Ia - NAPOLÉON ET L'EUROPE

10. NAPOLÉON ET L’AUTRICHE DES HABSBOURG

10.2. Le soulèvement d’Andreas Hofer au Tyrol (1809/10)

Après les défaites autrichiennes à Ulm et à Austerlitz, Napoléon contraint Vienne de céder le Tyrol à la Bavière, alliée de la France (traité de Presbourg /Bratislava, 26 décembre 1805). Capitaine de milice, l’aubergiste Andreas Hofer (1767-1810) prend la tête de la résistance antibavaroise et devient rapidement le chef charismatique du patriotisme tyrolien, soutenu par les autorités catholiques locales qui rejettent les réformes napoléoniennes, refus qui entraîne la fermeture des cloîtres et l’interdiction des processions. En avril 1809, la rébellion débute, encouragée par François Ier d’Autriche, et la défaite des Bavarois à Sterzing mène à l’occupation d’Innsbruck par les rebelles. Mais la victoire de Napoléon à Wagram, le 6 juillet 1809, annule les succès précédents de Hofer. La tête de ce « Chouan du Tyrol » est mise à prix. Il défait le maréchal Lefebvre au Bergisel et occupe Innsbruck pour une deuxième, puis troisième fois, dirigeant ses troupes au nom de l’empereur d’Autriche. En dépit du traité de Schönbrunn qui met un terme à la Cinquième Coalition, Hofer reprend seul les armes contre les Franco-Bavarois en novembre, mais la guérilla, cette fois peu suivie par la population et lâchée par Vienne, finit écrasée. Caché dans un chalet d’alpage du Passeiertal, le commandant est trahi par un voisin, Franz Raffl, et capturé par les troupes italiennes le 2 janvier 1810. Il est fusillé le 20 février à Mantoue.
1909Andreas Hofer (DE) d’Oskar Messter
Messter’s Projections GmbH (Berlin), 600 m. – av. Dechristin (Andreas Hofer) et les acteurs des Meraner Festspiele. – Première biographie du chef de l’insurrection tyrolienne de 1809/10, filmée à Meran, au Tyrol.
1909Andreas Hofers Tod : Zu Mantua in Banden (DE) de Franz Porten
DMB Mutoscop- und Biograph GmbH (Berlin), 50 m. – av. Henny Porten. – La future star du cinéma allemand muet dans un film de son père illustrant la capture et l’exécution de Hofer.
1911La figlia del reggimento (La Fille du régiment) (IT)
Società Italiana Cines, Roma, 248 m. – Synopsis : En novembre 1805 dans le Tyrol envahi par les troupes du maréchal Ney, des soldats du 2 e régiment d’infanterie trouvent Marie, une fillette abandonnée sur le champ de bataille de Scharnitz. Le vieux sergent Sulpice l’ayant installée à la cantine, Marie est adoptée par les 1300 hommes du régiment. À dix-sept ans, c’est la plus gracieuse vivandière de l’armée française – et la mieux protégée. Elle aime Tonio, un Tyrolien francophile qui aspire à devenir officier, mais ses rêves de mariage sont détruits lorsque une aristocrate allemande, la marquise de Berkenfield, fait irruption dans le bivouac et réclame Marie comme sa fille, fruit de son union avec un capitaine français décédé depuis. Marie suit sa mère à contre-cœur, s’adapte mal à la vie de château. Entre-temps, Tonio est devenu officier et a été décoré de la Légion d’honneur ; il peut épouser Marie sous les acclamations du régiment. – Réduction (muette) du livret de Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges et Jean-François Bayard confectionné pour l’opéra-comique éponyme de Gaetano Donizetti (1840) (cf. film de 1953). – DE : Die Regimentstochter, ES : La hija del regimiento, US, GB : Daughter of the Regiment.
1913Speckbacher. Tragödie aus Tirols Ruhmestagen (Die Todesbraut) (AT) de Pierre Paul Gilmans
Jupiter-Film Wien, 1100 m./3 actes (60 scènes), 45 min. – av. Ferdinand Exl (Josef Speckbacher), Hans Kratzer (Josef Straub), Anton Ranzenhofer (Joachim Haspinger), Eduard Köck (Alois), Josef Auer (Hans), Anna Exl (Katl), Resi Hagen (Notburga).
La vie du patriote tyrolien Josef Speckbacher (1767-1820) qui combat les Français en 1797, 1800, 1805 et en particulier en avril-août 1809 aux côtés d’Andreas Hofer (les trois batailles du Bergisel). Excellent tacticien, il écrase avec Joachim Haspinger et Peter Mayr une division entière de la Confédération du Rhin commandée par le général François-Joseph Lefebvre – le mari de « Madame Sans-Gêne » – dans le défilé de Mittewald-Oberau (4-5 août 1809). Finalement défait par les Français en octobre à Unken et Melleck, il se réfugie à Vienne où l’empereur François I er le fait décorer et où il attendra la libération de son pays en 1814. – Une grande fresque biographique tournée en été 1912 avec les membres de l’Exl-Bühne, des armes de l’Andreas-Hofer-Museum à Innsbruck et 2000 figurants en extérieurs au Tyrol (Reitherkogel, Unterinntal, Zillertal) et au château de Kropfsberg près de Brixlegg. Premier – et dernier – volet d’une série consacrée aux « Héros de la liberté (Freiheitshelden) », le film engloutit 6000 Kronen, une fortune pour l’époque. C’est un échec public qui ruine ses producteurs.
1913/14Tirol in Waffen [= Le Tyrol en armes] (DE) de Carl Froelich
Oskar Messter-Film GmbH Berlin. – av. Rudolf Biebrach (Andreas Hofer), Carl Zickner (Josef Speckbacher).
Soutenu par l’archiduc Johann, Andreas Hofer prend les armes en 1809 et remporte plusieurs victoires, mais la nouvelle défaite des Autrichiens à Wagram signifie la fin de l’insurrection. Fresque allemande qui rivalise avec l’autrichienne sur Speckbacher (cf. supra), réalisée au Tyrol dans la région de Meran (Schenna, St. Martin im Passeier, Riffian, Dorf Tirol, Lana, Finele) avec plus de mille figurants.
1913/14Bergnacht [= Nuit de montagne] (DE) de Curt A. Stark
Oskar Messter-Film GmbH (Berlin), 3 actes. – av. Rudolf Biebrach (Josef Riedlechner), Henny Porten (Monika Riedlechner), August Weigert (Peter), Erich Kaiser-Titz (comte Castiglioni).
Au Tyrol en 1809, un épisode de la guérilla menée par Andreas Hofer : l’aubergiste de montagne Riedlechner et Peter, le fiancé de sa fille Monika, massacrent une patrouille française mais épargnent son commandant blessé, le comte Castiglioni, et le soignent dans leur repaire. Monika s’éprend du charmant officier et se tait lorsqu’elle le surprend en train d’épier les résistants tyroliens. Castiglioni s’enfuit et revient avec des soldats qui encerclent le village rebelle. L’apercevant dans les bras de Monika, Riedlechner le jette dans un ravin. Monika se suicide. – Tourné au Tyrol et aux ateliers Messter à Berlin en même temps que le film précédent.
1920Der Tod versöhnt [= La mort réconcilie] (DE)
Mundus-Film Company, München. – av. Maja Reubke, Max Auxinger, Carl Sick. – Obscur court métrage (?) illustrant un épisode du soulèvement tyrolien, d’après un scénario de Felix Wildenhain et Franz Vogel.
1929Andreas Hofer. Der Freiheitskampf des Tiroler Volkes (DE) de Hanns Prechtl
Albert Lohner/Hofer Film GmbH (Berlin)-Union-Film-Comp. mbH (München), 2874 m./91 min. – av. Fritz Greiner (Andreas Hofer), Maly Delschaft (Anna Hofer), Rolf Pinegger (l’aubergiste Gasteiger), Grit Haid (Moidl, sa fille), Georg John (le traître Franz Raffl), Oscar Marion (sgt. Toni), Carl de Vogt (Eisenstecken, l’adjudant de Hofer), ADOLF GONDRELL (Napoléon), Max Reichlmair (gén. Joseph Speckbacher), Hermann Pfanz (col. Bernklau), Franz Stein (Père Haspinger).
Film biographique à grand spectacle sur le soulèvement du Tyrol en 1809/10 qui vise très clairement le traité de Versailles (le titre de travail est Für ein freies Vaterland – Pour une patrie libre). Berlin annexe, cette fois avec des moyens conséquents, l’histoire du voisin autrichien pour fabriquer une variante tyrolienne de ces « prusseries » antifrançaises tant appréciées par les nationalistes allemands et qui deviendront un des filons du cinéma nazi. Accessoirement, à partir de 1918, les films, pièces, livres et chansons austro-allemands sur l’insurrection de Hofer dénoncent l’italianisation radicale du Tyrol méridional par les fascistes (cf. Der Rebell, 1932). Le scénario démontre que les Bavarois ont été forcés par les Français à prendre les armes contre leurs « frères » germanophones, une interprétation erronée qui se répandit en Bavière à partir de 1830, sur ordre du roi ; à l’écran, Hofer ne combat qu’une division française – les Bavarois se sont littéralement évaporés, il n’est question que d’« ennemis » – et les véritables raisons du soulèvement réactionnaire comme les hostilités ancestrales existant entre les deux voisins sont passées sous silence. Goguenarde, la presse berlinoise s’amuse à signaler qu’« une société bavaroise s’est constituée pour produire, phénomène assez comique, une fresque célébrant les défaites militaires des Bavarois » (Berliner Tageblatt, 27.10.29). Financée par un banquier munichois, la bande est tournée sur les sites historiques (Kufstein, Mattei, Hall, Porta Ceresa à Mantoue en Lombardie, etc.) avec l’aide du gouvernement tyrolien ainsi qu’aux studios de Geiselgasteig (Munich) en avril-juin 1929. Prechtl reconstitue, très platement mais à grands frais, la prise éphémère d’Innsbruck par les 13 000 fantassins d’Andreas Hofer et la bataille victorieuse que celui-ci livra aux Franco-Bavarois au Bergisel en août 1809 (parmi les 3100 figurants qui s’étrillent à l’écran, la presse déplore 37 blessés).
1932**Der Rebell – ein Freiheitsfilm aus den Bergen / Die Feuer rufen ! (DE) de Kurt Bernhardt et Luis Trenker
Paul Kohner/Deutsche Universal-Film AG (Berlin), 93 min. – av. Luis Trenker (Severin Anderlan), Olga Engl (sa mère), Erika Dannhoff (Gertrud, sa sœur), Luise Ullrich (Erika Riederer), Ludwig Stoessel (Riederer, maire de St. Vigil), Victor Varconi (cpt. Leroy), Fritz Kampers (ltn. Raidthofer), Reinold Bernt (Krahvogel), Albert Schultes (Jakob Harasser), Arthur Grosse (gén. Jean-Baptiste Drouet), Amanda Lindner (Mme Drouet), Otto Kronburger (Père Medardus), Emmerich Albert (Hagspiel), Luis Gerold (Rabensteiner), Hans Jamnig (Klotz), Inge Konradi (Kathrin).
Un authentique souffle révolutionnaire traverse ce film martial qui doit formellement beaucoup au Napoléon de Gance et au cinéma soviétique, et qui s’avère de loin supérieur à toutes les fresques historiques fabriquées ultérieurement dans le Reich. – En été 1809, Severin, un étudiant en médecine tyrolien fraîchement débarqué de Iéna – personnage calqué sur Andreas Hofer (mais imberbe) – devient chef des insurgés après avoir retrouvé son village de St. Virgil calciné et sa mère et sa sœur assassinées par la soldatesque. De sa maison natale seul subsiste un crucifix. Severin tue deux dragons et sème ses poursuivants lors d’une cavalcade endiablée sur les crêtes. Sa tête est mise à prix, il est trahi, s’échappe vers les cimes enneigées, passe pour mort après une chute spectaculaire (des cascades qui n’ont rien à envier à Hollywood), se déguise en officier bavarois lors d’un bal à Innsbruck et s’introduit dans l’état-major du général Drouet, etc. Bref : Douglas Fairbanks égaré dans une tragédie. Décimée par la conscription, la population se soulève, et le film se transforme en une symphonie visuelle d’une indéniable grandeur lorsque, les villageois ayant extrait de leur église un crucifix géant, brandi dans la nuit comme un bélier, les tocsins, les flammes, les drapeaux et les cavaliers proclament le ralliement de vallée en vallée. L’adversaire principal du rebelle est le capitaine Leroy, qui harcèle en vain la fiancée de son ennemi, Erika. Severin tend une embuscade sanglante aux Français et à leurs alliés bavarois dans le ravin de Finstermünz, où ses partisans balancent des tonnes de rochers depuis des hauteurs vertigineuses (qu’il n’y ait pas eu de morts pendant le tournage tient du miracle). Finalement, il est capturé par Leroy et fusillé avec ses camarades dans la forteresse de Kufstein. L’apothéose finale les fait entrer dans l’immortalité ...
Cette production allemande – cofinancée discrètement par des capitaux américains de l’Universal – est tournée d’octobre à novembre 1932 en extérieurs au Tyrol avec 300 figurants (au bord de l’Inn, à Finstermünz et dans la forteresse de Kufstein) et aux Grisons en Suisse (col de la Maloja, St. Moritz, Zuoz), puis en intérieurs aux ateliers Jofa de Berlin-Tempelhof. Très dynamique, physique, parfois brutal, le film conjugue nationalisme combatif, catholicisme, mythes réactionnaires et mystique de la nature pour mobiliser ses rebelles contre la Marseillaise des tyrans. Il s’affirme d’inspiration patriotique, en priorité hostile au traité de Versailles : Severin souhaite s’allier aux Bavarois (un anachronisme) et chasser l’Antéchrist Napoléon – qui a fait sceller les églises – pour reconquérir la liberté de tous les Allemands, qu’ils viennent de Bavière ou des Dolomites. Son rêve de réconciliation pangermanique renvoie en fait aux déchirements politiques dans les rues peu avant la prise de pouvoir des nazis. Quant à Napoléon, il n’est pas un ennemi parce qu’il est Français, mais parce qu’il utilise ses laquais bavarois pour introduire dans le pays des réformes perçues comme anticléricales (un détail agaçant que les futurs tenants du Reich ignoreront). La paternité du projet incombe indubitablement au Tyrolien Luis Trenker, l’acteur, cinéaste, alpiniste et architecte formé – à l’instar de Leni Riefenstahl – chez Arnold Fanck, le pionnier cinématographique des montagnes (les « Bergfilme »). Kurt Bernhardt, son coréalisateur, un pacifiste de gauche alors un peu candide, souhaitait un film romantique, sans plus. Mais les deux cinéastes découvrent trop tard, et avec effroi, que l’esthétique idéalisante de l’œuvre, son imagerie sentimentale et glorificatrice (une très belle photo à contre-jour) véhiculent, sciemment ou non, des concepts récupérables par l’extrême-droite. C’est ainsi que, lors de sa fameuse conférence au Kaiserhof annonçant la « Gleichschaltung » de l’industrie, en mai 1933, Goebbels vante devant tous les réalisateurs, scénaristes et producteurs du pays réunis les qualités cinématographiques typiquement germaniques de ce film exemplaire, une œuvre qu’Hitler se serait fait projeter quatre fois. Pourtant, Bernhardt est juif (Goebbels tait son nom) et les potentats nazis haïssent Trenker à cause de son christianisme affiché et de son farouche esprit d’indépendance !
Mussolini fait interdire le film en Italie parce qu’il présente le Tyrol méridional, alors objet de litige virulent entre Berlin et Rome, dans une perspective trop germanique. Annexée par l’Italie en 1919 et rebaptisée Alto Adige, la région ex-autrichienne est systématiquement « italianisée » à partir de 1923, tous les noms géographiques sont modifiés. La mémoire d’Andreas Hofer – dont l’hymne est devenu l’hymne officiel du Tyrol – est souvent utilisée en Allemagne et en Autriche comme exemple de la résistance germanophone aux efforts d’italianisation sous le régime fasciste. Le film de Trenker et Bernhardt devient, dans ce contexte, une sorte de brûlot, ce qui n’empêchera pas son exploitation jusqu’aux états-Unis (cf. infra). – IT : Il grande agguato (après 1945).
1933The Rebel (Le Rebelle / L’Héroïque Embuscade) (DE/US) de Luis Trenker et Edwin H. Knopf [non crédité : Kurt Bernhardt]
Paul Kohner/Deutsche Universal-Film AG (Berlin)-Universal Pictures Corp. (Carl Laemmle), 80 min. – av. Luis Trenker (Severin Anderlan), Vilma Banky (Erika Leroy), Victor Varconi (cpt. Leroy), Arthur Grosse (gén. Jean-Baptiste Drouet/gen. Elliott), Reinhold Bernt (George Bird), Emmerich Albert (John Haskel), Hans Jamnig (Louis Klein), Luis Gerold (Samuel Fields).
(Version américaine du précédent :) Carl Laemmle, patron de l’Universal à Hollywood, finance cette version destinée au marché anglo-saxon, retravaillée par Edwin H. Knopf (scénario) et remontée par Andrew Marton. Vilma Banky, ex-partenaire de Rudolph Valentino, y remplace Luise Ullrich. Une aubaine pour Kurt (Curtis) Bernhardt, qui a arrangé le financement américain du film lors d’une visite à Los Angeles au printemps 1932 et établi ainsi de bons contacts aux états-Unis, où il poursuivra sa carrière en 1939, après des séjours à Paris et à Londres. La synchronisation française de cette version, fabriquée sous la supervision de Bernhardt (qui parle couramment la langue de Molière), sera distribuée dans l’Hexagone en 1937.
1933*Der Judas von Tirol (Der ewige Verrat) [= Le Judas du Tyrol (L’éternelle trahison)] (DE) de Franz Osten
Lothar Stark-Film GmbH (Berlin), 81 min. – av. Fritz Rasp (Franz Raffl), Eduard von Winterstein (Kreuzwirt, l’aubergiste et bourgmestre), Camilla Spira (Walpurga, sa fille), Marianne Hoppe (Josefa), Inez Allegri (Vroni), Hanns Beck-Gaden (Pfandler), Fritz Kampers (Jörgl), Rudolf Klein-Rogge (officier), Theodor Loos (commissaire), Oskar Marion (commandant militaire français).
Synopsis : Tyrol en janvier 1810. Le chef de l’insurrection, Andreas Hofer, s’est caché dans la ferme isolée de Pfandler, qui l’approvisionne avec l’aide de son valet Raffl. Ce dernier souffre de n’être qu’un valet et, par conséquent, de ne pas avoir le droit de jouer le Christ lors des jeux annuels de la Passion. La domestique Josefa souffre également de son statut social, mais son ardent patriotisme l’éclaire. Les Français appréhendent Pfandler, soupçonné d’entente avec l’ennemi, et Walpurga, la fille du bourgmestre, est harcelée par le commandant militaire. Lorsque vient la saison des jeux de la Passion, Raffl est désigné, une fois de trop, pour jouer Judas ; conformément à ce rôle qui lui colle à la peau, il trahit Andreas Hofer aux Français dans l’espoir de sortir de la misère, de s’acheter une ferme et de pouvoir enfin, un jour, interpréter Jésus. Puis, pris de remords, il rend l’âme. Josefa veut mettre Hofer en garde contre les soldats qui viennent l’arrêter, mais elle se tue dans un précipice en cherchant sa cachette. Hofer est emmené à Mantoue et fusillé.
En 1933, Le Judas du Tyrol ou l’Éternelle trahison (film adapté de la pièce homonyme de Karl Schönherr, parue en dialecte en 1897) semble synthétiser, par son titre même, tout le programme idéologique du Troisième Reich : antisémitisme (sous-jacent), culte du terroir (« Blut und Boden ») et ultranationalisme (la trahison envers la patrie étant considérée comme le crime suprême). En l’occurrence, ni le Bavarois Franz Osten, pionnier du cinéma indien à Bombay (Shiraz, 1928), ni le médecin et auteur dramatique tyrolien Schönherr, marié à une juive, peuvent être considérés comme des nazis, même si l’œuvre littéraire de ce dernier – il décède à Vienne en 1943 – a été bruyamment annexée par l’Ordre Nouveau. Le film d’Osten, tourné en juin-juillet 1933 dans les ateliers Jofa à Berlin-Johannisthal, n’a pas la subtilité psychologique de la pièce, mais il est solidement charpenté et Fritz Rasp (vedette des grands classiques muets de Fritz Lang et G. W. Pabst) y donne une interprétation saisissante. Bombardé du label « de qualité artistique » par le ministère de Goebbels, le film sera passagèrement interdit par les Alliés en 1945. – US : The Judas of Tyrol.
1939/40*Der Feuerteufel [= Le Diable de feu] (DE) de Luis Trenker
Luis Trenker-Film GmbH (Berlin)-Bavaria Filmkunst GmbH (München), 99 min. – av. Luis Trenker (Valentin Sturmegger), Judith Maria Holzmeister (Maria Schmiederer), Bertl Schulthes (Schmiederer, son père), Fritz Kampers (cpt. Münzer), Hilde von Stolz (marquise Antoinette de Chanel), Claus Clausen (maj. Ferdinand von Schill), ERICH PONTO (Napoléon), Ernst Fritz Fürbringer (prince Metternich), Franz Herterich (François Ier d’Autriche), Kurt Meisel (l’archiduc Johann de Habsbourg), I. Inni (gén. Jean-Pierre Henry), Walter Ladengast (Rafael Kröss), Ludwig Kerscher (Kluiber), Paul Mederow (gén. Jean-Baptiste Dominique Rusca), Reinhold Pasch (col. Henri Daru), Karl Fochler (Burron).
Synopsis : En 1809, le major prussien von Schill appelle tous les Allemands à la résistance contre le Corse, mais il meurt au combat, lâché par son roi. En Carinthie (Autriche du sud), le paysan rebelle Sturmegger – surnommé le « diable de feu » (Feuerteufel) – organise le soulèvement populaire. Il est capturé et survit miraculeusement au peloton d’exécution, couvert par les corps de ses camarades tués. à Vienne, il se heurte à Metternich qui l’empêche d’approcher l’archiduc Johann (favorable à la cause des montagnards et banni à Graz), puis tente d’enlever Napoléon qui est sur le point d’épouser Marie-Louise. Impressionné par son audace, l’Empereur le rencontre en secret, mais les deux hommes ne s’entendent pas et Sturmegger parvient à s’échapper grâce à l’aide de la marquise de Chanel. De retour dans ses montagnes, il dirige la résistance contre les Français – survivant à la trahison de Kröss et à plusieurs revers militaires – jusqu’à la victoire de Leipzig en 1813, avant de se retirer sur l’alpe avec sa famille.
Trenker essaie de retrouver le succès de Der Rebell (1932), avec moins d’emphase lyrico-symboliste, moins de régionalisme, mais plus d’assise historique – et un plus gros budget (un million de Reichsmark). Initialement, le film se déroule une fois de plus au Tyrol et son héros, une sorte de Guillaume Tell, n’est autre que Joseph Speckbacher, le général d’état-major d’Andreas Hofer (cf. film de 1913). Le tournage débute en juin 1939 à Mittenwald, en Bavière (scènes de batailles), au barrage de Brandenberg (Unterinntal), à Kufstein, à Kramsach (Erzherzog-Johann-Klause), à Vomp bei Schwaz et aux studios Bavaria de Geiselgasteig à Munich. Lorsque éclate la guerre, Hitler décrète l’arrêt immédiat de la production : il ordonne que le nom du Tyrol – objet de litige entre le Führer et Mussolini – disparaisse du scénario, que l’action soit déplacée en Carinthie et son héros rebaptisé Sturmegger (un personnage fictif). Rappelons qu’en 1938/39, Hitler a concédé le Tyrol méridional à l’Italie ; en échange, Mussolini l’a appuyé lors de la Conférence de Munich qui lui a permis d’annexer les territoires des Sudètes. Dès lors, les Tyroliens germanophones peuvent choisir entre quitter leur terre natale pour s’établir dans le Reich, en ex-Autriche, ou rester. Ceux qui restent (les « Dableiber ») sont toutefois considérés par Berlin comme des traîtres.
À première vue, on serait tenté de classer Der Feuerteufel dans la catégorie suspecte « sang et terre », mais curieusement, les occupants français y pratiquent l’arrogance et le ton martial des discours nazis, et des méthodes dignes de la SS. Le film subit diverses coupures (notamment la phrase « ne cédez pas, la tyrannie s’effondrera ! ») et les autorités allemandes se montrent de glace, car des passages comme le suivant tombent plutôt mal à propos : impressionné par le courage de Sturmegger, Napoléon demande à le voir et lui offre un haut grade militaire dans son armée. Sturmegger refuse l’uniforme, il veut rester paysan (ce qui constitue indirectement un affront à la Wehrmacht). Napoléon : « Croyez-vous donc que vous et vos bouseux pourrez résister à ma Grande Armée? » – Sturmegger : « Non, mais j’ai la ferme conviction qu’en fin de compte, ce n’est pas vous, Monsieur Bonaparte, mais le Seigneur qui dirige la destinée des peuples... » Des propos indigestes pour les tenants du Reich des Mille Ans. Distribué à Zurich, à Stockholm et à New York, Der Feuerteufel suscite quelque étonnement : la presse y découvre un film de montagnards pour la liberté et pour la paix, chantant la lutte de l’Autriche contre la dictature, Hitler y est implicitement assimilé à Napoléon et Berlin n’y a vu que du feu ! Trenker ayant refusé de quitter son Tyrol méridional devenu italien, Goebbels, dans son journal, qualifie le cinéaste de salaud et de renégat, « à liquider un de ces jours » (7.3.40) ; de son côté, Hitler juge le cinéma de Trenker « véreux, financé par l’Action catholique ». C’est la dernière fois que le cinéma allemand touche au Tyrol. Dorénavant interdit de travail dans le Reich, Trenker s’établit à Rome en 1942 où il mettra sa caméra au service du Vatican. Les Alliés, qui ne font pas dans la dentelle, interdiront passagèrement son film en 1945. – US : The Fiery Devil, IT : Il ribelle della montagna.
1952Das letzte Aufgebot [= L’Ultime Mobilisation] (AT) d’Alfred Lehner
Lehner-Filmproduktion (Wien)-Listo Filmproduktion GmbH (Wien), 88 min. – av. Kurt Heintel (Martin Sellrainer), Eduard Köck (Tobias Sellrainer), Marianne Schönauer (Traudl Grabner), Georg Filser (Stefan Sellrainer), Hans Brand (P. Konrad), Margit Seeber (Verena), Alfred Schnayder (Vinzenz), Otto Löwe (Andreas Hofer), Leopold Rudolf (le traître Franz Raffl), Hans Raimund Richter (Luka).
Synopsis : Au Tyrol en 1809. Jadis, Martin Sellrainer a tué un homme lors d’une dispute, Andreas Hofer l’a gracié après quelques années de bagne. Son père l’a déshérité, son frère Stefan le jalouse, car il croit que Traudl, sa fiancée, l’aime. Celle-ci le détrompe, et c’est Martin qui en est meurtri. Andreas Hofer bat une dernière fois l’appel de sa milice contre les Français. Martin le suit, cherchant vainement la mort. Les paysans sont vaincus, Hofer est fusillé, le Tyrol occupé. À la mort du vieux Sellrainer, Stefan hérite de la ferme familiale et épouse Traudl ; Martin, amer, y travaille comme valet, toujours secrètement amoureux de sa belle-sœur. Lorsque Stefan provoque accidentellement la mort du bourgmestre, une canaille imposée par les Français et surprise en train de voler du foin, Martin, l’ex-taulard, s’accuse et se sacrifie pour son frère : ainsi, sa vie aura eu un sens. – Un mièvre mélo montagnard sur fond d’insurrection antifrançaise, tournée platement, en noir et blanc, aux ateliers de Wien-Kalvarienberg (Ringfilm-Studio) et au Tyrol, à Kufstein. – DE : Der Bauernrebell.
1953Die Regimentstochter [= La Fille du régiment] (AT) de Georg C. Klaren et Günther Haenel
J. H. Wesely/Nova-Filmproduktion Wien, 100 min. – av. Aglaja Schmid (Marie), Robert Lindner (Toni[o]), Hermann Erhardt (sgt. Sulpice/Sulpiz), Dagny Servaes (marquise de Maggiovoglio [Berkenfield]), Gusti Wolf (Annette), Günther Haenel (Hortensio), Elisabeth Markus (la duchesse [de Crakentorp]), Karl Fochler (le duc [de Crakentorp]), Fritz Mullar (Hans), Michael Janisch (Karl), Anton Gaugl (Sepp), Peter Klein (Anderl).
Synopsis : Dans un village tyrolien en 1811. Napoléon et l’Autriche ont fait la paix à Schönbrunn, Andreas Hofer a été capturé et exécuté à Mantoue. La jolie vivandière Marie, mascotte du 2 e régiment de la Garde, est une enfant trouvée ; le vieux sergent Sulpice l’a découverte sur un champ de bataille, et depuis lors, les 1500 hommes du régiment français veillent jalousement sur elle. Marie s’est égarée sur l’alpe et Toni, un jeune montagnard, lui sauve la vie. Ils tombent amoureux. Chef secret d’une armée d’insurgés qui mène la guérilla contre Napoléon et tient les Français à distance en provoquant des avalanches, Toni se fait engager dans le régiment pour espionner l’ennemi, enrôler des volontaires et côtoyer celle qu’il aime. La marquise de Maggiovoglio reconnaît en Marie sa nièce disparue et l’emmène dans son château en Bavière pour lui donner une éducation à la française, digne de son rang. Marie s’ennuie du régiment, qui a été déplacé. Mis à la retraite en 1813, Sulpice entre au service de la marquise et transmet à Marie des nouvelles de Toni, qui combat à présent Napoléon dans l’armée impériale autrichienne. Toni surgit à temps avec ses soldats pour empêcher les épousailles forcées de Marie avec un duc bavarois et libérer le Tyrol.
Une adaptation routinière de l’opéra-comique La Fille du régiment de Gaëtano Donizetti (1840), d’après le livret de Bayard et Vernoy de Saint-Georges (cf. film de 1911). L’action en a toutefois été avancée de cinq ans et truffée de renvois à la guerre de libération, l’amoureux de Marie n’étant plus un officier francophile mais un maquisard. Tournage en Agfacolor aux ateliers Rosenhügel (Wien-Film) à Vienne et dans le massif alpin de Rax (Auf der Rax) au Tyrol.
Nota bene : Sorti en 1933, Die Tochter des Regiments / Die Regimentstochter (La Fille du régiment) (AT/DE) de Carl Lamac (et Pierre Billon pour la version française) oblitère le contexte historique : les guérilleros tyroliens deviennent des contrebandiers écossais. Quoique situés en principe en 1805, les adaptations fidèles à l’œuvre de Donizetti, comme Die Regimentstochter (DE/GB) de Hans Behrendt en 1929 ou la demi-douzaine de captations télévisées de l’opéra présentent une trame sans rapport direct avec les événements sous Napoléon.
1969(tv) Der Judas von Tirol (AT) de Luis Walter
Studio Walter/RAI-Sender Bozen. – av. Walter Pedri (Franz Raffl), Lotte Pfaffstaller, Paul Kofler, Hansjörg Widmann, Marialuise Mayr, Walter Pedron, Heini Nössing, Walter Oberhauser, Christl Pfaffstaller, Arnold Dibiasi, Herbert Michl, August Fontane, Sepp Anegg, Luis Terzer, Luis Walter.
Une captation de la pièce Le Judas du Tyrol de Karl Schönherr (cf. film de 1933) jouée dès 1968 dans le cadre des spectacles en plein air de Neumarkt (« Freilichtspiele Südtiroler Unterland ») par la troupe du fondateur et metteur en scène, Luis Walter. Un spectacle dédié à la minorité germanophone du Tyrol méridional.
1974(tv) Andreas Hofer (AT) de Luis Walter
Studio Walter/RAI-Sender Bozen. – av. Walter Pedri (Andreas Hofer), Irene Schatzer-Bonatti, Paul Dalsass, Albert Atz, Luis Walter, Peter Bergner, Albin Köck, Hans Pomella, Herbert Michl, Franz Postingl, Franz Treibenreif, Karl-Heinz Böhme, Ander Sanin, Horst Hämmelmann, Erika Carli, Walter Pomella, Richard Ranigler, Luis Terzer, Christian Betignoll.
Captation de la pièce Andreas Hofer (1902) de l’auteur dramatique tyrolien Franz Kranewitter, jouée à Neumarkt par la troupe des « Freilichtspiele Südtiroler Unterland » (cf. « Der Judas von Tirol », 1969).
1978(tv) Der Judas von Tirol (AT) de Luis Walter
Studio Walter/RAI-Sender Bozen. – av. Walter Pedri (Franz Raffl), Erika Carli, Franz Treibenreif, Markus Soppelsa, Rosa Mich, Albert Atz, Oswald Auer, Franzi Mayr, Werner Dorigoni, Karl Pichler, Karl Pfeifer, Egon Walter, Franz Steiner, Richard Ranigler, Albert Leimer, Willi Mick, Herbert Michel, Walfred Zwerger, Peter Drassl, Dora Zafouk, Christine Fachinelli, Christian Bertignoll, Harmann Fachinelli, Roland Selva.
Captation de la pièce de Karl Schönherr (cf. film de1933) jouée à Neumarkt par la troupe des « Freilichtspiele Südtiroler Unterland » (cf. 1969).
1984*Raffl (AT) de Christian Berger
C. Berger/TTV Filmproduktion, 95 min. – av. Lois Weinberger (Franz Raffl), Barbara Weber (Sophie Raffl, son épouse), Barbara Viertl (sa fille adoptive), Dietmar Schönherr (le prêtre), Herbert Rohm, Lothar Dellago, Arthur Brauss, Franz Mössmer, Isolde Feriesch, Rupert Covi, Dietmar Mössmer, Franz Pienz, Hans Vergörer, Günter Lieder, Bert Breit.
Synopsis : Paysan couvert de dettes, marié à une femme psychiquement déséquilibrée, Raffl n’a pas participé à la guérilla d’Andreas Hofer, ce qui lui vaut les railleries des villageois et le mépris de sa fille adoptive, qu’il désire. Ayant découvert par hasard la cachette du fameux chef rebelle, il hésite, puis la révèle aux occupants français, mais sans obtenir l’argent promis. Sa femme et sa fille le quittent, la ferme doit être vendue, les partisans de Hofer le menacent de mort, il quitte l’endroit. En Bavière, coupé et abandonné de tous, il sombre dans une profonde dépression. – Film austère, essentiellement l’étude psychologique d’un cas social, « Raffl » est la première réalisation de Christian Berger, qu’interprète le sculpteur autrichien Lois Weinberger. Le cinéaste gagne le Prix Max Ophüls à Saarbrücken 1985, il est nominé pour le grand prix au Festival de Moscou 1985.
2002*(tv+ciné) 1809 Andreas Hofer – Die Freiheit des Adlers (La Liberté de l’aigle) (AT/DE/IT) de Xaver Schwarzenberger
Michael et Oswald Wolkenstein/Satel Fernseh & Filmproduktion GmbH-Bayerischer Rundfunk-ORF-RAI-Sender Bozen (ARD 26.10.02 / ORF 27.10.02), 111 min. – av. Tobias Moretti (Andreas Hofer), Gregor Bloéb (Franz Raffl), Christian Futterknecht (François Ier d’Autriche), Mathias Gnädinger (maréchal François-Joseph Lefèbvre, duc de Dantzig), Hary Prinz (archiduc Johann), Julia Sternberger (Anna Hofer), Sophie Wendt (Julie Raffl), Max von Thun (le prince héritier Ludwig de Bavière), Günther Maria Halmer (gén. Kinkel), Ottfried Fischer (Maximilien Ier de Bavière), GUSTAV-PETER WÖHLER (Napoléon), Sarah Jung (Marie-Louise de Habsbourg), Franz-Xaver Kroetz (Père Joachim Haspinger), Martina Gedeck (Lebzelter-Mariandl), Günther Maria Halmer (gén. Georg August Freiherr von Kinkel), Helo von Stetten (col. Carl Philipp von Wrede), Guntram Brattia (Kajetan Sweth), Karl Markovics (l’archiduc Charles d’Autriche, duc de Teschen), Frank Hoffmann (maréchal Chastelier), Peter Mitterrutzner (Simon Zoderer), Manfred Lukas-Luderer (Joseph Ötti), Toni Böhm (le bourgmestre Kasimir Schuhmacher), Dorothee Hartinger (Lisa Schumacher), Michael Schönborn (Maximilien Joseph, baron de Montgelas), Michael Walde-Berger (baron de Lichtenthurn), Lucas Zolgar (Jakob Jäger).
Les étapes de l’insurrection d’Andreas Hofer contre les Bavarois, qu’il hait par-dessus tout, et les Français, du 24 décembre 1808 (les milices interrompent les festivités de Noël à St. Leonard) au 20 février 1810 (l’exécution à Mantoue). Une reconstitution assez spectaculaire, ambitieuse et coûteuse qui tente de placer les événements dans leur contexte politique (les enjeux de la cour impériale à Vienne qui poussent Hofer à la révolte, les manœuvres des Wittelsbach à Munich), et de dresser un portrait nuancé du héros en titre, un humaniste parfois faible, qui peut hésiter, s’enivrer, avoir une liaison adultérine avec Mariandl (scénario de Felix Mitterer).
Le sac d’Innsbruck en 1809, particulièrement sanglant, le montre incapable de tenir ses troupes assoiffées de vengeance. Trop honnête et crédule, Hofer est manipulé par les Autrichiens qui s’abstiennent de lui venir en aide quand Napoléon intervient avec son armée, mais il est tout autant manipulé par le père capucin Haspinger, ennemi des Lumières, un agitateur intransigeant et belliciste. En décrivant ce dernier comme un fanatique religieux, le script de Mitterer établit implicitement un parallèle entre les maquisards barbus de Hofer et les talibans d’un Oussama Ben Laden. L’interprète obèse et vulgaire de Napoléon est d’un ridicule consommé. Schwarzenberger (qui est son propre chef opérateur) ne cache à aucun moment la brutalité du conflit, une sauvagerie présente dans tous les camps et dont, comme d’habitude, le petit peuple fait les frais. Un carton final précise que Vienne a récupéré le Tyrol en 1814, mais sans lui octroyer ses anciens droits. Le résultat à l’écran est lisse, solide, intelligent même, mais formellement sans surprises : du cinéma formaté à l’américaine qui se suit sans ennui. Quoique conçu pour la télévision, le film est d’abord exploité en salle. Tournage au Tyrol (Hofburg à Innsbruck), à Vienne, en Lombardie (Mantoue) et dans le Trentin (Val d’Ultimo, Bolzano), avec une bonne centaine de figurants pour la bataille de Bergisel (le nombre de 1600 annoncé par la production est fortement exagéré). Tobias Moretti décroche à Vienne le Prix Romy Gala 2003 de l’acteur le plus populaire.
2006(tv) Der Judas von Tirol (DE) de Werner Asam
Manfred Korytowski/Infafilm GmbH (München)-Bayerischer Rundfunk (BR 13.4.06), 133 min. – av. Hans Schuler (Franz Raffl), Dietmar Schönherr (Martl), Monika Baumgartner (Lisa Pasolini), Götz Burger (baron von Steinsdorf), Jovita Dermota (Schmiedkathl), Elmar Drexel (metteur en scène), Dieter Fischer (Pankraz Purtscheller), Enzi Fuchs (Pfandlerbäuerin), Lance Gira (Simon Gnadi), Martin Halm (maj. L. Briant), Brigitte Jaufenthaler (Wolfen Lisbeth), Martin Lüttge (Pfandlbauer), Julian Manuel (ltn. Perrichon), Gerd Silberbauer (Kreuzwirt).
Une recréation historiquement scrupuleuse de la trahison de Franz Raffl (1775-1830) et de ses circonstances, loin de l’intrigue du drame populaire de Karl Schönherr (cf. film de 1933). Raffl est un fermier de Schenna qui trahit la cachette d’Andreas Hofer aux Français pour 1500 florins. Méprisé par ses compatriotes, menacé de mort, sans travail après la vente forcée de sa ferme, il demande la protection militaire du général bavarois Rechberg, puis émigre à Munich en 1811 ; il meurt dans le plus total dénuement à Reichertshofen (Bavière). Les Tyroliens lui donneront le surnom de « Judas du Tyrol ». Un téléfilm qui se veut une suite à Die Freiheit des Adlers (cf. supra), tourné à Bolzano, dans le Trentin (Campo Tures, Predoi, Rio di Pusteria, Valle Aurina).
2010*Bergblut (Das heilige Land Tyrol) / Sangue di montagna (AT/IT) de Philipp J. Pamer
Florian Reimann/FR Entertainment Film & Fernsehproduktion-Remulus Film-HFF München-Khaled Kaissar Film, 123 min. – av. Inga Birkenfeld (Katharina Heimstedt Egger), Wolfgang Menardi (Franz Egger), Manfred-Anton Algrang (Hermann Egger), Verena Plangger (Elisabeth Egger), Martin Maria Abram (Gallus Egger), Klaus Gurschler (Andreas Hofer), Verna Buratti (Anna Hofer), Martin Thaler (Franz Raffl), Gerd Anthoff (Dr Ludwig Heimstedt), Götz Burger (ltn. Wimmer), Mathieu Carrière (le capitaine français), Eisi Gulp (Erik), Uwe Ringleb (Père Manifesti).
Synopsis : Fille de médecin et formée par son père, Katharina renonce au confort d’une vie bourgeoise et à ses parents à Augsbourg, en Bavière, pour suivre son époux, l’apprenti menuisier tyrolien Franz Egger, en fuite après avoir causé la mort accidentelle d’un soldat français. L’accueil dans la ferme indigente des Egger sur l’alpe, à Val Passiria, est carrément hostile. Tandis que Franz et ses frères prennent les armes aux côtés d’Andreas Hofer et livrent un combat désespéré contre les Franco-Bavarois, Katharina lutte avec le prêtre local pour la reconnaissance des paysans restés chez eux et son acceptation au sein de sa belle-famille. Lorsque toujours plus de blessés rentrent de la guerre, elle met ses connaissances médicales au service de la communauté, s’improvise infirmière et gagne le respect général. Réalisant, comme le prêtre, que le combat des Tyroliens est sans issue, la Bavaroise mutile son époux blessé pour qu’il ne puisse plus retourner au feu. Sa belle-famille la chasse de la ferme. Les Tyroliens sont anéantis au Bergisel ; Veit Egger, le cadet de la famille, est déchiqueté par un boulet. Parlant le français et ayant interrogé l’occupant, Katharina se rachète en avertissant les partisans de la trahison de Raffl et l’arrestation imminente d’Andreas Hofer. Ce dernier est capturé et exécuté.
Une production qui s’inscrit dans la mouvance sécessionniste et indépendantiste du Tyrol. Jeune réalisateur sud-tyrolien de vingt-six ans, Palmer n’a pas froid aux yeux : son film a du nerf, du souffle même. Les paysages sont impressionnants, la reconstitution respire l’authenticité, on y parle le dialecte montagnard (le « Psairerisch » sous-titré en allemand), et le tournage s’est entièrement déroulé sur les lieux de l’action, dans les vieux quartiers d’Augsbourg et au Tyrol méridional à Val Passiria/Passeiertal (l’ancien Gspellhof, la cachette de Hofer à Pfandler Alm). Marquant le bicentenaire du soulèvement, Palmer présente la guerre sans pathos ni manichéisme, vue à travers les yeux d’une femme émancipée, pire : d’une étrangère, et de ceux et celles qui sont restés à la maison ; ses protagonistes, amis comme ennemis, vainqueurs comme victimes, sont tous déchirés par le choc des mentalités, des cultures et des idéologies. Prix du public au Filmfest de Munich 2010 et 5 nominations (Inga Birkenfeld, Wolfgang Menardi, production, réalisation, scénario) ; nominé au prix des jeunes talents au Festival de São Paolo. Prix du meilleur film historique au Festival de Lessina, sélection du Festival international de Shanghai et du Festival de Cleveland. – US : Mountain Blood (The Holy Land of Tyrol).
2017(tv) Andreas Hofer - Held wider Willen (Andreas Hofer, un Tyrolien contre Napoléon) (AT) de Beverly Blankenship
Série "Universum History" (ORF2 24.11.17 / Arte 20.7.19), 52 min. - av. Harald Windisch (Andreas Hofer), Alexander Hoffelner (l'archiduc Johann), David Jakob (Joseph von Hormayr), Florian Schwienbacher (Joseph Daney), Günther Götsch (Jakob Sieberer), Martin Schneider (Cajetan Sweth), Moritz Taferner et Yannick Peschel (Andreas Hofer jeune), René Rebeiz, Andreas Hartner, Alexa Brunner.
Docu-fiction réalisé à l'occasion du 250e anniversaire de la naissance du héros tyrolien, avec des extraits de Andreas Hofer de Hanns Prechtl (1929), de Der Rebell de Kurt Bernhardt et Luis Trenker (1932) et du Napoléon d'Yves Simoneau (2002).