empereur (DE/FR) d’Axel von Ambesser
Gyula Trebitsch, Walter Koppel, Pierre O’Connell, Arys Nissotti/Real Film GmbH (Hamburg)-Gyula Trebitsch Prod.-Régina Film SA (Paris), 98 min. – av. Romy Schneider (Fanny Emmetsrieder), Jean-Claude Pascal (le tsar Alexandre Ier), Helmut Lohner (le comte Martin Waldau), Charles Regnier (le prince-chancelier Klemens Wenzel von Metternich), Paul Guers (le baron d’Aurignac, ambassadeur de France), Hans Moser (Emmetsrieder, le grand-père de Fanny), Jacqueline Marbaux (la princesse Maria Eleonore von Metternich), Josef Meinrad (le baron John Hager, préfet de la Police de Vienne), Franz Schafheitlin (Lord Robert Stewart, ambassadeur d’Angleterre), Véra Valmont (Marie-Louise de Habsbourg), MARCEL MARCEAU (Napoléon, au cabaret), Helmut Qualtinger (Zawadil, police secrète), Rolf Wanka (le comte Waldau père), Hans Schwarz Jr. (prince Razumofsky), Willy Maertens (comte Schleizenstein de Saxe), Erik von Loewis (gén. Seidelbast, de Prusse), Margarete Hruby (Lady Stewart), Lou Seitz (comtesse Haschlowitz), Joachim Wolf (un indic), Fritz Eckhardt (forain), Kai Molwik (professeur de danse).
Synopsis : Alors que monarques et diplomates délibèrent au Congrès, la jolie corsetière viennoise Fanny apprend par son grand-père que son amoureux Martin Waldau n’est pas le valet de Metternich, comme il l’affirme, mais un véritable comte, secrétaire particulier du prince-chancelier. Elle jure de se venger et se faufile dans la Hofburg pour le confondre publiquement ; le hasard veut qu’elle y rencontre le tsar Alexandre qui est conquis par sa beauté. La prenant pour une aristocrate russe, il ouvre le bal avec elle. Courtisée par le tsar et l’ambassadeur de France d’Aurignac, elle s’enferre dans une cascade de mensonges. À Metternich, qui est convaincu qu’elle est une espionne russe, voire bonapartiste, et qui tente de l’attacher à ses services, elle affirme affolée que Napoléon vient de quitter l’île d’Elbe. Le Congrès est en état de choc, on décrète la mobilisation. Elle regrette cette blague un peu « hénaurme » et passe aux aveux quand Martin apporte une dépêche confirmant le retour de l’Empereur en France. Ne voulant laisser croire aux autres qu’ils ont été dupés, le tsar, d’Aurignac et Metternich comblent Fanny et Martin de titres et de décorations. Devenue comtesse et réconciliée avec son amoureux, Fanny peut l’épouser.
La version grand écran du téléfilm de 1957 (cf. supra), lui-même tiré d’une pièce de 1954. Le sujet n’est pas déplaisant, mais il est gâché par une mise en scène d’une constante platitude et une direction d’acteurs approximative, des manques que ni la photo soyeuse de Christian Matras ni l’éclat des costumes d’Erna Sander (épouse du producteur Trebitsch) ou les extérieurs prestigieux ne parviennent vraiment à combler. La bande est réalisée en Eastmancolor sur place à Vienne (Hofburg, Belvédère, Schönbrunn) et aux studios de la Real-Film à Hambourg-Wandsbeck. À titre de curiosité, on découvre le célèbre mime Marcel Marceau qui (avec sa troupe) imite sur scène Napoléon – muet – en train de s’enfuir de l’île d’Elbe et de paniquer les militaires alliés. Ayant fugué à Paris avec Alain Delon, Romy Schneider émerge des rôles sucrés à la Sissi, mais n’a pas encore trouvé sa voie (elle chante : « Ja, man verliebt sich »). Ses fans en RFA et en Autriche la boycottent après sa « désertion » de la saga de l’impératrice Élisabeth, et le film, assez onéreux, ne couvre pas ses investissements. Nicolas Jaillet reprendra sans vergogne l’intrigue de cette comédie pour son roman L’Intruse (Paris, Hachette, 2010). – BE : La Belle Menteuse, ES : La bella mentirosa, IT : Sissi la favorita dello zar.
1965/66Der Kongress amüsiert sich / Le Congrès s’amuse (Le Charme viennois) (DE/AT/FR) de Géza (von) Radványi
Heinz Pollak, Georg M. Reuther, Aldo Pinelli/Melodie Film GmbH (München)-Wiener Stadthallen-Produktion (Wien)-Comptoir Français de Productions Cinématographiques, Paris (CFPC), 110 min./96 min. – av. Lilli Palmer (la princesse Maria Eleonore von Metternich), Curd Jürgens (le tsar Alexandre Ier), Paul Meurisse (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Hannes Messemer (le prince-chancelier Klemens Wenzel von Metternich), WOLFGANG KIELING (le spectre et le sosie de Napoléon), Sieglinde Koch (Marie-Louise de Habsbourg), Sascha Reuther (Napoléon II, le Roi de Rome, son fils), Walter Regelsberger (le comte Adam Albert von Neipperg), Lukas Ammann (Friedrich von Gentz), Hannelore Bollmann (la princesse Wilhelmine, duchesse de Sagan), Aime de March (Beauregard, un bonapartiste), Ulla Moritz (Dorothée de Courlande, duchesse de Dino), Brett Halsey (Stefan von Abony, baron hongrois), Melanie Horeschovski (sa grand-mère), Anita Höfer (Rosa Wertesch, maîtresse de Metternich), Françoise Arnoul (la comtesse Kopinskaïa), Bibi Jelinek (Sophie), Walter Slezak (le guide au musée de cire), Ingeborg Gruber (Steffi), Kurt Meisel (Semmelbein, le bijoutier), Ilse Kaller (la gitane), Else Rambausek (soubrette), Franz Muxeneder (Grasi, le brigand), Helga Anders (Anni Leithner).
Une intrigue sans le moindre rapport avec le classique d’Erik Charell (cf. 1931) : Lors d’une visite de touristes dans un cabinet de figures de cire en 1965, Metternich et ses contemporains prennent vie et nous plongent dans le passé, en 1814 ... Vienne prépare le Congrès. Le prince-chancelier sait que les délibérations politiques ne se feront pas seulement autour d’une table, mais dans les salons et les boudoirs de la capitale. De son côté, Maria Eleonore von Metternich a toujours su exploiter les constantes infidélités de son époux pour le bien de l’État. Ce dernier a décidé d’éloigner sa maîtresse à Prague, la cantatrice Rosa, afin de ne pas prêter flanc à la critique. Mais, pensant que Metternich va profiter de son absence pour courtiser une rivale, Rosa fugue et retourne à Vienne au bras du baron hongrois Stefan, un ardent bonapartiste. Le tsar Alexandre arrive, ainsi que Talleyrand, accompagné de la duchesse de Périgord. Grand noceur la nuit, le tsar s’endort le jour pendant les délibérations, et ronfle audiblement. Ayant appris le retour inopiné de Rosa et ne pouvant l’empêcher de se produire au Karl-Theater, Metternich tente au moins de récupérer ses lettres d’amour, mais elles sont déjà entre les mains de Talleyrand. Friedrich von Gentz, bras droit de Metternich, introduit la comtesse Kopinskaïa auprès du tsar pour défendre la cause de la Pologne, mais le monarque montre plus d’intérêt pour la jeune Viennoise Anni qui l’a sauvé d’un attentat. Lorsque survient la nouvelle du retour de Napoléon, des conspirateurs menés par Stefan tentent d’enlever Marie-Louise et le jeune Roi de Rome pour les ramener en France. Arrêté, Stefan est sauvé grâce à l’intercession de la princesse Metternich. Quant au tsar, il récompense Anni en l’invitant au bal du Congrès.
Dans cet opulent pot-pourri (budget : 4,5 millions de DM) faisant défiler toute la galerie diplomatico-mondaine ayant, de près ou de loin, participé au fameux Congrès, les personnages à l’écran s’amusent plus que le public dans la salle. On se lasse vite de ces imbroglios vaudevillesques sans intérêt, fussent-ils servis par deux airs de Robert Stolz et une brochette de stars du cinéma européen : Meurisse en Talleyrand, Messemer en Metternich, Lilli Palmer, Françoise Arnoul et Curd « Michel Strogoff » Jürgens en tsar, une fois de plus (après avoir campé Alexandre II dans le Katia de Robert Siodmak, 1959). Metternich confond sa nombreuse progéniture avec ses neveux et nièces, et, la nuit, voit Napoléon dans ses cauchemars, tandis que le tsar, débraillé, s’enivre avec ses cosaques ou trousse le premier jupon venu. Quant à la valse finale, elle dégénère stupidement en ... twist. Seul piment du scénario échafaudé par le romancier et journaliste Hans Habe, alias Janos Békessy : l’apparition inattendue de l’ex-impératrice Marie-Louise, de son amant et futur mari Neipperg, et de l’Aiglon. Par ailleurs, les attraits de ce défilé costumé en Eastmancolor et 70 mm Superpanorama lorgnant vers le dépliant touristique (les vues aériennes de Vienne et de la campagne avoisinante abondent) restent de surface, et la réalisation lourdingue de Radványi, jadis auteur d’un mémorable film pacifiste (Quelque part en Europe, 1947), relève de la capitulation artistique la plus totale. Tournage aux studios de la Wien-Film à Sievering et en extérieurs à Vienne (Hofburg, Schönbrunn, Belvédère, Karl-Theater). – ES : El congreso se divierte, US : Lovers and Kings, Congress of Love.
1968Hauptmann Florian von der Mühle (DE-RDA) de Werner W. Wallroth
DEFA-Filmstudio für Spielfilme-Groupe « Berlin » (Berlin-Est), 140 min. – av. Manfred Krug (cpt. Florian von der Mühle), Regina Beyer (la duchesse Joséphine de Guastalla), Rolf Herricht (Amadeus), Gisela Bestehorn (la baronne von Coloredo), Jutta Klöppel (Fanny Schausendorf), Hans Hardt-Hardtloff (Nepomuk), Rolf Hoppe (baron John Hager, préfet de la Police de Vienne), Wolf Sabo (le prince-chancelier Klemens Wenzel von Metternich), Karl-Ernst Sasse (violoneux).
Synopsis : En 1813, Florian, un meunier promu officier, met toutes ses économies à disposition de l’empereur d’Autriche pour la lutte contre Napoléon. Mais après la victoire, l’année suivante, l’État rechigne à reconnaître sa dette et exige même le paiement d’un impôt pour les ruines de son moulin détruit lors des combats. Il se rend au Congrès de Vienne afin d’expliquer son cas à Metternich ; en cours de route, il protège la duchesse italienne Joséphine de Guastalla contre des brigands. Leur destination est la même, puisque l’Italienne veut interpeller l’empereur d’Autriche qui souhaite confisquer le domaine de son époux décédé pour en faire cadeau à sa fille, l’impératrice Marie-Louise ; Joséphine doit également transmettre à cette dernière une lettre de Napoléon qui l’invite à le rejoindre sur l’île d’Elbe – lettre détruite accidentellement. À la cour de Vienne, Florian échappe aux multiples pièges, tentatives de meurtre et intrigues des espions de Metternich. La duchesse Joséphine, dont le certificat de mariage a été falsifié, doit renoncer à son château en Émilie-Romagne ; de concert avec Florian (qui fait croire au retour du Corse en imitant sa signature), elle a recours à la ruse pour obtenir gain de cause et c’est en homme fortuné que le commandant « Florian du Moulin » rentre chez lui, la duchesse à son bras.
Une comédie turbulente et pataude, qui se voudrait satirique, sur le mode « cape et épée » biedermeier et affichant un héros à la Fanfan-la-Tulipe ; mais il lui manque pour cela l’élégance insolente, la fraîcheur et le rythme du modèle français. Tiré de la nouvelle Die Winternachtsabenteuer de Joachim Kupsch (1965), cette bande – un gros succès populaire en RDA – est la première production de l’Allemagne de l’Est à utiliser le format panoramique 70 mm. Le tournage s’effectue à Freyburg, dans les jardins baroques de Grosssedlitz à Heidenau, à Naumbourg (Saxe-Anhalt) et aux studios DEFA de Babelsberg. – DE-RFA : Hauptmann Florian, IT : Sulle orme di Scaramouche, US (vidéo) : Captain Florian of the Mill.
1972(tv) Wiener Blut (AT/DE) de Hermann Lanske
Fred Kollhanek, René Rauscher/UNITEL-Zweites Deutsches Fernsehen (ORF 1.5.72 / ZDF 21.5.72), 103 min. – av. Benno Kusche (le prince Ypsheim-Gindelbach von Reuss-Schleiz-Greiz), René Kollo (le comte Balduin Zedlau), Ingeborg Hallstein (la comtesse Gabriele Zedlau), Dagmar Koller (Franziska « Franzi » Cagliari), Helga Papouschek (Pepi), Ferry Gruber (Josef), Fritz Mullar (Kagler), Elisabeth Fez (Lintschi), Hilde Sochor (Lisi), Friederike Mann (Lori), Ossy Kolmann (le cocher).
Adaptation télévisée de l’opérette comique en 3 actes de Johann Strauss fils, Victor Léon et Leo Walther Stein (1899), qui conte les escapades amoureuses du comte Balduin Zedlau, diplomate au Congrès de Vienne, déchiré entre son épouse viennoise Gabriele et la danseuse Franziska Cagliari. Direction musicale d’Anton Paulik. Cf. supra, Wiener Blut de Willy Forst (1942).
1978(tv) Ein Frieden für die armen Leute (Der Wiener Kongress) (DE/AT/CH) de Walter Davy
ORF-ZDF-DRS (ORF1 28.12.78), 90 min. – av. Gerd Böckmann (le prince-chancelier Klemens Wenzel von Metternich), Christian Quadflieg (le tsar Alexandre Ier), Marianne Nentwick (l’archiduchesse Catharina Pavlova, sa sœur), Andrea Jonasson (la princesse Catherine Bagration), Alfons Lipp (François Ier d’Autriche), Kurt Nachmann (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Else Ludwig (la princesse Wilhelmine, duchesse de Sagan, maîtresse de Metternich).
Walter Davy, un des plus importants téléastes du petit écran autrichien, livre sa version critique du Congrès de Vienne et de ses arrangements complaisants (d’où le titre ironique, « Une paix pour les pauvres gens »).
2013(tv) Diplomatische Liebschaften : Die Mätressen des Wiener Kongresses (Le Congrès de Vienne : Entre affaires diplomatiques et liaisons amoureuses) (DE/AT) de Monika Czernin
Iris Haschek, Golli Marboe/ZDF-ORF-Makido Film (Arte 5.7.14), 50 min. – av. Verena Altenberger (Wilhelmine von Sagan), Gioia Osthoff (Dorothée Talleyrand-Périgord, princesse de Courlande), Thea Schütte (princesse Catherine de Bagration), Dominik Castell (Klemens Wenzel von Metternich), Michael König (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Eric Lingens (le tsar Alexandre Ier), Martin Ploderer, Markus Stolberg, Felicitas Lukas, Florian Perger.
Docu-fiction languissant sur le rôle des femmes dans les manœuvres politiques au Congrès à partir de septembre 1814, d’après un script de Melissa Müller et Monika Czernin. En décrivant les conciliabules plus que les tractations officielles ainsi que l’emprise des médiatrices de salon que furent les épouses et les intrigantes, le film cherche à analyser les mœurs d’une élite qui mêle pressions politiques et secrets d’alcôve. Ainsi, la princesse Bagration, la ravissante et sulfureuse veuve du général tombé à la Moscova-Borodino, espionne pour le compte du tsar, tandis que Metternich utilise sa maîtresse, Wilhelmine von Sagan, et Talleyrand sa très jeune épouse, Dorothée de Courlande. Ces femmes n’ont pas accès aux lieux où se dessine la carte nouvelle de l’Europe, mais leur travail dans les bals, les salons et parfois les chambres à coucher n’en est pas moins redoutable.