IX - PROCHE- ET MOYEN-ORIENT MUSULMAN

5. Contes et légendes d’Orient

5.2. Le Roman d’Antar

Antarah ibn Cheddad [Shaddâd] al-’Absi, dit Antar, chevalier du désert et poète de l’Arabie préislamique (« jahiliya »), aurait vécu de 525 à 615 après J.C. Sa bravoure légendaire, son esprit chevaleresque, sa noblesse, sa générosité et la perfection de ses vers le hissent au rang des plus grands poètes et héros du monde arabe. Seuls subsistent de son œuvre de courtes stances lyriques réunies dans le Divan d’Antar et une des sept Muallaqât (75 vers), ces odes qui auraient été brodées en lettres d’or et suspendues à la Ka’ba à la Mecque en raison de leur exceptionnelle beauté. Les versions de la mort d’Antar diffèrent ; selon certains, il aurait péri assassiné par une flèche empoisonnée décochée par un de ses anciens rivaux dont il avait crevé les yeux, mais qui s’était entraîné pendant des années à tirer à l’arc malgré sa cécité en guidant son tir d’après le bruit de sa cible.
Incarnant toutes les vertus amoureuses, morales et guerrières des anciens nomades bédouins, Antar est devenu au XIIe siècle le héros mythique d’une épopée médiévale arabe de chevalerie, le Sîrat ‘Antar d’Abu al-Mu’ayyed Muhammad, qui intègre aux exploits les vertus islamiques. La très populaire histoire d’amour d’Antar avec sa cousine Abla - qui a surtout retenu l’attention des cinéastes - a d’abord été relatée par Al-Asma’i, un poète de la cour de Haroun Al-Rachid (IXe siècle), avant de devenir le noyau de tous les récits des conteurs de rues moyen-orientaux et l’inspiration de romanciers, de peintres et de musiciens. Alphonse de Lamartine introduit des Fragments du Poème d’Antar dans son Voyage en Orient (1835), Nicolas Rimski-Korsakov compose la suite symphonique Antar (retravaillée plusieurs fois entre 1869 et 1903), le Syrien Chekri Ganem retrace la saga au Théâtre de l’Odéon à Paris en 1910, pièce que Gabriel Dupont met en musique pour l’Opéra de Paris en 1921, Diana Richmond publie Antar and Abla : A Bedouin Romance (1984), le compositeur Mustapha al-Kurd fait de la matière le premier opéra palestinien (1988), etc.
Selon l’intrigue du Roman d’Antar, son héros vit en terre de Cherebba, dans le Hedjaz (dont Zoheïr est le roi), au cœur de la tribu bédouine des Banu Abbas. Il est le fils illégitime du cheikh Ibn Shaddad et de Zebiba, une princesse éthiopienne capturée et réduite en esclavage ; à sa naissance, sa mère a été affranchie, mais selon les lois tribales, l’enfant est devenu à son tour l’esclave de son propre père et l’aristocratie du clan le traite avec mépris en raison de son statut inférieur et de la pigmentation négroïde de sa peau ; tandis que les hommes libres guerroient, il est réduit à garder le campement des femmes. Épris de sa cousine Abla, il lui envoie des poèmes enflammés qui, peu à peu émeuvent la jeune fille. Les guerriers étant partis pour une razzia, Antar défend tout seul et victorieusement le camp attaqué par l’ennemi. Il est fait chevalier et, comme tel, est admis à prétendre à la main d’Abla. Mais l’idée de cette union répugne à son père Malek. Après avoir vainement tenté d’assassiner le « corbeau arabe », les parents d’Abla conspirent pour l’éloigner. Ainsi exigent-ils pour dot mille chamelles appartenant aux Bani Chayban d’Irak, dont le roi est Mounir, vassal de Chosroês, l’empereur de Perse. Le voyage est périlleux, mais Antar survit aux pièges du désert et demeure deux ans au service du roi en Irak. Ayant vaincu un lion, il est envoyé par Mounir contre l’empereur perse, son suzerain, qui l’a humilié. Dans un premier temps, Antar inflige une défaite aux Perses et leur tue leur meilleur général. Devenu l’ami de Chosroês, il vainc pour lui – en combat singulier -, le champion des Byzantins et écarte la javeline destinée au Roi des Rois par un félon. Couvert de présents, Antar rentre chez lui où tout le monde dans sa tribu le croit mort. Seule Abla a cru en son retour et a repoussé tous ses prétendants. Enlevée par des pillards, elle refuse – malgré les injonctions de son propre père, Malek, qui lui cingle les épaules de son fouet – d’épouser leur chef, préférant l’esclavage. Antar surgit à temps pour la délivrer, mais sa cousine est à nouveau enlevée, cette fois par son soupirant et le rival de toujours, Amarat. Le fugitif et sa captive tombent aux mains des Banu Thay, ennemis héréditaires des Banu Abbas. Antar les écrase à la tête d’une armée confédérée des Banu Abs du roi Zoheïr et de Mounir. Il peut enfin épouser Abla. Sur le chemin de retour dans sa patrie, une flèche traîtreusement décochée par Amarat (qui meurt de peur en entendant le rugissement d’Antar) met fin à ses rêves de bonheur.
Antar dans la mise en scène d’Antoine (1910) reprise par la SCAGL-Pathé (1912), avec Stacia Napierkowska.
1912Antar (FR)
Société Cinématographique des Auteurs et Gens de Lettres (SCAGL)-Pathé no. 5079, 385 m. – av. Romuald Joubé (Antar), Maria Ventura (Abla), Léon Bernard (Cheyboub), Henri Desfontaines (Zobéir), Jacques Grétillat (Amarat), Maurice Chambreuil (Malek), Colonna Romano (Neda), Marguerite Pierry, Adrien Caillard, Claude Benedict, Henri de Livry.
Synopsis : Zobéir a ravagé l’oasis des Beni-Abbas et enlevé Abla, la fille du chef de la tribu. Mais, courageux comme un lion, Antar, un berger, a mis en fuite les assaillants, récupéré leur butin et capturé leur chef. L’exploit provoque la jalousie des autres guerriers. En guise de récompense, Antar demande la main d’Abla, sa cousine. En dot, le père d’Abla exige la couronne de Perse. Ivre de rage d’avoir été écarté, l’émir Amarat, qui convoite Abla, fait crever les yeux du captif Zobéir en prétextant un ordre d’Antar, ce qui est faux. Zobéir, aveugle, ne vit plus que pour sa vengeance et s’exerce au tir à l’arc en se guidant sur son ouïe. Trois ans passent, Antar revient victorieux de Perse et épouse Abla. Il est atteint par une flèche empoisonnée de Zobéir, alors que l’ennemi, guidé par Amarat, approche. Antar veut mourir sur son cheval de guerre et son cadavre, droit sur ses étriers, jette l’épouvante dans les armées d’Amarat – même après sa mort.
La pièce en vers Antar du Syrien francophone Chekri Ganem – un « conte héroïque en 4 actes et 5 tableaux » – a été créée sur scène au Théâtre de l’Odéon, le 12 février 1910 (musique : Rimsky-Korsakov), dans une mise en scène de son directeur, le célèbre André Antoine, père du théâtre moderne français. La distribution des rôles étant quasiment identique à celle du film de la SCAGL (Joubé, Ventura, Bernard, Desfontaines, Grétillat, Chambreuil, Romano), on serait tenté d’attribuer le film à Antoine – dont les débuts officiels, très remarqués, en tant que réalisateur datent pourtant de 1915. Mais aucun document de la SCAGL ne fait mention d’Antoine, et il y a donc fort à parier que la bande a été tournée par un tâcheron anonyme de la Pathé dans les studios de Joinville-le-Pont, en respectant sans doute les grandes lignes de la mise en scène originale à l’Odéon (sortie : avril 1912). Le créateur du rôle d’Antar, Romuald Joubé (ex-pensionnaire de la Comédie-Française, connu surtout pour avoir été l’interprète principal des deux versions de J’accuse ! d’Abel Gance, en 1919 et 1938) rejouera la pièce de Ganem aux Arènes gallo-romaines de Saintes en 1934. Détail piquant : sur scène, Antoine confie le rôle d’une danseuse bédouine à Stacia Napierkowska, la future Antinéa de L’Atlantide de Jacques Feyder (1921) – en remplacement d’une certaine Mata Hari que le metteur en scène a renvoyée pour incompétence !
1922Antar (FR/[MA]) de Jean Leune
Jean Leune/Société des Films du Croissant. – av. André Féramus (Antar), Lucette Caron (Abla). – Les exploits de l’esclave qui devient guerrier-chevalier pour légitimer son mariage avec sa cousine sont adaptés par le journaliste et écrivain français Jean Leune, en se basant sur le Roman d’Antar tel que présenté par Gustave Rouger (publication en 1923). Le film est tourné dans le sud marocain avec une importante figuration indigène et six semaines de prises de vues. C’est un événement local qui reste toutefois sans grande diffusion : le Maroc étant alors un protectorat français, les Marocains boudent ce produit « exotique » à coloris local concocté par l’occupant colonial qu’Abd-el-Krim affronte au même moment dans la guerre du Rif.
1935Antar effendi (Seigneur Antar) (EG) de Stephane Rosti
Charles et Henri Barakat/Eastern Film Company, 110 min. – av. Stephane Rosti (Antar), Samira Kholoussy, Mukhtar Osman, Menassa Fahmy, Hassan Fayek, Serena Ibrahim, Thoraya Fakhreddin, Mohammed Al-Kahlawi.
L’interprète d’Antar, Stephane Rosti, a participé en 1927 au tout premier film égyptien, Leïla, dont il achève le tournage après le conflit qui oppose la production et son réalisateur, entamant ainsi une longue carrière de scénariste, cinéaste et acteur ; à l’écran, il est surtout abonné aux rôles de crapules. Fluet, il se livre rarement à des luttes physiques – son Antar de 1935 est d’abord poète et victime de l’ostracisme du clan – et la méchanceté qu’il affiche dans d’autres rôles est plutôt psychologique, comme dans Le Fils d’Antar en 1947. À l’instar de la quasi-totalité des films moyen-orientaux ultérieurs en la matière, l’interprète d’Antar est un Arabe qui se noircit le visage.
1945Antar wa Abla (Antar et Abla) (EG) de Niazi Mustapha
Lotfi Noureddine, Emile Ataya/Pyramides Films (Studios Al Ahram), Le Caire, 105 min. – av. Seraj Munir (Antar), Kouka Ibrahim (Abla), Fouad Al-Rachidi, Sayed Suleiman, Mahmoud Ismail, Ferdoos Mohammed, Fattheia Ali, Mahmoud Al-Sabbaa, Ali Rouchdi, Esther Shattah, Hosna Salomon, Reyad Al-Kassabgul, Lotfi Al-Hakim, Hagar Hamdi, Negma Ibrahim, Ahmed Naguib, Fouad Nowera, Shifaa Ahmed.
Antar est la première incursion du cinéaste Niazi Mustapha dans le « western de sable » à l’égyptienne ; elle sera suivie de trois autres (cf. infra, 1961, 1964 et 1969), toujours interprétées dans le rôle d’Abla par son épouse Kouka (i.e. Kouka Ibrahim), une brune Soudanaise. Surnommée « la sultane du désert », Kouka excelle en sauvageonne bédouine – synonyme à l’écran de la femme arabe traditionnelle, droite, résolue, généreuse, capable de se défendre et de défendre son amoureux et sa tribu – dans des films dépeignant la société préislamique, et en particulier les rapports au sein des groupes tribaux, les liens de sang et les relations avec l’étranger. La version de 1945, à très forte connotation identitaire, est tirée officiellement de la tragédie épique Antara du poète cairote Ahmed Chawqi, un des pionniers de la littérature arabe moderne, banni par les Britanniques et décédé en 1932, l’année de la parution de sa pièce. Niazi Mustapha (qui travaillera pendant 30 ans avec Kouka) signera en 1963 également un Amirat al-Arab (La Princesse des Arabes), dans le même esprit et selon un canevas identique, quoiqu’inspiré cette fois de la légende bretonne de Tristan et Yseult.
1947Ibn Antar / Son of Antar (Le Fils d'Antar) (EG) d’Ahmed Salem
Les Films Ahmed Salem-MISR (Le Caire), 117 min. – av. Ahmed Salem (le fils d’Antar), Nadiha Yousri, Seraj Munir (Antar), Mokhtar Hussein, Al-Sayed Bedir, Souad Mekaoui, Nelly Mazloum, Stephane Rosti, Ismaïl Yassine, Abdel-Warith Assar, Nabawya Mostafa, Fakher Fakher, Abdelaziz Mahmoud, Mahmoud Reda, Maurice Mourad, Nur El-Hoda.
Les exploits imaginaires de la progéniture d’Antar sont axés sur le combat des opprimés désireux de récupérer leurs terres (Palestiniens), sur la lutte contre les « traîtres » et les dissidents. Un des films d’aventures égyptiens produits au début de la première guerre israélo-arabe de 1947/48.
1947/48*Mughâmarât Antar wa Abla (Les Aventures de Antar et Abla) (EG) de Salah Abou Seif
Hassan Mustafa/Aflam El-Nil (Le Caire), 105 min. – av. Kouka Ibrahim (Abla), Serag/Sirâj Munir (Antar), Zaki Tulaymat, Nagma Ibrahim, Farid Chawki, Negma Ibrahim, Gina, Stephane Rosti, Hussein Issa, Ali Rouchdi, Sayed Suleiman, Fakher Fakher, Ibrahim Hechmat, Abdelhamid Zaki, Mohammed Al-Helw, Hassan Salez, Mahmud Nasser, Saïd Al-Houlou, Mohammed Al-Houlou.
En faisant appel au mythe populaire d’Antar, Salah Abou Seif, le cinéaste égyptien le plus marquant après Youssef Chahine (son cadet), veut camper un Arabe qui, l’épée à la main, arrache le droit à une existence libre et proclame que l’union et la résistance sont les conditions sine qua non d’une telle victoire. Le scénario (auquel a collaboré Naguib Mahfouz, futur prix Nobel de littérature) montre Antar en conflit avec les Byzantins, dénonçant en sous-texte l’état de dislocation de la société arabe des années 1948 face au drame palestinien et à la défaite par les Israéliens. Son Antar prône l’union renforcée des clans du Hedjaz contre les visées hégémonistes des Romains d’Orient (l’empereur Héraclius), c’est-à-dire contre des étrangers venus d’Europe, à l’instar des Juifs en Palestine. « Les Aventures de Antar et Abla marquent une nouvelle étape dans ma carrière artistique, se souvient Abou Seif, car j’étais auparavant connu pour deux films sentimentaux. J’ai voulu, dans Antar, conférer une dimension nouvelle, historique et politique à cette œuvre. C’est pourquoi j’ai introduit les Byzantins dans le récit. A l’époque d’Antar, ces derniers étaient les voisins directs des Arabes ; ils ont même occupé des territoires de leur empire, comme cela sera plus tard le cas des Israéliens. Dans ce film, les luttes fratricides interarabes préfigurent celles d’aujourd’hui. » (Egypte : 100 ans de cinéma, éd. Magda Wassef, Institut du Monde Arabe, Paris, 1995, p. 181). L’œuvre d’Abou Seif, pleine de poésie et de sensibilité (tout en respectant les poncifs locaux du mélo et du cinéma d’action), est présentée au Festival de Cannes 1949. – Titre internat. : The Adventures of Antar and Abla.
Farid Chawki joue le « Prince noir » dans « Antar ibn Shaddad » (1961) de Niazi Mustapha.
1961Antar ibn Shaddad / Antar bin Shaddad / Antar bil Badiya (Antar le valeureux / Antar le Prince Noir / Antar, fils de Chaddad) (EG) de Niazi Mustapha
Niazi Mostfa, Kouka Ibrahim, Saad Shanab, Saïd Gharab/Aflam Misr Al-Jedida (Le Caire), 130 min –Farid Chawki (Antar), Kouka Ibrahim (Abla), Said Abu-Bakr (Chaibub, frère d’Antar), Ahmed Khamis (Amarat Al-Zayad, fiancé d’Abla), Ferdoos Mohammed (Zebiba, mère d’Antar), Abdul Alim Khattab (Chaddad, père d’Antar), Aida Helal (Somaya, son épouse légitime), Hassan Hamed, Wedad Hamdi, Rafeya Al-Shal, Abdelkhalek Saleh, Bader Nofal, Mahmoud Farag, Mohammed Abaza, Anwar Wagdi, Mohammed Al-Awwari, Kamel Al-Chabassi, Ahmed Morsi, Ahmed Chawki, Fakher Fakher, Laïla Fahmi, Samar Ateïa, Hosna Solomon, Mohammed Badr-Eddine, Mohammed Al-Helw, Rafik Zorik, Sayed Ismail, Naguib Ghattas, Abdelghani Kamar, Abdelkader Hussein, Jasmine, Qadria Kamel, Shaladimo, Adil Al-Mouhalama.
Une restitution sage, relativement fidèle de la légende : Esclave à moitié noir, Antar réussit à lui seul à repousser une troupe d’agresseurs venus en l’absence des hommes du clan, ce qui lui attire l’admiration des femmes, mais aussi la jalousie de Somaya, l’épouse légitime (et adultère) de son père Chaddad. Elle dresse ce dernier contre Antar qui se fait flageller, mais Abla rétablit la vérité. Antar est réhabilité et émancipé. Il se fait aussi promettre par son père récalcitrant de reconnaître sa paternité en temps voulu. De connivence avec Chaddad, le père d’Abla (qui a promis sa fille à Amarat Al-Zayad) tente de faire assassiner Antar par des tueurs à gages. Antar ramène les séides ligotés comme des fagots, puis échappe à d’autres pièges mortels, jusqu’à ce que Shaddad lui ordonne de quitter définitivement la tribu. Antar et son frère Chaibub vont faire paître les brebis. Lorsque des brigands s’en prennent aux biens et aux femmes des Banu Abbas, Abla comprise, Antar est appelé au secours. Il exige en échange la reconnaissance de sa filiation et le mariage avec Abla. Il ramène femmes et butin, mais le père d’Abla exige une dot astronomique de deux mille dromadaires rouges, localisés dans un pays lointain. En route, Antar est enseveli par une tempête de sable, un bédouin de la terre des dromadaires rouges le sauve. Ayant rendu de précieux services aux émirs lointains, Antar retourne chez lui avec la dot et couvert de cadeaux. Les siens le croient mort, Abla a accepté d’épouser son fiancé désigné. Il arrive le soir des noces, laisse la dot et disparaît. Ce même soir, un prétendant évincé enlève Abla et la vend comme esclave à une tribu ennemie, où elle est obligée de servir comme domestique dans le harem de son nouveau maître. Antar court à sa rescousse, il est capturé et torturé. Abla accepte de se donner à son maître le soir, en échange de sa liberté. Lors du festin, Abla assomme son maître et, avec l’aide de Chaibub, libère Antar. La tribu ennemie est anéantie par des compagnons de Chaibub, Antar et Abla retournent auprès des leurs.
Après seize ans, Niazi Moustafa fabrique un remake en Eastmancolor (un peu criard) de son « hit » de 1945, à nouveau avec son épouse Kouka dans le costume bédouin d’Abla. L’accent est mis cette fois sur l’action spectaculaire et les prouesses physiques du héros : Farid Chawki, l’acteur le plus prolixe du cinéma local (couronné « le roi du cinéma-bis »), a débuté dans des rôles de brutes, de gros bras plébéiens et de criminels, mais son physique de costaud bien charpenté convient également aux incarnations viriles du folklore historique tels qu’Antar qu’il va interpréter une deuxième fois en 1969, ou de sa descendance, en 1964. Ce n’est plus le poète Antar qui est célébré ici, mais une sorte d’Hercule égyptien, justicier généreux et grand seigneur (le script est tiré d’un roman de Farid Abu Hadid) : lié par cinq chaines aux parois de sa cellule et fouetté à mort par une demi-douzaine de geôliers, il se libère grâce à sa force colossale, massacre à lui seul la garnison du fortin et tue son ennemi sur le point de violer Abla. Du cinéma populaire trépidant et plutôt bien ficelé. – Titre international : Antar the Black Prince.
1962[Antar el hind (Antar des Indes) (IN) de Babubhai Mistri ; av. Dara Singh (Antar), Kumkum, Chandrashekhar, Kamal Mehra, Parveen Choudhary, Parsuram, Uma Dutt, Paul Sharam, Sheila Kashmiri, Leela Mishra. – Bollywood accapare le champion arabe pour des exploits de son cru.]
La fille d’Antar (1964) de Niazi Mostafa.
1964Bint Antar / Antar’s Daughter (La Fille d'Antar) (LB) de Niazi Mostafa
Subhi’ al-Nuri/Société libanaise des Films Andalus (Beyrouth), 102 min. – av. Samirah Tawfik (Enitrah, fille d’Antar), Farid Chawki (Dirgham, roi de Damas et fils d’Antar), Ahmed Mazhar, Kouka Ibrahim, Salah Nazmi, Bosi, Maida.
Synopsis : Après l’assassinat d’Antar, la tribu des Banu Abbas, devenue faible, est la proie de ses ennemis Bani Fazarah qui l’attaquent, tuent les hommes et s’emparent des femmes. La sœur d’Antar parvient à s’évader et gagne Rome pour y demander de l’aide, car la sœur de l’actuel empereur romain était une des épouses d’Antar, et elle a de lui une fille nommée Enitrah. L’empereur latin est heureux d’apprendre la disparition d’Antar et projette d’en faire autant avec sa fille, mais la petite Enitrah s’enfuit dans le désert avec sa tante. Sa force physique est impressionnante, elle jure de venger son père. Devenue adulte, elle réunit la tribu dispersée des Banu Abbas et écrase les Banu Fazarah, mais elle s’éprend de l’un de leurs chefs. Ses ennemis se rendent à Damas pour y demander de l’aide au jeune roi Dirgham. Or ce dernier est, lui aussi, un fils d’Antar ; il finit donc par soutenir sa demi-sœur et terrasser ses ennemis. Antar, nous dit-on, a aidé beaucoup de monarques et reçu en récompense la main de leurs filles, ce qui explique sa descendance inattendue… On trouve ici, comme dans de nombreux autres films turco-arabes à mini-budget situés pendant la période préislamique, une confusion systématique entre Rome, qui n’avait plus d’empereur ni de rôle politique depuis trois siècles, et Byzance, la capitale encore florissante de l’Empire romain d’Orient.
1965[Anthar l'invincibile / Il mercante di schiave / Soraya, reina del desierto / Marchands d'esclaves (IT/ES/FR) d’Anthony Dawson [=Antonio Margheriti] ; Perojo-Antares-CCM, 110 min. – av. Kirk Morris (Anthar), Michèle Girardon, Manuel Gallardo, Mario Feliciani. – Fantaisie péplumesque tournée en extérieurs en Algérie, sans rapport aucun avec la légende d’Antar.]
1969Antar yaghzu as-Saharâ / Antar Conquers the Desert (Antar à la conquête du désert) (LB) de Niazi Mostafa
Subhi’ al-Nuri/Société libanaise des Films Andalus (Beyrouth), 106 min. – av. Kouka Ibrahim (Abla), Farid Chawki (Antar), Maryam Fakhr al-Dîn, Nahid Sharif, Berge Vazilian, Najah Salâm, Mahmud Saïd, Maida, Ibrahim Mirashli, Nidhar Fouad, Rafiq Al-Siba.
Suite du film de 1961 (cf. supra) : Antar ramène la dot d’Abla exigée par sa famille, mais son oncle revient sur sa promesse et interdit le mariage. Chassé par son propre père après avoir rossé l’aristocratie arrogante du clan, Antar se terre dans le désert où il redevient un simple berger. Aux esclaves, il parle de liberté et d’égalité éthnique. Il se réjouit même lorsqu’il apprend que sa défection a encouragé des tribus ennemies à agresser son clan, qui a été réduit à son tour en esclavage. Mais lorsqu’Abla l’appelle au secours, il prend les armes et chasse l’envahisseur. En récompense, son père le reconnaît publiquement comme fils légitime et héritier ; son oncle refuse cependant toujours de lui accorder la main d’Abla. Désespéré, Antar part à la guerre lutter pour l’abolition de l’esclavage et combattre les Perses qui veulent envahir le Hedjaz.
1974Antar fi Bilad al-Romane / Anter (Antar et l'Empire romain / Antar au pays des Romains) (LB/TR) d’Orhon Murat Ariburnu et Samir Al-Ghoseini
Fawaz Brothers-Venüs Film-Turk Lubnam Ortak (Istanbul), 106 min. – av. Mohammed Al-Mawla/Moula (Antar), Silvana Badrakhan (la princesse romaine Claudia), Yavuz Selekman (le centurion Marcus), Taroub (Abla), Saïd Al-Maghrabi, Ahu Tuqba, Abdallah Fawaz, Nurhan Nur, Gönül Tansel, Maida, Abla Sami, Tony Hanna, Nahid Shakir.
Antar, le chevalier du désert, rêve d’épouser Abla. Pour ce faire, Malik, le père de la belle, le somme de lui rapporter la plus belle robe du monde, qui appartient pour l'heure à une princesse étrangère ; mais aussi le plus beau diamant, protégé et gardé par de puissants génies, et la plus belle ceinture, objet magique porté par la fée Sylvestre. Accompagné de son fidèle serviteur Moulad, Antar se rend auprès d'un ermite qui l'initie et le prépare à son voyage. Il parvient d'abord dans un pays dominé par la belle patricienne romaine Claudia. Propriétaire de la robe convoitée, Claudia est une sirène nymphomane et vicieuse qui fait précipiter ses amants « usés » dans le vide. Réticent à ses charmes, car n’ayant qu’Abla en tête, Antar est littéralement mis en cage, s’échappe en anéantissant une cohorte de Romains (dont un centurion jaloux, Marcus), puis règle ses comptes au géant et autres créatures fantastiques… Du cinéma-bis fauché pour très jeunes adolescents. Les costumes et armures des « Romains » (sans doute d’affreux Byzantins) sont carrément grotesques.
1976(ciné+tv) Antar Fâris as-Saharâ / Antar wa Abla (Antar, chevalier du désert) (SY/LB) de Muhammad Salman
Tahsin Al-Kawadri Prod.-Télé Liban (Beyrouth), 130 min./13 épisodes. – av. Samirah Tawfik (Abla), Mahmud Saïd (Antar), Emad Hamdi, Nassir Kortbawi, Nagwa Fouad. – La légende sous forme de télésérie.
Faisal Al-Amiri dans la télésérie Antara bin Shaddad (2007)
2007(tv) Antara bin Shaddad / The Epic of Antar ibn Shaddad (SY/KW) de Rami Hanna et Basil Al-Khatib
Syriat Drama (Damas)-Koweiti Television (Koweït), 31 x 42 min. – av. Faisal Al-Amiri (Antar), Suheil Haddad (Shaddad Al-Absi), Sulaf (Rabab), Qasim Melho (Zuhair bin Jvemh Absi), Mohammed Haddaqa (Chiboub), Nadia Awdat (Zabiba), Kinda Hanna (Abla), Laura Abu-Hassad (Zubair), Kifa Al-Khaus (Qais), Yusuf Al-Muqbil (Malik bin Qarad), Radwan Aghili (Ibn Siyad), Amer Ali (Ibn Amer), Saad Ostan (Shas), Mason Abu-Assad (Lubaabah), Marwan Abu Shahin (Malik bin Zuhair), Sohail Jbai (Shanfari), Mahyiar Kaddour (Ben), Najwa Alwan (Zeinab), Wayil Sharaf (Muzaifa bin Badr), Fadi Sabih (Ben Ziad), Munther Abu Ras (Khalid bin Sinan), Eitab Naim (Dawr), Sulaf (Rabab), Ahmed Rateb (Zubair), Mohammad Miftah (Jvemh), Zenati Qudsiat (Ibn Al-Mundhir), Jawad Al-Chukri (Abu Jubair), Khader Beydooun (Abu Rayan), Wafa Moussalli (Shaimaa).
Le récit rebaché des luttes d’Anthar pour mériter la main d’Abla, main que convoite également ici un émir du Yémen doté de pouvoirs magiques, et sa mort par trahison. Une interminable télésérie syrio-koweitienne de Ramadan (21 heures), photographiée dans la région de Palmyre.