Ia - NAPOLÉON ET L'EUROPE

14. NAPOLÉON ET LA RUSSIE

14.1. De l’assassinat de Paul Ier aux tergiversations d’Alexandre Ier

1909/10Fänrik Ståls sägner (= Les Récits de l’enseigne Stål) (SU) de Carl Engdahl
AB Svenska Biografteatern, 2 actes/420 m./23 min. – av. Wilfgot Ohlsson (l’enseigne Stål / gén. Johan August Sandels), Axel de la Motte (l’étudiant narrateur [= Johan Ludwig Runeberg]), Ellen Hallberg (Ann-Sofi Sommelius), Käthie Jacobsson (Gertrud), Georg Dalunde (gén. Georg Karl von Döbeln / le frère de Molnet), Oscar Söderholm (Sven Dufva), Frida Greiff (la vivandière Lotta Svärd), Gotthard Jacobsson (adjudant de Sandels), Carl Engdahl (le pasteur de Pardala), Gottfrid Hallberg, Ellen Ströbäck, Gotthard Jacobsson, Torsten Jacobsson, Idof Bergqvist.
Lorsque, à l’occasion du traité de Tilsit en 1807, la Russie et le Danemark s’allient à Napoléon, la situation de la Suède (qui avait participé à la Troisième Coalition deux ans auparavant) devient précaire. Avec l’accord tacite de Napoléon, le tsar Alexandre envahit la Finlande, province suédoise depuis sept siècles, et déclenche la guerre russo-suédoise en février 1808. La mer du Nord étant gelée, la Suède ne peut fournir de renforts à son armée finlandaise que commande le général Carl Johan Adlercreutz. La forteresse de Sveaborg se rend, la Finlande est entièrement occupée par les Russes qui prolongent la guerre sur territoire suédois ; jugé responsable de ce désastre, le roi Gustaf IV est contraint d’abdiquer, et en septembre 1809, la paix de Fredrikshamn entérine la création du Grand-duché de Finlande, à présent province autonome de l’Empire russe. À la bataille de Jutas (13 septembre 1808), le légendaire général suédois Georg Carl von Döbeln – célébré dans le film General von Döbeln d’Olaf Molander en 1942 (cf. p. 386) – sauve l’armée en retraite de l’anéantissement total et protège ainsi indirectement la ville de Stockholm.
Poète national (suédophone) de la Finlande, Johan Ludvig Runeberg glorifie dans son poème épique Les Récits de l’enseigne Stål (en français : Le Porte-Enseigne Stole), paru en deux parties en 1848 et 1860, l’humanité commune à toutes les parties en conflit, mais en louant principalement l’héroïsme des troupes finno-suédoises, sous forme de ballades ou d’anecdotes. Un jeune précepteur campagnard fonctionne comme narrateur, rapportant les récits de guerre que lui a confiés le vétéran Stål, jadis enseigne de Döbeln. Généraux, officiers et simples soldats, réels ou fictifs, en sont les protagonistes, ainsi que la vivandière Lotta Svärd, et Stål dépeint avec une hargne sarcastique les fautifs de la défaite, le roi Gustaf IV, le commandant en chef Klingspor et Cronstedt, commandant de la citadelle de Sveaborg qui se rendit sans combattre. Tourné aux studios de Svenska Biografteatern à Kristianstad, en extérieurs à Ekestad et à Kjugekull, le film mêle aux épisodes connus du poème – Döbeln écrase les Russes à Jutas, l’histoire du fiancé d’une paysanne qui préfère déserter que mourir au combat, etc. – quelques passages du drame Fänrik Stål de Peter Fristrup et Hjalmar Selander, pièce présentée au théâtre de Kristianstad en septembre 1907. Remake en 1926 (cf. infra).
1913Za chest’ russkogo znameni. Voennyi episod iz voiny 1805 goda (Pour l’honneur du drapeau russe. Épisode de la guerre de 1805) (RU) de Iakov Protazanov
(Paul) Thiemann & (Friedrich) Reinhardt (Moscou), 2 parties/730 m. – av. Mikhail Tamarov (ltn. Semyon Koublitski), Elizaveta Thiemann (Klara).
Blessé pendant la bataille d’Austerlitz, le lieutenant Koublitski réussit à sauver le drapeau de son régiment décimé en le dissimulant sous sa redingote. Il est fait prisonnier par les Français, mais parvient à s’évader grâce à une fille qui l’aime, Klara. Entre-temps, Koutouzov ordonne la dissolution du régiment qui a perdu ses couleurs. Après un long et difficile périple, Koublitski atteint l’état-major juste à temps pour sauver l’honneur de ses soldats. – Basé sur un épisode authentique, le film est produit pour célébrer l’anniversaire du régiment en question et montre Elizaveta Thiemann, l’épouse du producteur, dans un de ses rares rôles à l’écran. La presse vante l’excellence des scènes de bataille, auxquelles aurait participé l’armée impériale russe, en particulier « des plans d’ensemble impressionnants, avec une grande profondeur de champ » (Sine-fono 5.1.1913).
1926Fänrik Ståls sägner – del I.-II. (= Les Récits de l’enseigne Stål – chants I et II) (SU) de John W. Brunius
Herman Rasch/Film AB Nordstjärnan, 2253 m./110 min. – av. John Ericsson (l’enseigne Stål), Karl Michael Runeberg (Johan Ludvig Runeberg), Einar Fröberg (gén. Wilhelm Mauritz Klingspor), Edvin Adolphson (gén. Georg Karl von Döbeln), Alfred Lundberg (gén. Kurt Natanael af Klercker), Nils Olin (s.-ltn. Wilhelm von Schwerin), Olga Andersson (Rustinna von Schwerin), Gustav Ranft (Odert Reinhold von Essen), Carl Deurell (major Otto Henrik von Fieandt), Nils Wahlbom (gén. Karl Johan Adlercreutz), Thor Modéen (col. Johan August Sandels), Fredrik Gjerdrum (col. Johan Adam Cronstedt), Sven Lindström (Gustav Löwenhielm, chef d’état-major), Thor Christiernsson (ltn. Carl Leonard Lode), Otto Malmberg (Carl Olof Cronstedt, cdt. de Sveaborg), Oskar Textorius (gén. russe Friedrich Wilhelm von Buxhovden), Leopold Edin (gén. russe Jan Pieter van Suchtelen), Anita Dorr (Karin), Edit Rolf (Inga), Ida Gawell-Blumenthal (la vivandière Lotta Svärd), Seth Hesslin (l’enseigne Blume).
Épisodes de la guerre russo-suédoise en Finlande en 1808/09, menée par le tsar avec l’accord de Napoléon (cf. version de 1910). À l’instar de l’œuvre épique de Johan Ludvig Runeberg dont il s’inspire, le film débute par les strophes initiales du poème Notre pays (Vårt land), devenu entre-temps l’hymne national finlandais, sur fond d’images du pays des mille lacs. Le récit-cadre fait apparaître Runeberg lui-même (interprété par un descendant du poète, Karl Michael Runeberg) et invente une idylle entre le jeune sous-lieutenant Wilhelm von Schwerin, mortellement blessé à l’âge de seize ans en défendant héroïquement un pont près d’Oravais (14.9.1808) et une jeune fille de la région ; ajout sentimental qui ne manque pas de provoquer des protestations parmi les puristes. John Wilhelm Brunius et Herman Rasch s’attaquent à la matière après la réussite de leur superproduction historique sur Charles XII l’année précédente. On tourne à grands frais aux ateliers Filmstaden à Råsunda, à Upsala (victoire de Döbeln à Jutas), à Östersund au musée plein air de Jamtli, à Järvafältet (désastre suédois à Oravais, mort de Schwerin) et en Finlande (Ruovesi, Sveaborg/Suomenlinna, Tavastehus/Hämeenlinna, vieille église de Hattula). Edvin Adolphson est si convaincant en Döbeln qu’il rejouera ce légendaire militaire dans General von Döbeln d’Olaf Molander en 1942 (cf. p. 386). Très déçue dans ses attentes après la fresque historique précédente de Brunius, la critique déplore une suite de tableaux monotones et répétitifs (discussions d’état-major, troupes en marche dans la boue ou la neige, batailles menées sans imagination), des scènes peu spectaculaires, parfois théâtrales, qui reproduisent souvent les dessins d’Albert Edelfelt parus dans l’édition illustrée du poème. Le récit souffre en priorité du fait qu’il ne présente pas un personnage central unificateur et se disperse à tout propos. Mais l’accueil public est satisfaisant et les Finlandais font au film un véritable triomphe, au point qu’il sera sonorisé et réédité à Helsinki en hiver 1939 par Roland af Hällström, quand Staline se proposera d’envahir le pays, sous le titre Vänriki Stoolin tarinat / Fänrik Ståls sägne» (prod. Film Ab Norstjärnan & Kurt Jäger Filmi Oy, 99 min., narration de Teuvo Puro).
1927® Königin Luise (La Reine Louise) (DE) de Karl Grune. – av. CHARLES VANEL (Napoléon), Egon von Jordan (le tsar Alexandre Ier), Alfred Gerasch (Talleyrand). – Les empereurs de France et de Russie se partagent la Prusse orientale lors du traité de Tilsit, les 7-9 juillet 1807 (cf. p. 370).
1928[**] The Patriot (Le Patriote) (US) d’Ernst Lubitsch
E. Lubitsch/Paramount Famous Lasky (Adolph Zukor, Jesse L. Lasky), 2993 m./3100 m. (vers. sonorisée), 113 min. – av. Emil Jannings (tsar Paul Ier), Florence Vidor (comtesse Anna Ostermann), Lewis Stone (comte Piotr Alexeïevitch Pahlen), Vera Voronina (Mlle Lapoukhine, maîtresse du tsar), Neil Hamilton (tsarévitch Alexandre, futur Alexandre Ier), Harry Cording (Stepan), Nicholas Kobliansky, Sam Savitsky, Alexander Skonnikov.
Synopsis : Château Saint-Michel (ou château des Ingénieurs) à Saint-Pétersbourg, le 11 mars 1801. Paranoïaque, le tsar Paul I er se dit entouré d’intrigants et d’assassins. Seul le comte Pahlen, ministre des Affaires étrangères et gouverneur militaire de la capitale, a sa confiance. Ce dernier voudrait protéger son ami, mais le comportement despotique, les accès de cruauté et de confusion de l’empereur le persuadent d’agir dans le sens d’une abdication forcée. Stepan, un garde impérial, qui s’est fait fouetter jusqu’au sang pour une peccadille, se rallie à Pahlen. Le tsarévitch Alexandre met son père en garde contre son ministre, mais Paul, qui n’aime pas son rejeton, le fait mettre aux arrêts pour fausses accusations. Le tsarévitch consent au coup d’État à condition que la vie de son père soit épargnée ; Pahlen en répond sur sa propre vie. Assistés par la comtesse Ostermann, maîtresse de Pahlen, les comploteurs finissent par assassiner le tsar réticent à toute abdication. Sur quoi Pahlen demande à Stepan de le tuer d’un coup de revolver. Le comte agonise dans les bras de son amie en disant : « J’ai sans doute été un mauvais ami et un médiocre amant, mais j’étais un patriote ... »
Au générique, le film mentionne comme unique source littéraire le roman et le drame Der Patriot d’Alfred Neumann (1925), à laquelle il convient cependant d’ajouter les pièces L’Empereur Paul Ier de Dimitri Merejkovski (1908) et The Patriot d’Ashley Dukes (1928) qui ont également été mises à contribution (la pièce de Neumann a fait sensation à Berlin l’année précédente sous la direction de Leopold Jessner, avec Fritz Kortner). Ces références livresques n’empêchent pas quelques irrégularités historiques : le complot a été ourdi par le général russo-allemand Levin August von Bennigsen, tombé en disgrâce après le renversement d’alliance de la Russie au profit de la France de Bonaparte : à l’instigation du gouvernement anglais, Bennigsen prit la tête de la conspiration – mais n’apparaît ni dans la pièce ni dans le film (pas plus que le rôle sous-jacent de Londres) ; il combattra Napoléon à Eylau et à Friedland. Le comte germano-balte Peter Ludwig von der Pahlen (russifié en Piotr Alexeïevitch), grand maître de l’Ordre de Malte, froid et énergique, ne fut jamais un ami du tsar, mais sut gagner sa confiance ; il rejoignit les conspirateurs avec Nikolaï Zoubov et Nikita Panine tout en s’efforçant de dissimuler sa participation au cas où il y aurait un échec. Après la mort du tyran, l’impératrice veuve Maria Fédorovna poussa son fils Alexandre à le décharger de toutes ses fonctions à la cour ; Pahlen se retira dans ses terres de Courlande où il mourut en 1826. Alexandre était parfaitement au courant du coup d’État, mais refusa de rien savoir des préparatifs, se lavant les mains d’avance. Il éclata en sanglots en apprenant la nouvelle, se sachant marqué du sceau de l’ignominie – car ce que d’autres avaient fait, il l’avait souhaité : il était « un criminel innocent, un parricide propre » (Henri Troyat).
Ernst Lubitsch tente de retrouver le faste, mais aussi l’ironie sous-jacente de ses fantaisies historiques réalisées avec Emil Jannings à Berlin en 1919-1921 (Madame Dubarry, Anna Boleyn, La Femme du pharaon), mobilisant sur les plateaux de la Paramount à Melrose Avenue des milliers de figurants et de somptueux intérieurs de Hans Dreier (janvier-mars 1928). Coûts : un million de dollars. Fermement guidé par son metteur en scène qui évite tout débordement mimique, Jannings (l’inoubliable professeur Unrat de L’Ange bleu) fait une sorte de Caligula russe, cruel, imbécile, infantile et, cela va de soi, concupiscent, mais néanmoins un être humain désespérement seul, pathétique à l’approche de la mort. Le studio exploite simultanément une version muette et une version sonorisée avec des dialogues (les appels au secours du tsar à la fin : « Pahlen ! Pahlen ! »), du bruitage et de la musique (procédé Movietone). La critique et le public jubilent, l’œuvre décroche l’Oscar 1930 du meilleur scénario (Hanns Kräly) et quatre nominations (meilleur film, réalisation, décors, Lewis Stone). Mille fois hélas, le film semble aujourd’hui perdu, quelques fragments exceptés ; certains plans de foule ont été repris dans The Scarlet Empress (L’Impératrice rouge) de Josef von Sternberg (1934). – DE, AT : Der Patriot, IT : Lo zar folle, ES : El patriota.
1931® Luise, Königin von Preussen (DE) de Carl Froelich. – av. Wladimir Gaidarow (le tsar Alexandre Ier), PAUL GÜNTHER (Napoléon). – Les empereurs de France et de Russie se partagent la Prusse orientale lors du traité de Tilsit, les 7-9 juillet 1807 (cf. p. 375).
1936® Die Nacht mit dem Kaiser (DE) d’Erich Engel. – av. HANS ZESCH-BALLOT (Napoléon), Otto Woegerer (le tsar Alexandre Ier). – En septembre-octobre 1808, lors des entrevues d’Erfurt, les empereurs de France et de Russie renouvellent l’alliance existant entre leurs pays depuis le traité de Tilsit (cf. p. 383).
1938*Le Patriote (FR) de Maurice Tourneur
Nicolas Farkas/Société des Productions Cinématographiques F.C.L.-Films Sonores Tobis, 105 min. – av. Harry Baur (Paul Ier), Pierre Renoir (comte Piotr Alexeïevitch Pahlen), Josette Day (Nadia), Suzy Prim (comtesse Anna Ostermann), Elmire Vautier (la tsarine Maria Fédorovna), Gérard Landry (le tsarévitch Alexandre), Jacques Varenne (Nicolas Panine), Nicolas Rimsky (Yokov), André Carnège (Nikolaï Zoubov), Robert Seller (Leon Narychkine), Josette Day (Nadia), André Varennes (le ministre de la Guerre), Jacques Mattler (le commandant disgrâcié), Fernand Mailly (l’amiral), Paula Clère (l’espionne), Colette Darfeuil (Loupouchina).
L’assassinat du tsar Paul I er en mars 1801. Remake sonore du film d’Ernst Lubitsch (cf. supra, 1928) d’après le roman Der Patriot d’Alfred Neumann (1925), dans une version dialoguée par Henri Jeanson qui tangue parfois vers le vaudeville caustique. Auteur interdit dans le Troisième Reich, Neumann vient de s’installer à Nice. Harry Baur, truculent, reprend le rôle d’Emil Jannings, attirant en despote déséquilibré la haine de ses sujets par ses colères brutales et ses caprices infantiles. Une mise en scène efficace et un montage nerveux font oublier les excès mimiques de l’envahissante vedette, qui joue de ses tics avec une indéniable virtuosité. Tournage en janvier 1938 aux studios Tobis à Epinay-sur-Seine, alors que le cinéma français est atteint d’une russophilie galopante; entre autres moujiks, Harry Baur a déjà campé Tarass Boulba (1936) et Raspoutine (1937). Maurice Tourneur, prestigieux vétéran d’Hollywood, enchaîne, lui, sur Katia, le dernier amour du tsar Alexandre II. – GB : The Mad Emperor, IT : Notte fatale, ES : El zar loco.
1939Δ Helmikuun manifesti [= Le Manifeste de Février] (FI) de Yrjö Norta et Toivo J. Särkkä ; Suomen Filmiteollisuus, 99 min. – av. Leo Lähteenmäki (le tsar Alexandre Ier), OSSI ELSTELÄ (Napoléon). – Conformément au traité franco-russe de Tilsit conclu en juillet 1807 entre le tsar Alexandre Ier et Napoléon, ce dernier laisse les mains libres au tsar pour s’emparer de la Finlande (qui appartenait à la Suède) et la transformer en grand-duché de l’Empire russe ; afin de contrer les influences suédoises, le tsar, devenu « grand-duc de Finlande », accorde de nombreux privilèges aux Finlandais et leur laisse une grande autonomie ... mais tout se gâte avec ses successeurs. Prologue d’une ambitieuse fresque finlandaise de propagande nationaliste, antirusse, écrite par le romancier Mika Waltari (Sinouhé l’Égyptien) et qui couvre un siècle d’histoire vu par des gens du peuple. Elle sera interdite en Finlande de 1946 à 1987 en raison des relations finno-soviétiques difficiles (une année après la sortie du film, Staline a attaqué la Finlande).
1941**Suvorov (Souvorov) (SU) de Vsevolod Poudovkine et Mikhaïl Doller
Mosfilm, 110 min. – av. Nicolaï P. Tcherkassov-Sergejev (gén. Aleksandr Vassilievitch Souvorov-Rimnikski), Vsevolod Aksyonov (cpt. Mechtcherski), Apollon Yachnitski (le tsar Paul Ier), Mikhail Astangov (comte Aleksandr Andreyevitch Arakcheiev), Sergej Kiligin (prince gén. Piotr Ivanovitch Bagration), Aleksandr Khanov (Platonych), Georgi Kovrov (Semyonitch), Aleksandr Antonov (col. Tyurin), Aleksandr Smirnov (gén. prince Alekseï Ivanovitch Gorchakov), Galina Kravtchenko (Lopoukhine).
Synopsis : Pologne en novembre 1794. Souvorov a écrasé l’insurrection nationale polonaise menée par Tadeusz Kosciuszko et encercle Varsovie : « tout a été nettoyé » (on se garde bien de mentionner les 9000 civils polonais passés par les armes). Porté par ses soldats enthousiastes, le général les apostrophe fièrement (« Mes héros ! Mes poussins ! La gloire est à vous ! »), mais l’état-major, rigide et encroûté, est déboussolé : Souvorov a contrevenu au règlement de la guerre en marchant trois fois plus vite que les autres, et en traversant la forêt au lieu de prendre la route (« Mes soldats ne connaissent pas d’obstacles »). Paul I er, devenu tsar en 1796, réintroduit les uniformes prussiens encombrants et les perruques que Souvorov méprise : « Nous faisons la guerre, pas une revue ! » Le tsar hurle de colère. Exilé, tombé en disgrâce, Souvorov dicte son traité de stratégie militaire (L’Art de la victoire), tandis que ses soldats décrivent ses exploits à leurs enfants. Entre-temps, Bonaparte conquiert l’Italie, les Autrichiens sont en déroute, mais « s’il avance vers la Russie, il ne trouvera que la haine, l’héroïsme et ... son tombeau » (Souvorov au prince Bagration). L’entrevue avec le tsar à Gatchino est un désastre : Souvorov glisse sur les parquets trop lisses, ridiculise les arrivistes à la cour (il s’incline profondément devant un laquais perruqué : « Qui sait, aujourd’hui domestique, demain baron ? »), refuse une « armée d’automates » à la prussienne. Outré, le souverain trébuche et, de rage, piétine le bicorne de son général – qui est renvoyé en exil. L’année suivante, à la demande de l’Autriche, Souvorov, jugé seul capable de sauver l’Europe de Bonaparte, est nommé commandant en chef de l’armée austro-russe d’Italie. Au printemps 1799, il remporte victoire sur victoire, le chemin de Paris est ouvert (le tsar le nomme Prince d’Italie, détail peu « socialiste » que le film passe sous silence), mais le conseil de guerre autrichien, jaloux de ses succès, coupe son élan en lui ordonnant de bifurquer sur la Suisse pour y soutenir les armées en difficulté de Rimsky-Korsakoff (« Combien d’or le Directoire français a-t-il payé pour cette manœuvre, et à qui ? »). Une fois de plus, Souvorov choisit le chemin le plus court pour tomber dans le dos des Français et après une heure de film, on aborde enfin la fameuse traversée du Saint-Gothard en automne 1799, tournée dans les massifs du Caucase. « Nous sauterons par dessus cette colline ! » annonce-t-il à ses 12 000 soldats qui éclatent de rire et le suivent depuis le Tessin à travers gorges, précipices abrupts, torrents grondants, sentiers périlleux, neige et brouillard. Le col est pris à la baïonnette le 6 septembre. Un officier autrichien qui renseignait les Français est fusillé. Une estafette annonce que Rimsky-Korsakoff a été battu par le général Masséna à Zurich, l’archiduc d’Autriche ayant dégarni le front sur territoire helvétique : les Russes ont été trahis par leurs alliés. Souvorov se trouve cerné par les 75 000 hommes de Masséna et Lecourbe, toute retraite est impossible, les sentiers se sont éboulés, devant lui les gorges de la Schöllenen où coule la Reuss et que surplombe l’étroit Pont du Diable, l’unique passage possible, sur la ligne de tir de l’artillerie française. Souvorov harangue ses hommes, menace de se faire enterrer sur place et, galvanisée, son armée force le passage.
Le film ne retrace donc que la dernière partie de la carrière du légendaire feld-maréchal Aleksandr Souvorov/Souvarov (1729-1800), sans toutefois préciser qu’après son repli en Suisse, il fut rappelé en Russie par le tsar et démis de ses fonctions. C’est le grand Vsevolod Poudovkine qui est chargé de filmer cette exaltation visuellement saisissante du chef (qui aboie plus qu’il ne parle), d’un « père de ses soldats » (il mange la soupe avec eux et les appelle « mes enfants »), mais aussi d’un militaire progressiste dont les victoires oubliées ont été remportées contre la volonté du monarque, de ses conseillers corrompus et de ses perfides alliés autrichiens et anglais. Les défaites, s’il y en a eu, sont bien sûr uniquement dues à la trahison. Les images sont maniérées, glacées, rythmées par des plongées vertigineuses sur les colonnes russes en marche. Poudovkine livre un exemple d’école du film soviétique de mobilisation patriotique avec sa galerie de « grands hommes providentiels » : bavard, héroïsant et statique, mais plus d’une fois, le cinéaste sauve les meubles par le rire, la satire et la vérité psychologique du portrait, mais aussi grâce à un montage serré et ingénieux. Le Souvorov que campe l’acteur et chanteur Nicolaï Petrovitch Tcherkassov-Sergejev – à ne pas confondre avec l’interprète d’Ivan le Terrible et d’Alexandre Newski chez Eisenstein ! – est débordant d’énergie, cassant, austère, sarcastique, parfois drôle, voire extravagant et émouvant (il embrasse en secret la miniature de sa femme). Ces touches d’humanité rachètent bien des fanfares militaires et Poudovkine n’hésite pas à éliminer tout élément trop spectaculaire : excepté la traversée finale du Pont du Diable, on ne voit pas de batailles à l’écran. Selon la perspective du cinéma stalinien, c’est le portrait du chef qui compte, non ses exploits.
Initialement, le projet du film fut confié à Mikhaïl Romm (à partir d’un scénario de Georgy Grebner), qui se dit surtout attiré par le génie et l’excentricité du militaire, sa stratégie de survie à la cour du tsar, et se proposa de réaliser une sorte de « comédie héroïque ». Ses intentions peu orthodoxes firent froncer les sourcils en haut lieu et Staline en personne revit le scénario de fond en comble pour lui conférer un profil adéquat. Poudovkine, qui assura sans rire « n’avoir aucun sens de l’humour », hérita donc du projet. Lesdites excentricités, confirmées par d’innombrables anecdotes et ne pouvant être entièrement ignorées, sont utilisées (parcimonieusement) pour illustrer la subversion de Souvorov, son anticonformisme et sa spontanéité face à un Ancien Régime qu’il hait. Par sa bouche, c’est toute la Russie de demain qui s’exprime, et le modèle patriarcal qui prévaut dans son corps d’armée garantit une unité et une efficacité qui font défaut à l’ordre militaire prussien dont se gargarise le tsar : Souvorov est à la tête d’une « armée du peuple » avant l’heure. Ses ennemis, ce sont les puissances occidentales : il guerroie hors de son pays, en Italie et en Suisse, démontrant la capacité de l’armée russe à faire plier les États européens tout en insistant sur le fait que la Russie n’est jamais une puissance conquérante, mais ne fait que défendre ses terres en empiétant sur celles d’un envahisseur potentiel. Le paradoxe dérangeant est que Souvorov fut certes un grand stratège à la pointe d’une armée redoutable, mais que cette armée défendait une idéologie arriérée, absolutiste, dirigée contre la Révolution française. Le scénario le fait donc remporter une bataille au cœur d’une campagne militaire condamnable et perdue. Pas un mot sur son rôle capital dans l’écrasement de la révolte d’Emelyan Pougatchev sous Catherine II (1774), pourtant une insurrection populaire portée aux nues par les idéologues du Kremlin. En revanche, les alliances et les hostilités dans le film reflètent la situation politique de 1940 découlant du pacte germano-soviétique : l’ennemi est français (Hitler occupe Paris), l’allié (provisoire) est autrichien, germanique, et la Pologne vient d’être anéantie, comme s’en vante Souvorov sans états d’âme au début du récit. Lauréat du Prix Staline, le film sort avec fracas en janvier 1941, cinq mois avant l’invasion allemande de l’Union soviétique. La décoration de l’Ordre de Souvorov, créée à la fin juillet 1942, sera conférée aux chefs militaires soviétiques qui ont remporté une victoire contre un ennemi supérieur en nombre (selon l’adage de Souvorov : « On détruit l’ennemi par l’astuce, pas par le nombre »). Une suite du film Souvorov aurait été abandonnée en janvier 1944 en raison du décès subit de Tcherkassov, emporté par un anévrisme de l’aorte. – DE : Suworow.
1951-1953*Admiral Ouchakov : Korabli chturmuiut bastiony (L’Amiral Tempête – 2e partie : Les Navires attaquent les bastions) (SU) de Mikhaïl Romm
Mosfilm, 96 min. – av. Ivan Pereversev (l’amiral Fiodor Fiodorovitch Ouchakov), Gennadi Judin (cpt. Dimitri Nikolayevitch Senyavin), Vladimir Druzhnikov (cpt. Vassiliev), Pavel Pavlenko (le tsar Paul Ier), Mikhaïl Nasvanov (le tsar Alexandre Ier), VALERIY LEKAREV (Napoléon), Yuri Solovjev (Horatio Nelson), Yelena Kuzmina (Lady Emma Hamilton), Iosif Toltschanov (Lord William Hamilton), Sergueï Bondartchouk (Tikhon Alexeyevitch Prokofiev), Anatoli Alekseyev (cpt. Yegor Metaksa), Sergej Petrov (gén. Aleksandr Vasilyevitch Souvorov), Sergej Martinson (Ferdinand IV, roi de Naples), Ada Voitsik (Maria-Caroline de Habsbourg, la reine), Nikolaï Volkov (William Pitt le Jeune), Nikolaï Khryachtchikov (Khovrin, un vieux matelot), Mikhaïl Pugovkin (Pirochkov), Georgiy Youmatov (Ermolaev), Vladimir Balachov (cpt. Grigori Belli), Pavel Volkov (le médecin), Nikolaï Svobodin (Mordovzev), Boris Bibikov (Spencer Smith).
Synopsis : Bonaparte menace l’Angleterre, la Russie et la Turquie. En 1799, Ouchakov est promu au grade d’amiral et envoyé en Méditerranée à la tête de la flotte de la mer Noire et de navires ottomans afin de libérer Malte, assiégée en vain par les Anglais, et soutenir la campagne d’Italie de Souvorov. Au cours de cette expédition navale, il conquiert la République hellénique des Sept-Îles (ioniennes), clé de voûte des Balkans, et force les Français à se retirer de Corfou, conquise par Bonaparte en 1797. C’est un exploit militaire peu commun, car l’île est gardée par cinq citadelles taillées dans le roc et défendues par 630 canons. Ouchakov innove en mobilisant l’artillerie de ses 12 vaisseaux de guerre et 11 frégates, transformés en batteries flottantes, pour anéantir les fortifications ennemies depuis la mer. Ensuite seulement, ses marins se lancent à l’assaut des gigantesques murailles avec des échelles et remportent une victoire éclatante. L’amiral rédige lui-même une constitution républicaine destinée aux Grecs libérés, ce qui n’a pas l’heur de plaire à Saint-Pétersbourg ; ensuite sa flotte attaque Naples, où le navigateur russe aide finalement Horatio Nelson à chasser les Français. Il s’oppose toutefois catégoriquement au massacre vengeur qu’ordonne la reine Marie-Caroline de Habsbourg contre les républicains captifs, et Nelson, admiratif, se range à ses côtés. Une fois Rome occupée, Ouchakov rentre à Petrograd où le nouveau tsar, Alexandre I er, l’accueille fraîchement et l’envoie à la retraite sans un mot de reconnaissance.
Cette fastueuse et édifiante fresque patriotique à la gloire de Fiodor Fiodorovitch Ouchakov (1744-1817), le plus illustre commandant des forces navales russes, est mise sur pied à l’initiative du Soviet du Commandement maritime et comporte en fait deux parties. La première suit la carrière d’Ouchakov sous le règne de Catherine II et narre la construction de la flotte nationale à Kherson (en Ukraine), l’établissement de la base militaire de Sébastopol et l’anéantissement de la flotte ottomane en 1791 qui autorise désormais l’accès de la Russie à la Méditerranée. Ouchakov est d’origine modeste (en fait de petite noblesse) et, à en croire la publicité de la Mosfilm en 1953, le « peuple soviétique libéré de ses chaînes » peut enfin fêter ses héros progressistes et humanistes que les anciens tsars ont volontairement ignorés. Le scénario gomme le violent conflit de rivalité avec Nelson (qui refusait de servir sous les ordres de son aîné russe), et qui serait à l’origine du rappel d’Ouchakov en Russie en 1800 par le jeune Alexandre I er. Sept ans plus tard, Ouchakov offrit sa démission et se retira dans l’abbaye de Sanaksar, en Mordovie, autre détail biographique soigneusement passé sous silence. C’est le cinéaste Mikhaïl Romm qui est enchaîné, artistiquement parlant, avec ce film de commande poussif, bavard et impersonnel, tourné en Sovcolor en Ukraine (Odessa, Yalta, rives de la mer Noire) et pour lequel la Mosfilm confectionne une flottille de navires de guerre en miniature. La séquence la plus mémorable reste l’impressionnant assaut de Corfou reconstitué avec 5000 figurants devant la forteresse d’Akkerman à Belgorod-Dniester, le tout rehaussé par la musique entraînante d’Aram Khatchatourian.
Mais déchiffré à l’aune de la guerre froide, L’Amiral Ouchakov vaut son pesant de voilure. D’abord, le film reprend la formule défendue à l’écran par le Souvorov de Poudovkine dix ans plus tôt (cf. supra), selon laquelle la meilleure défense militaire consiste à exporter la guerre en pays ennemi ; pour cautionner cette politique, Romm arrange dans son script une entrevue entre Ouchakov, le maître des mers, et Souvorov, le maître sur terre ferme : le premier souhaite répliquer sur la Méditerranée ce que le second accomplit en Italie du Nord avec ses fantassins. Pur produit de la politique culturelle jdanoviste de 1946, porte-parole d’un Parti sans failles, l’amiral de Romm est lisse, dépouillé de toute idiosyncrasie, de tout particularisme (alors que l’authentique Ouchakov, surnommé « l’ours », était, comme Souvorov, un excentrique de taille). Proclamé fondateur de la flotte de la mer Noire, il est d’une part solennel et solide comme un roc, de l’autre un « héros du peuple » accessible aux doléances de ses « frères matelots » : étant lui-même un ancien charpentier, il renonce à son salaire et met sa maison en vente pour financer les rations de son équipage. Bref, la vie à bord de ses bâtiments aseptisés est quasi idyllique. Ses bêtes noires sont les aristocrates incompétents, des règlements imbéciles et des alliés peu fiables qui cherchent à affaiblir et à trahir la Russie. Le manichéisme du scénario et la mise en scène acérée de Romm (auteur d’un Boule de suif au vitriol en 1934) font que tous ses adversaires sombrent dans la caricature : Napoléon n’est qu’un poseur qui ne perd rien pour attendre et dont les maréchaux rêvent de se faire capturer, pardon, « libérer » par les navires russes. Plus tard, Souvorov apporte son propre grain de sel : le Corse n’est pas un jacobin, mais un despote, « le Gengis Khan français ».
Manipulé par la maléfique Lady Hamilton (une aventurière et une espionne qui hait les Russes), Lord Horatio Nelson est un intrigant, de surcroît un incapable cumulant les échecs face à Napoléon (tiens ?) et par conséquent jaloux des victoires d’Ouchakov. Ces perfides Anglais, récemment encore des alliés contre Hitler, sont à présent dépeints comme les responsables de tous les maux : ce sont leurs agents qui déclenchent une épidémie de peste dans la ville de Kherson, incendient le chantier naval russe, incitent les Tartares de Crimée à se soulever et fomentent un attentat contre l’amiral. Pire : il fusillent des républicains français désarmés (petit clin d’œil au puissant PCF de Maurice Thorez), alors qu’Ouchakov refuse de tuer des prisonniers, car, sans rire, « là où flotte le drapeau russe, il n’y a pas de sentences de mort ! » Lord Hamilton n’est guère plus fréquentable, lui qui fournit sournoisement des canons aux escadres françaises pour tenir les Russes à distance. Le Premier ministre William Pitt est plus éloquent encore : « Sur cette planète, il ne peut y avoir qu’un seul maître des mers, la Grande-Bretagne. Il n’y en a jamais eu d’autre et il n’y en aura jamais d’autre. » Puis, s’adressant directement au spectateur, l’infâme politicien conteste le droit éternel des Russes aux rives de la mer Noire et encourage les Turcs, ces brutes, à les en chasser, car selon Londres, la Russie est devenue trop puissante et menace ses propres visées hégémoniques aux Balkans. « La flotte russe dans la mer Noire, s’exclame plus tard Pitt, c’est le coup le plus terrible porté à l’Angleterre depuis la fondation de Saint-Pétersbourg ! » Commandité par Staline, le film nage en pleine rhétorique anti-occidentale, prônant carrément « la libération de toute l’Europe » suite à la glorieuse victoire de l’URSS sur l’Allemagne nazie. Or, la guerre civile grecque a pris fin en 1949 avec l’écrasement des communistes, et la Turquie, dont les frontières jouxtent l’URSS, a rejoint l’OTAN en 1952 – un traumatisme pour Moscou qui finit par hanter tout le film. Ainsi, la prise de Corfou et des îles Ioniennes par Ouchakov est-elle présentée à l’écran comme une étape cruciale de la guerre de libération de la Russie contre Napoléon. Ce qui est, pour le moins, fortement exagéré, car l’Empereur récupérera ces îles en 1807 lors des accords de Tilsit avec le tsar Alexandre ! Le diptyque de Romm obtient le Prix du meilleur film étranger au festival de Vichy 1954. On devine l’obédience idéologique du jury. – DE (RDA) : Schiffe stürmen Bastionen, US : Attack from the Sea.
1954(tv) Such Men Are Dangerous (GB) de Rudolph Cartier
Rudolph Cartier/« BBC Sunday-Night Theatre » (BBC 28.2.54), 90 min. – av. Arthur Young (Paul Ier), Peter Bryant (le tsarévitch Alexandre), Stephen Murray (comte Piotr Alexeïevitch Pahlen), Greta Gynt (baronesse Anna Ostermann), Ernest Hare (gén. Valerian Suboff), Donovan Ubsdell (le duc Platon Suboff), Andrew Crawford (Stepan, le grenadier), Peter Augustine (Ivan, secrétaire de Pahlen), Donald Pleasance (le chambellan), Henry Oscar (l’adjudant), Arnold Ridley (le médecin anglais).
L’assassinat du tsar Paul I er en mars 1801. Dramatique d’après la pièce Le Patriote d’Alfred Neumann (cf. film de 1928), adapté par Ashley Dukes et enregistrée aux Lime Grove Studios à Shepherd’s Bush (London).
1957® Königin Luise. Liebe und Leid einer Königin (La Reine Louise) (DE) de Wolfgang Liebeneiner. – av. Bernhard Wicki (tsar Alexandre Ier), RENÉ DELTGEN (Napoléon). – Les empereurs de France et de Russie se partagent la Prusse orientale lors du traité de Tilsit, les 7-9 juillet 1807 (cf. p. 392).
1958*Sven Tuuva / Sven Dufva [= Sven Tuuva, le héros] (FI) d’Edvin Laine
T. J. Särkkä/Suomen Filmteollisuus SF Oy, 141 min./107 min. – av. Veikko Sinisalo (Sven Tuuva), Edvin Laine (sgt. Ukko Tuuva, son père), Fanni Halonen (Äiti Tuuva, sa mère), Salme Karppinen (Kaarina Kinnunen), Leif Wager (gén. Johan August Sandels), Kauko Helovirta (cpt. Duncker), Mirjam Novero (Maria Charlotta Duncker), Aarne Laine (caporal Örn), Leevi Kuuranne (Gustav IV Adolf de Suède), Tommi Rinne (Jaeger Spets), Ekke Hämäläinen (ltn. Weber), Tapio Hämäläinen (Paavo Tuuva, frère de Sven), Croyez Kantola (Gustav Tuuva, frère de Sven), Kosti Kiemelä (Matti Tuuva, frère de Sven), Levi Thrower (Juho Tuuva, frère de Sven), Veikko Sorsakivi (Henrikki Tuuva, frère de Sven), Martin Katajisto (le maréchal de la Cour), Leo Riuttu (ltn.-col. Tujulin), Unto Salminen (le maréchal suédois Johan Christopher von Toll, gouverneur général de Scanie).
Synopsis : La Finlande suédoise, en Savonie du Nord. Garçon un peu simple d’esprit, maladroit, analphabète, mais brave et têtu, Sven, le cadet d’une large famille rurale, écoute avec passion les récits militaires de son vieux père, un vétéran de la bataille de Porrassalmi contre les Russes (1789) qui y gagna ses galons de sergent. Son plus ardent désir est de s’enrôler à son tour dans l’armée, la ferme n’ayant pas besoin de lui, et cela fera toujours une bouche de moins à nourrir. Kaarina, sa fiancée, lui préfère son frère aîné Antin et le ridiculise en le trompant ouvertement. Pas rancunier, Sven pardonne. À la suite du partage de l’Europe orientale aux pourparlers de Tilsit, la Russie envahit la Finlande suédoise avec l’accord tacite de Napoléon. Sven est enrôlé sous les ordres du général Sandels et participe à des opérations de guérilla contre l’armée de Barclay de Tolly au cours desquelles il sauve la vie du capitaine Duncker. Il envoie des cadeaux à sa fiancée et une lettre (dictée au caporal Örn), mais Kaarina lui répond qu’elle va épouser Antin. Sven s’enivre pour la première fois, et au cours de la bagarre qui s’ensuit, il révèle une force physique peu commune. Le capitaine Duncker se rend à Stockholm afin d’obtenir troupes et argent. Le roi Gustav IV Adolf se contente de le promouvoir major, de le décorer et de lui transmettre ses « salutations personnelles à la vaillante armée finlandaise ». Le 27 octobre 1808, à la bataille de Koljonvirta, les régiments suédois de Sandels affrontent un ennemi quatre fois supérieur en nombre. Les soldats ont l’ordre de détruire le pont de la Virta pour empêcher à tout prix les Russes de passer. Mais ceux-ci les prennent de vitesse, le pont, quoique très endommagé, tient encore. Lorsque ses camarades tombent ou s’enfuient, Sven bloque le pont, affronte à lui seul une unité entière de cosaques et stoppe net l’avancée russe du général Tutschkoff jusqu’à l’arrivée de la cavalerie suédoise ; il meurt au combat, après avoir contribué de manière décisive à la victoire, la dernière remportée par les Suédois en terre finlandaise. Le général Sandels ordonne de lui rendre les honneurs militaires, « la balle qui l’a tué a choisi de frapper au cœur plutôt qu’à la tête. »
Le réalisateur Edvin Laine est l’auteur encensé du plus célèbre film finlandais avant l’arrivée des frères Kaurismäki, Le Soldat inconnu (Tuntematon sotilas) (1955), sur la résistance héroïque contre les armées soviétiques en 1941. L’écho international de cette œuvre primée à Berlin l’incite à se pencher sur un autre épisode guerrier, mené par un autre « soldat inconnu » qui symboliserait la nation finlandaise martyrisée. Le sujet de Sven Tuuva est tiré du poème éponyme qui figure dans les fameux Récits de l’enseigne Stål de Johan Ludwig Runeberg (cf. supra, les films Fänrik Ståls sägner de 1910 et 1926). Pour le personnage du colosse Sven, Runeberg s’est inspiré des exploits militaires de Johan Zacharias Bång (1782-1845), qui fut sérieusement blessé à Koljonvirta mais survécut, en plus de quelques emprunts à la légende romaine d’Horatius Coclès. Le script de Väinö Linna et Juha Nevalainen brode à partir du poème en ajoutant des situations et des personnages supplémentaires (la fiancée de Sven, etc.). Dans le cadre de la modeste cinématographie finlandaise, cette onéreuse production en costumes sort du lot – Laine tourne dans la région de Lisalmi (avec 420 figurants et la police montée d’Helsinki), à Sipoo (manoir de Nevas), Immersby, Karuna ainsi que dans la cour du château royal de Drottningholm en Suède – et la déception de la critique est à la hauteur des attentes. On reproche au film sa théâtralité, son message confus, l’intérêt plutôt limité du personnage central, mais on relève à raison la qualité des reconstitutions et des séquences de combats, qui sont menées avec fougue et une excellente utilisation des paysages. Moins difficile, le grand public lui réserve un accueil très chaleureux, c’est même le film le plus populaire de l’année, et il représente officiellement la Finlande au festival de Berlin 1959, dans une version d’exportation plus courte. En 1968, dans la comédie Äl’ yli päästä perhanaa / Släpp ingen djävul över bron (Ne laissez pas le diable traverser le pont), le réalisateur-producteur Matti Kassila parodiera le sujet en imaginant le tournage d’un remake du film de Laine qui suscite parmi l’équipe de cinéma fortement alcoolisée des débats hilarants sur le patriotisme et la notion d’indépendance. – Titre internat. : Soldier Sven, Sven Tuuva the Hero.
1959(tv) Der Patriot (DE) de Rudolph Cartier
Sender Freies Berlin (ARD 10.12.59), 105 min. – av. Jochen Brockmann (Paul Ier), Konstantin Paoloff (le tsarévitch Alexandre), Albert Lieven (comte Piotr Alexeïevitch Pahlen), Ellen Schwiers (comtesse Anna Ostermann), Hermann Kiessner, Horst Keitel. – L’assassinat du tsar Paul I er en mars 1801. Dramatique d’après la pièce d’Alfred Neumann (cf. film de 1928).
1960® Austerlitz / Napoleone ad Austerlitz / La battaglia di Austerlitz / Austerlic (FR/IT/YU/LI) d’Abel Gance. – av. PIERRE MONDY (Napoléon), Polycarpe Pavloff (gén. Mikhail Koutouzov), Jack Palance (gén. Franz von Weyrother), Claude Conty (prince Dolgoroukow), David D’Auerstadt [= Guy-Marie Davout] (maréchal Davout), Jean-François Remy (Duroc). – La reconstitution de la fameuse bataille dite « des trois empereurs » (cf. p. 334).
1978(tv) Les Fantômes du Palais d’Hiver (FR) de Louis Grospierre
Série « Les grandes conjurations » (FR3 18.11.78), 90 min. – av. Michel Bouquet (Paul Ier). Juliette Carré (Maria Fedorovna), Philippe Deplanche (le tsarévitch Alexandre), Georges Wod (comte Piotr Alexeïevitch Pahlen), Erzsi Mathé (Catherine II), Aniko Safar (la favorite du tsar).
Déshérité par Catherine II, Paul I er détruit le testament sous les yeux de la tsarine mourante et devient tsar à son tour. Pendant quatre ans, la Russie assiste à une réaction terrible contre tous ceux qui ont été du parti de Catherine, et le comte Pahlen, gouverneur militaire de Saint-Pétersbourg, se retourne contre Paul en mars 1801. Un téléfilm réalisé par un ancien assistant d’Alberto Cavalcanti sur un scénario de Georges Neveu.
1994® Le Colonel Chabert (FR) d’Yves Angélo. – av. Gérard Depardieu (colonel Hyacinthe Chabert). – Le roman d’Honoré de Balzac : colonel d’Empire, Chabert disparaît à la bataille d’Eylau (Prusse orientale) le 8 février 1809, lors de la fameuse charge de cavalerie de Murat, mobilisant 12 000 cavaliers (80 escadrons) contre le corps d’armée russe du comte de Bennigsen. Le cinéaste Yves Angélo reconstitue la plus puissante charge de cavalerie de l’Histoire – partiellement – dans la neige à Bialka Tatranska, dans le sud de la Pologne. Abattu d’un coup de sabre, Chabert passe pour mort et fait une embarrassante réapparition parmi les siens en 1817. Il revit le carnage d’Eylau en flash-back mental. (cf. p. 667)
2002*Bednyj bednyj Pavel [= Pauvre, pauvre Paul] (RU) de Vitaly Melnikov
Andreï Zertsalov, Boris Laitler/Lenfilm-Vignette Prod., 103 min. – av. Viktor Sukhorukov (Paul Ier), Oleg Yankovski (comte Piotr Pahlen), Oksana Mysina (l’impératrice Maria Feodorovna), Alexeï Barabach (le tsarévitch Alexandre), Svetlana Kryuchkov (Catherine II), Anna Molchanova (Elisabeth), Yuliya Mavrina (Anna Lopoukhine), Igor Tchibanov (gén. Mikhaïl Koutouzov), Andreï Tchoumanov (Platon Zoubov), Sergueï Murzin (Nicolas Zoubov), Ivan Parchine (Valerij Zoubov), Evgeni Karpov (le grand-duc Constantin, frère d’Alexandre), Vadim Lobanov (Bezborodko), Vera Karpova (la baronne Livesey), Aleksandr Girgoryants (Brenna), Dimitri Sutyrin (Yachvil), Boris Khvoshnyanskiy (De Ribas), Sergueï Barkovsky (Dr. Rogerson), Ivan Parshin (Valerian Zubov), Michael Dolginin (juge Razumovski), Julia Mavrina (Polukhina).
Le drame d’un tsar qui, dans son enfance, a été privé de l’affection maternelle et exclu de la vie de cour et qui, devenu adulte, cherche à unir les branches orthodoxes et catholiques du christianisme. Ne connaissant ni ne comprenant son pays, toutes les initiatives de ce rêveur déraisonnable aboutissent à l’inverse de l’effet recherché. Paul se transforme en despote dangereux et, faisant naïvement confiance à ses pires ennemis, périt victime d’une conspiration en mars 1801. Des vivats de toutes parts et un énorme feu d’artifice accueillent le nouveau tsar, Alexandre I er. Une tentative sinon de réhabiliter du moins de cerner humainement le monarque, d’après la pièce L’Empereur Paul Ier de Dimitri Merejkovski (1908). Remarquablement interprété, filmé sur place au château Saint-Michel, sans fioritures, dans un style austère et précis, à l’occasion du tricentenaire de la ville de Saint-Pétersbourg. Prix de la critique nationale et Prix National de l’Académie russe des Arts cinématographiques 2003 pour Viktor Sukhorukov.
2005/06(tv) Adyutantiy lyubi [= Adjudants de l’amour] (RU) de Boris Rabeï, Dimitri Mabonov, Ekaterina Granitova, Andreï Zapisov, Maksim Mokrouchev, Sergueï Pichtchikov, Roman Fokin, Stenberg Igor, Aganyos Petyan, Vera Kharybina, Marina Glouhovskaya
Mikhail Mokeev/Amedia Prod.-Russiya (STS) (Russiya-1 3.10.05-3.2.06), 84 x 43 min. – av. Nikita Panfilov (adj. Piotr Tcherkassov), Karina Razumovskaya (Olga Lopoukhina, comtesse Mongo-Stolypina), Alexeï Ilyin (comte Roman Mongo-Stolypine), Aleksandr Arsentyev (marquis d’Arno), Alexeï Zavyalov (Adam Czartoryski), Pavel Barshak (Mikhaïl Lougine), Aleksandr Ustyogov (Platon Tolstoï), Yulia Zhigalina (Xenia von Zak), Aleksandr Efimov (le tsar Alexandre Ier), Kristina Kuzmina (la tsarine Elisabeth, son épouse), Avangard Leontiev (le tsar Paul Ier), Olga Prokofiev (la tsarine Maria Feodorovna, son épouse), Valery Zolotoukhine (gén. Alexandre Souvorov), Dimitri Suponin (gén. Mikhaïl Koutouzov), VITALY KOVALENKO (Napoléon), Irina Sholazar (Joséphine de Beauharnais), Elena Podkaminskaya (Pauline Bonaparte), Yulia Mayboroda (Hortense de Beauharnais), Svetlana Bragarnik (Madame Mère, Laetitia Bonaparte-Ramolino), Ilya Pale (Louis-Antoine de Bourbon-Condé, duc d’Enghien), Alexander Abdulov (le vice-amiral Horatio Nelson), Alexander Smirnov (Lord William Pitt), Andreï Smolyakov (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Vitaly Hai (Joseph Fouché), Oleg Mazourov (Louis Constant Wairy), Vladimir Malkov (gén. Levin August von Bennigsen), Igor Yasoulovitch (comte Peter Luwig von der Palen), Nikolaï Kozak (gén. Fiodor Petrovitch Ouvarov), Sergueï Peregoudov (grand-duc Constantin Pavlovitch), Sergueï Vinogradov (Dimitri Mokeich Nevrer), Maxime Drozd (Barnabé), Jigarkhanyan (le chef de l’Ordre des Illuminati), Marina Zudina (Aglaïa Lanskaya), Natalia Ivanova-Fenkina (Varia Lanskaya), Alla Kazan (Anna Antonovna Lopoukhina), Catherine Kroupenina (Agrippine), Andreï Kouzichev (Alex Hunter), Darya Mikhaïlova (Evdokia Tcherkassova), Evgeni Miller (Cléon), Galina Polska (Madeleine), Maxime Radougine (Moabad Khan), Vladimir Svortsov (Sibari), Sergueï Sotnikov (Reginald Scott), Anna Trichkina (Catherine Pavlovna), Mikhaïl Khimitchev (Jag Khan), Aleksandr Filippenko (Boris Kouraguine), Boris Hyochnianksy (Anatole, police secrète).
En 1800, Piotr Tcherkassov et Olga Lopoukhina, qui ont grandi ensemble à la campagne, s’aiment et veulent se marier. Opposée à cette union, la mère de Piotr pousse Olga à épouser le riche comte Mongo-Stolypine, un politicien influent de Saint-Pétersbourg. Mortifié, Piotr opte pour la carrière militaire et entre comme adjudant au service du tsar Paul, qui peine à s’entendre avec le meilleur général de l’empire, Souvorov. Après l’assassinat du tsar, Piotr se lie d’amitié avec son successeur, le jeune Alexandre I er. Celui-ci l’intègre à ses services de renseignements et l’envoie à Paris comme diplomate pour espionner Napoléon et sa cour, anticiper les intentions militaires du Corse et tenter de maintenir la paix fragile entre la Russie et la France. Au fil des crises de la politique européenne, le fringant adjudant, charmeur, tireur d’élite, sachant lire sur les lèvres, croise plusieurs fois le chemin de la belle Olga, dont il est toujours passionnément épris. – Un « soap » en costumes de la télévision russe, interminable (60 heures !) feuilleton d’aventures et d’amourettes imaginé par Elena Gremine.
2009(tv) 1809 – Syntyikö Suomi ? [= La Naissance de la Finlande ?] (FI) de Mia Paju
Ainomaija Pennanen/Yleisradio (YLE 27.3.09), 60 min. – av. JOUKO KLEMETTILÄ (Napoléon), Antti Luusuaniemi (le tsar Alexandre Ier), Sulevi Peltola (l’évêque Johan Jakob Tengström). – Docu-fiction sur les accords franco-russes de Tilsit en 1807 et l’avenir de la Finlande (cf. le film Helmikuun manifesti de 1939).