III - L’ITALIE

4. ITALIE CENTRALE : TOSCANE ET OMBRIE

4.5. Dante Alighieri et sa « Divine Comédie »

Durante degli Alighieri, dit Dante (1265-1321), poète, écrivain et homme politique florentin. Couronné " père de la langue italienne ", il est avec Pétrarque et Boccace l'une des " trois couronnes " qui imposent le toscan comme langue littéraire de la Péninsule, après des siècles d'hégémonie du latin. Poète majeur du Moyen Âge, il est l'auteur de La Divine Comédie (1302/1321), qui est considéré comme l'un des chefs-d'œuvre de la littérature mondiale et un texte à portée ésotérique (c'est Boccace qui la taxe de " divine "). Il y raconte son voyage imaginaire dans le monde de l'au-delà sous la guidance du poète latin Virgile, en commençant par les neufs cercles de l'enfer pour gravir ensuite les sept gradins de la montagne du purgatoire jusqu'au paradis terrestre et enfin s'élever dans les neuf sphères concentriques du paradis. Là, Virgile est relayé par la muse de Dante, Beatrice Portinari (1266-1290), l'amour de sa vie, morte dans la fleur de l'âge et qui incarne pour lui la Perfection (célébrée dans les poèmes mystiques de la Vita nuova, v. 1294). Beatrice le guide dans l'Empyrée, lui ouvre la porte du salut où saint Bernard de Clairvaux le conduit enfin dans la Rose céleste jusqu'à la vision suprême. Au cours de leur périple métaphysique, Dante et Virgile rencontrent plusieurs personnages ayant existé, comme Paolo et Francesca da Rimini (cf. Rimini 2.2.), Pia de' Tolomei (cf. Sienne 4.4.) ou le comte Ugolino (cf. Pise 4.3).
Très actif dans la vie politique de Florence, marié à Gemma Donati, Dante est guelfe par diplomatie, prenant plusieurs fois les armes contre les gibelins d'Arezzo, de Bologne ou de Pise. Mais pris dans les luttes internes entre guelfes blancs et guelfes noirs, il s'oppose à l'intransigeance du pape Boniface VIII qui revendique le vicariat impérial sur toutes les communes toscanes et que Dante accuse de simonie. En 1302, il aurait été nommé ambassadeur auprès du pape qui aurait refusé de le recevoir tandis qu'à Florence, il est condamné au bûcher pour insoumission. Tous ses biens sont confisqués et il est banni de sa ville natale où il ne reviendra jamais. Son essai De Monarchia plaide clairement en faveur d'un empereur, unique souverain règnant depuis Rome avec la bénédiction papale. Dante meurt de la malaria à Ravenne après avoir erré pendant deux décennies entre Vérone, Sienne, Arezzo et Padoue.
Dante et Virgile gagnent l’entrée des enfers (« La Divina Commedia – Inferno », 1911).
1909-1911* La Divina Commedia - Inferno (L'Enfer de Dante) (IT) de Francesco Bertolini, Adolfo Padovan et Giuseppe De Liguoro
Riccardo Bollardi, Pier Gaetano Venino, Luca Comerio/Milano Films-Comerio & C.-SAFFI], 1400 m. (54 tableaux)/68 min. - av. Salvatore Papa (Dante Alighieri), Arturo Pirovano (Virgile), Giuseppe De Liguoro (Farinata/Pier della Vigna/le comte Ugolino della Gherardesca), Attilio Motta, Emilise Beretta, Augusto Milla (Lucifer).
Première partie : Dante est saisi d'épouvante dans la forêt obscure où il rencontre trois fauves menaçants, une panthère, un lion et un loup. Béatrice rejoint Virgile dans les Limbes et lui demande d'assister Dante. Virgile accepte d'intervenir et défend Dante des bêtes féroces. Ensemble, ils gagnent l'entrée de l'enfer et parviennent à pénétrer dans le territoire des damnés. Les deux poètes y rencontrent toutes sortes de personnages célèbres qui font parfois le récit des événements qui les ont conduits là où ils se trouvent. Chacune des trois parties du film est interrompue par des flash-backs qui montrent la vie terrestre de Paolo et Francesca (cf. Rimini), de Pier della Vigna (chancelier traître de Frédéric II de Hohenstaufen), du comte Ugolin (cf. Pise) et de Ciampolo de Navarre. Dans la deuxième partie, Dante et Virgile commencent l'exploration des cercles de l'enfer et s'enfuient poursuivis par les démons après le cinquième cercle. La troisième partie comporte la description des cinq derniers cercles et la rencontre finale avec Lucifer occupé à dévorer le corps de Judas. Dante et Virgile parviennent à quitter ces lieux terribles par une grotte dont l'ouverture les ramène à la lumière du soleil.
Ce film aussi ambitieux que spectaculaire - le tout premier long métrage de la cinématographie italienne - est produit par un consortium d'aristocrates lombards et tourné dans la chaîne montagneuse des Grigne (Abruzzes), au château de Carimate près de Côme et à Milan (studios de la Via Farini). Commencé en 1909 dans les petits studios de la Saffi-Comerio à Brescia par le producteur Luca Comerio sous le titre de Dante o Saggi dell'Inferno dantesco, il est développé et complété par la nouvelle Milano Films en s'inspirant fortement des illustrations de Gustave Doré (avec emprunts à Bosch et à Goya). Très remarqué pour ses trucages et surimpressions (mis au point jadis par Méliès), le film est applaudi par les milieux culturels - qui commencent à entrevoir les possibilités artistiques du cinématographe - et est distribué mondialement. Il booste simultanément la vente en librairie des œuvres de Dante. En France, la presse vante "le travail colossal" de la Milano Films" et parle d'"un effort glorieux de la Jeune Italie". - US, GB : Dante's Inferno, DE : Das Fegefeuer.
1911L'Inferno / Visioni dell'Inferno (L'Enfer) (IT) de Giuseppe Berardi et Arturo Busnengo
Helios Film (Velletri), 400 m. - av. Giuseppe Berardi (Dante Alighieri), Armando Novi (Virgile). - Le film reprend les épisodes du Premier Chant, avec la vision de Béatrice, la traversée de l'Achéron, Paolo et Francesca, Anthée, etc. - DE : Die Hölle, ES : El Infierno, GB, US : Dante's Inferno.
1911Il Purgatorio (Le Purgatoire) (IT) de Giuseppe Berardi et Arturo Busnengo
Helios Film, Velletri, 1700 m. - av. Giuseppe Berardi (Dante Alighieri), Armando Novi (Virgile). - DE : Das Fegefeuer, GB : Dante's Purgatorio, US : Paradise and Purgatory.
1911Il Purgatorio (IT)
Società Anonima Ambrosio, Torino, 408 m.
1911/12Il Paradiso / Visioni dantesche (Le Paradis) (IT) de Giovanni Pettine (?)
Psiche Film, Albano Laziale, Roma, 700 m. - Illustration du Troisième Chant : la rencontre de Béatrice et de Thomas d'Aquin.
1913Dante e Beatrice (Dante et Béatrice) (IT) de Mario Caserini
Società Anonima Ambrosio, Torino, 902 m./44 min. - av. Oreste Grandi (Dante Alighieri), Fernanda Negri Pouget (Beatrice Portinari), Cesare Gani-Carini (Dante jeune), Giovanni Enrico Vidali, Nerino Grossi-Carini, Vitale De Stefano. - La jeunesse de Dante filmée à Florence, ses études avec son maître Brunetto Latini, la découverte de Virgile, son amour exalté pour sa muse rencontrée sur les rives de l'Arno, Beatrice Portinari (1265-1290), fille d'un riche banquier qui épouse le banquier allié à sa famille Simone dei Bardi, les conflits violents entre guelfes et gibelins, sa mobilisation dans l'armée, sa participation à la bataille de Campaldino (1289) et le décès de la malheureuse Béatrice, maltraitée par son mari, dans les bras du poète (séquence inventée). Suivent ses divers exils, banni de Florence, son inimitié avec le sinistre pape Boniface VIII dont il réfute l'autorité, sa condamnation au bûcher (1302), la parution de la Divine Comédie, rédigée en cachette dès 1306 dans un couvent, enfin son refus de retourner à Florence, retour lié à des conditions humiliantes, enfin sa mort à Ravenne.
Un film mis sur pied dans les nouveaux ateliers Ambrosio à la Via Mantova pour concurrencer l'autre " blockbuster " du moment, La Divina Commedia de 1911 ; contrairement à celui-ci, Caserini veut une œuvre exclusivement biographique et ne fait que mentionner Divine Comédie dans un intertexte, sans l'illustrer ; visuellement, il recourt aux tableaux préraphaélites d'un Dante Gabriele Rossetti et utilise le split screen pour les états d'âme du poète et de sa Béatrice. Son film est salué comme un jalon dans l'éducation populaire par l'image cinématographique. - US : The Life of Dante.
1920® Das Frauenhaus von Brescia (DE) de Hubert Moest. - av. Fritz Jessner (Dante Alighieri). - cf. chap. 2.1
1921La Mirabile Visione (IT) de Luigi Sapelli
Tespi-Films (Roma), 4026 m./150 min. - av. Camillo Talamo (Dante Alighieri), Gustavo Salvini (l'archevêque Ruggeri), Luigi Serventi (le pape Arrigo VII), Ciro Galvani (le pape Boniface VIII), Giovanna Scotto (Beatrice Portinari), Alfredo Boccolini (Corso Donati), Lamberto Picasso (Guido Cavalcanti), Carmen di San Giusto (Francesca da Rimini), Ettore Berti (le comte Ugolino della Gherardesca), Liliana Millanova.
Trois parties : la rencontre de Dante avec Béatrice selon La Vita nuova, le drame du comte Ugolino et celui de Paolo et Francesca. Une vaste fresque célébrant les 600 ans de la mort de Dante, tournée dans les studios de la Tespi à Rome et en extérieurs à Florence, à Vérone et à Ravenne. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, l'Église catholique, dont Dante avait conspué les mœurs et qui a ignoré le " Divin Poète " pendant des siècles, s'associe massivement aux célébrations, aux côtés de nombreuses délégations de squadristes, forces paramilitaires préfascistes, et applaudit à la rhétorique pompeuse des cérémonies de Ravenne ou de Florence (en présence du souverain, Victor-Emmanuel III). En 1926, le régime fasciste (établi officiellement depuis quatre ans) déclare le film " un instrument de haute propagande spirituelle et nationale " et l'impose dans tous les circuits scolaires du pays. Dante devient un instrument de la politique nationaliste.
Une biographie ruineuse : « Dante nella vita e nei tempi suoi » (1922) de Domenico Gaido.
1921/22Dante nella vita e nei tempi suoi (Dante, l'homme et le poète) (IT) de Domenico Gaido
Giovanni Montalbano/Visione Italiane Storiche (V.I.S.), Firenze, 3645 m. - Guido Maraffi (Dante Alighieri), Amleto Novelli (Segna de' Calligai), Diana Karenne (Coronella dei Lottaringhi), Armando Cresti (Corso Donati), Celeste Paladin-Andò (Monalda de' Calligai), Perla Lottini (Beatrice Portinari), Gino Soldarelli (Ristoro della Sarnella), Totò Lo Bue (Guido Novello), Eugenio Gilardoni (le comte Ugolino de la Gherardesca), Ruggero Barni (Spinello dei Lottaringhi), Fiamma Donati (Gemma Donati), Adriana Benvenuti (Costanza della Sarnella), Rodolfo Geri.
Production rivale du film précédent, tournée entièrement à Florence (studios de Rifredi, Piazza della Signoria, etc.) ; plusieurs anciens quartiers de la cité - le Battistero, les palais des Cerchi, Donati et Portinari, le Ponte Vecchio, au total 42 décors - sont reconstruits sur un terrain de 64'000 m3 et l'on fabrique 2000 costumes d'époque ; on a même droit au terrible incendie qui détruisit une partie de la ville. Le script tient également compte du fait-divers dramatique de Segna de' Calligai qui a épousé Coronella, la sœur de son ennemi qu'il arrache au couvent alors qu'elle veut rester fidèle à ses vœux ; aveuglé par une jalousie insensée, il croit que son propre frère le trompe avec elle et tue le couple, à l'instar de Francesca da Rimini et Paolo. Commencée en juillet 1921, la production subit de nombreux retards suite à la faillite de la société V.I.S. (sortie du film à Livourne en 1922, à Rome en 1923, à Turin en 1925 seulement) qui ne trouve pas de débouchés en dehors de l'Italie, malgré un casting de qualité (avec l'Ukrainienne Diana Karenne) et la ressemblance frappante du Dante de Guido Maraffi avec le portrait peint par Giotto. Comme La Mirabile Visione, il sera distribué dans toutes les écoles de l'ère mussolinienne en vertu de ses qualités didactiques. Au départ, la production envisageait pour la mise en scène Gabriellino D'Annunzio, le fils du célèbre poète. Les imposants décors de Florence seront partiellement réutilisés dans Romola (1923) de Henry King et Marco Visconti (1925) d'Aldo De Benedetti.
L’Enfer de Dante vu par Hollywood et au service de la morale bourgeoise américaine (« Dante’s Inferno », 1924).
1924[épisode des enfers :] Dante's Inferno. The Poet's Conception of Hell (US) de Henry Otto
Henry Otto, William Fox/Fox Film Corp., 5 bob./91 min - av. Lawson Butt (Dante Alighieri), Howard Gaye (Virgile), Diana Miller (Beatrice Portinari), Noble Johnson (un diable au fouet), Pauline Starke, Ralph Lewis. - Le récit-cadre se déroule aux USA des années vingt où un homme d'affaires véreux (Ralph Lewis) qui est sur le point de pousser un rival ruiné au suicide reçoit une édition de la Divine Comédie. Le vilain capitaliste lit l'ouvrage avant de s'endormir, puis rêve qu'il descend aux enfers décrits par Dante et Gustave Doré - et photographiés par Joseph H. August (adaptation : Edmund Goulding). Plusieurs acteurs apparaissent nus dans les séquences infernales (dont Pauline Starke). Tournage avec d'immenses décors érigés dans les studios Fox de la Western Avenue (Hollywood).
1927® I martiri d'Italia / Il trionfo di Roma (IT) de Domenico Gaido. - av. Franz Sala (Dante Alighieri). - Panégyrique patriotique illustré.
Hollywood remet ça : « Dante’s Inferno » version 1935, un hommage visuel à Gustave Doré.
1935[épisode des enfers :] Dante's Inferno (L'Enfer) (US) de Harry Lachman
Sol M. Wurtzel/20th Century-Fox, 89 min. - av. Spencer Tracy, Claire Trevor, Henry B. Walthall, Leona Lane (Lucrezia Borgia), Lorna Low (Cléopâtre), Juana Sutton (Catherine de Médicis), Marion Strickland (Eve), Noble Johnson, Aloha Porter et Paul Schwegler (des diables), Rita Hayworth. - L'Enfer selon Dante vu par Gustave Doré, une descente infernale scrupuleusement reconstituée selon les illustrations très évocatrices de ce dernier (1861) - Harry Lachman était un peintre réputé avant de passer à la réalisation -, et recrées à grands frais sur les terrains des studios Fox à Westwood, le tout soutenu par les surprenants effets spéciaux de Fred W. Sersen (7th Heaven de Frank Borzage) ; diverses images sont reprises du film Fox muet de 1924. Le récit-cadre à la moralité bien bourgeoise (imposée par le censeur PCA Joseph Breen) se déroule sur les terrains d'une foire foraine aux USA où la descente infernale fait partie des attractions d'un businessman sans scrupules (Spencer Tracy) qui, par soif de gain, provoque l'effondrement de son local suivi de nombreux morts. Un des blessés lui décrit dans une séquence de dix minutes ce qui attend les crapules dans son genre en enfer. Ruiné, il se rachète par la suite en risquant sa vie et trouve la paix. Présenté au festival de Venise 1935, nominé à la Coupe Mussolini. - IT : La nave di Satana.
1948® Toto al giro d'Italia (IT) de Mario Mattoli. - av. Carlo Ninchi (Dante Alighieri).
1955[Thirteen Cantos of Hell (GB) de Peter King ; British Film Institute Experimental Committee, 20 min. - Silhouettes animées.]
1963(tv) Béatrice, visage d'un mythe (BE) d'Emile Degelin
Sofidoc-Radiotélévision Belge Francophone (RTBF) (moyen métrage). - av. Elisabeth Dulac (Béatrice Portinari).
Giorgio Albertazzi, un Dante inhabituel ressuscité par Vittorio Cottafavi (1965).
1965** (tv) Vita di Dante : 1. L'amore - 2. Il valore - 3. La salvezza (IT) mini-série de Vittorio Cottafavi
RAI Radiotelevisione Italiana, série " I grandi personaggi " (Rete Nazionale 12+15+19.12.65), 70, 74 et 85 min. - av. Giorgio Albertazzi (Dante Alighieri), Sergio Graziani (Gherardino Diodati), Claudio Gora (le pape Boniface VIII), Renzo Palmer (Giotto di Bondone), Loretta Goggi (Beatrice Portinari)), Ileana Ghione (Gemma Donati, épouse de Dante), Davide Montemurri (Francesco Alighieri), Andrea Checchi (Vieri de' Cerchi), Mario Baldella (Dino Compagni), Pier Luigi Zollo (Forese Donati), Corrado Annicelli (Palmieri Altoviti), Mario Feliciani (Corso Donati), Luigi Vannucchi (Guido Cavalcanti), Tino Schirinzi (Manetto Portinari), Renzo Montagnani (Lapo Gianni), Stefano Satta Flores (Naldo Gherardini), Massimo Foschi (Filippo Argenti), Gino Donato (Andrea da Cerreto), Gianni Galavotti (Moroello Malaspina), Germano Longo (Fulcieri de' Calboli), Gianni Manera (Donato Alberti), Fulvio Dell'Ara (Ugolino Ubaldini), Roberto Bruni (Brunetto Latini), Antonio Pierfederici (Cino da Pistoia), Adolfo Geri (le cardinal Matteo d'Acquasparta), Alessandra Scalera (la sœur de Dante), Mino Bellei (Andrea Poggi), Vittorio Soncini (Terino da San Gimignano), Consalvo Dell'Arti (Dante da Majano), Gualtiero Isnenghi (Franceschino Malaspina), Gino Nelinti (Baldinaccio Adimari), Dante Biagioni (Arrigo VII/l'empereur Henri VII de Luxembourg), Alfredo Bianchini (le musicien Casella), Andrea Lala (Piero Alighieri), Franco Castellani (Cangrande della Scala), Carlo Hintermann (Schiatta Amati), Giovanni Di Benedetto (Uguccione della Faggiola), Gino Rumor (Manetto Donati), Stefano Cucciolla (le narrateur).
Après la Seconde Guerre mondiale, le culte fétichiste de Dante en Italie connaît un arrêt : trop nationaliste, trop lié au régime fasciste. Le poète visionnaire devient un personnage " globalisé ", universel, échappant à la péninsule. En 1965, le 700e anniversaire de sa naissance est célébré dans le monde entier. Des artistes comme Salvador Dali ou Robert Rauschenberg s'en emparent, tandis que l'Église catholique en fait le poète chrétien par excellence (le pape Paul VI reprend même dans une lettre apostolique des vers de L'Enfer...). C'est dans ce contexte que la RAI diffuse Vita di Dante de Vittorio Cottafavi. Il s'agit d'une rendition scrupuleuse (en noir et blanc) de la vie du Florentin, d'après une idée d'Angelo Guglielmi et un scénario du critique de théâtre Giorgio Prosperi. Après l'échec commercial de son étonnant I cento cavalieri (Les Fils du Cid, 1964), Cottafavi, le " cinéaste des cinéphiles ", l'" intellectuel du péplum ", se tourne définitivement vers la télévision où il peut assumer en toute liberté sa passion pour l'Histoire perçue dans une perspective brechtienne, comme il l'a déjà amorcé à l'écran avec Le legioni di Cleopatra (1959) ou Ercole alla conquista di Atlantide (1961). Ce n'est pas tant le poète en Dante qui l'intéresse ni ses écrits ésotériques, mais l'homme profondément engagé dans son époque, ses combats politiques et même militaires. On connaît le poète, dit-il, mais l'homme reste un mystère, ancré dans la société tout en s'isolant dans une retraite tout sauf passive. Cottafavi se détourne de l'iconographie officielle comme de la récupération nationaliste si étrangère à l'esprit de Dante, le montre dévorant Virgile, visitant son ami Giotto dans son atelier ou révolté contre Rome, cette " Nouvelle Jérusalem " devenue " Nouvelle Babylone ". Il mêle à son évocation dramatique images documentaires, presse, dessins, citations textuelles et commentaires historiques critiques tout en se permettant à l'occasion de quitter le studio pour des extérieurs à Florence et en particulier à Bracciano (Latium) ; il y reconstitue la bataille de Campaldino (1289) avec des centaines de figurants et des charges de cavaleries filmées en hélicoptère, secondé d'Odoardo Fiory (l'assistant de Riccardo Freda et Jacques Tourneur) et du célèbre maître d'armes Enzo Musumeci Greco (El Cid d'Anthony Mann, Cleopatra de Mankiewicz, etc.) : alors du jamais-vu à la télévision ! À Campaldino, Florence écrasa l'armée gibeline d'Arezzo, mais Dante fut blessé sur le champ de bataille ; par la suite, Cottafavi illustre l'engagement du poète aux côtés des guelfes blancs qui s'opposent à la dictatoriale politique d'ingérence du pape Boniface VIII (Claudio Gora en fait un personnage torve et névrosé), sa condamnation au bûcher, son bannissement à vie de Florence puis son exil artistiquement et spirituellement si prolifique, sa lutte contre la misère, son décès à Ravenne. Comme le souligne la presse de l'époque, Cottafavi évite tous les pièges de la télévision " culturelle " et les facilités du feuilleton, sa réalisation se situe aux antipodes de l'habituelle biographie romancée. Sans doute le 'biopic' filmé de Dante le plus intéressant à ce jour.
1974(tv) Pokol - Inferno / Dante : Inferno (HU) d'András Rajnai
Magyár Televizió Budapest (MTV 25.11.74), 56 min. - av. Imre Sinkovits (Dante Alighieri), György Bánffy (Virgile), Nóra Káldy (Beatrice Portinari), Teri Tordai (Francesca da Rimini), István Bujtor (Paolo Malatesta), Iván Darvas (le comte Ugolino della Gherardesca), István Velenczei (le pape Nicolas III), Zsigmond Fülöp (le troubadour Betran de Born), András Kozák (Alberigo de Manfredi/Fra Alberigo), Attila Nagy (le Centaure), Gábor Harsányi (Sinon), Lászlò Sinkó (Ulysse), Rudolf Somogyvári, György Györffy, László Inke, Gábor Csikos.
Une tentative intéressante de la télévision hongroise de recréer les Enfers selon Dante avec les trucages du petit écran (le Centaure, le cerbère à trois têtes, le voyage sur le dos de l'ogre Geryon, etc.). Dante devient ici le représentant de l'écrivain dissident et censuré.
1974® Novelle licenziose di vergini vogliose / Le mille e una notte di Boccaccio a Canterbury (IT) de Michael Wotruba [=Aristide Massaccesi], Franco Lo Cascio. - av. Massimo Pirri (Dante Alighieri). - cf. Boccace, chap. 4.6
1975Skärseld (Le Purgatoire) (SE) de Michael Meschke
Bengt Forslund/Svenska Filminstutet, 82 min. - av. Jan Blomberg (Dante Alighieri), Åke Nygren (Virgile), Inger Jalmert Moritz (Beatrice Portinari), Jonas Uddenmyr (le comte Ugolino della Gherardesca), Lilian Dahlgren (Francesca da Rimini), Ing-Mari Tirén (Gemma Donati, la femme de Dante), Georg Àrlin (Brunetto Latini).
Meschke, marionnettiste et metteur en scène suédois, mélange le drame personnel d'un écrivain (séquences modernes) et divers personnages de Dante. La trame en devient presque incompréhensible.
Roberto Benigni fait le pitre grimé en Dante à la télévision (1979).
1979® (tv) Il Dante Alighieri di Roberto Benigni (IT), émmission " L'altra domenica : Ridere fa bene " (RAI due), 5 min. - av. Roberto Benigni (Dante Alighieri), Renzo Arbore. - Le comique toscan dans un sketch télévisé hilarant.
1980[The Comœdia (IT) de Bruno Pischiutta ; Sagro Film, 92 min. - av. Gianfranco Molaro (Dante Alighieri), Richard Coleman (Virgile), Liliana Tari (Béatrice). - Transpositon moderne de la Divine Comédie, située à New York.]
1988-1991(tv) Dante : The Inferno / A TV Dante (GB/NL) mini-série de Peter Greenaway, Tom Phillips et Raoul Ruiz
Sophie Balhetchet, Kees Kasander, Denis Wigman/KBP-Dante B.V.-Channel Four Television-Elsevier Vendix (Channel-4 29.7.90), 5 x 25 min. - av. Francisco Reyes / Bob Peck (Dante Alighieri), Sir John Gielgud (Virgile), Joanne Whalley (Beatrice Portinari), Susan Crowley (Francesca da Rimini), Lucien Morgan (Paolo Malatesta), Laurie Booth (Cerberus), Robert Eddison (Charon), Susan Wooldridge (Lucy), David Attenborough.
Une version vidéo expérimentale recouvrant huit chants de l'Inferno.
2010® Dante's Inferno: Abandon All Hope (US) de Boris Acosta; Gotimna Productions-Master Films, 42 min. - av. Vittorio Metteucci (la voix de Dante), Jenn Gotzon (la voix de Béatrice), Lalo Cibelli (la voix de Virgile), Gianmario Pagano (la voix de Charon). - Une descente aux Enfers selon Dante illustré par Gustave Doré, avec des extraits du film L'inferno de 1911.
2012® Dante's Inferno (US) de John Johnson, 23 min. - av. Jay Barber (Dante Alighieri), Amy Hart (Béatrice), John Johnson (Virgile). - Drame contemporain.
2014(vd-df) Il mistero di Dante / The Mystery of Dante / Le Mystère de Dante (IT/GB/US/FR) de Louis Nero
Diana Dell'Erba, Louis Nero/L'Altrofilm, 95 min. - F. Murray Abraham (l'alter ego de Dante), Diana Dell'Erba (Passion), Franco Beltrame (gardien), Elena Presti (Beatrice Portinari), Cesare Scova (Virgile), Vittorio Boscolo (Charon), Marco Sabatino (Stace), Laetizia Leardini (la harpie), Diego Casale (Lucifer). - Docu-fiction à la recherche du sens caché du texte de Dante.
2019® Dante's Inferno (US) de Peter James Florian. - av. Zack Debrabander (Dante Alighieri). - Court métrage expérimental horrifique.
2019® Il peccato (Michel-Ange) (RU/IT) d'Andreï Kontchalovski. - av. Tony Pandolfo (Dante Alighieri). - cf. Michel-Ange, chap. 8.3.
2021* (tv-df) Dante. Il sogno di un'Italia libera / Dante's Divine Politics (Dante, la divine politique) (IT) de Jesus Garces Lambert
Gioia Avvantaggiato/GA&A Productions-RAI Documentari-Artline Films-Arte (RAI 13.12.21 / Arte 25.6.22), 88 min. - av. Bernardo Casertano (Dante Alighieri), Antonio Catalano (Sciarra Colonna), Camillo Marcello Ciorciaro (Guillaume de Nogaret), Daniel De Rossi (Charles de Valois), Gipeto [Gipeto Marco Brancato] (le pape Boniface VIII), Gabriele Guerra (le pape Clément V), Giovanni Moschella (le cardinal Boccassio), Francesco Petruzzelli (Philippe le Bel), Alessandro Tirocchi (Corso Donati), Maria Grazia Toccaceli (Beatrice Portinari).
Docu-fiction: L'engagement politique et les espoirs anéantis de Dante, poète, philosophe et diplomate tiraillé entre les luttes de pouvoir de la papauté, du Saint-Empire, du roi de France, des cités-États italiens et des seigneurs de la guerre. Nommé ambassadeur à San Gimignano, cité qu'il s'agit de maintenir ans la ligue guelfe, Dante y voit la première occasion de s'opposer au pape Boniface VIII: s'élevant au-dessus de son parti (guelfe), il se dresse contre la papauté pour le souverain bien de l'Église et de la chrétienté. En 1300, il s'affermit dans la conviction que le plus grand malheur de la "République chrétienne" vient de la confusion de deux pouvoirs: le temporel et le spirituel. Il fait publiquement et énergiquement obstacle aux entreprises du pape contre Florence. Pour s'assujettir la puissante cité et asseoir son pouvoir spirituel sur une puissance temporelle "impérialiste", Boniface VIII exploite les rivalités et les factions de la République; lorsque Florence lui retire son aide militaire, il incite Charles de Valois à marcher sur la ville en mains des guelfes blancs rebelles. Dante s'indigne que l'influence spirituelle soit mise au service d'une politique temporelle. Pendant que le pape retient le poète-ambassadeur à Rome, les guelfes noirs (partisans du Saint Père) l'emportent à Florence. Congédié, Dante gagne Sienne où l'atteint la sentence du bannissement perpétuel, avec pour sanction le bûcher. C'est alors que toutes ses espérances politiques sont ruinées que Dante se consacre tout entier à la rédaction de sa Divine Comédie.
2021(tv) Dante's Hell. A Journey to the Center of the Earth (US) de Boris Acosta
Boris Acosta, Dino Di Durante, Armand Mastroianni/Gotimna Pictures-Master Films Productions (21.9.21), 108 min. - av. Vincent Spano (Virgile), Eric Roberts / Vittorio Gassman (Dante Alighieri), Jean Gotzon / Silvia Colloca (la voix de Beatrice Portinari), Franco Nero, Shirly Brener, Jeff Conaway, Hélène Cardona, Sheena Collette, Veronica De Laurentiis, Diane Salinger, Al Sapienza, Vanna Bonta, Jsu Garcia, Eric Roberts, Christopher Vogler, Isaac C. Singleton Jr., Eve Mauro, Adrian Paul, Martin Kove, Serena Lorien, Angela Kerecz, Rico Simonini, Arnoldo Foà, Armando Mastroianni.
Un curieux projet, d'abord intitulé The Divine Comedy : Inferno, Purgatory and Paradise, basé sur une thèse de Boris Acosta (Dante's Inferno Decoded) et prévu initialement comme une télésérie de 100 épisodes sur trois saisons. Le tournage s'effectue à Rome, à Florence, à Bellagio et aux studios de Universal City à Los Angeles. En postproduction, on ajoute des images de Inferno Dantesco Animato (2017, 30 min.) de Boris Acosta et des extraits des films muets italiens L'Inferno (1911), Purgatorio (1912), Il Paradiso (1912) ainsi que les dessins de Gustave Doré. En postproduction.
2021(tv-df) Dante's Divine Politics / Dante, il sogno di un'Italia libera / Dante, la divine politique (IT/FR) de Jesus Garcés Lambert, Duilio Giammaria (doc.), Diego D'Innocenzo
GA&A Productions-RAI Documentari-Arte G.E.I.E.-Artline Films (RAI 13.12.21 / Arte 25.6.22), 88 min. - av. Bernardo Casertano (Dante), Gipeto (le pape Boniface VIII), Giovanni Moschella (le cardinal Boccassio), Francesco Petruzzelli (Philippe le Bel), Daniel De Rossi (Charles de Valois), Camillo Marcello Ciorciaro (Guillaume de Nogaret), Alessandro Tirocchi (Corso Donati), Christophe Feltz, Maxime Pacaud, Loïc Guingand, Gérard Dessalles, Stefano Marques, Amélie Belohradsky, Fred Cacheux, Jean Rieffel, Hélène Sautjeau, Jean-Luc Falbriard, Jack Reinhardt.
Docufiction soutenu par la Société Dante Alighieri: l'oeuvre de Dante reflète la décadence des temps, la confusion spirituelle et les conflits politiques qui bouleversent l'Italie et la France entre 1300 et 1320. - DE: Macht und Dekadenz - Dante und seine Zeit.
2021/22Dante (IT) de Pupi Avati
Antonio Avati/Duea Film-RAI Cinema-Emilia Romagna Film Commission. - av. Sergio Castellitto (Giovanni Boccaccio), Alessandro Sperduti (Dante Alighieri jeune), Giulio Pizzirani (Dante Alighieri âgé), Carlotta Gamba (Beatrice Portinari), Leonardo Della Bianca (Francesco Alighieri), Leopoldo Mastelloni (le pape Boniface VIII), Erika Blanc (Gemma Donati, épouse de Dante), Ludovica Pedetta (Gemma Donati âgée), Enrico Lo Verso (Donato degli Albanzan), Nico Toffoli (Ser Manetto Donati), Romano Reggiani (Guido Cavalcanti), Milena Vukotic (la brocanteuse), Cesare Cremonini (Lottieri), Alessandro Haber (l'abbé de Vallombrosa), Holly Irgen (la tante de Gemma Donati), Paolo Graziosi (Alighiero di Bellincione), Valeria D'Obici (sœur Beatrice [Antonia Alighieri]), Patrizio Pelizzi (Fazio da Micciole), Gianni Cavina (Piero Giardina), Mariano Rigillo (Meneghino Mezzani), As Chianese (le frère confesseur de Boccace), Eliana Miglio, Augusto Zucchi.
La vie de Dante selon son premier biographe, Giovanni Boccaccio (Trattatello in Laude di Dante). - Dante meurt en exil 1321. En septembre 1350, Boccace est chargé de remettre dix florins d'or en compensation symbolique à sœur Beatrice (Antonia Alighieri), la fille de Dante, religieuse à Ravenne, au monastère de Santo Stefano degli Ulivi. Au cours de son long périple, Boccace rencontre, outre sœur Beatrice, ceux qui dans les dernières années de l'exil à Ravenne ont abrité et acceuilli le grand poète ainsi que ceux qui l'ont rejeté et contraint à fuir. Retraçant une partie du voyage de Dante de Florence à Ravenne, s'arrêtant dans les mêmes couvents, dans les mêmes villages, dans les mêmes châteaux et consultant les mêmes bibliothèques, retenant les questions qu'il a posées et les réponses qu'il a obtenues, Boccace restitue la longue et dramatique histoire du plus grand poète d'Italie. Les derniers treize chants de son Paradis (où il attaque le pape), ont été retrouvés dans sa cuisine huit mois après son décès. - Après 18 ans de gestation, le cinéaste bolognais Pupi Avati, 82 ans, peut commencer le tournage de ce projet qui lui est cher entre tous, filmant de juillet à octobre 2021 à Foligno, en Ombrie (Pérouse), en Toscane (Florence, San Gimignano), à Viterbe (castello Baglioni di Graffignano), dans les Marches, en Emilie-Romagne et à Rome, travail freiné par l'épidémie de la Covid.
2024[In the Hand of Dante (US/IT) de Julian Schnabel, d'après le roman éponyme de Nick Tosches (2002). - av. Oscar Isaac (Dante Alighieri / Nick Tosches), Louis Cancelmi (Guido da Polenta), Gal Godot (Gemma). - Dans ce film coproduit par Martin Scorsese, un homme plonge en enfer, puis monte au paradis à la quête de son amour interdit et impossible.]