Ia - NAPOLÉON ET L'EUROPE

Une grande réception de l’Empereur au château de Compiègne, reconstituée sur place pour Madame Sans-Gêne de Léonce Perret (1925).

7. PERSONNALITÉS MARQUANTES DU PREMIER EMPIRE

Catherine Hubscher, maréchale Lefebvre et duchesse de Dantzig, dite « Madame Sans-Gêne »
Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, prince de Bénévent
Robert Surcouf
François-Eugène Vidocq
Juliette Récamier
Germaine de Staël
François-René de Chateaubriand
Benjamin Constant

7.1. « Madame Sans-Gêne »

En 1783, CATHERINE HUBSCHER (1753-1835), cantinière et blanchisseuse alsacienne, épouse FRANÇOIS-JOSEPH LEFEBVRE (1755-1820), un sergent aux Gardes françaises originaire du Haut-Rhin. Lefebvre se distingue dans toutes les guerres révolutionnaires dans le Nord et sur le Rhin. Rallié à Bonaparte, son poste de gouverneur militaire de Paris lui permet de jouer un rôle important durant le coup d’État du 18-Brumaire. Napoléon le nomme sénateur (1800), maréchal d’Empire (1804) et, après la bataille d’Eylau, duc de Dantzig (1807). Il participe à la guerre en Espagne et commande la Vieille Garde en Russie, à la bataille de la Moskova (1812). (Ayant voté la déchéance de l’Empereur au Sénat, il sera récompensé par Louis XVIII qui le fera pair de France.) Femme de tempérament mariée à un homme coquet et gracieux, son épouse intègre la cour impériale sans perdre son vocabulaire et ses manières populaires, au grand dam de l’entourage de Napoléon. Très loyale, bonne et généreuse, elle ne se prive pas de critiquer l’Empereur (qui apprécie sa franchise et la protège) et de tenir tête même à Talleyrand.
Pareille destinée séduit les auteurs dramatiques Victorien Sardou et Émile Moreau, qui affublent la pittoresque duchesse du sobriquet « Madame Sans-Gêne » dans leur célèbre comédie du même nom (1893). Celle-ci débute en août 1792, à la veille de l’attaque des Tuileries à Paris. Catherine fait la connaissance de Lefebvre et du lieutenant d’artillerie Bonaparte, sans le sou, endetté et dont elle lave le linge ... Les auteurs enrichissent l’intrigue d’une cabale fictive à laquelle est mêlé le comte autrichien Adam Albert de Neipperg (1775-1829). Blessé et poursuivi lors des troubles révolutionnaires, ce dernier est sauvé par la courageuse lavandière qui le cache et le soigne. (L’authentique Neipperg fut effectivement blessé en combattant les Français à Dolen en 1794.) Dix ans plus tard, Catherine scandalise la nouvelle noblesse napoléonienne par ses manières de roturière, son honnêteté et son franc-parler quand elle dénonce vertement l’hypocrisie des parvenus. Elle irrite en particulier le clan Bonaparte qui la provoque et auquel elle dit ses quatre vérités. Lefebvre refuse de divorcer comme le lui ordonne l’Empereur et, évoquant leur passé commun, la duchesse de Dantzig rappelle à Napoléon ses blessures de guerre et les factures de lingerie restées impayées depuis 1792 ... En 1810, Neipperg arrive à Paris, affecté à l’ambassade autrichienne à l’occasion du mariage de Marie-Louise, mais la présence du diplomate auprès de la nouvelle impératrice suscite la jalousie du Corse. Neipperg est expulsé sur dénonciation de la police de Savary. Désobéissant à l’ordre impérial, le comte revoit en secret Marie-Louise qui doit lui remettre une lettre pour son père. Il est arrêté et va être fusillé ; grâce à Fouché (qui veut reprendre à Savary son poste de ministre de la Police) et à Catherine, l’exécution n’a pas lieu. Neipperg est innocenté, ses relations avec l’impératrice étant toutes platoniques. Le lendemain, l’Empereur invite la turbulente duchesse dans sa calèche particulière, lui montrant ainsi publiquement son estime et son amitié.
En 1903, Ivan Caryll (musique) et Henry Hamilton (textes) transforment la pièce en opéra comique en 3 actes (rebaptisé The Duchess of Dantzic, au Lyric Theatre à Londres). En 1915, Umberto Giordano et son librettiste Renato Simoni font de même au Metropolitan Opera à New York (direction musicale d’Arturo Toscanini, avec Geraldine Farrar dans le rôle-titre).
Nota bene : en août 1814, chargé par Metternich d’empêcher à tout prix Marie-Louise de rejoindre Napoléon en exil sur l’île d’Elbe, Neipperg escortera l’impératrice à Aix-les-Bains, puis deviendra son amant. Elle l’épousera morganatiquement quatre mois après la mort de Napoléon, en 1821, et lui donnera quatre enfants (dont deux avant le mariage). – Nota bene : c’est la courageuse cantinière Marie-Thérèse Figueur (1774-1861), remarquée par Bonaparte sur les champs de bataille en Italie et un temps dame de compagnie de Joséphine, qui était surnommée « Mademoiselle Sans-Gêne ».
1900Madame Sans-Gêne (FR) de Clément-Maurice
Clément Maurice Gratioulet & Henri Lioret de France/Phono-Cinéma-Théâtre, 4 min. – av. Gabrielle Réjane (Catherine Hubscher).
Petit film sonore avec enregistrement sur un phonographe à cylindre, projeté à l’Exposition universelle de Paris en avril 1900 (série « Visions animées des artistes célèbres »), sous la direction artistique de Marguerite Vrignault. Gabrielle Réjane (cf. infra, 1911) y apparaît en lingère de Bonaparte dans un bref extrait de la pièce.
1909Madame Sans-Gene (DK) de Viggo Larsen
Ole Olsen/Nordisk Films Kompagni, 350 m. – av. Gudrun Kjerulf (Catherine Hubscher), VIGGO LARSEN (Napoléon), August Blom (François-Joseph Lefebvre), Sofus Wolder, Frantz Skondrup.
Premier réalisateur de la Nordisk, le Danois Viggo Larsen manifeste une prédilection pour les sujets historiques français (il signe les seuls films en costumes de la Nordisk). En 1909/10, Larsen tourne dans les studios de Valby Un mariage sous la Terreur et trois films à sujets napoléoniens dans lesquels il interprète lui-même l’Empereur : celui-ci, ainsi que Un message à Napoléon sur l'île d'Elbe (cf. p. 580), également avec Gudrun Kjerulf et August Blom en Lefebvre, et Napoléon et le petit cornet (cf. p. 138). – DE : Die Gräfin von Danzig, US : Madame Sans Gene ; or, the Duchess of Danzig.
1911Madame Sans-Gêne (FR) d’André Calmettes
Le Film d’Art (Paris), 940 m./3 bob./60 min. – av. Gabrielle Réjane (Catherine Hubscher), PAUL VILLE / EDMOND DUQUESNE (Bonaparte/Napoléon), Georges Dorival (François-Joseph Lefebvre), Rablet (Joseph Fouché), Mathillon (Anne-Jean Savary), Aimée de Raynal (Marie-Louise), S. Théray (Élisa Bonaparte), Jacques Volnys (comte Adam Albert de Neipperg), Rémo (Caroline Bonaparte), Bogard (Roustam Raza, le mamelouk), Pugenc (Jean-Andoche Junot), Jeandrieu (Loriston), Léonie Richard (La Hérangère), J. Rousseau (Mme de Bellune), Pierrette Lugand (Mme de Thalhouet).
Créatrice du rôle à la scène en 1893 (Théâtre du Vaudeville), spécialisée dans la comédie légère, Réjane a longtemps disputé à Sarah Bernhardt le titre de plus grande actrice de la Belle Époque. Dix-huit ans plus tard, André Calmettes la convainc de camper Catherine Hubscher au cinéma, aux côtés d'Edmond Duquesne, qui fut aussi son partenaire sur les planches lors de la création de la pièce. Costumes, meubles, accessoires et bijoux proviennent du Théâtre Réjane à Paris, où la pièce vient d’être reprogrammée à la veille du tournage. Calmettes condense l’action en trois parties : la lingère sauve la vie de Neipperg et épouse Lefebvre pendant la prise des Tuileries, l’entrevue-retrouvailles de Catherine avec l’Empereur après avoir scandalisé ses sœurs, les intrigues pour persuader Napoléon que Marie-Louise ne le trompe pas avec le diplomate autrichien.
Malgré l’absence de dialogues, Réjane est totalement à l’aise dans sa gestuelle et sa mimique, prenant plus d’une fois le spectateur à témoin. « Dois-je ajouter que je n’ai pas beaucoup souffert de l’absence des mots ? », demande le critique de Ciné-Journal (21.10.11). « La littérature dialoguée de M. Sardou – très habile dans sa banalité – ne m’a jamais paru réceler un or assez pur pour enchaîner ma tendresse et j’ai très bien compris Mme Réjane sur son muet écran. » Spécialisé dans les rôles de Napoléon au théâtre comme au cinéma, Edmond Duquesne apparaîtra entre autres dans les six épisodes de la série éclair de La Légende de l’Aigle (1911/12) (cf. p. 323). Il interpréta déjà Napoléon sur scène lors de la création de la pièce de Sardou en 1893 ; on le revit notamment en Bonaparte dans l’énigme historique Le Roy sans Royaume de Pierre Lecourcelle au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, en octobre 1909. On raconte que l’acteur, décédé en 1918, s'identifia tellement avec son personnage qu'il en perdit la raison. De concert avec La Dame aux Camélias jouée par Sarah Bernhardt, cette Madame Sans-Gêne parvient à forcer les portes du marché américain. Rien d’étonnant : en 1895, lors de la tournée théâtrale de Réjane aux états-Unis dans le rôle de la pittoresque maréchale, New York lui avait déjà fait un triomphe. En mars 1909, la comédienne a également interprété sur scène Maria Walewska, donnant la réplique au Napoléon d'Edouard de Max, exilé sur l’île d’Elbe (L'Impératrice de Catulle Mendès, au Théâtre Réjane). – US : Sans-Gene.
1920Napoleon und die kleine Wäscherin (Madame Sans-Gene) (Napoléon et la petite blanchisseuse) (DE) d’Adolf Gärtner
Willi Wolff/Ellen Richter-Film GmbH (Berlin), 1500 m. et 1474 m. (2 parties). – av. Ellen Richter (Catherine Hubscher), Friedrich Wilhelm Kaiser (François-Joseph Lefebvre), RUDOLF LETTINGER (Napoléon), Henri Peters-Arnolds, Ludwig Körner, Hans Lindegg, Georg John.
Star autrichienne possédant sa propre société de production et très appréciée dans les années vingt pour ses rôles exotiques ou de femmes fatales (Lola Montez, 1922), Ellen Richter livre ici sa propre version du vaudeville de Sardou et Moreau. Le texte a été adapté par Willi Wolf, l’époux de l’actrice, et Martin Zichel. – IT : Napoleone e la piccola lavandaia.
1921Il figlio di Madame Sans Gêne (Le Fils de Madame Sans-Gêne) (IT) de Baldassare Negroni
Tiber-Film Roma, 2551 m. – av. Hesperia [= Olga Mambelli] (Catherine Lefebvre-Hubscher), Enrico Scatizzi (François-Joseph Lefebvre, maréchal et duc de Dantzig), Carlos A. Troisi (Jean [Antoine] Lefebvre, leur fils), Pauline Polaire (Marie de Benneval), Luigi Rinaldi (marquis d’Abzac), Camillo De Rossi, R. Giovannini.
Après un prologue retraçant les amours de la lingère Catherine Hubscher et de Lefebvre pendant la Révolution, ce film inspiré d’un roman éponyme d’Emile Moreau (paru en 1917) se déroule juste avant et pendant la campagne de France, de janvier à mars 1814. Moreau, coauteur un peu oublié de Madame Sans-Gêne, dramaturge et librettiste, invente une intrigue passablement abracadabrante autour de Jean Lefebvre, rejeton (fictif) du maréchal et duc de Dantzig. En 1810, âgé de vingt ans, Jean s’est follement épris de la mystérieuse Marie de Benneval, fille d’un vieil émigré royaliste, mais déjà fiancée par son père au marquis d’Abzac, qu’elle hait. Abzac conspire à Paris pour tuer l’Empereur lors d’un grand bal à l’ambassade d’Autriche. Le palais est incendié, Napoléon en sort indemne et dans le tumulte, Jean extrait Marie des flammes. Se croyant libre, cette dernière consent à épouser son sauveur malgré les vives réticences du duc de Dantzig. Cependant, d’Abzac, dont la police de Fouché a cru avoir retrouvé le cadavre calciné, enlève Marie à Londres et l’épouse de force.
Quatre ans passent. Abzac, impliqué dans la conspiration du général Malet en automne 1812, est de retour en France. Apprenant qu’il séquestre Marie à Vincennes, Jean, à court d’argent, tente de cambrioler son propre père pour pouvoir s’enfuir en Italie avec sa bien-aimée. Le maréchal le surprend. Honteux, tenté par le suicide, Jean propose de s’enrôler comme lieutenant des hussards dans ce qui reste de l’armée de Napoléon en Champagne. Lorsque les Prussiens attaquent la brigade du général Maulmont, Jean est chargé d’urgence par son père de contacter le corps d’armée d’Oudinot à Magny-le-Fouchard pour qu’on envoie la cavalerie de Kellermann en renfort. Toutefois, ayant aperçu Marie sur la route de Bar-sur-Aube, il oublie sa mission et tombe dans un traquenard d’Abzac, toujours à l’affût de Napoléon qu’il doit à présent assassiner sur ordre de Blücher. Retrouvant sa combativité d’ancienne cantinière, la maréchale Lefebvre arrive à la rescousse, tue Abzac et aide à délivrer Marie. Mais sur le champ de bataille, le retard est fatal : deux mille Français perdent la vie. Le Conseil de guerre condamne Jean à mort. Voulant lui donner un pistolet pour lui épargner la honte du peloton d’exécution, son père a la surprise de découvrir sa propre épouse dans la cellule, qui s’est substituée à son fils. Jean, déterminé de se racheter, découvre le plan d’attaque de l’ennemi et alerte l’état-major. Il meurt en combattant l’avant-garde coalisée et expire dans les bras de sa mère. Victorieux de justesse, Napoléon fait décorer le fils de Madame Sans-Gêne que l’héroïsme de sa mort a réhabilité.
La « diva » Hesperia, grande vedette et rivale de Francesca Bertini sur les écrans italiens, interprète la mater dolorosa sous la direction de son futur mari, le comte Baldassare Negroni ; celui-ci réalisera une autre fresque napoléonienne en 1927, Il vetturale del Moncenisio (cf. p. 212). Le peintre Camillo Innocenti a livré tous les croquis pour la recréation en atelier, dans les studios Tiber-Film à Pineta Sacchetti, des intérieurs de Versailles, de l’Assemblée nationale et des salons de Compiègne, tandis que l’on bâtit sur les collines romaines de Valle Giulia l’ancien quartier de Saint-Honoré et le village de Moustier (quartier général de Lefebvre). Malgré ces efforts louables, la production est un échec public et la Tiber-Film fait faillite l’année suivante La bande semble perdue et le matériel de promotion subsistant n’indique pas les interprètes de Napoléon, Savary, Fouché, Blücher, le tsar Alexandre et Frédéric-Guillaume II, roi de Prusse. – Nota bene : l’authentique maréchale Lefebvre mit au monde douze enfants, dont deux seulement survécurent : Xavier, l’aîné, sera blessé pendant la retraite de Russie et mourra en 1812 à Vilnius. Quant à Joseph, le dernier, adolescent fragile, il décédera en 1817. – ES : El hijo de Madame Sans Gene.
1925[**] Madame Sans-Gêne (US/FR) de Léonce Perret
Famous Players-Lasky Corporation-Les Films Osso (Paramount), 3046 m./100 min. – av. Gloria Swanson (Catherine Hubscher), JEAN LORETTE / éMILE DRAIN (Bonaparte / Napoléon), Charles de Rochefort (François-Joseph Lefebvre), Warwick Ward (comte Adam Albert de Neipperg), Guy Favières (Joseph Fouché), Renée Heribelle (Élisa Bonaparte), Suzanne Bianchetti (Marie-Louise), Arlette Marchal (Caroline Bonaparte), Suzanne Talba (Joséphine de Beauharnais), M. Vicherat (Marie-Antoinette), Raoul Paoli (Roustam Raza, le mamelouk), Georges de la Noé (Jean-de-Dieu Soult), Villiers (Jean-Baptiste Bernadotte), Louis Sance (Louis XVI), Jean Garat (Jean-Andoche Junot), Louis Vonelly (Michel Ney), Jacquinet (Louis-Alexandre Berthier), Charles Leclerc (Michel Duroc), Jean de Sauvejunte (Jean Lannes), Frédéric Zuifel (André Masséna), Alberti (François Étienne Kellermann), Lebreton (Louis-Nicolas Davout), José Roland (Maximilien de Robespierre), Madeleine Guitty (La Roussotte), Georgette Sorelle (Mme de Rovigo).
La version étrangère sans doute la plus intéressante de l’inusable pièce de Sardou-Moreau est un film perdu. Il a été réalisé en France avec des capitaux américains – 19 millions de francs d’époque, ou 700 000 $, provenant de la Famous Players-Lasky Corporation (Paramount) – et, en tête d’affiche, Gloria Swanson, alors la plus grande star d’Hollywood en dehors de Mary Pickford. Réputée pour son exubérance et son tempérament volcanique, ambassadrice de charme des États-Unis, Miss Swanson reçoit du gouvernement français l’autorisation exceptionnelle de tourner à l’intérieur et dans les jardins des châteaux de Malmaison, de Fontainebleau (où cinq mille figurants animent les fêtes impériales de 1811) et de Compiègne (dans la propre bibliothèque de l’Empereur, avec toutes les reliques de l’époque) ; émile Drain, de la Comédie-Française, lui donne la réplique en Napoléon, rôle qu’il a tenu onze fois à l’écran depuis 1912. Les comédiens sont français (réunis par Paramount France), les techniciens en majorité américains ; Herbert Brenon est envisagé comme metteur en scène, mais c’est Léonce Perret, qui a travaillé plusieurs années à New York et réalisé là-bas plus de vingt films, qui est retenu par les patrons de la Paramount (Adolph Zukor et Jesse L. Lasky) pour diriger cette collaboration vastement médiatisée entre les finances américaines et les trésors artistiques de la France. Dans sa jeunesse, Perret avait d’ailleurs joué dans la pièce aux côtés de Réjane au Théâtre du Vaudeville à Paris. Il ne se contente pas de la trame connue, mais rajoute à la fable de la petite lavandière anoblie par Napoléon des scènes avec Marie-Antoinette et d’autres illustrant la campagne militaire dans les Vosges (on compte 75 rôles).
Le carrefour Saint-Honoré et les abords des Tuileries sont échafaudés au studio des Réservoirs à Joinville. Pour le carnet mondain, Gloria Swanson épouse à Paris le marquis Henri de la Falaise qui lui a servi d’interprète sur le tournage. Madame Sans-Gêne sort en deux versions, l’une pour New York rédigée par Forrest Halsey, l’autre pour Paris signée Perret (qui supervise le montage des deux). Un film de 2h30 dont on ne peut que rêver à partir des photos subsistantes : il s’agit, du point de vue visuel, probablement de la plus aboutie des adaptations de la pièce (même Erich von Stroheim aurait exprimé son admiration), qui obtient le Grand Prix de la mise en scène à l’Exposition internationale des Arts décoratifs. « Voilà qui servira notre propagande historique et touristique, montrera toute l’épopée impériale et fera deux fois aimer la France héroïque et généreuse et terre des monuments d’art » jubile Cinéopse (1.1.1926). Douche froide, hélas : Perret a prévu un autre épisode de la saga napoléonienne, « L’Aiglon » d’après Rostand, mais les Américains y renoncent, découragés, s’excusent-ils, par la dépense, les complications techniques et les tracasseries administratives auxquelles ils se seraient heurtés sur les divers sites patrimoniaux. Les artifices d’Hollywood coûtent moins cher. – Nota bene : le 14.12.1936 sur CBS (Hollywood), Cecil B. DeMille met en ondes une adaptation radiophonique de la pièce interprétée par Jean Harlow et Robert Taylor (« Lux Radio Theatre », 60 min.). – IT, ES : Madame Sans-Gene.
La maréchale Lefebvre (Arletty) alias Mme Sans-Gêne dit leurs quatre vérités aux sœurs outrées de Napoléon (1941).
1941**Madame Sans-Gêne (FR) de Roger Richebé
Les Films Roger Richebé, 102 min. – av. Arletty (Catherine Hubscher), MAX MÉGY / ALBERT DIEUDONNÉ (Bonaparte/Napoléon), Aimé Clariond (Joseph Fouché), Henri Nassiet (François-Joseph Lefebvre), Maurice Escande (comte Adam Albert de Neipperg), Alain Cuny (Roustam Raza, le mamelouk), Jeanne Reinhardt (Caroline Bonaparte), Madeleine Silvain (Élisa Bonaparte), Geneviève Auger (Marie-Louise), Paul Amiot (Maximilien de Robespierre), Hubert de Malet (Jean-Andoche Junot), Mona Dol (Mme de Bülow), André Carnège (Anne-Jean Savary), Léon Walther (Jean-Étienne Despréaux), Robert Vattier (Jasmin), Tony Murcie (Michel Duroc), Robert Méral (Saint Marsan), Odette Talazac (Nanette), Ror Volmar (la chanteuse).
Assez fidèle à l'œuvre théâtrale, simplement aérée par de beaux décors et regaillardie par Jean Aurenche et Pierre Lestringuez (dialogues), cette version marque la rentrée cinématographique d'Arletty au lendemain de l’invasion allemande (seule une tirade de Robespierre à propos d’insurrection et de l’élimination d’un tyran est écartée par la nouvelle censure, la Filmprüfstelle). Le film, un des trois premiers produits sous l’Occupation, marque également le retour à l’écran du scénariste et comédien occasionnel Albert Dieudonné, le fascinant Napoléon muet d’Abel Gance en 1927. Il prêtait ses traits au général ; quatorze ans plus tard, le voici empereur, ce qui pourrait être – en les déridant – une manière de rappeler aux Français humiliés leur gloire passée (comme le fera Sacha Guitry l’année suivante avec Le Destin fabuleux de Désirée Clary). Mais Madame Sans-Gêne est d’abord un film d’Arletty, dans un de ses meilleurs rôles (les œuvres de Carné mises à part), étincelante, racée, l’œil allumé, gouailleuse mais sans vulgarité aucune, avec de l’esprit, de l’abattage et du bon sens à revendre. Sa Catherine Hübscher – la plus crédible de toutes – n’est ni populacière ni ordinaire, c’est une femme du peuple qui a de l’esprit, mais qui sait se tenir, sans chichis, et ne se laisse pas abîmer par la tartuferie des « bonnes manières ». Jean Cocteau applaudit une maréchale-lavandière effrontée telle que la voyait Sardou. Un magnifique numéro d’actrice (la leçon de maintien est un morceau d’anthologie), l’accent parigot en plus (à défaut de l’alsacien), qui compense largement quelques raideurs dans la mise en scène et les traits hélas bien défraîchis de Dieudonné. Il faut entendre Arletty répondre à élisa Bonaparte, qui, nez pincé, fait allusion à son passé : « (En ce temps-là j’étais) blanchisseuse, oui, princesse, et je ne m’en cache pas ! Si je parle le jargon du peuple, c’est que j’en suis, du peuple, et en belle compagnie ! Avec Masséna qui était marchand d’huile, Bessières perruquier, Ney tonnelier, Lannes teinturier et le brave Murat, valet chez son père aubergiste ! » Aimé Clairiond fait un Fouché remarquable et, curiosité, Alain Cuny une brève apparition en Roustam. Producteur, distributeur et exploitant (il fut un des premiers en France à équiper ses salles en matériel sonore), Roger Richebé a débuté dans la réalisation en 1933 avec le drame napoléonien L’Agonie des Aigles (cf. p. 658) et on retrouvera le nom de cet honnête technicien au générique de l’Austerlitz de Gance en 1960 ; on ne peut que regretter que son savoir-faire ne parvienne pas à gommer une certaine théâtralité de son film, qui colle trop au texte de la pièce. La musique de Vincent Scotto reprend des airs de l’opéra d’Umberto Giordano (1915).
Initialement envisagé en couleurs pour mieux mettre en valeur la richesse des décors et des costumes (mais les temps sont à l’économie), le film est tourné en juin-juillet 1941 dans les studios de Saint-Maurice. Pour les extérieurs, Richebé demande à Arletty d’intervenir auprès d’un colonel de la Luftwaffe, Hans Jürgen Serring, afin d’obtenir l’autorisation de filmer dans le château de Grosbois à Boissy-Saint-Léger (Val-de-Marne), ledit château (ancienne propriété du maréchal Berthier) abritant le quartier général de l’aviation allemande. Elle obtient un feu vert ... chèrement payé. L’actrice, qui n’a jamais travaillé pour la Continental allemande à Paris ni « serré la main à Goebbels » à Berlin à l’instar de tant d’autres vedettes françaises, tombe amoureuse du bel officier (type Conrad Veidt, selon elle) et ne dissimule pas sa liaison, ce qui va lui valoir de sérieux ennuis à la Libération – 120 jours de prison et 3 ans d’interdiction de travail – et briser sa carrière. Arrêtée par les FFI et incarcérée à Drancy, elle devient le symbole de la collaboration « horizontale » (« après avoir été la femme la plus invitée de Paris, je suis la femme la plus évitée », dit-elle). Dénuée d’hypocrisie, elle tiendra tête à la meute des « justiciers de la dernière heure », à ces préfets bigots de la Commission d’épuration des industries du spectacle, en septembre 1944, avec un sens de la repartie (« Comment allez-vous ? » – « Pas très résistante ») et une superbe (« mon cœur est français, mais mon c ... est international ») qui ne sont pas indignes des sorties mémorables de Catherine Hubscher.
1944/45Madame Sans-Gene (En la corte de Napoleón) (AR) de Luis César Amadori
Argentina Sono Film S.A.C.I., 90 min. – av. Niní Marshall (Catherine Hubscher), EDUARDO CUITIÑO (Napoléon), Homero Cárpena (Fouché), Herminia Franco (Caroline Bonaparte), Adrián Cúneo (chambellan Despréaux), Delfy de Ortega (Élisa Bonaparte), Luis A. Otero (François-Joseph Lefebvre), Julio Renato (Renaud de Savigny), Tato de Serra (comte Adam Albert de Neipperg).
Une adaptation de Conrado Nalé Roxio filmée en studio à Buenos Aires par l’homme de théâtre, musicien et dramaturge italo-argentin Amadori, le réalisateur le plus prolifique du pays qui, après la chute du dictateur Perón, deviendra un des pontes du cinéma populaire en Espagne franquiste. Cette version sortie à Mar del Plata en janvier 1945 suscite des compliments de Variety qui vante un film « très au-dessus de la production nationale courante », remarquable pour sa restitution opulente des scènes de Révolution et de la cour impériale ; en revanche, Niní Marshall en ferait un peu trop en « enfant terrible » de la faune napoléonienne. Les Argentins se rueraient en salle pour retrouver une France à nouveau sympathique et libérée (18.4.45).
1953(tv) Die Wäscherin des Herrn Bonaparte (DE) de Michael Kehlmann
Nordwestdeutscher Rundfunk (NWDR) Hamburg-Deutsches Fernsehen (ARD 25.11.53), 70 min. – av. Inge Meysel (Catherine Hubscher), Heinz Klingenberg (François-Joseph Lefebvre), HANS LIETZAU (Napoléon), Willy Maertens (Joseph Fouché), Liselotte Willführ (Caroline Bonaparte), Gustl Busch et Rudolf Fenner (chanteurs de rues).
Comédie musicale du compositeur-cabarettiste viennois Gerhard Bronner (mus.) et Michael Kehlmann (livret) d’après la pièce de Sardou-Moreau, « La Lavandière de Monsieur Bonaparte » marque les débuts de la télévision ouest-allemande. La comédienne allemande Inge Meysel, bannie sous Hitler, connue pour ses rôles de prolétaire berlinoise et politiquement très engagée à gauche, tient le haut du pavé, tandis que l’action est commentée par des chanteurs de rues dans le style « opéra de quat’sous ».
1955® Napoléon (FR) de Sacha Guitry. – av. RAYMOND PELLEGRIN (Napoléon), Yves Montand (François-Joseph Lefebvre), Patachou (Catherine Hubscher) (cf. p. 17).
1958(tv) Madame Sans-Gêne (FR) de Roger Iglesis
Jean Nohain/« Trente-six chandelles », Radio-Télévision Française (RTF) (1re Ch. 12.5.58), 10 min. – av. Annie Cordy (Catherine Hubscher) et JEAN-MARC THIBAULT (Napoléon).
Un extrait de la pièce enregistré en public sur une scène parisienne, en noir et blanc, pour l’émission hebdomadaire de variété animée par Jean Nohain. Confrontée à Napoléon qui veut la faire divorcer, la lavandière défend « ses glorieux jupons contre l’assaut des manteaux de cour » (acte III). Une des nombreuses apparitions d’Annie Cordy en Madame Sans-Gêne (cf. infra, 1981).
1959(tv) Madame Sans-Gene (IT) de Vittorio Brignole (tv) et Giacomo Vaccari (th)
(Programma Nazionale 4.5.59), 123 min. – av. Elsa Merlini (Catherine Hubscher), NINO PAVESE (Napoléon), Wilma Casagrande (Caroline Bonaparte), Adriana Innocenti (Élisa Bonaparte), Paolo Carlini (comte Adam Albert de Neipperg), Pietro Privitera (Joseph Fouché). – Captation de la mise en scène de Giacomo Vaccari au Teatro Alfieri à Turin, selon l’adaptation d’Eligio Possenti.
1960(tv) Madame Sans-Gene. Die Wäscherin des Herrn Bonaparte (DE) de John Olden
NWRV Hamburg (ARD 18.12.60), 82 min. – av. Inge Meysel (Catherine Hubscher), Karl John (François-Joseph Lefebvre), RICHARD HÄUSSLER (Napoléon), Friedrich Joloff (Fouché), Liselotte Willführ (Caroline Bonaparte), Hubert Berger (comte Adam Albert de Neipperg), Katharina Mayberg (Élisa Bonaparte), Heidi Leupolt (Julie), Antie Berneker (Toinon), Silvia Frank (La Roussotte), Armas Sten Fühler (Jasmin), Bobby Todd (Despréaux), Hans W. Hamacher (Jean-Marie Savary).
Inge Meysel campe à nouveau la lavandière de Bonaparte dans une adaptation signée Kuno Epple, écrite à partir de la comédie musicale de Gerhard Bronner (cf. 1953).
1961Madame Sans-Gêne (FR/IT/ES) de Christian-Jaque
Carlo Ponti, Michel Safra, Serge Silberman, Elie Schluper/Ciné Alliance (Paris)-GESI Cinematografica (Roma)-C. C. Champion (Roma)-Agata Films (Madrid), 97 min. – av. Sophia Loren (Catherine Hubscher), Robert Hossein (François-Joseph Lefebvre), JULIEN BERTHEAU (Napoléon), Marina Berti (Élisa Bonaparte), Amalia Gade (Caroline Bonaparte), Laura Valenzuela (Pauline Borghèse), Renaud Mary (Joseph Fouché), Carlo Giuffre (Jérôme Bonaparte), Tomás Blanco (gén. Pierre Augereau), Gabriella Pallotta (Héloïse), Célina Cely (Ziguette).
Une version cosmopolite (en Technicolor-Technirama 70 mm) de la comédie de Sardou et Moreau dont on mesure le « sérieux » quand on apprend que ses instigateurs ont initialement envisagé Peter Sellers (Napoléon) et Gina Lollobrigida (sa lavandière) au casting ! Le film est finalement produit à l’insistance de Sophia Loren (Mme Carlo Ponti), qui parle parfaitement le français, mais avec un léger accent, ce qui, dit-elle, était aussi le cas de l’Alsacienne Catherine Hübscher, de surcroît issue du petit peuple comme elle. Récemment auréolée d’un Oscar pour La ciociara (1960) de Vittorio De Sica et venant d’interpréter Chimène dans El Cid d’Anthony Mann en Espagne, Sophia Loren obtient un script fabriqué sur mesure. Pas un mètre de film est tourné en France : le château royal de Caserta, résidence des Bourbons à Naples, devient les Tuileries, et, envahie par plusieurs milliers de figurants, l’Andalousie se métamorphose en Italie du Nord. Pour les intérieurs, Carlo Ponti et son épouse inaugurent leur nouveau studio Cosmopolitan à Tirrenia (près de Pise), en août-septembre 1961, tandis que des prises de vues supplémentaires ont lieu aux ateliers de la Sevilla-Films à Madrid. L’intrigue a été passablement remaniée par Henri Jeanson (qui signe les nouveaux dialogues), Jean Ferry, Ennio De Concini, Franco Solinas (et Christian-Jaque). Ainsi, les personnages de Marie-Louise, de son soupirant secret Neipperg et du chef de la police Savary sont carrément supprimés. La prise des Tuileries est montrée indirectement, jolie idée, par des tués et le ricochet des balles dans les ruelles avoisinantes, mais l’ensemble dérape dans le burlesque lorsque le canon installé par Lefebvre et ses sans-culottes dans la cour de la lingerie explose au premier coup, malgré les conseils d’artilleur de ce « pauv’ type » de Buonaparte.
Pour compenser l’élimination des intrigues autour de Neipperg à la cour impériale à Compiègne, la production a introduit un épisode apocryphe de 24 minutes situé durant la première campagne d’Italie, en 1797. Lasse d’attendre pendant quatre ans son mari mobilisé au front et déterminée à l’y surprendre, Catherine s’est engagée comme vivandière dans l’armée d’Italie que commande Bonaparte, promu entre-temps général. (En réalité, Lefebvre, général de division en Rhénanie de 1793 à 1799, n’a jamais servi en Italie, mais, bon ... coproduction oblige !) Bousculée dans un des chariots militaires, Catherine s’emporte (« Quelle idée d’aller se battre en Italie, je vous demande un peu, elle nous a rien fait, l’Italie ! pourquoi pas la Russie, pendant qu’on y est !? »), puis, arrivée dans le bivouac de son chéri, elle attrape ce dernier en compagnie d’une fille à soldat. Scène de ménage, distribution de gifles. Les époux se chamaillent dans les sous-bois et finissent enlacés dans une meule de foin où les Autrichiens les capturent. Condamnés à mort pour espionnage, ils sont enfermés dans un moulin au centre d’un puissant dispositif d’artillerie qui est censé prendre Bonaparte par surprise. Ils s’évadent suspendus à une aile de moulin, assomment les officiers ennemis et mettent le feu aux poudres, provoquant une déroute générale. Bonaparte survient et nomme le capitaine Lefebvre colonel. Christian-Jaque refait Fanfan-la-Tulipe, mais l’épisode, turbulent, pyrotechnique et en fin de compte superflu, tombe à plat. Le réalisateur se rattrape quelque peu dans le dernier tiers, dans la scène d’anthologie lorsque Catherine affronte Napoléon, refusant et le divorce avec Lefebvre et le trône de Westphalie qu’il destine à son mari, sommé de se remarier avec une princesse margrave. La cicatrice du coup de baïonnette que l’ex-vivandière a reçu jadis dans la cuisse est l’argument décisif qui fait céder l’Empereur. Julien Bertheau, de la Comédie-Française, campe un Napoléon guère ressemblant, mais assez convaincant dans le ton comme dans la gestuelle (il a joué l’Empereur en 1953 dans Le Comte de Monte-Cristo, au petit écran en 1963 dans La Conspiration du général Malet et en 1967 dans Le Sacre de Napoléon) ; le Lefebvre de Robert Hossein, timoré, un peu benêt, ne manque pas de charme. Quant à Sophia Loren, certes pulpeuse et resplendissante, elle parvient à être grossière sans être vulgaire, mais sa Madame Sans-Gêne reste très improbable : avec elle, on ne quitte pas la commedia napolitana, servie par une star à la distinction naturelle. Cela dit, à défaut de pouvoir visionner la version perdue de Gloria Swanson (1925), celle de Christian-Jaque est sans conteste la plus rutilante et la plus spectaculaire de toutes. – US, GB : Madame, DE : Madame Sans Gene – Ungezähmte Catherine (tv).
1963(tv) Madame Sans-Gêne (FR) de Claude Barma
« Au Théâtre ce soir », Radio-Télévision Française (RTF) (1re Ch. 25.12.63), 115 min. – av. Sophie Desmarets (Catherine Hubscher), RAYMOND PELLEGRIN (Napoléon), William Sabatier (François-Joseph Lefebvre), Renaud Mary (Joseph Fouché), Hubert Noël (comte Adam Albert de Neipperg), Nathalie Nerval (Caroline Bonaparte), Claire Duhamel (Élisa Bonaparte), Jean-Jacques Steen (Constant), Pierre Paulet (Michel Duroc), Jean-Pierre Helbert (Jean-Andoche Junot), René Alone (Roustam Raza, le mamelouk), Jean Galland (Despréaux), Annick Bouquet (La Roussette), Véronique Silver (Toinon).
Cette toute première dramatique de la télévision française (en noir et blanc) tirée de la comédie de Sardou-Moreau mobilise Pellegrin, l’interprète du Napoléon de Sacha Guitry (1954). À ses côtés, Sophie Desmarets, une des plus populaires vedettes du théâtre de boulevard de l’après-guerre, gaie, cabotine de nature, découverte par Louis Jouvet et qui fait ici ses débuts au petit écran en maréchale élégante et spirituelle.
1968(tv) Madame Sans-Gene – Die schöne Wäscherin (DE) de Günter Gräwert
TV-60 Filmproduktion (ZDF 12.9.68), 90 min. – av. Louise Martini (Catherine Hubscher), Günter Strack (François-Joseph Lefèbvre), KLAUS SCHWARZKOPF (Napoléon), Arno Assmann (Joseph Fouché), Peter Weck (comte Adam Albert de Neipperg), Kurt Sobotka (Despreaux), Werner Kotzerke (Jasmin), Rudolf Schündler (Anne-Jean Savary), Walter Kraus (Roustam Raza, le mamelouk), Anita Höfer (Caroline Bonaparte), Mara Hetzel (Élisa Bonaparte), Joache Teege (invalide).
Dramatique télévisuelle adaptée pour le petit écran par Mischa Mleinek, avec l’actrice et animatrice de radio viennoise Louise Martini (fameuse pour son interprétation sur scène d’ Irma la Douce).
1974(tv) Madame Sans-Gêne (FR) de Georges Folgoas (tv) et Michel Roux (th)
Pierre Sabbagh/« Au Théâtre ce Soir », ORTF (2e Ch. 24.12.74), 123 min. – av. Jacqueline Maillan (Catherine Hubscher), ROGER MUNI (Napoléon), Alain Mottet (Joseph Fouché), Gérard Barray (comte Adam Albert de Neipperg), William Sabatier (François-Joseph Lefebvre), Corinne Lahaye (Caroline Bonaparte), Liliane Petrick (Élisa Bonaparte), Catherine Alcover (Mme de Vintimille), Jacques Ardouin (Anne-Jean Savary), Marcel Charvey (Michel Duroc), Claude Rio (Jean-Andoche Junot), Jean-Jacques Steen (Roustam Raza, le mamelouk), Jean-Paul Coquelin (Constant), Claude d’Yd (Saint Marsan), Nathalie Dalyan (Mme de Brignolles), Jean Degrave (Raynouard), Jean-Pierre Delage (Despréaux).
Une captation en couleurs de la mise en scène de Michel Roux au Théâtre Marigny à Paris (11.5.74). Du pur boulevard, avec une Jacqueline Mailland bien en chair, un peu vulgaire, pétaradante, débordant d’énergie et d’aplomb.
1977(tv) Madame Sans-Gêne (FR) de Marion Sarraut
Maritie et Gilbert Carpentier/« Numéro un », Télévision Française 1 (TF1 3.9.77), 9 min. – av. Sophie Desmarets (Catherine Hubscher) et JEAN-MARC THIBAULT (Napoléon) – Un extrait de la pièce (la rencontre de l’Empereur et de son ancienne lingère, acte III) enregistré en couleurs spécialement pour l’émission hebdomadaire de variété « Numéro un ».
1981(tv) Madame Sans-Gêne (FR) d’Abder Isker (tv) et Marcelle Tassencourt (th)
ORTF (TF1 24.12.81), 140 min. – av. Annie Cordy (Catherine Hubscher), RAYMOND PELLEGRIN (Napoléon), Alain Mottet (Joseph Fouché), Raoul Billerey (François-Joseph Lefebvre), Fernand Gujot (Anne-Jean Savary), Marie Grinevald (Caroline Bonaparte), Geneviève Brunet (Élisa Bonaparte), Alain Robert (Despréaux), Jean-Noël Brouté (Mathurin), Michel Chalmeau (Jean-Andoche Junot), Suzanne Conti (La Roussotte), Annick Fougery (Toinon), Bernard Lanneau (comte Adam Albert de Neipperg), Raphaëlle Minaert (Mme Savary).
Première diffusion française en couleurs de la pièce (captation au Théâtre Montansier à Versailles), à nouveau avec Raymond Pellegrin (cf. 1963), qui n’a plus du tout l’âge du rôle, et avec la sautillante Annie Cordy, la grande chanteuse et actrice belge qui a souvent interprété Catherine Hubscher sur scène, notamment en 1958 et en 1987 (Théâtre du Gymnase).
2001/02(tv) Madame Sans-Gêne (FR) de Philippe de Broca
Jean Nainchrik/TF1-Septembre Productions-JLA Productions (TF1 11.2.02), 100 min. – av. Mathilde Seigner (Catherine Hubscher), BRUNO SOLO (Napoléon), Bruno Slagmulder (François-Joseph Lefebvre), Danièle Lebrun (Madame Mère, Laetitia Bonaparte-Ramolino), Clément Sibony (col. comte Adam Albert de Neipperg), Philippe Volter (Joseph Fouché), Julie Delarme (Marie-Louise), Gwendoline Hamon (Caroline Bonaparte), Alexandra Mercouroff (Pauline Bonaparte), Laurent Zimmermann (Roustam Raza, le mamelouk).
Auteur des deux meilleurs films de cape et d’épée du cinéma français (Cartouche en 1961 et Le Bossu en 1997), de marivaudages légers (L’Amant de cinq jours) et de quelques tourbillonnantes comédies d’aventures (L’Homme de Rio), Philippe de Broca délivre à deux ans de sa mort une besogne particulièrement paresseuse, indigne de son talent, avec cette réécriture saugrenue de la pièce de Sardou-Moreau commise par Edouard Molinaro, Jean-Louis Benoit et Pierre Fabre. Sous leur plume, le vaudeville devient une farce grotesque, tournée en partie au château de Champs-sur-Marne (Île-de-France). Mathilde Seigner, belle-sœur de Roman Polanski et petite-fille de Louis Seigner, fait l’ex-lingère du lieutenant Bonaparte, pipe au bec, garce provocante et plébéienne. Pas de révolution ici : le récit commence à la bataille de Wagram en juillet 1809 et se termine à la veille de la campagne de Russie au printemps 1812.
L’introduction donne le ton. En observant la fin d’une bataille à travers sa lorgnette, Napoléon raisonne en voix off : « Ce soir là, j’avais écrasé l’Autriche une fois de plus, l’Europe était sous ma botte, et pourtant, quelques années plus tard, mon empire s’est effondré comme un château de cartes. On a dit que c’était à cause de ma folie des grandeurs, de l’Angleterre, de l’hiver russe. Hum, foutaises, c’est à cause d’une femme que je n’ai jamais crue quand j’aurais dû le faire et que j’ai écoutée quand je ne l’aurais pas dû ! » La leçon à tirer : « Il faut se méfier des femmes, c’est évident, mais particulièrement de celles qui vous résistent ! » Quant à la maréchale en question, elle se démène en robe flambant rouge à travers le champ de bataille, au milieu de la boue et des corps ensanglantés (« Je savais que la guerre était sale, mais celle-là est vraiment salissante ! »), papote avec les cuisiniers tandis que sifflent les balles (« vous n’avez pas oublié la gnole, au moins ? »), puis s’égare dans les bois où elle est appréhendée par des Autrichiens qui s’apprêtent à la fusiller ; elle se « rend à Vienne pour y apprendre la valse », explique-t-elle en se mettant en déshabillé afin de ne pas abîmer sa robe. Surgit le comte Neipperg qui lui sauve la vie mais garde la robe, un cadeau, dit-il, pour sa maîtresse à Schönbrunn, l’archiduchesse Marie-Louise de Habsbourg. À l’incitation de la maréchale, le « Petit Tondu » (gros poupon ridicule qui boit son cognac au goulot) épouse ladite archiduchesse, mais n’invite pas Madame Sans-Gêne à la cérémonie nuptiale. Insolente, Catherine s’y rend néanmoins pour y saluer son « sauveur », Neipperg, qui, lui, flirte ouvertement avec Marie-Louise lors du bal, sous le nez de toute la cour impériale. La maréchale, qui défie l’Empereur (elle l’appelle « le tyran », « le chauve cocu », « le chef de bande », « le petit pruneau »), se fait complice des amours adultérines de Marie-Louise, dont elle devient la confidente et la meilleure amie. Pour sauver la peau de Neipperg (surpris dans la chambre à coucher de l’impératrice), elle se déshabille devant Napoléon, qui veut voir ses cicatrices de guerre sous le sein et aux cuisses, et manque de se faire violer. Munie d’une lettre de grâce, elle sauve le bel Autrichien à une seconde près de l’exécution, mais doit auparavant se dénuder devant le peloton (« merde ! ») pour retrouver la missive impériale cachée dans sa petite culotte ... Deux ans plus tard, l’ex-lingère accompagne Lefebvre, commandant de la Vieille Garde, et Napoléon pour « un long voyage » en Russie, laissant Marie-Louise enfin libre de renouer avec Neipperg.
Soit, le vent de la contestation, l’esprit d’ Hara Kiri, du Canard enchaîné et des Guignols de Canal+ ont balayé l’imagerie d’Épinal ; on ne trouve plus le moindre soupçon d’admiration ou de tendresse pour Napoléon dans cette relecture franco-française du texte de Sardou-Moreau où l’entourage impérial (« des parasites ») est accusé d’avoir trahi les idéaux de la Révolution. C’est de bonne guerre. Mais ce n’est pas parce que son invraisemblable maréchale Lefebvre, sensée incarner « le Peuple », est foncièrement ordurière et agressive qu’il faut en faire un film vulgaire, un vaudeville tapageur. Où est passé le cinéaste subtil et poète de Le Roi de cœur ? Nota bene : dans le rôle de Laetitia Bonaparte, on retrouve Danièle Lebrun qui fut une inoubliable Joséphine de Beauharnais dans le téléfilm Joséphine ou La Comédie des ambitions de Robert Mazoyer (1979) (cf. p. 55).
2011(tv) Madame Sans-Gêne (FR) de Dominique Thiel (tv) et Alain Sachs (th)
ORTF (FR2 14.6.11), 135 min. – av. Clémentine Célarié (Catherine Hubscher), Pierre Cassignard (François-Joseph Lefebvre), Dominique Pinon (Joseph Fouché), PHILIPPE UCHAN (Napoléon), Jean-Pierre Michaël.
Du théâtre spécialement remonté pour France 2, la reprise unique d’une mise en scène d’Alain Sachs au Théâtre Antoine à Paris datant de novembre 2001. La distribution est identique, exceptés Frédéric Van den Driessche et Michel Vuillermoz qui sont remplacés par Cassignard et Pinon. Sardou réduit à de la comédie de boulevard criarde et grotesque.
2012® (tv) À la recherche de Joséphine (FR) d’éric Ellena. – av. Jean-Pierre Mir (François-Joseph Lefebvre), Annick Mir (Catherine Lefebvre-Hubscher) (cf. p. 60).