Ia - NAPOLÉON ET L'EUROPE

15. DÉCLIN ET EXIL

Le Waterloo de Sergueï Bondartchouk, de loin la plus impressionnante et la plus fidèle restitution de la fameuse bataille (1970).

15.3. Les Cent-Jours et Waterloo (1815)

Le 1er mars 1815, à la tête de 1200 hommes, Napoléon débarque à Golfe-Juan près de Cannes et marche sans entraves sur Paris, avec la ferme intention de reprendre en main les rênes de l’Empire. Ordre est donné de ne tirer aucun coup de fusil (« je veux reprendre ma couronne sans verser une goutte de sang »). L’Empereur emprunte le chemin des montagnes (la fameuse « route Napoléon ») afin d’éviter les villes acquises aux Bourbons, couvrant en six jours les 324 km jusqu’à Grenoble avant de faire son entrée triomphale aux Tuileries deux semaines plus tard. Plus la colonne avance, plus la réaction de la population se fait enthousiaste, les feux de joie succèdent aux acclamations : Napoléon, sauveur de la Révolution dont il a garanti jadis les conquêtes sociales, est porté par le « quatrième État » du prolétariat rural et urbain que motivent la peur d’un rétablissement des droits féodaux et l’extension du chômage. Les notables se taisent, partagés entre le soulagement de voir disparaître la vieille aristocratie et l’appréhension de la reprise de la guerre. L’armée suit le mouvement populaire en soutenant le coup d’État. À Digne (4 mars), la garnison refuse de se battre contre le fugitif de l’île d’Elbe. À Laffrey, les 500 soldats de Delessert rompent leurs rangs pour rejoindre les aigles impériales. La Bédoyère se rallie avec son régiment à Grenoble, tandis qu’à Auxerre, le maréchal Ney, qui a promis au roi de « ramener l’usurpateur dans une cage de fer », fait également défection.
Ce qui a commencé comme le raid audacieux d’un aventurier se transforme en prodigieux raz de marée, effectivement sans un seul coup de feu : « L’Aigle, avec les couleurs nationales, volera de clocher en clocher jusqu’aux tours de Notre-Dame. Vous serez les libérateurs de la patrie ... », proclame Napoléon à sa nouvelle armée. À la hauteur de Fontainebleau, il apprend la fuite de Louis XVIII (réfugié à Gand, en Belgique) et le ralliement des troupes de la capitale. La flambée révolutionnaire se propage dans les campagnes du Sud-Est, Napoléon rechigne (« je ne veux pas être un roi de la Jacquerie ! »). Mais l’appui principal sur lequel il comptait, cette bourgeoisie dont il a soutenu la révolution et fait la fortune, manque à l’appel ; le personnel administratif n’est pas sûr, préfets et ministres sont attentistes, la trahison menace. De surcroît, la résistance royaliste s’organise au sud de la Normandie, dans le Maine et en Vendée et nécessite la création d’une armée de la Loire dont les effectifs immobilisés feront cruellement défaut au nord. Acquis au libéralisme, les notables entendent lier Napoléon par une constitution et, écartant toute idée de retour au despotisme impérial, ce dernier abolit la censure, puis approuve un Acte additionnel à la Constitution de l’Empire (auquel a travaillé Benjamin Constant) qui entérine un régime représentatif. Mais la grande assemblée au Champs-de-Mars, le 1er juin, tenue en apparat de cour suranné et grotesque, ne convainc pas.
Les assurances de paix de Napoléon aux souverains européens à Vienne, son affirmation de respecter le traité de Paris, ses lettres au tsar et à l’empereur d’Autriche sont balayées : avant même qu’il n’atteigne Paris, Talleyrand fait mettre « l’usurpateur » unanimement au ban de l’Europe monarchiste, déclaré hors-la-loi, « ennemi et perturbateur du repos du monde, livré à la vindicte publique ». Le Royaume-Uni, la Russie, la Prusse, la Suède, l’Autriche, les Pays-Bas et divers États allemands forment en toute hâte la Septième Coalition – qui totalise une force écrasante de près d’un million d’hommes. Sans illusions, Napoléon se résigne donc à la guerre. Prenant l’initiative pour ne pas laisser à ses adversaires le temps d’achever leurs préparatifs (les Autrichiens et les Russes mobilisent, mais sont encore loin), il franchit la Sambre dans la nuit du 14 au 15 juin et pénètre en Belgique. L’armée anglaise de Wellington qui a débarqué à Anvers et la prussienne de Blücher stationnée sur le Rhin alignent 210 000 hommes que leurs chefs entendent réunir près de Namur. Napoléon leur oppose 124 000 soldats : sa seule chance de succès est de vaincre les forces ennemies séparément, avant qu’elles n’aient pu établir leur jonction. Il pourra ainsi entrer à Bruxelles et obliger les coalisés à négocier. Le 16, il bouscule les Prussiens à Ligny, tandis que Ney se heurte aux Anglo-Hollandais à Quatre-Bras qu’il pousse à la retraite. L’engagement décisif entre Napoléon et Wellington a lieu le 18, au sud du village de WATERLOO. L’orage qui a détrempé le champ de bataille retarde fatalement les combats jusqu’à midi, des erreurs d’appréciation et un état-major peu qualifié font le reste. Le corps d’armée de Grouchy, chargé de poursuivre Blücher sans ordres précis et exécutables, se laisse distancer et ne se heurte qu’à son arrière-garde. Vers 18 heures, l’issue de la bataille semble encore indécise et Wellington est sur le point de céder quand surviennent les 70 000 hommes de Blücher qui prennent les Français de flanc. Subissant un feu roulant dévastateur, la Vieille Garde se forme en carrés et couvre le repli chaotique de l’armée au prix de lourds sacrifices. Son recul suscite panique et désertions dans les rangs : le désastre est sans rémission.
Fatigué et malade, Napoléon regagne Paris au matin du 21 juin. Poussés par Fouché, les députés de la Chambre des représentants somment l’Empereur, encore fermement soutenu par les militaires et le peuple de Paris qui défile devant sa fenêtre, d’abdiquer. Refusant toute adhésion populaire, toute tentation jacobine de soulèvement national (« je ne suis pas revenu de l’île d’Elbe pour que Paris soit inondé de sang »), Napoléon fait don de sa personne pour épargner le pays et se retire le lendemain en faveur de son fils, Napoléon II. Mais les Alliés refusent de traiter avec le souverain déchu ou sa famille. Napoléon s’éloigne de la capitale, gagne la Malmaison (25 juin), puis Rochefort. Le 3 juillet, les armées de la coalition font leur entrée dans Paris. Cinq jours plus tard, Louis XVIII retrouve son trône. L’intermède aura duré cent jours.
1909Love and War : An Episode of Waterloo (US)
Thomas A. Edison Manufactoring Co., 420 ft. – Synopsis : Le 15 juin 1815 à Bruxelles, à la veille de Waterloo, un jeune officier britannique et sa bien-aimée assistent au grand bal donné par la duchesse de Richmond, en présence de Wellington. Les amoureux dansent yeux dans les yeux, rêvant à un avenir de bonheur commun, quand une estafette annonce l’avancée des armées napoléoniennes. Wellington réunit rapidement son état-major, l’anxiété est sur tous les visages, la piste de danse se vide, les officiers disparaissent dans la nuit. La jeune femme se réfugie seule dans une pièce voisine et regarde par la fenêtre. Au-dessus d’elle, le paysage d’un grand tableau se transforme progressivement en plaine de Waterloo après la bataille ; son fiancé est parmi les morts. – Saynète filmée dans les nouveaux studios Edison à Decatur Avenue, Bronx Park (New York City), visuellement influencé par le fameux poème de Lord Byron, The Eve of Waterloo (1816).
1909L’Évasion de Mr. de La Valette (1815) / Madame de Lavalette (FR)
Pathé Frères S.A. (Paris)-Société cinématographique des auteurs et gens de lettres (SCAGL), 270 m./15 min. – av. Jacques Volnys (le comte Antoine de Lavalette), Eugénie Nau (Émilie de Lavalette, sa femme), Maria Fromey (Joséphine, leur petite fille), Catherine Fontenay (Diane de Vaudemont), Armand Numès.
Synopsis : Au lendemain de Waterloo, le comte Antoine-Marie Chamans de Lavalette (1769-1830), directeur général des Postes de l’Empire, révoqué par Louis XVIII en 1814 et qui a repris ses fonctions au retour de Napoléon, est arrêté et condamné à mort. Traqué, il se cache avec sa femme et sa fille de 12 ans chez Diane de Vaudemont (personnage fictif), qui l’aime en secret. Voyant son amour dédaigné, elle le trahit à la police, puis, repentante, incite la femme du condamné à demander sa grâce au roi. En vain. Mme de Lavalette obtient de voir son mari à la Conciergerie une dernière fois. Le comte parvient à s’évader, affublé des vêtements de son épouse et à gagner la Bavière. – Un scénario d’Émile Moreau, basé sur des faits authentiques. Cf. aussi les téléfilms de 1957 (« La Caméra explore le temps ») et 1972 (« Les Évasions célèbres »). – US : The Flight of Monsieur Valette.
1910Après la chute de l’Aigle (FR) de Victorin-Hippolyte Jasset
Société Française des Films Éclair-Association des compositeurs et auteurs dramatiques (ACAD), 190 m. – av. Émile Drain, Jean-Marie de l’Isle, Charles Krauss, EDMOND DUQUESNE (Napoléon).
Synopsis : Napoléon retourne précipitamment à Paris après Waterloo, l’Empire s’effondre, la France est dans le chaos, des insurgés sèment partout désordre et violence, organisant la chasse aux bonapartistes. La plèbe s’en prend au jeune général Dangu (personnage fictif), un fidèle de Napoléon. Poursuivi, celui-ci se réfugie dans le château du marquis de La Roche qui le cache. Le chef des rebelles manipule une servante pour faire croire au marquis que le militaire le trompe avec sa femme. Dangu proteste de son innocence et se fait massacrer par la foule. Le marquis apprend trop tard qu’il a été dupé. – Un scénario d’Émile Chautard, d’après un récit de Georges d’Esparbès tiré de La Légende de l’Aigle (1893) et filmé à Épinay-sur-Seine. Première apparition à l’écran du Napoléon d’Edmond Duquesne, un rôle que ce dernier interpréta si souvent sur scène qu’il en perdit la raison (cf. Madame Sans-Gêne d’A. Calmettes en 1911, p. 170). – US : After the Fall of the Eagle.
1910Il corriere dell’Imperatore (Episodio dei cento giorni) / I cento giorni di Napoleone (Le Courrier de l’Empereur) (IT) de Luigi Maggi
S.A. Ambrosio, Torino (« Serie d’Oro »), 307 m. – av. Oreste Grandi (le garde forestier), Alberto A. Capozzi, Giuseppe Gray, Serafino Vité, Mario Voller Buzzi, Ercole Vaser, Dario Silvesstri, Arrigo Amerio, Mirra Pincipi, LUIGI MAGGI (Napoléon) (?).
Synopsis : Le 6 mars 1815. Ayant quitté l’île d’Elbe, Napoléon marche sur Grenoble, mais son escorte ne s’est grossie jusqu’à présent que de faibles détachements. Alors qu’il se repose dans un bosquet, un paysan l’invite à passer la nuit dans la cabane du garde forestier. L’Empereur doit impérativement avertir de son arrivée le colonel Charles de La Bédoyère, qui l’attend à Grenoble avec un régiment entier. Le garde forestier propose son jeune fils comme messager, mais les accès à la ville sont surveillés. Le garçon se cache dans un panier fixé sur le dos d’un âne. Une sentinelle transperce le panier de sa baïonnette ; le garçon, blessé, ne bronche pas et remet son message à La Bédoyère avant de perdre connaissance. Le lendemain, Napoléon fait une entrée triomphale à Grenoble et décore le garçon de la Légion d’honneur.
Un sujet imaginé par Arrigo Frusta et photographié par le prestigieux vétéran Giovanni Vitrotti. Nota bene : héros de la campagne de Russie, le colonel breton La Bédoyère rallia effectivement Napoléon avec son régiment à Vizille, dans la vallée de la Romanche. L’Empereur le fit général de division. La Bédoyère resta un des derniers sur le champ de bataille à Waterloo. Quoique défendu par Benjamin Constant, il fut fusillé sur ordre de Louis XVIII. À Sainte-Hélène, Napoléon plaça ses enfants sur son testament. – GB, US : The Emperor’s Messenger/The Emperor’s Message, DE : Der Eilbote des Kaisers, ES : El correo del Emperador.
1910La Rivale de l’Empereur (FR) d’Etienne Arnaud
Établissements Gaumont S.A. (Paris), 212 m. – Synopsis : Fréjus, en mars 1815. Cantaloube, le brigadier de la gendarmerie, reçoit l’ordre de redoubler de vigilance, car l’usurpateur va tenter de débarquer. Marina, la fille du gendarme, se fiance avec Marco, un pêcheur. Pendant les festivités, elle observe Vincent, l’ami de son fiancé, et sa sœur Vivette échanger des signes et croit que son amour est en péril. Elle intercepte un billet de Marco qui fixe un rendez-vous secret au cap d’Antibes. Persuadé que ce dernier la trompe avec Vivette, elle se rend sur place pour poignarder l’infidèle quand elle tombe sur Napoléon et ses grenadiers, fraîchement débarqués de l’île d’Elbe et que Marco et Vincent accueillent avec enthousiasme. – US : The Emperor’s Return.
1910L’Honneur (FR) d’Étienne Arnaud
Établissements Gaumont S.A. (Paris), 266 m. – Synopsis : Grenoble, début mars 1815. Des anciens grenadiers impériaux et de jeunes officiers du roi sont attablés à un banquet quand une dépêche provoque la joie des uns et la consternation des autres : Napoléon a débarqué à Golfe-Juan et les soldats envoyés pour l’arrêter se sont ralliés à lui. L’assemblée se dispute, on échange des gifles. Le demi-solde doit se battre en duel au pistolet avec un royaliste, chacun a droit à un seul coup de feu. Le lendemain à l’aube, le royaliste tire et rate son adversaire qui, lui, se réserve de décharger son arme à une autre occasion. Dix ans passent. Marié, père de deux enfants, le royaliste (qui a oublié l’affaire) fête son anniversaire lorsque le bonapartiste s’annonce à la porte pour régler la dette d’honneur. L’officier du roi prend congé de sa famille en larmes, mais lorsqu’ils sont face à face dans le pré, un petit garçon supplie le bonapartiste d’épargner son père et de faire la paix. Avec succès. – US : The Reserved Shot.
1911Pour l’Empereur. Épisode dramatique des Cent Jours (FR) d’André Calmettes et Henri Pouctal
Société du Film d’Art (Paris), 375 m. – av. André Calmettes (gén. Charles de La Bédoyère), Nelly Cormon (Georgine de La Bédoyère-de Chastellux, son épouse), Henri Etiévant, Henri Duval.
Synopsis : En mars 1815, le ralliement du régiment du colonel Charles de La Bédoyère (1786-1815) à Vizille, aux portes de Grenoble, décide du succès du retour de Napoléon ; nommé général de brigade, aide de camp, puis général de division, La Bédoyère combat à Waterloo. De retour à Paris, où il veut défendre les droits de l’Aiglon à la succession, il est arrêté, traduit devant un conseil de guerre et, malgré les efforts de Benjamin Constant pour le défendre, fusillé le 19 août. (Cf. supra, sujet similaire : Il corriere dell’Imperatore en 1910.)
1912Le Factionnaire de l’Empereur – mars 1815 (FR)
Pathé Frères S.A. (Paris), 215 m. – av. MAXIMILIEN CHARLIER (Napoléon). – Synopsis : Afin d’arrêter Napoléon en route vers Paris, Jacquemin, un aubergiste royaliste, est chargé de l’assassiner dans son établissement. Il plante le drapeau impérial sur son auberge et offre l’hospitalité à l’Empereur. La fille du restaurateur cherche à déjouer le complot, et, s’étant emparée de l’uniforme d’un factionnaire pendant la nuit, elle parvient à arrêter son père au moment où il va frapper.DE : Die Schildwache Napoleons.
1913Un épisode de Waterloo / Een episode van de slag bij Waterloo (BE) d’Alfred Machin
Belge Cinéma Film, 490 m. – av. Cécile May (Miss Stewart), Fernand Crommelynck (cpt. Stewart), Jean Liézer (Vaneck), Fernande Dépernay (la dame de compagnie), Harzé (le sous-officier), Fernand Gravey, William Elie.
Synopsis : Cerné par les Français, Stewart, un capitaine anglais envoyé en éclaireur, se barricade dans la ferme d’Hougoumont au soir de la bataille. On le croit mort et un pillard usurpe la fortune qu’il avait laissée à sa fille. Mais le capitaine a survécu aux combats et démasque le criminel. – Alfred Machin, pionnier du cinéma belge, tourne ce mélodrame distribué par Pathé dans ses studios bruxellois du Karreveld et à la ferme historique de Hougoumont, à Waterloo même. – DE : Erinnerungen an Waterloo.
1913Le Baiser de l’Empereur / De kus van de keizer (BE) d’Alfred Machin
Belge Cinéma Film, 335 m. – av. Fernand Crommelynck (le meunier), MAXIMILIEN CHARLIER (Napoléon), Germaine Lécuyer, Cécile May, Blanche Derval, Hébert, Durafour.
Synopsis : À la veille de Waterloo, Napoléon établit son quartier général à l’auberge de la Belle-Alliance. La fille du meunier le sert à table et l’admire à la dérobée. L’Empereur l’embrasse paternellement sur le front et elle se met à faire des rêves de gloire et de fortune. Après la bataille, elle se suicide en se jetant sous les ailes de son moulin. Autre film de Machin tourné en partie sur les lieux historiques.
1913The Battle of Waterloo (La Bataille de Waterloo) (GB) de Charles Weston
John Benjamin McDowell/British & Colonial Kinematograph Co., 1371 m./env. 75 min. – av. ERNEST G. BATLEY (Napoléon), Jack Brighton (Arthur Wellesley, duc de Wellington), George Foley (maréchal Gebhard von Blücher), Vivian Ross (maréchal Michel Ney), Jack Inward (l’aide de camp de Wellington).
Cette reconstitution de prestige filmée en juin 1913 est, chronologiquement parlant, le premier film historique à grand spectacle du cinéma anglais. British & Colonial se spécialise dans ce genre de production, réalisant The Battle of Waterloo dans ses studios de Newstead House à East Finchley et en extérieurs près du village d’Irthlingborough (Northants), dans les plaines de Northampton, avec l’appui d’un escadron de lanciers de Weedon Barracks ; les quelque 400 fantassins sont des ouvriers de deux fabriques de souliers d’Irthlingborough (déjà à l’époque, la publicité dithyrambique parle de 2000 soldats, 116 scènes, 1000 chevaux et 50 canons ...). Le réalisateur Charles Weston, un Américain, a choisi l’endroit parce que Wellington aurait affirmé qu’il lui rappelait le paysage de Waterloo. Ne manquent ni le bal de la duchesse de Richmond, ni le quartier général de Napoléon à la Belle-Alliance, ni la charge des lanciers du 92e. La superproduction, qui célèbre la victoire flamboyante de l’Union Jack sur l’Ogre, est tournée en cinq jours pour 1800 £, vendue aux distributeurs pour la somme alors mirifique de 5000 £ et attire le public en foule (première au Palladium à Londres), mais la critique insinue que la bataille est interminable et que le film n’a pas grand- chose d’autre à offrir. En fait, la bande (dont 22 minutes ont survécu) ne voulait que cela : recréer l’événement du point de vue du simple troupier. Son réalisateur (un opiomane qui s’est suicidé à New York six ans plus tard) n’a pas marqué l’histoire du cinéma. – DE : Die Schlacht von Waterloo.
1913Pimple’s Battle of Waterloo / The Adventures of Pimple : The Battle of Waterloo (GB) de Fred Evans & Joe Evans
Phoenix-Folly Films, 553 ft./179 m./10 min. – av. FRED EVANS (Pimple / Napoléon), Joe Evans (Arthur Wellesley, duc de Wellington). – Burlesque parodiant le film précédent, sorti en salle un mois plus tard : Napoléon tombe de son cheval en traversant les Alpes et renvoie son armée. Des suffragettes tentent de le tuer sur la route de Paris. Il arrive à Waterloo Station. La nuit avant la bataille, il surprend une sentinelle endormie qui se réveille et lui demande son identité. L’Empereur prend la pose. Au petit matin, Napoléon et Wellington font pile ou face pour savoir qui tirera le premier. Les Français réalisent qu’ils ont oublié leurs munitions et vont en acheter dans un magasin. Les boy-scouts attaquent Napoléon qui finit par se rendre. Fait prisonnier, il est transféré sur un navire et prend congé de la France. – DE : Pumpel als Napoleon.
1913The Old Guard (Celui de la Vieille Garde) (US) de James Young
J. Stuart Blackton, Albert A. Smith/Vitagraph Co. of America, 1 bob. – av. Clara Kimball Young (Mélanie), Charles Kent (Havresoc), James Young (col. Weston), Teff Johnson (col. Millard), Mr. BEHN (Napoléon).
En 1860, tandis que sa fille est courtisée par un officier, le dernier survivant de la Garde impériale se souvient de sa blessure au feu, de la décoration qu’il obtint de l’Empereur, de Waterloo, et meurt le sourire aux lèvres. Filmé au Québec.
1914I cento giorni / Napoleone / I cento giorni di Napoleone (Les Cent Jours) (IT) d’Archita Valente et Roberto Danesi
Vera-Film, Roma, 5 bob./1530 m. – av. ETTORE MAZZANTI (Napoléon). – Synopsis : À Sainte-Hélène, Napoléon se morfond et repense aux divers épisodes des Cent-Jours (flash-back) : la fuite de l’île d’Elbe, les préparatifs et le déroulement de la bataille de Waterloo, le départ pour le second exil. Le film ajoute une intrigue impliquant un général fictif du nom de Gérard et son épouse Charlotte, qui complotent contre l’Empereur ; le traître se rachète en faisant sauter un pont, fait d’armes qui lui coûte la vie. Retour à Sainte-Hélène où Napoléon, déclinant, dicte ses dernières volontés, et délire sur son lit de mort devant la vision de sa Grande Armée en déroute. – Ettore Mazzanti a déjà incarné Napoléon dans le film Germania de Pier Antonio Gariazzo (1913) (cf. p. 366). – US : The Corsican, Fighting the World : The Last 100 Days of Napoleon.
Napoléon (Charles Vanel) fulmine: Wellington résiste et Blücher est en vue (Waterloo de Karl Grune, 1929).
1928/29*Waterloo. Ein Zeitbild / Waterloo – Napoleon und die 100 Tage (Waterloo) (DE) de Karl Grune
Münchener Lichtspielkunst AG (Emelka), 3505 m./10 actes/120 min. – av. Otto Gebühr (maréchal Gebhard Leberecht von Blücher/Frédéric le Grand), Charles Willy Kayser (Friedrich Wilhelm III, roi de Prusse), CHARLES VANEL (Napoléon), Auguste Prasch-Grevenberg (Malchen von Blücher), Fritz Ulmer (Neidhardt von Gneisenau, le chef d’état-major prussien), Georg Heinrich (prince Karl August von Hardenberg), Karl Graumann (prince Klemens Wenzel von Metternich), Humberston Wright (Arthur Wellesley, duc de Wellington), Carl de Vogt (maréchal Michel Ney), Helmuth Renar (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Oscar Marion (ltn. Fritz Reutlingen), Betty Bird (Rieke, sa fiancée), Wera Malinowskaja (la comtesse Tarnowska), Camilla von Hollay (sa femme de chambre), Fred Immler et Franz Scharwenka (deux grenadiers de la Vieille Garde), Will Dohm (le comte Lagarde).
Synopsis : Les événements aboutissant à Waterloo contés du point de vue allemand. Espionne de Napoléon, la comtesse polonaise Tarnowska renseigne l’Empereur exilé sur les incessantes et violentes querelles entre les anciens alliés au Congrès de Vienne. Blücher, le vieux « maréchal En-Avant », s’est retiré dans son domaine poméranien à Krieblowitz, furieux des marchandages qui s’opèrent à Vienne, ce « bouge » où des diplomates sans talent bradent le destin de l’Allemagne tandis que l’armée, qui a payé le prix du sang pour venir à bout de l’Ogre, est tenue à l’écart. Il envoie sa démission au roi, sa femme s’en réjouit, ils dansent amoureusement (elle lui rappelle que jadis, en 1773, il démissionna déjà de l’armée de Frédéric le Grand, puis revint sur sa décision, mais le souverain refusa de le réintégrer). Reutlingen, son aide de camp, transmet sa lettre à Vienne, où le jeune lieutenant, quoique fiancé avec Rieke, tombe dans les rets de la séduisante comtesse Tarnowska. Entre-temps, Ney se rallie à Napoléon, c’est la marche triomphale sur Paris et la panique sur le continent. Reprenant du service, Blücher est nommé commandant en chef des forces prussiennes stationnées en Belgique. Il est battu à Ligny et se fait presque tuer par des cuirassiers français ; Reutlingen lui sauve la vie. Les Prussiens prennent leurs quartiers à Wavre où le lieutenant retrouve sa fiancée, Rieke. La comtesse, qui a suivi Reutlingen depuis Vienne, arrive également dans le village, charme les généraux allemands et parvient à intercepter un courrier capital de Blücher à Wellington que le lieutenant doit transmettre dans la nuit du 17 au 18 juin. Mais le messager de la comtesse est abattu par les gardes prussiens. Démasquée (Blücher a reconnu son parfum français sur le document !), l’espionne se suicide et Reutlingen, d’abord accusé de trahison, est innocenté. Le lendemain à Waterloo, Wellington peine à résister aux attaques françaises, mais apprenant que Blücher vient à la rescousse, il décide de tenir malgré de très lourdes pertes. Leurs armées enfin réunies viennent à bout de Napoléon. Au soir, Rieke retrouve son fiancé blessé mais vivant dans un hôpital militaire. La liesse est générale, les vainqueurs défilent devant un crucifix géant.
La société bavaroise Emelka monte cette production de prestige à faire pâlir d’envie la Ufa (l’écrasante concurrence berlinoise) pour marquer son dixième anniversaire. Le sujet, a priori patriotique, s’inscrit dans le courant lucratif des films à costumes « prussiens » alors si populaires en Allemagne et l’engagement du Viennois Karl Grune, qui a signé en 1927 à Berlin un diptyque napoléonien sur Königin Luise (La Reine Louise) (cf. p. 370), garantit non seulement une facture de qualité, mais un certain niveau artistique. Grune est réputé sur le plan international pour ses films sociaux et de Kammerspiel sensibles, imaginatifs, intimistes (Die Strasse/La Rue, 1923). À la caméra, Grune obtient ce qu’il y a de mieux : Fritz Arno Wagner (Les Trois Lumières de Fritz Lang, Nosferatu le vampire de F. W. Murnau, plus tard M le Maudit). C’est Otto Gebühr, acteur iconique du cinéma allemand de l’époque, qui interprète Blücher ; les anciens uniformes, ça le connaît : il incarne dix fois Frédéric le Grand entre 1923 et 1942, et un passage au début du film fait du « maréchal En-Avant » une sorte de fils spirituel du monarque (filmé en double exposition, Gebühr joue les deux rôles). Pour Napoléon, Grune choisit logiquement le Français Charles Vanel, déjà apparu en Corse dans son Königin Luise et, brièvement, à la fin de Der alte Fritz de Gerhard Lamprecht l’année précédente. Le tournage a lieu en automne 1928 sur les immenses terrains du studio de Geiselgasteig près de Munich, dans la vallée de l’Isar et au château de Schleissheim (censé représenter le Kronprinzenpalast « Unter den Linden », la résidence royale à Berlin).
Sur le plan visuel, le travail de Grune fourmille d’idées, influencé par le cinéma avant-gardiste d’un Walter Ruttmann ou Dziga Vertov : le reflet dans l’eau de la silhouette de Napoléon à bord de la frégate levant l’ancre pour la France ; les bottes impériales qui foulent le sol français, fondu enchaîné sur les chaussures élégantes des valseurs. En hommage au Napoléon de Gance et sa polyphonie visuelle, Grune scinde l’écran en diagonale pour montrer simultanément le ralliement enthousiaste des anciens grognards et un bal dansant à Vienne, puis l’image se divise en éventail à huit volets afin de visualiser le branle-bas affolé des missions diplomatiques qui se dispersent tous azimuts. De petites touches humanisent le récit : à Portoferraio, Napoléon plante et arrose des géraniums quand il ne redessine pas l’Europe sur du sable. Présenté comme un vieillard encore vert, simple, jovial et colérique, Blücher soigne ses chevaux, cajole affectueusement son épouse ou se confond de timidité devant l’aguichante comtesse polonaise ; en recevant « une fois de plus » sa démission, le roi de Prusse et Gneisenau s’esclaffent malicieusement ; un vieux grenadier prussien cite du Johann Gottlieb Fichte à son officier médusé, etc. Surtout préoccupé par la joliesse de ses tableaux et la proximité de ses protagonistes, le cinéaste gomme en revanche les repères historiques ou géostratégiques, tout en privilégiant cette bien inutile et bien insipide intrigue parallèle entre Reutlingen, sa fiancée et la belle espionne (personnages bien sûr fictifs). Au point d’oublier que son film s’intitule Waterloo : curieusement, tout le déroulement tactique de la bataille est escamoté (Grouchy n’existe pas), et le facteur temps (qui fut décisif) ignoré. Grune se contente de filmer en plongée des déplacements désordonnés de figurants qui courent dans tous les sens entre les explosions, hommes et chevaux confondus, sans ordre de marche. Pas de construction dramatique ni de temps forts (on déplore toutefois 150 figurants blessés) ; cette approximation permet d’atténuer le rôle capital de Wellington au profit des manœuvres salutaires de Blücher. On insiste lourdement – mais dans les intertitres seulement, car rien de cela n’est montré – sur le fait que sans l’arrivée des Prussiens à la dernière minute, Napoléon aurait remporté la victoire. À la fin, détail atterrant, ce dernier reste seul sur le champ de bataille, déserté de tous ses soldats et généraux !
Dès la mise en chantier du film, la presse libérale et socialiste fronce les sourcils, anticipant une bande militaro-nationaliste de plus. Mais Grune est un pacifiste reconnu, politiquement de gauche (juif, il devra s’exiler à Londres en 1933), qui se garde des pièges de l’hagiographie revancharde. Son film doit rester étranger à toute polémique, ne froisser aucune susceptibilité nationale. Pour calmer les esprits, le cinéaste a d’abord confié le rôle de Reutlingen à l’acteur britannique Dene Morel, le fils du fameux politicien pacifiste E. D. Morel, mais le malheureux est décédé à la veille du tournage. L’Emelka proclame à tous les vents que l’œuvre est apolitique et sans rapport avec l’actualité. Au mieux, le fait qu’elle soit centrée sur un prestigieux vieillard contraint de reprendre du service lorsque le pays vacille constitue-t-il une allusion à un autre maréchal âgé, Paul von Hindenburg, élu président du Reich en 1925 après deux guerres et un demi-siècle de carrière militaire. Quant à Napoléon, il est certes esquissé sans animosité (Vanel prend la pose), comme un adversaire redoutable et digne de respect, mais l’approche du Corse reste engluée dans le cliché (l’unique but de ce « géant » est « la conquête du monde », dit un intertitre absurde). C’est un meneur d’hommes charismatique, mais auquel il manque bien sûr la sagesse et l’humanité d’un Blücher ; on omet de mentionner que ce même noble géronte promit à ses hussards noirs de passer par les armes quiconque ferait un prisonnier français – pas de quartier ! – et qu’il chercha à capturer Napoléon afin de le faire fusiller dans les fossés du château de Vincennes, à l’endroit même où était tombé le duc d’Enghien, onze ans plus tôt ; seul Wellington l’en empêcha. On oublie également que ses troupes saccagèrent tous les villages français entre Waterloo et Paris et que Blücher, possédé par l’esprit de vengeance, voulait faire sauter tous les ponts et édifices de la capitale qui portaient le nom de victoires napoléoniennes. Le tsar et Wellington, à nouveau, firent barrage ... La première du film (muet) a lieu au début janvier 1929, alors que le cinéma sonore commence à s’imposer en Europe, et la production ayant englouti une fortune, l’Emelka comptabilise une perte sèche de près d’un million de Reichsmark qui contribuera à la faillite de la société en 1932. La bande sort en France sous une forme modifiée et abrégée, avec des intertitres apocryphes (les vers de Victor Hugo ...), des oublis (l’allusion à la victoire des coalisés à Leipzig) et une fin où la défaite française de Waterloo est reléguée au rang de détail, comparée à toutes les batailles gagnées par l’Empereur que l’épilogue énumère en apothéose ! Soit exactement le cocorico et la gloriole que Grune cherchait à éviter à tout prix. – Nota bene : autre lien avec le Napoléon de Gance, la Cinémathèque du Luxembourg commandera pour sa restauration une partition originale à Carl Davis.
1933The Veteran of Waterloo (GB) d’Albert Victor Bramble
National Talkies Prod., 48 min. – av. Jerrold Robertshaw (caporal Gregory Brewster), Joan Kemp-Welch (Norah Webster, sa petite-nièce), Roger Livesey (sgt. Archie Macdonald), A. B. Imeson (le colonel James Midwinter, Royal Scots Guards), Minnie Rayner (la voisine).
Synopsis : À Woolwich vers 1890, un vieux caporal anglais des Scots Guards, décoré jadis par le Régent pour actes héroïques lors de la défense de la ferme de Hougoumont à Waterloo, reçoit la visite d’un colonel de son régiment. Cette intrusion inopinée précipite le vieillard sénile (sous la garde de sa petite-nièce) dans un état délirant où il croit revivre la bataille qu’il s’imagine avoir gagnée tout seul. – Moyen métrage tourné aux Blattner Studios à Elstree d’après A Story of Waterloo (1894), pièce satirique en un acte bien oubliée d’Arthur Conan Doyle, le père de Sherlock Holmes, et créée en 1894 au Prince’s Theatre à Bristol.
1934*The Iron Duke (Wellington, le Duc de Fer) (GB) de Victor Saville [et William J. Dodds]
Michael Balcon/Gaumont-British Picture Corpn. Ltd., 88 min. – av. George Arliss (Arthur Wellesley, duc de Wellington), Gladys Cooper (Marie-Thérèse Charlotte de France, duchesse d’Angoulême), Ellaline Terriss (Catherine dite Kitty, duchesse de Wellington), A. E. Matthews (gén. Rowland Lord Hill), Emlyn Williams (priv. Alfred George Bates), Allan Aynesworth (Louis XVIII), Campbell Gullan (Charles-Philippe, comte d’Artois, futur Charles X), Lesley Wareing (Lady Frances Wedderburn-Webster), Edmund Willard (maréchal Michel Ney), Franklin Dyall (maréchal Gebhard Leberecht von Blücher), Felix Aylmer (Henry William Paget, Lord Uxbridge), Gibb McLaughlin (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Farren Soutar (prince Klemens Wenzel von Metternich), Gyles Isham (Robert Stewart, Lord Castlereagh), Peter Gawthorne (Charles Lennox, duc de Richmond), Norma Varden (Charlotte Gordon, duchesse de Richmond), Frederick Leister (Friedrich Wilhelm III, roi de Prusse), Gerald Lawrence (le tsar Alexandre Ier), Walter Sondes (Sir James Wedderburn-Webster), Norman Shelley (gén. Carlo Andrea Pozzo di Borgo), Annie Esmond (Denise).
Cette hagiographie d’Arthur Wellesley, duc de Wellington (1769-1852), se penche sur les années 1815/16, lorsque le « duc de fer » se trouve au zénith de sa carrière, ayant battu les armées de « Boney » (sobriquet pour Bonaparte) en Espagne. En janvier 1815, « le monde est en paix et Napoléon, le lion enragé qui a malmené l’Europe, est en captivité ». Au Congrès de Vienne, cependant, les anciens alliés se disputent et se haïssent mutuellement. La Prusse, l’Autriche et la Russie estiment que seul un affaiblissement durable de la France peut garantir la paix sur le continent, et espèrent que Louis XVIII, reconnaissant, se soumettra docilement à leurs volontés. Wellington agit, lui, plus en homme d’État qu’en militaire et veut protéger le peuple français contre les vainqueurs, mais aussi contre les ultras légitimistes, comme ce ridicule comte d’Artois (futur Charles X) et surtout la très redoutable duchesse d’Angoulême, fille aînée de Marie-Antoinette dont Louis XVIII, monarque faible et hésitant, affirme qu’elle est la plus sage de tous ses conseillers. Le retour de Napoléon modifie l’ordre du jour. À Gand, Wellington ordonne à Louis XVIII de ne pas contrer « Boney » avec ses régiments loyaux mais inexpérimentés et d’éviter une guerre civile en France. À Bruxelles, il se fait harceler par une jolie admiratrice, Lady Frances Webster, qui s’évanouit en le voyant et, quoique mariée, le suit au bal de la duchesse de Richmond, à la veille de Waterloo. Pendant la bataille, il échappe de peu aux boulets français (« J’ai toujours dit que Boney n’était pas un gentleman ! »). Sur le terrain, les cornemuses des Highlanders l’emportent, et le soir, le duc s’assied à une table du mess des officiers au 4/5 e vide, prend connaissance des noms des tués et pleure.
En automne, Londres lui demande de regagner Paris et d’« échanger l’épée contre le fouet ». Les alliés veulent punir la France, Blücher prône l’exécution de Napoléon et de Ney, ainsi que la destruction du pont de Iéna, « une insulte à la Prusse ». Wellington s’oppose à toute exigence de réparation disproportionnée (allusion au traité de Versailles de 1919 que les Britanniques jugent revanchard et périlleux), demande toutefois au roi, réfractaire, la restitution des trésors artistiques volés. Son nouvel adversaire n’est plus le Corse, mais Madame France, la vindicative duchesse d’Angoulême qui exige la tête du maréchal Ney, un héros national admiré même par les Anglais. Wellington craint un soulèvement populaire si « le brave des braves » est fusillé. La duchesse trouve un stratagème pour l’éloigner : à son instigation, un journaliste anglais révèle le scandale d’une liaison entre Lady Webster et Wellington, aperçus ensemble à l’Opéra de Paris. Innocent, ce dernier gagne précipitamment Londres, s’explique auprès de son épouse bien-aimée (une tricoteuse qui déteste la vie publique et les voyages), calme le mari ridiculisé (le poète Wedderburn-Webster) et le Parlement qui a envisagé sa démission. Lorsqu’il est enfin blanchi par la presse, c’est trop tard : Ney a été jugé et exécuté pendant son absence. Furieux, les Parisiens entonnent la Marseillaise aux grilles des Tuileries. Louis XVIII, affolé, se retourne contre sa nièce. Wellington ordonne au roi de bannir tous ses conseillers, Madame France la première, sinon il laissera la plèbe prendre le palais d’assaut. Le Bourbon obéit. En 1816, Wellington s’explique devant la Chambre des Lords, où Lord Grey l’accuse d’avoir négligé les intérêts du Royaume-Uni : Blücher avait réclamé à la France mille millions de francs d’indemnités, Wellington a réduit la somme à quatre-vingts millions partagés entre la Prusse, l’Autriche et la Russie. « La récompense de l’Angleterre, explique le vainqueur de Napoléon, c’est la paix en Europe et, pour le monde, l’élimination d’une tyrannie sans pareille. » La puissance décuplée de la Prusse et de la Russie après 1815 l’inquiète : Wellington, messager de l’« Apeasement » et de la Pax Britannica, songerait-il à Hitler et à Staline ?
C’est le premier film sonore du comédien anglais George Arliss en Grande-Bretagne. Sous contrat chez Darryl F. Zanuck à Hollywood, Arliss s’est imposé comme l’interprète numéro un de personnages historiques (Voltaire, Richelieu, Disraeli, Alexander Hamilton) et vient de faire un malheur au box-office en campant Nathan Rothschild, autre ennemi de Napoléon, dans House of Rothschild, film nominé à l’Oscar 1934 (cf. p. 258). La Gaumont-British de Michael Balcon cherche à conquérir le marché américain en engageant des vedettes très populaires aux États-Unis, Arliss est donc recruté à Londres pour le salaire alors astronomique de 200 000 $. Le biopic sur Wellington, écrit par Bess Meredith (la femme de Michael Curtiz), est mis en chantier pour commémorer le 25e jubilé d’argent du roi George V, mais la société n’a manifestement pas les moyens de son ambition et Victor Saville, cinéaste très inégal, ne possède ni l’imagination ni le souffle pour compenser ces déficiences. La photo est de Curt Courant, le chef opérateur allemand de Lang, Pabst, Renoir et Hitchcock. Le tournage a lieu d’août à octobre 1934 dans les studios étriqués de Shepherd’s Bush, dans ceux de Shepperton (Sound City) et de Welvyn (Hertfordshire) ; à la mi-octobre, Saville abandonne le film pour remplacer Alfred Santell sur le plateau de The Dictator, autre sujet historique en péril. William J. Dodds, qui dirige la deuxième équipe, reprend les rênes pour les extérieurs, notamment la bataille, filmée avec le soutien du War Office à Invergordon en Écosse (la charge de cavalerie des Scots Grey de Sir Ponsonby), à Wormwood Scrubs, West-London (la colline) et au sud, sur les terrains militaires de la plaine de Salisbury (les carrés d’infanterie). Tous les plans avec Wellington et son état-major à cheval sont visiblement enregistrés en studio, et les scènes de grande figuration tirées du Waterloo muet de Karl Grune (cf. supra, 1929) ! Deux plans se réfèrent à des toiles célèbres : la charge des Scots Grey d’après le tableau Scotland Forever ! d’Elizabeth Thompson (1881) et la rencontre finale des vainqueurs, The Meeting of Wellington and Blücher de Daniel Maclise (1859-61). Ces six minutes de combat, assemblées sans souci aucun de cohérence, sont très décevantes. Après quoi Arliss crie victoire. Blücher, le sauveur, est escamoté. Napoléon reste invisible ; l’adversaire de son héros, explique Saville, est plus impressionnant encore si l’on sent partout sa redoutable présence sans le voir lui-même. Seulement voilà : on ne la sent jamais ! On a même omis l’épisode, célèbre en Angleterre, de Lord Uxbridge qui, suite à un éclat d’obus, perdit sa jambe droite avec un sang-froid peu commun (« By God ! »). En réalité, le personnage de Napoléon a été éloigné pour ne pas faire ombrage à Wellington-Arliss, peu avenant.
Le produit fini – sorti à Londres le 30 novembre 1934, en présence d’Edward, prince de Galles (le futur duc de Windsor) – est représentatif du cinéma de Michael Balcon, producteur respectable, puritain et terne, orienté vers les classes moyennes. Le portrait de Wellington est prudent et asexué, pour éviter tout litige avec sa noble descendance. On fait l’impasse sur sa vie sentimentale hors mariage (à Paris en 1815/16, il eut notamment Lady Charlotte Greville et la même maîtresse que Napoléon, la diva Giuseppina Grassini !) ; il y eut également des rumeurs de liaison avec Lady Frances Webster (1793-1837), l’épouse de l’écrivain James Wedderburn-Webster, un intime de Lord Byron, mais cela pourrait n’avoir été qu’une amitié amoureuse. Nettement trop âgé (66 ans) et trop petit pour le rôle, n’ayant ni le charisme du personnage ni celui des acteurs qui l’ont interprété avant et après, Arliss joue Wellington comme un vieux gentleman sage, voûté, malin et spirituel. On le montre bourru au grand cœur, grand-papa jouant au sol avec les enfants de la duchesse de Richmond et sempiternel donneur de leçons. Bref, très loin du cliché du militaire froid et hautain mais au sex appeal renversant de ce « duc de fer » qui traitait ses hommes d’« excréments de la terre ».
L’accueil du film surchargé de textes explicatifs est mitigé ; aux États-Unis, son nationalisme agace, Variety y voit au mieux une « matière pour instituteurs » (29.1.35) ; aujourd’hui, son style vieillot, son statisme, le bricolage manifeste de ses séquences spectaculaires et en particulier les maniérismes et le cabotinage d’Arliss l’ont condamné à l’oubli. L’éclairage singulier qu’il donne des événements mérite toutefois une légère révision. Curieusement, cette production britannique ne mâche pas ses mots pour fustiger les royalistes français : le vieux monarque bourbon est dépeint comme un esprit rancunier et imprévisible, son frère (le comte d’Artois) comme un imbécile, et sa nièce, ennemie personnelle de Wellington, est une harpie intrigante (« le seul homme de la famille », ironisait Napoléon). Pas de doute : le Foreign Office préfère la France républicaine. Les Prussiens sont des alliés bruyants et barbares. Quant à Wellington, commandant en chef des forces d’occupation jusqu’en 1818, il apparaît ici comme un homme de paix, non de guerre, un diplomate obsédé par la réconciliation et un rapprochement avec l’Hexagone, ce qui est historiquement inexact – comme sa défense du maréchal Ney, une pure invention de scénaristes – mais correspond au souhait d’apaisement en matière de politique extérieure qui prédomine dans l’opinion britannique en 1930 (les ministères McDonald, Baldwin et Chamberlain). Dans les faits, Wellington déclina toute invervention en faveur de Ney, malgré les supplications de la femme du maréchal, Aglaé. En revanche, fort curieusement, les scénaristes ont omis de signaler que Wellington sauva la vie de Napoléon en refusant de le livrer à Blücher et à Gneisenau qui voulaient le fusiller à leur arrivée à Paris. En fait, le film attribue au vainqueur de Waterloo la francophilie et les velléités libérales du tsar Alexandre, dont on sait qu’il s’entendit très mal avec le Bourbon. Wellington, nous dit-on ici, a été chargé par son gouvernement d’humilier la France vaincue et de la soumettre à des sanctions sévères. Le héros du film s’oppose avec véhémence à ce diktat injuste, estimant que cela mettrait en danger l’équilibre européen. Or, en 1934, Londres commence à mesurer les effets négatifs du traité de Versailles en Allemagne, comme l’avait d’ailleurs prédit l’économiste britannique John Maynard Keynes et en France le maréchal Foch dès 1919. Après le choc de la Grande Dépression, la Conférence de Lausanne en juillet 1932 a démontré l’incapacité de l’Allemagne à payer les réparations de guerre astronomiques imposées par les alliés ; le plébiscite massif en faveur de Hitler, l’année suivante, ne laisse rien présager de bon. À sa manière, le film se veut donc une sorte de plaidoyer pacifiste en costumes. Distribué en France en version originale sous-titrée, ce « Waterloo sans Napoléon » déconcerte et le film est interdit dans le Reich parce qu’il ne tiendrait pas compte du rôle et de la « grandeur de Blücher » ! – IT : Il duca di ferro, ES : El duque de hierro.
1934/35* Campo di maggio (Les Cent Jours) (IT/DE) de Giovacchino Forzano
Vittorio Mussolini/Società Anonima Consorzio « Vis » Tirrenia-Forzano Film (Roma-Berlin), 2820 m./103 min. – av. CORRADO RACCA (Napoléon), Emilia Varini (Madame Mère, Laetitia Bonaparte-Ramolino), Enzo Biliotti (Joseph Fouché), Pino Locchi (le petit Roi de Rome), Rose Stradner (l’impératrice Marie-Louise), Lamberto Picasso (prince Klemens Wenzel von Metternich), Augusto Marcacci (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Ernesto Marini (Louis XVIII), Carlo Duse (gén. Jean-Gabriel Marchand), Eugenio Duse (gén. Henri Gatien Bertrand), Marcello Giorda (gén. Pierre Cambronne), Ugo Soldarelli (gén. Pierre-Antoine Malet), Paola Barbara (Louise de Montesquiou-Fezensac, gouvernante du Roi de Rome), Vinicio Sofia (un député de la Chambre des représentants), Ciro Bortolotti, Celio Bucchi, Gemma Bolognesi, Corrado Caparuccia, Giorgio Capecchi, Leo Chiostri, Giovanni Caimara, Lina Coppée, Camillo De Rossi, Dino Di Luca, Luigi Erminio D’Olivo, Liana Ferri, Irinia Lucacevich, Carlo Lamari, Alfredo Menichelli, Athos R. Natali, Aldo Pini, Dino Raffaelli, Armando Rossi, Ezio Rossi, Gino Soldarelli, Virgilio Tomassini, Bruno Torrisi, Gaetano Verna.
« Napoléon vu par Benito Mussolini : Meurtri dans ses affections ... Trahi par le destin ... La déchirante bataille de Waterloo ... La chute de l’Aigle », telles sont les phrases publicitaires qui accompagnent le lancement de ce film dans l’Hexagone. Flatté par le parallèle historique entre Bonaparte et le dictateur italien qu’a établi le biographe napoléonien allemand Emil Ludwig (dans un article paru notamment dans le Telegraf et le Sydney Morning Herald, 14.4.1928, intitulé « Mussolini as Napoleon’s Pupil »), le Duce a rédigé quelques feuillets à l’intention de son ami Giovacchino Forzano, auteur dramatique et metteur en scène fasciste alors très en vue, en l’enjoignant d’utiliser ces notes pour en faire une pièce qui serve le régime et éclaire la nature exceptionnelle de son chef. Forzano claque des talons, fait le salut romain et, prenant les Cent-Jours comme matière première, explique pourquoi la chute d’un titan tel que Napoléon signifia une « tragédie pour l’Europe ». La pièce, cosignée par le Duce, est présentée pour la première fois sur scène au Teatro Argentina à Rome le 18 décembre 1930, en présence de la famille Mussolini au complet ; elle est adaptée en France par André Mauprey et montée au Théâtre du Nouvel-Ambigu à Paris l’année suivante, avec Firmin Gémier dans le rôle de l’Empereur. En 1933, elle est au programme de la Staatsbühne à Berlin, en 1934 au Burgtheater à Vienne. Le titre de la pièce, Campo di maggio, se réfère à la fois à l’Assemblée du Champ-de-Mai, au Champ-de-Mars à Paris, le 1er juin 1815, où Napoléon prêta serment aux nouvelles constitutions de l’Empire, et aux anciennes assemblées de guerriers francs, des réunions solennelles dans lesquelles tous les hommes libres venaient rendre hommage à leur chef suprême. La fresque cinématographique tirée de cette pièce est une coproduction italo-germanique mise sur pied par Vittorio Mussolini (fils cadet du Duce), filmée d’août à décembre 1934 à Colle di Val d’Elsa près de Sienne, dans le port de Livourne, sur l’île d’Elbe (Portoferraio et Procchio), puis, pour les appartements des Tuileries et la Chambre des députés, dans les studios Pisorno à Tirrenia (Pise), les plus vastes ateliers d’Italie avant la création de Cinecittà, trois ans plus tard. Lavinio est transformé en Golfe-Juan, les plaines de la Toscane se prêtent à la rencontre de Napoléon avec le bataillon chargé de l’arrêter à Laffrey, puis à Waterloo, où s’affrontent 3000 figurants. Il n’est pas question de tourner sur sol français, car les nazis fabriquent simultanément une version allemande du même film (Hundert Tage, cf. infra) et les croix gammées pullulent sur les lieux de tournage. L’auteur lui-même assume la mise en scène, mais Illustration précise qu’en dépit de ses absorbantes occupations, Benito Mussolini a assisté assidûment aux prises de vues, donnant aux artistes ses indications et réglant les mouvements de foules (9.2.35). Dans sa version originale italienne, le film est interprété partiellement par les mêmes acteurs qu’au théâtre, ce qui explique l’absence de vedettes de cinéma dans le casting. Le Bolognais Corrado Racca (Napoléon) est un disciple d’Eleonora Duse qui s’est surtout distingué sur les planches, à la radio et dans le doublage, où sa voix profonde est très appréciée (dans la pièce de Forzano, son rôle était tenu sur scène par Memo Benassi). Racca vient de jouer le comte Cavour, héros de l’indépendance italienne, dans Villafranca de Forzano (1934), également d’après une pièce de Mussolini.
L’intérêt de Campo di maggio est, on s’en doute, surtout politique. Synopsis : À Schönbrunn pendant le Congrès de Vienne, Talleyrand et Metternich planifient de faire enlever Napoléon par une brigantine de faux corsaires algériens au large de l’île d’Elbe et de le déporter dans l’Atlantique, aux Açores ou, mieux, à Sainte-Hélène. Pour gagner le frivole tsar Alexandre à leur cause, ils convoquent un ballet de naïades à demi nues. Témoin de ces magouilles, Blücher s’emporte, écœuré : « Chaque jour du Congrès coûte à l’Autriche 225 000 florins, j’aurais préféré donner cet argent aux orphelins et aux veuves de soldats tués ! » À l’étage, signale-t-il à Wellington, l’ex-impératrice Marie-Louise roucoule avec Neipperg sous les yeux du petit Roi de Rome que « ces canailles de la politique veulent faire entrer dans les ordres ». À Paris, le roi (goutteux, veule et gras) et Fouché se réjouissent de ces mesures. Dans son exil, Napoléon est parfaitement renseigné : « Avant de me laisser prendre cette fois, je ferai plutôt sauter cette île comme une grenade ! Je ne peux plus demeurer dans cette paresse indigne de moi ! » Il prend congé de « mamma » Laetitia, baise le portrait de son fils et s’embarque pour la France au roulement des tambours, acclamé par des centaines de ses sujets dans les ruelles de Portoferraio (une absurdité : surveillé par les Anglais, Napoléon quitta l’île dans le plus grand secret). « Libérez l’Italie et nous serons tous avec vous ! », crient-ils. Au large, les fuyards bernent une frégate britannique. Le débarquement à Golfe-Juan se fait dans la liesse générale. « La fantaisie est la reine du monde ! » s’exclame Napoléon, « marchons sur Grenoble, jusque-là je suis un aventurier ... » Apprenant la nouvelle, Fouché commande deux nouveaux costumes : royal ou impérial, dans tous les cas, il sera ministre. Le général Marchand (dont les grenadiers refusent de tirer), puis La Bedoyère se rallient à l’Aigle, les fonctionnaires municipaux tremblent comme des feuilles et tournent casaque. « Je vous prie de ne plus m’envoyer de soldats, j’en ai assez maintenant », écrit Napoléon, farceur, à Louis XVIII. Un montage de titres de gazettes confirme sa progression fulgurante : d’usurpateur, il devient au fil des jours Bonaparte, puis Napoléon, enfin, devant Paris, l’Empereur. Tout dans cette première partie concourt à établir des parallèles avec la Marche sur Rome du 28 octobre 1922, démonstration de force de Mussolini pour intimider le gouvernement libéral dans la capitale et instaurer la dictature fasciste. L’audace du mythique commendatore, son vibrant patriotisme (qui annonce Garibaldi), mais aussi sa fibre paternelle et filiale font fondre le public latin.
À Vienne, Metternich et consorts déchiffrent en ricanant les lettres de Napoléon qui supplie Marie-Louise de rentrer en France avec leur fils ; une tentative bonapartiste d’enlever le Roi de Rome échoue. Lors de la grand-messe du Champ-de- Mai, organisée pour légitimer la restauration impériale, une nuée d’Aigles aux couleurs nationales évoque graphiquement les manifestations martiales du régime mussolinien. Les « offres loyales de paix » de Napoléon aux souverains européens restent sans réponse. Au bal de la duchesse de Richmond, Wellington annonce que le Corse vient de battre Blücher à Ligny. Dans son bivouac, Napoléon triomphe, il rit satisfait devant le miroir quand de violentes douleurs au ventre le forcent à s’asseoir. La bataille à Quatre-Bras (Waterloo), confuse mais réaliste, dynamique et visuellement plutôt bien menée, comporte les topoï attendus : les routes trop mouillées pour l’artillerie, la ferme d’Hougoumont, cet inconscient de Grouchy déjeunant à Walhain au lieu de marcher au canon, la charge de cavalerie de Ney sur le Mont-Saint-Jean, l’arrivée de Blücher, Cambronne et la Garde qui refuse de se rendre, etc. Tout cela est très simplifié, réduit à neuf minutes, mais le sens italien de l’opéra produit un spectacle d’euphorie et d’angoisse qui fait de ce Waterloo la bataille la plus vraisemblable avant la superproduction de Sergej Bondartchouk/De Laurentiis en 1970. Par la sonnerie victorieuse des cloches, le Roi de Rome apprend que « papa est battu ».
La grosse artillerie idéologique, loin de toute historicité, se déploie dans le dernier tiers du film. Pour sauver la mise, Napoléon-Mussolini demande le soulèvement de la nation et l’instauration d’une dictature « temporaire ». Mené par Fouché et Lafayette (qui préparent un coup d’État), le Conseil des ministres se réunit le 21 juin à l’Élysée en faisant croire que l’Empereur va dissoudre la Chambre des représentants ; pour préserver sa propre position, celle-ci le contraint à l’abdication. Napoléon s’insurge : en un mois, il peut encore mobiliser 700 000 hommes (sic), tandis qu’une capitulation coûterait à la France des millions et une grande partie de ses territoires. Devant le refus généralisé, il se résigne et se lamente : « Je ne peux inonder Paris de son sang quand les ennemis sont en France. Je ne suis pas un petit roi factieux qui fait verser le sang pour les querelles mesquines des députés d’une assemblée démocratique... J’ai pu un jour faire couler des fleuves de sang pour le rêve de dominer l’Europe et d’en être le maître. Et une fois empereur de l’Europe, celui d’abolir les frontières douanières, d’unir les peuples dans une communauté d’intérêts, faire de chaque nation une province d’une seule grande Patrie. Rendre la guerre impossible dans ce grand État européen. Ma vie politique est finie ... je m’offre en sacrifice aux ennemis de la patrie. » « Si j’avais vaincu à Moscou, dit-il ailleurs, mon rêve se serait réalisé : une Europe unifiée, une paix éternelle après tant de guerres. » Le discours-alibi est traficoté à partir des passages connus du Mémorial de Sainte-Hélène de Las Cases (1823), où le conquérant reclus sur son rocher a réécrit l’Histoire à sa façon, mais il contient et développe surtout le programme des grands dictateurs du XXe siècle. En vérité, en juin 1815, Napoléon n’a jamais envisagé ni demandé l’instauration d’une dictature : c’est Fouché qui aurait fait circuler cette rumeur alarmiste pour braquer les notables contre le vaincu de Waterloo. Très peu démocrate, ce dernier aurait même refusé toute adhésion populaire pour défendre la capitale (« je ne suis pas l’empereur de la canaille ») en affirmant, de guerre lasse, qu’il n’était pas revenu de l’île d’Elbe pour que Paris soit inondé de sang. Le scénario, une fois de plus, falsifie les faits à son avantage. La séance agitée, théâtrale de la Chambre des représentants destituant l’Empereur traduit l’ampleur du mépris fasciste à l’égard du régime parlementaire et des libéraux, dénoncés comme responsables de la ruine « tragique » de l’Empire. Forzano démontre par cet exemple l’inutilité d’un parlement et la nécessité impérieuse d’un chef fort tel que proclamé dans le fameux « discours du bivouac » de Mussolini devant la Chambre des députés romaine en novembre 1922.
À l’écran, les députés font la sourde oreille, mais le diktat impitoyable des Alliés leur reste en travers de la gorge. Dernier sursaut : en apprenant que les uhlans de Blücher ont devancé les Anglais et s’approchent de la Malmaison pour capturer Napoléon et le pendre, ce dernier sursaute : « Enfin, je les tiens ! Si j’ai renoncé à la couronne, je ne saurais renoncer à mon devoir de citoyen et de Français. Je m’offre comme général, j’ai 50 000 hommes. Je jure de partir pour l’Amérique dès que j’aurai vaincu l’ennemi. » Peine perdue, car Fouché, président du gouvernement provisoire et futur ministre du roi, s’est engagé à ce que la marche des Alliés sur la capitale ne soit pas entravée (le détail est en partie authentique). Forzano-Mussolini propage le mythe du titan trahi, victime de l’étroitesse et de la mesquinerie de ses contemporains, en particulier lorsqu’il tente d’organiser la défense du sol sacré de la patrie après sa défaite militaire en Belgique. Pour les besoins de la rhétorique, Forzano escamote la bataille de Rocquencourt où Davout a écrasé l’avant-garde du maréchal prussien à l’ouest de Paris (1er juillet), ultime victoire des Cent-Jours. Il en oublie également l’avancée des armées anglaise, russe et autrichienne qui envahissent inexorablement le pays. Épilogue : Napoléon – « abandonné par son peuple et ses généraux, mais destiné à la gloire » – prend congé de sa famille en civil et fait ses adieux à maman Laetitia qui doit rester pour veiller sur l’Aiglon. « Je repars de Paris aussi pauvre que j’y suis rentré la première fois », a-t-il l’inconscience d’ajouter, la mémoire vacillante. À Vienne, le Roi de Rome cherche Sainte-Hélène sur une carte géographique. Fin.
La bande – dont la musique tonitruante de Giuseppe Becce n’atténue guère l’emphase – est présentée en avant-première mondiale au festival de Venise, avec les louanges d’usage. Ayant obtenu la Médaille d’or 1935 du C.I.D.A.L.C. (Comité international pour la diffusion artistique et littéraire par le cinématographe) à Paris, un organisme dont l’objectif est de travailler au « rapprochement des peuples par l’image » (sic), elle sort en France dans une version d’Yves-Léon Brunot, dialoguée par André Rigaud ; elle comptabilise 9 semaines d’exclusivité au Ciné-Opéra à Paris, malgré son contenu antirépublicain et antimonarchiste. Comme on peut s’y attendre, le film est mis à l’index par les socialistes et le PCF qui ne reconnaissent dans ce Napoléon-là qu’un précurseur malchanceux des trouble-fête contemporains. L’hebdomadaire Cinémonde relève même que l’interprète de l’Empereur « ressemble curieusement à Mussolini dont il a le port de tête, les gestes, et presque les inflexions vocales » (25.4.25). Aux États-Unis, le film est exploité dans les salles fréquentées par la colonie italophone. À l’instar de la majorité des produits de propagande nazie ou fasciste, Campo di Maggio ne couvre de loin pas ses frais faramineux, de sorte que le Duce abandonne les projets qui devaient lui faire suite, consacré, ben voyons, à Jules César (coécrit avec Forzano), ainsi que Napoleone e le donne (autre pièce de Forzano, créée en 1929). Il se rattrapera deux ans plus tard avec Scipione l’Africano, à nouveau un échec public. Film interdit par les Alliés en 1945. On ne peut que regretter que le lourd manteau d'une idéologie nauséabonde recouvre les réelles qualités cinématographiques du film, d'une efficacité et d'un sens de la narration et du cadrage très réels. – US : One Hundred Days of Napoleon.
1935Hundert Tage [= Cent jours] (DE/IT) de Franz Wenzler
Ernst Hanfstaengl/Società Anonma Consorzio « Vis » (Roma-Berlin), 2437 m./89 min. – av. WERNER KRAUSS (Napoléon), Gustav Gründgens (Joseph Fouché), Elsa Wagner (Madame Mère, Laetitia Bonaparte-Ramolino), Pino Locchi (le petit Roi de Rome), Rose Stradner (l’impératrice Marie-Louise), Kurt Junker (prince Klemens Wenzel von Metternich), Alfred Gerasch (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Ernst Legal (Louis XVIII), Eduard von Winterstein (Gebhard Leberecht von Blücher), Peter Voss (Arthur Wellesley, duc de Wellington), Fritz Genschow (Lucien Bonaparte), Fred Döderlein (comte Adam Albert von Neipperg), Carl W. Tetting (Charles-Philippe, comte d’Artois, futur Charles X), Peter Erkelenz (Marie-Joseph Motier, marquis de La Fayette), Oscar Marion (comte Georg-Wilhelm Schaumburg-Lippe), Paul Mederow (maréchal Emmanuel Grouchy), Friedrich Gnass (maréchal Michel Ney), Josef Peterhans (maréchal Jean-de-Dieu Soult), Hans Adalbert von Schlettow (maréchal Louis-Nicolas Davout), Ludwig Gerner (un officier).
[Version allemande du film précédent]. – Tourné simultanément dans les mêmes lieux et les mêmes décors, ce film bénéficie toutefois d’un casting entièrement différent. C’est Werner Krauss, nazi convaincu, jadis un des géants du théâtre et du cinéma muet allemand (Le Cabinet du docteur Caligari de Wiene, Tartuffe de Murnau, La Rue sans joie de Pabst, etc.) qui incarne Napoléon, pour la seconde fois après le Napoléon à Sainte-Hélène de Lupu Pick en 1929 (cf. p. 636). Son Empereur est plus lent, plus lourd, plus sobre, mélancolique et intériorisé que celui de son collègue italien, mais aussi moins ressemblant. À ses côtés, le fascinant Gustaf Gründgens (M le Maudit) fait un Fouché particulièrement délectable, sournois et maniéré. Hormis le jeune interprète du Roi de Rome, Pino Locchi (qui finira devant les caméras de Sergio Leone), seule l’Autrichienne Rose Stradner (future Mme Joseph L. Mankiewicz) apparaît dans les deux versions, en ex-impératrice Marie-Louise. La réalisation incombe à Franz Wenzler, tâcheron opportuniste affilié au régime, responsable d’une médiocre hagiographie du martyr nazi Horst Wessel (Hans Westmar, 1933) ; il se fâchera avec les pontes du parti peu après et sera exclu de la Reichsfilmkammer en 1936 sur ordre de Goebbels. Établi à Venise, le célèbre auteur dramatique et scénariste Karl Vollmöller (Der Blaue Engel/L’Ange bleu) signe l’adaptation allemande du scénario sans en partager les idées (il choisira l’exil aux USA en 1939). Wenzler étant mentionné comme coscénariste, il y a fort à parier qu’on ait surtout fait appel aux talents de traducteur de Vollmöller (il a traduit en allemand plusieurs œuvres de Gabriele D’Annunzio, mais aussi de Gozzi, Sophocle, Eschyle et Verlaine), et placé son nom dans la vitrine pour des raisons de prestige.
Le script et la mise en scène, partagés entre l’admiration pour le titan déchu et la sympathie congénitale pour Blücher, font la part belle à ce dernier. Furieux contre le Congrès (« un bordel amélioré »), le bouillant « maréchal En-Avant » interprété par le vétéran Eduard von Winterstein ne mâche pas ses mots : « Bonaparte me fait droit pitié ! Son sort dépend des sauteries d’une traînée ! À vomir. D’abord vous faites crever trois millions d’hommes pour la libération de l’Europe et pour finir, tout tourne autour des cuisses d’une pitoyable danseuse ! » Wellington est le seul du lot qu’il respecte : c’est un militaire, comme lui. L’avancée des Prussiens est ici mieux mise en valeur (après la victoire, tous entament à genoux un cantique luthérien), et à la fin, sur le plan musical, Giuseppe Becce est avantageusement remplacé par un « vrai Allemand » : Beethoven. « Pour nous, Napoléon est, comme Cromwell, un génie providentiel qui a su vaincre la plèbe révolutionnaire et la racaille parlementaire de son époque », proclame le producteur Hanfstaengl lors de la première. Cet appel cinématographique à la dictature sort pompeusement à Berlin le 22 mars 1935, six jours après la réintroduction du service militaire obligatoire dans le Reich. Un hasard ? Le film sera interdit par les Alliés en 1945.
1937(tv) Waterloo (GB) de George More O'Ferrall
(BBC 8.10.37), 30 min. – av. Wilfred Shine (caporal Gregory Brewster), Mary Kerridge (Norah Webster, sa petite-nièce), Alexander Field (sgt. Archie McDonald), Robert English (col. James Midwinter, Royal Scots Guards).
Un des premiers programmes de télévision en Grande-Bretagne, qui diffuse la pièce satirique en un acte d’Arthur Conan Doyle (1894), enregistrée dans les studios d’Alexandra Palace, North London : à Woolwich, trois vétérans de la bataille évoquent leurs faits d’armes. Cf. supra : The Veteran of Waterloo (1933).
1953Δ [La Route Napoléon (FR) de Jean Delannoy ; Les Films Gibé-Pathé, 90 min. – av. Pierre Fresnay (Martel), Henri Vilbert, Claude Laydu, René Ginin. – Initialement, Jean Delannoy voulait faire un film sur Napoléon à Sainte-Hélène avec Pierre Fresnay, mais les producteurs souhaitaient un film drôle. Le résultat fut non pas un film historique, mais une comédie satirique moderne imaginée par Laurent Laudenbach, Delannoy et Antoine Blondeau, et tournée aux studios de la Victorine à Nice. Roi de la publicité, Edouard Martel organise le lancement de « La Route Napoléon » menant de Juan-les-Pins à Grenoble en utilisant toutes les astuces du métier. Ne pouvant faire étape à Malijai, où Napoléon passa effectivement une nuit en montant sur Paris, Martel jette son dévolu sur Bourg-sur-Bléone (village fictif), qu’il transforme en station touristique sous le signe de l’Aigle, avec Relais Impérial, statue géante de l’Empereur et une mise en scène du débarquement à Golfe-Juan pour les vacanciers. Les habitants finissent par croire que Napoléon est passé par leur village et adaptent leurs modestes conditions aux nécessités des circonstances. Peu à peu, Martel se prend pour Napoléon et imite sa gestuelle.]
1953(tv) Waterloo (GB) de John Moxey
(BBC 16.9.53), 30 min. - av. Laidman Browne (caporal Gregory Brewster), Patrick Troughton (sergent Archie McDonald), Margaret Anderson (Norah Brewster), Clement McCallin (colonel James Midwinter, Royal Scots Guards).
La pièce satirique en un acte d’Arthur Conan Doyle (1894) : à Woolwich, trois vétérans de la bataille évoquent leurs faits d’armes. Cf. supra : The Veteran of Waterloo (1933).
1955(tv) Napoleon’s Return from Elba (March 7, 1815) (US) de Bernard Girard
Série « You Are There » no. 103, William Dozier Prod./Columbia Broadcasting System (CBS 19.6.55), 30 min. – av. LAWRENCE DOBKIN (Napoléon), John Mylong (le prince Klemens Wenzel von Metternich), Maurice Marsac (son secrétaire), Lowell Gilmore (col. Neal Campbell), Lewis Charles (gouverneur Corsin), David Alpert (cpt. Random), Peter Brocco (le maire d’Antibes), Michael Emmet (ltn. Delassart), Charles Watts (Chardon), Gene Reynolds (un grenadier de la Garde), Paul Hahn, Lou Krugman, Ralph Smiley.
Le téléfilm est présenté comme un reportage des actualités de la CBS, avec le journaliste vedette Walter Cronkite qui commente en direct le débarquement à Golfe-Juan et les réactions à Vienne.
1955Il piccolo vetraio (Les Vitriers) (IT) de Giorgio Capitani
Filmex-Franca Film, 91 min./86 min. - av. Massimo Serato (le baron et général Robert de La Motte), Georges Poujouly (Piero), Paolo Petitti (Nino), Antoine Balpêtré (Neroni), Luigi Tosi (le père de Piero), Lianella Carell (sa mère), Luisella Boni (Gisella), Armando Francioli (Enrico).
Un pauvre pêcheur italien confie ses deux jeunes fils au Français Neroni pour les faire travailler et être exploités dans sa fabrique de verre à Grenoble, tandis que dans les rues, on acclame Napoléon, de retour de l'île d'Elbe (mars 1815). Le petit succombe au travail, son frère aîné rejoint l'armée impériale. D'après le roman Il racconto del piccolo vetraio d'Olympia De Gasperi (1903), filmé aux studios Fert à Turin.
1957Δ Les Misérables / Die Elenden (FR/DE-RDA) de Jean-Paul Le Chanois. – av. Bourvil (Thénardier), Jean Murat (le colonel baron Pontmercy), JEAN-PAUL LE CHANOIS (Napoléon), Jean Gabin (Jean Valjean). – Brève reconstitution des combats à Waterloo lors d’un flash-back dans la première partie de cette grosse coproduction franco-germanique. C’est l’unique adaptation cinématographique de l’œuvre de Victor Hugo qui illustre cet épisode guerrier, filmé en Technirama et Technicolor près de Dessau (Saxe-Anhalt) avec un régiment de l’armée de la RDA et le réalisateur lui-même dans le rôle de Napoléon. Le sinistre Thénardier, qui tient l’auberge « Au sergent de Waterloo » à Montfermeil, est un ancien soldat devenu sergent et médaillé à ladite bataille grâce à la méprise du colonel Pontmercy qui, revenu à lui alors que Thénardier était occupé à le dépouiller (comme il le faisait sur tous les cadavres du champ de bataille), a cru que celui-ci le secourait. De ce fait, la crapule qui risquait le peloton d’exécution pour pillage s’est fait passer pour un bon samaritain.
1957[La Déroute (FR) d’Ado[nis] Kyrou ; 16 min. – av. Jean Servais (récitation). – Patronné par Georges Franju (qui figure au générique comme consultant) et partant d’une idée du pataphysicien Michel Laclos, le surréaliste cinéphile Ado Kyrou se rend sur les lieux de Waterloo pour y revisiter avec une salutaire férocité le poème L’Expiation de Victor Hugo – « morne plaine » devient « morgue plaine » – et dénoncer l’exploitation mercantile de la débandade de l’armée napoléonienne.]
1957*(tv) Le Sacrifice de Madame de Lavalette (FR) de Stellio Lorenzi
« La Caméra explore le temps », Claude Castelot, Alain Decaux, Stellio Lorenzi/Radio-Télévision Française (RTF) (1re Ch. 23.11.57), 87 min. – av. Pierre Mondy (gén. Antoine de Lavalette), Maria Mauban (Émilie de Lavalette-de Beauharnais, son épouse), René Bourbon (Louis XVIII), Alain Nobis (maréchal Auguste de Marmont), Jacqueline Lemaire (Joséphine de Lavalette), Jacques Castelot (Elie Decazes, ministre de la Police), Louis Arbessier (Amable de Baudus), François Vibert (Antoine, comte Ferrand), Blanche Ariel (Mme Bresson), Danjou (Éberle, la sentinelle), Léo Noël (le joueur d’orgue).
Synopsis : Dès qu’il apprend le retour de Napoléon de l’île d’Elbe en mars 1815, le comte Antoine-Marie Chamans de Lavalette (1769-1830), directeur général des Postes de l’Empire, révoqué par Louis XVIII en 1814, reprend ses fonctions et se rend maître de Paris par un coup d’éclat, le 19 mars 1815. Ayant épousé en 1798 une nièce de Joséphine de Beauharnais, Lavalette se considère comme un neveu par alliance de Napoléon ; il reprend contact avec l’ex-reine Hortense, fille de l’impératrice Joséphine. Mais au lendemain de Waterloo, le 9 juillet, il est arrêté chez lui, sous les yeux de sa femme Émilie et de Joséphine, leur fille de 13 ans. Incarcéré à la Conciergerie, il est traduit devant la Cour d’assises pour conspiration et usurpation de fonctions et, le 21 novembre, condamné à mort. Émilie obtient une audience auprès de Louis XVIII, mais le vieux roi reste inflexible. La veille de son exécution, sa femme et son ami Amable de Baudus conçoivent un plan d’une audace folle : au cours de sa dernière visite à la prison, en compagnie de leur fille, Émilie se substitue à lui. Habillé en femme, sa fillette suspendue au bras, sanglotant, le visage masqué par un mouchoir, Lavalette réussit à s’évader. Il se cache pendant 19 jours dans une mansarde du Ministère des affaires étrangères, tandis que 1500 policiers fouillent en vain toute la capitale. Les Bourbons sont ridiculisés. Il quitte Paris le 8 janvier 1816 avec la complicité de trois officiers anglais (dont le général Robert Wilson), gagne la Belgique, puis s’installe en Bavière où il réside six ans, protégé par le clan des Beauharnais. Gracié en 1822, Lavalette rentre à Paris où il retrouve Émilie, dont il n’a jamais eu de nouvelles. Cette dernière a vécu des mois affreux dans la cellule que le maréchal Ney avait occupée avant son exécution ; l’incarcération et la mort de sa fille lui ont fait perdre la raison. Au cours d’une pathétique entrevue, elle ne le reconnaît pas.
Une dramatique dense et bien documentée, présentée par Claude Castelot (suivie d’une conclusion de Castelot et Alain Decaux), enregistrée en noir et blanc dans les studios des Buttes-Chaumont. Le sujet a déjà été traité en 1909, et le sera à nouveau en 1972 sur le petit écran, dans le cadre de la série « Les Grandes Évasions » (cf. infra). Quelques rectifications toutefois : Mme de Lavalette perdit surtout la raison en apprenant la mort de sa fille unique et en découvrant l’infidélité de son mari pour lequel elle avait tant donné ; elle se consola dans les bras du chirurgien qui la soignait. Quant au général britannique Wilson, il participa à l’évasion non pas sympathie pour la cause bonapartiste, mais parce qu’il était scandalisé par le procès inique de Lavalette. Notons que Pierre Mondy (Lavalette) campera Napoléon dans l’Austerlitz d’Abel Gance trois ans plus tard.
1964(tv) Catch as Catch Can / French Cricket (GB) de David Benedictus
« The Wednesday Play » (BBC 30.9.64), 75 min. – av. KENNETH WILLIAMS (Napoléon), David Horne (Louis XVIII), Robert Helpman (Joseph Fouché), Basil Henson (maréchal).
Les Cent-Jours servis au vitriol, d’après La Foire d’empoigne de Jean Anouilh (1962), une pièce créée et mise en scène par l’auteur à la Comédie des Champs-Élysées le 11.10.1962, avec Paul Meurisse dans le double rôle de Napoléon et de Louis XVIII : la confrontation entre l’Empereur, le Bourbon, le policier et un brave jeune homme idéaliste. Une pièce jamais diffusée sur le petit écran en France.
1965[(tv) Les Cent Jours – 1. L’Île d’Elbe – 2. Le Vol de l’Aigle (De Golfe-Juan à Paris) – 3. 80 jours de sursis (De Paris à Waterloo) (FR) de Georges Dumoulin et E. Chenier ; « Présence du passé » (RTF 11.+18.+25.10.65), 3 x 90 min. – Documents et interviews.]
1965[(tv) Waterloo (BE) d’Harry Kümel ; RTB-BRT, 30 min. – av. les voix de Ward Bogaert, Domien De Gruyter, Jef Demedts, Hilde Uytterlinden, Pros Verbruggen. – Documentaire réalisé par le spécialiste belge du cinéma fantastique.]
1967(tv) Waterloo (CZ) de Jirí Belka
Ceskoslovenská Televize (CT2 18.6.67), 99 min. – av. RUDOLF HRUSÌNSKY (Napoléon), Jiri Adamíra (Michel Ney), Otakar Brousek (Jean-de-Dieu Soult), Irena Kacirková (Pauline Borghèse-Bonaparte), Radovan Lukavsky (Joseph Fouché), Jiri Vala (Joseph Bonaparte), Josef Bláha (gén. Georges Mouton de Lobau), Karel Houska (Jean-Baptiste Drouet d’Erlon), Jiri Nemecek (gén. Honoré Charles Reille), Frantisek Smolík (le docteur Jean-Nicolas Corvisart), Zdenek Stepánek (Pierre, un grognard de la Garde), Ludek Munzar (le baron Pierre-Alexandre de Fleury Chaboulon), Miroslav Abrahám, Vladimir Cech, Gustav Nezval, Petr Patera, Karel Vavlík, Svatopluk Skládal, Vladimír Stach.
Dans la nuit du 17 au 18 juin 1815. Napoléon a encore le choix de jouer à quitte ou double en livrant bataille, ou de renoncer à se battre et au pouvoir en abdiquant. Plus guerrier que philosophe, il n’écoute pas les conseils que lui prodigue son entourage ... Une dramatique pacifiste sur la corruption du pouvoir absolu, imaginée par Jirí Sotola. L’interprète de Napoléon, le vétéran Rudolf Hrusínsky (nettement plus enveloppé que l’original), est un des piliers du Théâtre national à Prague. En 1968, il sera réduit au chômage pendant de longues années pour participation active au Printemps de Prague.
1969(tv) Waterloo (DE) de Jirí Weiss
Sender Freies Berlin (ARD 9.10.69), 60 min. – av. ERNST SCHRÖDER (Napoléon), Nadja Tiller (Pauline Borghese-Bonaparte), Heinz Giese (maréchal Michel Ney), Friedrich Schönfelder (maréchal Jean-de-Dieu Soult), Albert Bessler (le comte gén. Jean-Baptiste Drouet d’Erlon), Dietrich Frauboes (gén. Honoré-Charles Reille), Martin Hirthe (Georges Mouton, comte de Lobau), Friedrich W. Bauschulte (Joseph Fouché), Lothar Blumhagen (Jérôme Bonaparte), Alfred Balthoff (Jean-Nicolas Corvisart, médecin), Günter Mack (Pierre Alexandre Fleury de Chaboulon), Eduard Wandrey (Pierre [= Camillo] Borghese).
Une pièce fictionnelle (parue en 1967) du poète et romancier tchèque Jirí Sotola : À la veille du 18 juin 1815, au siège de l’état-major de Napoléon à l’auberge de la Belle-Alliance. Tous les généraux savent que la bataille à venir sera leur dernière et entraînera la fin de l’Empire. Pauline Borghese-Bonaparte apporte ses bijoux à son frère pour qu’il se décide à s’enfuir avant l’aube. Fouché surgit au milieu de la nuit pour le dissuader de livrer bataille. Napoléon, qui a percé à jour la duplicité de son ministre de la Police, s’engage avec lui dans une longue controverse politique, semant la peur et la panique autour de lui pour imposer sa supériorité. Un instant, il songe à se suicider, mais n’en trouvant pas la force, il se jette dans la bataille ... À travers ces échanges imaginaires, Sotola souhaite démontrer comment un tyran peut avoir recours à l’injustice et au meurtre quand il veut survivre à tout prix – une allusion manifeste aux dictateurs fascistes et/ou communistes du XXe siècle, mais sans rapport réel avec le Napoléon historique et la situation militaire de 1815. Considéré comme un provocateur, Jirí Sotola aura d’ailleurs l’interdiction de publier dans le bloc communiste à partir de 1968. La dramatique réunit Ernst Schröder, un des plus prestigieux comédiens de la scène ouest-allemande, et la vedette Nadja Tiller (vamp de l’ère Adenauer) sous la férule du cinéaste praguois Jiri Weiss, l’auteur de l’émouvant Roméo, Juliette et les ténèbres (1960) qui se déroule sous l’occupation nazie. Ayant fui l’invasion soviétique qui a mis fin au Printemps de Prague en 1968, Weiss réalise ce téléfilm de passage en RFA avant de s’exiler pour vingt ans aux États-Unis.
De retour de l’île d’Elbe, Napoléon (Rod Steiger) salue le maréchal Ney dont les soldats l’acclament (Waterloo de S. Bondartchouk, 1970).
1970*** Waterloo (IT/SU/[US]) de Sergueï Bondartchouk
Dino De Laurentiis Cinematografica Soc. An. (Roma)-Mosfilm (Moskva)-[Paramount-Columbia Pictures], 134 min. – av. ROD STEIGER (Napoléon), Orson Welles (Louis XVIII), Christopher Plummer (Arthur Wellesley, duc de Wellington), Jack Hawkins (gén. Sir Thomas Picton), Dan O’Herlihy (maréchal Michel Ney), Terence Alexander (Henry William Paget, Lord Uxbridge), Michael Wilding (Sir William Ponsonby, des Scots Greys), Virginia McKenna (Charlotte Lennox, duchesse de Richmond), Ivo Garrani (maréchal Jean-de-Dieu Soult), Gianni Garko (gén. Antoine Drouot), Eughenji Samoïlov (gén. Pierre Cambronne), Sergej Zakhariadze (maréchal Gebhard Leberecht von Blücher), Philippe Forquet (col. Charles de La Bédoyère), Charles Millot (maréchal Emmanuel Grouchy), Orazio Orlando (Louis Constant), Karl Lyepinsc (Neidhardt von Gneisenau), Giorgio Sciolette (Louis-Alexandre Berthier), Jean Louis (Nicolas-Charles Oudinot), Rodolfo Lodi (Joseph Fouché), Giuliano Raffaelli (maréchal Étienne Macdonald), Valentin A. Koval (col. Arthur McMahon), Boris Molcianov (gén. Henri Gatien Bertrand), Massimo Della Torre (Régis de Cambacérès), Fred Jackson (le prince Guillaume d’Orange [Willem van Oranje]), Vasili Plaksin (gén. Sir Peregrine Maitland), Lev Poliakov (maréchal François Étienne Kellerman), Rino Bellini (Armand de Caulincourt), Viktor Murganov (Lord Fitzroy James Henry Somerset), Filippo Perego (maréchal Laurent de Gouvion-Saint-Cyr), Rupert Davies (Sir Alexander Gordon), Ian Ogilvy (col. Sir William Howe De Lancey), Andrea Checchi (Pierre François Sauret de La Borie), Donal Donnelly (caporal O’Connor), Oleg Vidov (Tomlinson), Charles Borromel (Mulholland), Peter Davies (Lord James Hay), Veronica De Laurentiis (Magdalene Hall), Vladimir Durjnikov (gén. Maurice-Étienne Gérard), Willoughby Gray (major William Norman Ramsay), Roger Green (Duncan), Orso Maria Guerrini (un officier), Richard Heffer (gén. Alexander Cavalié Mercer), John Savident (maréchal Friedrich Karl Ferdinand Freiherr von Müffling), Sergio Testori (baron Jean-Baptiste de Marbot), Colin Watson (McKevitt), Kristian Yanakiyev (Dr. Dominique Larrey, chirurgien-chef), Rostislav Yankovsky (gén. Charles de Flahaut de la Billarderie), Franco Fantasia (major Pierre Delessart), Jeffry Wickham (John Colborne, baron Seaton), Susan Wood (Sarah), Ghennady Yudin (Chactas), Isabella Albonico (Lady Frances Webster), Antonio Anelli (Nicolas François comte Mollien), Camillo Angelini-Rota (docteur Vitrolles), Guglielmo Ambrosi (sergent), Vaclovas Bledis (Colson), Armando Bottin (Legros), Adrian Brine (cpt. Normyle), Paul Butkevich (officier de Wellington), Pietro Ceccarelli (Rumigus), Aldo Cecconi (le comte d’Artois, futur Charles X), Georgi Rybakov (Taylor), Attilo Severini (Boudin), Irina Skobtseva-Bondartchouk (Maria).
Derrière l’alibi de l’Histoire, tous les longs métrages consacrés aux Cent-Jours et à Waterloo ont cherché à tirer la couverture à eux, à placer un discours nationaliste, un éclairage idéologique, à prendre parti de manière plus ou moins directe : en 1913 (Weston), en 1914 (Valente/Danesi), en 1929 (Grune), en 1934 (Saville) et en 1935 (Forzano et Wenzler). Depuis, les horreurs de la Seconde Guerre mondiale ont réduit la gloriole napoléonienne et les creuses clameurs de victoire au silence. La superproduction de Dino de Laurentiis et Sergueï Bondartchouk qui voit le jour trente-cinq ans plus tard est la toute première à ne chercher autre chose qu’un vaste spectacle aux dimensions tragiques, que la restitution sans œillères et la plus fidèle possible d’un événement marquant, décisif de l’histoire occidentale. Cet effort de « neutralité » est sa première qualité.
C’est une rencontre sous l’égide de Tolstoï, la collaboration inattendue et incroyablement fructueuse du producteur du Guerre et Paix italo-américain de 1956 et du réalisateur du Guerre et Paix soviétique de 1967 (cf. pp. 554 et 561). L’idée initiale vient de l’Italien, un Selznick latin toujours à l’affût de sujets amples, surdimensionnés : De Laurentiis songe à son choc des titans depuis dix ans. En juin 1965, l’annonce d’un projet du producteur américain Sam Marx intitulé « The Battle of Waterloo », écrit par Elliott Arnold, avec Richard Burton en Wellington, l’incite à réagir. En un premier temps, il s’associe à Sam Marx et s’assure la collaboration du réalisateur John Huston ; Burton sera Napoléon, Peter O’ Toole son adversaire britannique. La recherche de capitaux et surtout de lieux de tournage avec une figuration et un nombre de chevaux adéquats s’éternise (les centaines de chevaux turcs et yougoslaves prévus ont été réquisitionnés pour La Charge de la brigade légère de Tony Richardson). Huston cherche vainement des partenaires en Yougoslavie, en Turquie, en Roumanie, en Bulgarie, puis jette l’éponge. En novembre 1967, Gillo Pontecorvo (qui vient de triompher à Venise avec La Bataille d’Alger) entre brièvement en lice : De Laurentiis apprécie son sens du réalisme, du reportage cru, un élément indispensable à sa fresque en gestation, mais son radicalisme idéologique gêne. En mars 1968, il trouve enfin le coproducteur idéal, la Mosfilm à Moscou, et l’Ukrainien Bondartchouk, cinéaste de prestige de l’ère Brejnev dont les tableaux de batailles ont beaucoup frappé. L’Armée Rouge est prête à participer, le fabuleux fonds d’uniformes et d’armes utilisés dans Guerre et Paix est à disposition. L’URSS offre un tiers du financement ; De Laurentiis s’assure le reste des capitaux à Hollywood, auprès de la Paramount (distribution du film sur le continent américain) et de la Columbia (le reste du monde). Les coûts finaux – pour 28 semaines de tournage en Panavision et Technicolor – se monteront à 12 millions de £, soit 38,3 millions de $. Le scénario, qui réutilise en partie dialogues, déclamations et commentaires authentiques des protagonistes, est rédigé par Harry Arthur L. Craig, Jean Anouilh (non crédité), Vittorio Bonicelli et Bondartchouk ; Willoughby Gray, le conseiller technique, possède d’abondantes notes qu’a laissées son ancêtre, témoin oculaire des combats. Entre-temps, les stars Burton et O’ Toole ne sont plus libres, une perte pour l’affiche et le box-office ; ils sont remplacés par Rod Steiger et Christopher Plummer, des noms moins connus du grand public. À la dernière minute, Virginia McKenna reprend le rôle de la duchesse de Richmond offert à Olivia de Havilland.
La première heure du film – avant la bataille – est réalisée à partir de mars 1969 dans les immenses studios de Dinocittà à Rome, au palais royal de Caserte à Naples (pour les Tuileries) et au Palais de chasse de Stupinigi à Turin. Armando Nannuzzi est à la caméra (Les Damnés et Ludwig de Visconti), les costumes sont signés Maria de Matteis (Othello d’Orson Welles, Le Carrosse d’Or de Renoir, Guerre et Paix de Vidor), la crème de la profession. Le film s’ouvre sur les adieux pathétiques de l’Empereur à sa Vieille Garde, dans la cour du château de Fontainebleau, le 20 avril 1814, et son départ en exil, après que ses maréchaux l’aient persuadé de l’inutilité de poursuivre la guerre : Marmont, son dernier espoir, a déposé les armes. D’emblée, Bondartchouk prend son temps, scrute les visages, soupèse les silences, expose la gestuelle manipulatrice, mais aussi les émotions réelles du « Petit Caporal », avec quelques inexactitudes pour dramatiser la scène : en fait, lors des débats avec leur maître, le ton des maréchaux resta conforme à l’étiquette, il n’y eut ni cris, ni menaces, ni mutinerie, et encore moins d’abdication immédiate : Napoléon la rédigea plus tard avec ses ministres Caulaincourt et Maret. Dix mois plus tard, c’est le retour du drapeau tricolore. En quelques phrases marmonnées, Orson Welles ébauche un portrait nuancé de Louis XVIII, obèse sceptique mais nullement ridicule ; Ney lui ayant promis de ramener « le loup-garou dans une cage », le monarque juge cette promesse de fanfaron « exagérée, bien typique d’un militaire ». La rencontre avec les troupes royalistes de Ney à Laffrey (7 mars) est dramatique à souhait, laissant apparaître la peur mal contenue de Napoléon, son sens du théâtre, son goût du jeu et de la roulette russe, le gros plan de ses doigts nerveux cachés derrière son dos suivi d’un panoramique sur ses yeux qui tressaillent lorsqu’un officier ordonne de faire feu ... À Grenoble, la foule délire, même un cul-de-jatte au sol, souvenir brutal des guerres précédentes. Napoléon, qui n’aime pas la plèbe depuis la Révolution, ferme les yeux de dégoût lorsque celle-ci le porte aux Tuileries. En quelques touches, ce Waterloo d’une relative impartialité en dit plus, et plus justement, sur l’Empereur qu’une pléiade d’autres films. Tandis que les armes s’affûtent, à Bruxelles, la duchesse de Richmond, bonapartiste de salon, reçoit Wellington, l’idole de la haute société, ainsi que son fringant état-major au fameux bal du 15 juin, événement mondain que le cinéaste plonge dans un luxe sans doute fortement exagéré et où affleure le pressentiment de la mort (un renvoi au poème de Lord Byron, The Eve of Waterloo, 1816).
En été 1969, par une chaleur torride, Bondartchouk reconstitue scrupuleusement l’effroyable mêlée qui scella le sort du Premier Empire. Il déplace ses caméras dans l’oblast de Transcarpatie en Ukraine, entre Mukatchevo, Solotvina et Uzhgorod, non loin de la frontière tchèque (région délicate, une année après le Printemps de Prague), connaissant bien le paysage pour y avoir déjà filmé l’Austerlitz de Guerre et Paix. Il lui importe en introduction de bien exposer visuellement, par de larges mouvements d’appareil, les deux armées qui se font face : Napoléon qui prend position à environ un kilomètre au sud du Mont-Saint-Jean, avec sa puissante artillerie. En face, Wellington qui a déployé son armée sur le plateau du Mont-Saint-Jean, mais fait en sorte que la plupart de ses unités soient invisibles, cachées sur la contre-pente ; son dispositif est renforcé par trois points d’appui constitues de grosses fermes barricadées, Hougoumont, la Haie-Sainte et Papelotte. Ainsi, de la crête de Belle-Alliance à la forêt de Soignes, tous les paramètres topologiques, bien connus des historiens, sont pris en compte. Suivant scrupuleusement les esquisses du décorateur Mario Garbuglia (sept films avec Visconti, dont Le Guépard), les Russes créent deux collines au bulldozer, transplantent 5000 arbres et aménagent la route de Charleroi sur sept kilomètres. L’ensemble des opérations couvre dix kilomètres carrés. Le premier jour de tournage tombe sur le 18 juin, soit exactement le 154e anniversaire de la bataille. Le travail est difficile, la nourriture peu variée (bortsch matin, midi et soir), Bondartchouk ne parle pas un traître mot d’anglais. Le conflit militaire nécessite à lui seul 48 jours de tournage, avec l’appui de 16 000 fantassins de l’Armée Rouge et une brigade entière de cavalerie (1500 hommes), en plus du 1er bataillon des Gordon Highlanders importé exprès d’Écosse ; la milice moscovite prête 350 pur-sang arabes pour les Scots Greys (Royal North British Dragoons), dont la charge tragique est filmée en ralenti, en hommage au tableau Scotland Forever ! de Lady Elizabeth Butler (1881).
Bondartchouk multiplie les angles et possibilités de déplacement de ses cinq caméras, parsème les lieux de tours, de grues, de rails, de câbles suspendus. Il soigne en virtuose une série de panoramiques stupéfiants, glissant d’un plan général des armées à perte d’horizon au gros plan de l’un ou l’autre des commandants adverses. Il passe ainsi sans transition du collectif à l’individuel et inversement, captant au passage mille et un détails qui renforcent le réalisme et dynamisent émotionnellement le récit : la peur au ventre du fantassin, le gobelet d’eau-de-vie, les quolibets et les chants martiaux pour se donner du courage, le tambour et la fanfare ou la cornemuse pour couvrir le sifflement terrifiant des boulets et saoûler la troupe, l’angoisse cachée des officiers, Napoléon caressant discrètement le médaillon de son fils ; le déploiement de l’impressionnante machine de guerre française, rodée dans toute l’Europe ; le flegme feint de la gentry autour du duc de Wellington qui apprécie que son état-major ait des uniformes taillés avec goût et qui, au premier coup de canon, lui souhaite « bonne chasse » (« Good Fox ! »).
Surveillé de près par De Laurentiis, le cinéaste ne répète pas les erreurs de son Guerre et Paix, mais élabore au contraire sa bataille étape par étape, comme une titanesque partie d’échecs entre deux stratèges à l’affût de la moindre faiblesse de l’adversaire. Chacun s’observe à la longue vue, ses pensées en off ; le Français cherche à deviner le sens des manœuvres en face (« cet homme a deux qualités que j’admire, courage et prudence ») ; l’Anglais mesure ébloui (« par Dieu, cet homme fait honneur à la guerre ... ») l’envergure mythique de son ennemi qu’il voit cavaler de très loin, acclamé par ses grognards, et qu’il n’a jusqu’à ce jour jamais affronté personnellement, ni même vu. Il rappelle à ses officiers la chance exceptionnelle qu’ils ont d’être là, même si ce « voleur de l’Europe » n’est « pas un gentleman ». Une occasion aussi de juxtaposer l’exubérance latine au flegme britannique (Lord Uxbridge, en esquissant une grimace : « By God, ma jambe a été arrachée ! » – Wellington, se penchant : « By God, vous avez raison ! »). L’affrontement s’intensifie progressivement – Ponsonby et ses Scots Grey sont anéantis par les lanciers dans un silence de mort, Wellington perd son intendant-général De Lancy sous ses yeux, la ferme de Hougoumont est ravagée par les flammes – pour aboutir à un carnage sans nom. Celui-ci culmine visuellement avec la charge suicidaire des 40 escadrons de Ney contre les carrés de fusiliers anglais, écossais, hollando-belges, hanovriens, brunswickois et nassauviens à Mont-Saint-Jean, filmée en hélicoptère. La perspective olympienne qu’offre à ce moment la caméra, une vue à couper le souffle, transcende l’inévitable fascination de la chorégraphie militaire pour révéler, par la distance prise, toute la folie et l’absurdité du massacre ; un fantassin anglais isolé jette son fusil et hurle au désespoir (« why, why ? »), tandis que les violons de Nino Rota et les nuages de poudre étouffent le vacarme de la tuerie. Puis arrivent les hussards noirs de Blücher qui ont l’ordre de ne montrer aucune pitié et de ne pas faire de prisonniers ; Ney, le tourmenté, cherche vainement la mort ; Napoléon aussi, mais il est éloigné de force par ses proches, tandis que l’héroïque Vieille Garde (« Merde ! ») périt déchiquetée par la grenaille. « Excepté une bataille perdue, il n’y a rien de plus triste qu’une bataille gagnée », murmure Wellington en traversant, à la fin, un véritable paysage de cauchemar jonché de 45 000 tués ou blessés. Trempé par la pluie, vautré en état de choc au fond de sa berline, Napoléon disparaît dans la nuit.
Au Wellington élégant, excentrique, hautain (il méprise ses hommes, pour lesquels « le gin tient lieu de patriotisme ») et secrètement inquiet campé par le très britannique Christopher Plummer, le film oppose un Napoléon assez inusité de Rod Steiger, loin des poses emblématiques qui ornent manuels scolaires et les galeries du Louvre. Formé chez Elia Kazan à l’Actor’s Studio new-yorkais, il approche son personnage de l’intérieur pour donner du grand perdant une image peut-être excentrique mais néanmoins crédible : en bout de course, vieilli, indécis, colérique, bouffi, transpirant, son Napoléon lunetteux et mal rasé est victime d’un malaise en pleine échauffourée. Steiger a longuement étudié le rapport de l’American Medical Association basé sur l’autopsie de l’Empereur qui aurait vraisemblablement souffert d’un cancer de l’estomac, d’hémorroïdes, du blocage partiel du canal urinaire, d’ulcères perforés et de troubles hépatiques. L’acteur cherche à donner l’image « d’un homme dont le corps se décompose mais dont l’esprit refuse de mourir ». Un tour de force qui dérape parfois dans le cabotinage : Steiger n’est pas aisé à diriger (de surcroît déprimé par son récent divorce d’avec Claire Bloom) et les mauvaises langues racontent que Waterloo ne fut rien en comparaison de la bataille que se livrèrent certains jours Bondartchouk et sa star ... derrière la caméra ! « On ne peut pas diriger une explosion, dira le cinéaste, et Steiger est une explosion. » Néanmoins, son Napoléon évoque bien un homme formidablement volontaire, à l’ego hypertrophié mais capable d’indéniable grandeur (« La France, c’est moi ! Je suis la France », hurle-t-il dans un accès de rage en avril 1814). Il n’est pas sûr qu’un Richard Burton aurait eu l’étoffe d’en faire autant.
Hélas, en dépit du déploiement somptueux mis en œuvre, Waterloo est un échec cuisant au box-office. Alors que le film remplit les salles en URSS et est applaudi chaleureusement à Londres, l’avant-première à Paris est un fiasco. La francophonie en général s’abstient : on n’aime ni les défaites ni Rod Steiger, les héritiers du bonapartisme récusent l’éclairage distancié de Bondartchouk, qui estime qu’à Waterloo, « il n’y a pas eu de vainqueurs, seulement un vaincu », et que pour lui, « un film sur la guerre est nécessairement un film contre la guerre » (Focus on Film no. 4, 1970). Un premier DVD en français du film ne paraît qu'en 2015. (Pourtant, le seul protagoniste qui n’y est guère flatté est Blücher, un « schleu » vindicatif et sanguinaire !) De manière générale, l’œuvre sort à un moment peu propice de contestations estudiantines, de bouleversements culturels et sociétaux, de révisionnisme iconoclaste, donc foncièrement opposé à toute production de ce type. Aux États-Unis (où l’intérêt pour l’histoire européenne est très relatif quand elle ne se prête pas aux distorsions familières et qu’elle n’est pas représentée par de grandes stars), le film engrange à peine 1,4 million de dollars, soit moins d’un 30e de ses coûts. Un malheur ne venant jamais seul, l’échec du film entraîne l’annulation par la MGM du mégaprojet « Napoléon » de Stanley Kubrick. Aujourd’hui, quels que soient les sentiments que l’on puisse nourrir à l’égard de ce genre de spectacle, il faut bien admettre que jamais bataille ne fut évoquée de manière aussi adéquate et aussi grandiose à l’écran. De surcroît sans infographie digitale. À redécouvrir impérativement.
Le film décroche les prix BAFTA 1971 pour les décors et costumes, et une nomination pour la photo ; le prix David di Donatello 1971 à De Laurentiis pour le meilleur film (ex aequo avec Le Jardin des Finzi-Contini et Le Conformiste), nomination au prix du Syndicat italien des critiques de cinéma pour la photo. – Nota bene : selon des bruits non vérifiés, la version exploitée en URSS durerait plus de 3 heures et comprendrait aussi des images des combats de la Garde contre les Prussiens de Blücher à Plancenoit.
1972(tv) Le Comte de Lavalette / Il conte di Lavalette (FR/BE/CH/IT/HU) de Jean-Pierre Decourt
Série « Les Grandes Évasions historiques / Les Évasions célèbres » no. 2, Cyril Grize/ORTF-Société Nouvelle Pathé Cinéma-RTB-SSR-Difnei Cinematografica-Hungarofilm (TF1 13.3.72), 55 min. – av. Robert Etcheverry (gén. Antoine de Lavalette), Mariane Comtell (Émilie de Lavalette-de Beauharnais), PIERRE MASSIMI (Napoléon), Sylvie Favre (Joséphine de Beauharnais, tante d’Émilie), Brigitte Perin (la jeune Joséphine de Lavalette), Jean-Paul Cisife (l’homme en noir), Jean-Paul Moulinot (Louis XVIII), Jeanne Colletin (Marie-Thérèse Charlotte de France, duchesse d’Angoulême), Marthe Alycia (princesse de Vaudremont), Annick Alane (comtesse Ferrand), Fernand Guiot (Joly, préfet de police), Hubert de Lapparent (Joseph Fouché, duc d’Otrante), Marco Perrin (le provocateur) Raoul Billeret (Amable de Baudus), Yves Bureau (Éberle, la sentinelle), Guy Delorme (gén. Jean-Pierre Piat), Jean-Pierre Moreux (le duc Élie Decazes, ministre de la Police), Olivier Oll (le greffier).
Synopsis : En mars 1815, Antoine de Lavalette, l’ancien aide de camp de Napoléon en Italie et en Egypte, reprend son ministère aux Postes impériales et sauve son prédécesseur, le comte Ferrand, de la vindicte bonapartiste. Il se remémore ses années de jeunesse avec Bonaparte et Joséphine de Beauharnais dont il épousa la nièce, Émilie de Beauharnais. Après Waterloo, Napoléon demande à Lavalette de l’accompagner en exil aux États-Unis, mais celui-ci refuse de laisser seule Émilie, qui est enceinte et malade. Fouché fait signer sa condamnation à mort par Louis XVIII. Amable de Baudus organise l’évasion du condamné avec la complicité d’Émilie, qui prend sa place dans le cachot à la veille de l’exécution. Pour plus de détails, cf. supra, Le Sacrifice de Madame de Lavalette, téléfilm de 1957. Un épisode écrit par Claude Brulé, platement réalisé en Eastmancolor aux studios Éclair à Épinay-sur-Seine et en extérieurs à la Malmaison (Napoléon et Joséphine).
1972(tv) A Soldier’s Farewell (GB) de David Croft
Série « Dad’s Army », saison 5, épis. 3 (BBC 13.10.72), 30 min. – av. ARTHUR LOWE (Napoléon / cpt. Mainwaring), John Le Mesurier (Arthur Wellesley, duc de Wellington), Colin Bean (Michel Ney), Joy Allen (Maria Walewska), Clive Dunn (caporal français), John Laurie (col. Alexander Gordon), James Beck (cpt. Gerald, cavalier français), Arnold Ridley (artilleur français), Ian Lavender (tambour français), Bill Pertwee (officier anglais), Robert Gillespie (Charles Boyer jouant Napoléon), Joan Savage (Greta Garbo jouant Maria Walewska).
Épisode comique du sitcom britannique « Dad’s Army » : stationnés à Walmington-on-Sea, le capitaine Mainwaring et ses hommes vont au cinéma et regardent le film Conquest (Maria Walewska) avec Charles Boyer et Greta Garbo (cf. p. 62). Plus tard, après un repas indigeste, Mainwaring rêve qu’il est Napoléon à Waterloo ; la « morne plaine » est couverte de brouillard, Napoléon se rend à Wellington qui lui demande ses papiers d’identité, puis s’embarque pour l’île d’Elbe (sic) avec Maria Walewska.
1977(tv) Waterloo, 1815 (FR) de Jacques Dupont
Série « Grandes batailles du passé » d’Henri de Turenne et Daniel Costelle; RTF-Pathé (FR3 4.2.77), 53 min. – Interviews, documents, extraits de films et reconstitution partielle.
1979(tv) Le Dernier Choix du maréchal Ney (FR) de Maurice Frydland
« Les Dossiers de l’écran » (A2 5.6.79), 75 min. – av. Georges Géret (maréchal Michel Ney), Pierre Gualdi (Louis XVIII), Pierre Arditi (Octave LeVavasseur, aide de camp), Jean-Marie Bernicat (gén. Louis de Ghaisne de Bourmont), François Dyrek (gén. Claude Jacques Lecourbe), Maurice Jacquemont (marquis de Sorans, maréchal de Camp), Yvon Sarray (M. Boulouze, de Lyon), Marius Larey (l’aubergiste de la Pomme d’or), Jacques Lalande (Capelle), Raymond Jourdan et Max Douchin (émissaires de Napoléon).
Synopsis : Le 7 mars 1815 aux Tuileries, Louis XVIII somme la maréchal Michel Ney, surnommé « le brave des braves » et rallié à la monarchie restaurée l’année précédente, d’arrêter Napoléon qui vient de débarquer à Golfe-Juan. Nommé pair de France et comblé d’honneurs par le roi, l’ancien prince de la Moskowa est en revanche unanimement méprisé par les aristocrates et anciens émigrés en raison de ses origines modestes. Malgré les avanies subies par son épouse à la cour des Bourbons, Ney se flatte de ramener à Paris « l’usurpateur » dans une cage de fer et installe son quartier général à l’auberge de la Pomme d’or, à Lons-le-Saunier. Dans la nuit du 13 au 14 mars, alors qu’il est sans nouvelles ni directives de Paris et qu’un vent de défection souffle même dans son entourage, il se rallie à Napoléon qu’il rejoint à Auxerre. À Waterloo, où il commande la formidable charge de cavalerie contre les carrés de Wellington, le maréchal cherche en vain à se faire tuer (cinq chevaux sont tués sous lui) : il tombera sous les balles françaises le 7 décembre 1815, après avoir été placé par Fouché au haut d’une liste d’officiers à fusiller pour trahison. – Alain Decaux adapte ici les Souvenirs militaires d’Octave LeVavasseur (1781-1866), aide de camp du maréchal, publiés en 1914 par son petit-fils, mais également les minutes du procès de Ney. Une dramatique sans séquences spectaculaires qui adopte et conserve un parti pris d’intimisme afin de suivre l’évolution psychologique de Ney et traiter ainsi des problèmes de conscience et de choix à la fois politiques et humains.
1979Δ (tv) Le Coup d’État du 2 décembre (FR) Jean Delannoy ; série « Les Grandes Conjurations » (FR3 6.1.79), 90 min. – av. Michel Duchaussoy (Louis-Napoléon Bonaparte), Jeanne Colletin (la reine Hortense de Beauharnais), JEAN-LAURENT COCHET (Napoléon). – Dans l’épisode introductif de ce téléfilm, le petit Louis-Napoléon (futur Napoléon III) rencontre son oncle de retour d’Elbe, en 1815.
1979(tv) La Magouille (FR) de Jacques Fabbri (th) et Pierre Sabbagh (tv)
« Au théâtre ce soir » (TF1 26.10.79), 2h05 min. – av. Jacques Fabbri (César Gonfaron), Claudine Collas (Joséphine Gonfaron), Jacques Castelot (le commissaire du Roi), Guy Delorme (le colonel d’Empire), Claude Leblond (Ferdinand), Jean-Simon Prévost (Francis).
Synopsis : Le 1er mars 1815 dans un village provençal, le jour même du débarquement au Golfe-Juan de Napoléon, de retour de l’île d’Elbe. S’installent alors, comme dans le restant de la France, la grande peur et la grande chasse aux royalistes, qui eux-mêmes avaient précédemment organisé la persécution des impériaux. Les déchirements idéologiques se déroulent sous l’œil du gendarme César Gonfaron, fidèle défenseur de l’ordre, quel que soit le régime politique auquel il obéit : les gouvernements passent, la police reste. Gonfaron doit à nouveau changer de camp et arrêter ceux qui, hier, étaient ses amis ; à ce problème s’ajoute la découverte que sa femme le trompe ... Captation de la pièce La Magouille ou la Cuisine française de Pierre-Aristide Bréal (auteur de Les Hussards), comédie en 2 parties créée en 1977 au Théâtre Marigny à Paris par la Compagnie Fabbri. Comédien et metteur en scène, Jacques Fabbri s’est fait connaître au petit écran dans la télésérie Schulmeister, espion de l’Empereur (1971) (cf. p. 155).
1981/82Δ (tv) La Chartreuse de Parme / La certosa di Parma / Die Kartause von Parma (FR/IT/DE) de Mauro Bolognini. – av. Andrea Occhipinti (Fabrice Del Dongo), Georges Wilson (le prince de Parme), Nelly Borgaud (le princesse de Parme). – Le roman de Stendhal (1839) traduit à la télévision en 6 fastueux épisodes de 55 minutes. Le deuxième épisode se déroule en grande partie à Waterloo en 1815 (quelques plans de bataille sont extraits du Waterloo de Sergej Bondartchouk, 1970) où Fabrice del Dongo est témoin de la défaite de son idole. Tournage à Torrogno et Colorno (Emiliano Romagnola).
Nota bene : la version cinématographique de 1947, signée Christian-Jaque, avec Gérard Philipe et Maria Casarès, fait l’impasse sur Waterloo. En fait, la séquence guerrière a été tournée près de Rome, puis coupée au montage, le film étant déjà trop long.
1983(tv) The Battle of Waterloo (GB) de Robin Midgley
Programme « Live from Pebble Mill », Robin Midgley, Dawn Robertson/BBC Pebble Mill (BBC2 13.2.83), 50 min. – av. Warren Clarke (Slewpot), David Atkins (Bamber), Peter Benson (Sniffer), Dai Bradley (Ferris), Martin Carthy (Wolfhound), Godfrey James (sgt. Crow), William MacBain (caporal Ross), Paul Russell (le tambour Dibbs), John Standing (cpt. Leith), Lynne Miller (l’enseigne de Vere), Norman Rossington (le vieux sergent), Eileen Bell (Mrs. Bamber), Vicky Ogden (Polly Dripping), Pegger Aitchison (Woman Looter), Morris Perry (gén. Sir Peregrine Maitland), Michael Culver (Arthur Wellesley, duc de Wellington), EWAN HOOPER (Napoléon).
Une pièce de Keith Dewhurst retraçant diverses anecdotes à propos de Waterloo, filmée « live » aux BBC Pebble Mill Studios à Birmingham. Martin Carthy chante la ballade The Eighteenth Day of June d’Henry Burstow (1905). L’ensemble restitue le point de vue du simple troupier retranché à l’intérieur des carrés subissant l’assaut de la cavalerie de Ney et la lamentation des soldats survivants au soir de la bataille.
1990*(tv) Napoléon et l’Europe – 6. La Reddition (FR/DE/PT/ES/PL/BE/CA) de Francis Megahy
Télécip-La Sept-France 3-Filmów Telewizyjnych Poltel-Zespol Filmowy « Tor »-3SAT-TVE-RTP (La Sept 9.11.90 / FR3 15.2.91), 52 min. – av. JEAN-FRANÇOIS STÉVENIN (Napoléon), Alain MacMoy (Emmanuel de Las Cases), Philippe Bouclet (Armand de Caulaincourt), James Faulkner (cpt. Frederick Lewis Maitland), Bruno Madinier (Lucien Bonaparte), Jacek Domanski (Joseph Bonaparte), Jerzy Kryszak (Joseph Fouché), Eugeniusz Priwieziencew (gén. Anne-Jean Savary), Liliana Komorowska (Hortense de Beauharnais), Ewa Wisniewska (Fanny Bertrand), Krzysztof Kalczynski (gén. Henri Gatien Bertrand), Leon Niemczyk (amiral George Elphinstone, Lord Keith), Jacek Borkowski (ltn. gén. Sir Henry Bunbury), Andrzej Chichlowski (Le Boucholeur), Krzysztof Stroinski (comte Antoine Marie Chamans de Lavalette), Kazimierz Meres (Régis de Cambacérès), Wlodzimierz Sar (Martin), Michal Aniol (comte Charles-Tristan de Montholon).
Synopsis : Le 21 juin 1815, Napoléon revient épuisé de Waterloo, talonné par les Anglais et les Prussiens, tandis que les Autrichiens et les Russes s’approchent des frontières. Caulaincourt, son Grand écuyer, et le comte Lavalette lui font part de l’agitation de ses opposants à la Chambre des députés (dirigés par Fouché), qui exigent son abdication. Ses frères Lucien et Joseph lui suggèrent de dissoudre la Chambre. En un premier temps, l’Empereur expose en conseil des ministres un plan de résistance visant à fortifier Paris contre l’avance des Russes et des Autrichiens. Puis, réalisant que si le peuple le soutient, la bourgeoisie en revanche l’abandonne, Napoléon décide d’abdiquer pour éviter une guerre civile. Fouché lui conseille de fuir vers les États-Unis à bord d’un bâtiment militaire français ancré à Rochefort, un piège. Sur place (3 juillet), il attend en vain les sauf-conduits que Fouché lui a promis, car celui-ci compte en fait le livrer aux royalistes. Las Cases et Savary sont envoyés sur une frégate anglaise croisant au large de Royan pour négocier la fuite de Napoléon ; finalement réfugié sur l’île d’Aix, Napoléon se rend aux Anglais à la suggestion du capitaine Maitland et dans l’espoir de trouver un asile paisible en Grande-Bretagne. Mais le gouvernement britannique en a décidé autrement : fin juillet, Lord Keith, du Ministère de la guerre, l’informe qu’il sera assigné à Sainte-Hélène. Comprenant qu’il est piégé, Napoléon proteste, évoque le suicide, puis, résigné, fait part à Las Cases de son projet d’écrire ses Mémoires. Celui-ci donnera forme au Mémorial de Sainte-Hélène, qui paraîtra après la mort de l’Empereur, en 1823, et deviendra le bréviaire des écrivains romantiques et de tous les bonapartistes du XIXe siècle. – Dernier épisode d’une série européenne extrêmement instructive, multipliant avec une indéniable application les éclairages sur le phénomène napoléonien tel qu’il fut perçu à travers le continent et abordant les événements pas ou rarement traités à l’écran (cf. p. 28).
1992**Le Souper – Le Vice au bras du Crime (FR) d’Édouard Molinaro
Yves Rousset-Rouard/Trinacra-Parma Films-France 2 Cinéma-Canal Plus, 90 min. – av. Claude Brasseur (Joseph Fouché), Claude Rich (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Ticky Holgado (Jacques Massoulier, valet), Yann Collette (Jean Vincent, valet), Alexandra Vandernoot (Dorothée de Courlande, duchesse de Dino, nièce de Talleyrand), Stéphane Jobert (le cuisinier Antonin Carême), Lionel Vitrant (l’homme à la torche), Alexandre Brasseur et Didier Cauchy (des badauds) et la voix de Michel Piccoli (François René de Chateaubriand).
Synopsis : Paris, au soir du 6 juillet 1815. Après Waterloo, la capitale est occupée pour la deuxième fois par les troupes alliées victorieuses, la population est divisée, nerveuse ; la rue gronde, au bord de l’insurrection ; la Chambre a proclamé l’Aiglon empereur et Marie-Louise régente ; Napoléon est à Rochefort d’où il songe à s’enfuir, tandis que Louis XVIII, de retour de Gand mais bloqué à Saint-Denis, hésite à s’installer aux Tuileries. En sortant d’une réception chez le duc de Wellington, Talleyrand invite Fouché, président du gouvernement provisoire, pour un souper dans son hôtel particulier de la rue Saint-Florentin afin de discuter de l’avenir du pays. Le cuisinier Carême prépare quelques plats succulents pour l’occasion (« à votre table, on ne peut pas songer à changer de régime ! »). Appuyé par les puissances alliés, Talleyrand défend la cause des Bourbons (« l’avenir d’aujourd’hui est au passé ») ; Fouché, lui, prône le retour à une République « assagie », c’est-à-dire libérale, un Directoire dont il dirigerait le gouvernement avec le soutien de ses complices jacobins et de la Garde nationale. Manipulée par ses agents, la foule vociférante jette des cailloux et braille la Carmagnole devant le palais. Les deux hommes d’État ont besoin l’un de l’autre : Talleyrand compte sur l’autorité de Fouché pour juguler la colère du peuple et permettre à Louis XVIII d’entrer à Paris (« Avec une bonne police, il ne peut y avoir qu’un bon gouvernement puisque personne n’ira jamais dire qu’il est mauvais »). Jadis artisan de la Terreur (les Lyonnais massacrés sous la Convention), Fouché ne peut obtenir que par Talleyrand le pardon du roi pour son vote régicide de 1793, mais en même temps, il tient la preuve écrite du rôle de son adversaire en tant qu’instigateur de l’exécution du duc d’Enghien en 1804 ; le pauvre duc, cousin du roi, était inoffensif et Talleyrand n’a agi que par jalousie ou machiavélisme personnel. Le chef de la police détient en outre à son sujet un important dossier révélant sa corruption et ses malversations financières. Tout en échangeant avec lui des propos plus confidentiels sur leurs difficiles enfances respectives, Fouché manifeste sa répugnance pour l’aristocrate dégénéré qu’est son hôte au pied bot (il couche avec sa nièce de 40 ans sa cadette), tandis que ce dernier ne peut cacher son mépris pour la basse extraction de cet infâme fouineur professionnel qui a même soudoyé ses propres valets. En moins de deux heures, Talleyrand va convaincre Fouché que la Restauration est la meilleure solution pour l’État et accessoirement pour leurs carrières respectives. L’orage gronde sur la capitale et la pluie (qui « est contre-révolutionnaire » constate Talleyrand) a dispersé le peuple. Le diplomate et le policier trinquent « au néant », « à l’inutilité de l’Histoire » et « à l’avancement de nos affaires ».
Le lendemain, Talleyrand, prince de Bénévent, et Fouché, duc d’Otrante, les deux fripouilles les plus riches de France, se rendent ensemble à Saint-Denis pour rencontrer leur nouveau maître. Dans ses Mémoires d’Outre-tombe, Châteaubriand (voix off) commente la scène : « Tout à coup, une porte s’ouvre : entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime, M. de Talleyrand marchant soutenu par M. Fouché ; la vision infernale passe lentement devant moi, pénètre dans le cabinet du roi et disparaît. Fouché venait jurer foi et hommage à son seigneur ; le féal régicide à genoux, mit les mains qui firent tomber la tête de Louis XVI entre les mains du frère du roi martyr ; l’évêque apostat fut caution du serment. »
Le 9 juillet, Fouché deviendra ministre du roi ; trois mois plus tard, n’ayant plus besoin de lui, Louis XVIII le destituera et le nommera ambassadeur à Dresde. Il mourra en exil en 1820 dans la misère et la solitude. Talleyrand lui survivra de dix-huit ans, couvert d’honneurs et choyé par la tendre duchesse de Dino. Cette tumultueuse rencontre au sommet, ce face à face feutré et brutal entre deux des plus fieffés coquins de l’Histoire de France est inventé, mais parfaitement crédible. Après de longues recherches, Jean-Claude Brisville en fait une pièce, créée en 1989 au Théâtre Montparnasse à Paris (dans une mise en scène de Jean-Pierre Miquel) et qui obtiendra le Molière 91 du meilleur spectacle. Le brio du texte, la subtilité et l’intelligence des dialogues ainsi que l’interprétation fabuleuse de Claude Rich et Claude Brasseur en font un triomphe immédiat : la pièce est jouée près de 600 fois à guichets fermés, pendant trois ans (à Paris comme en tournée). Fasciné, le producteur Yves Rousset-Rouard parvient à convaincre Brisville, Rich et Brasseur de prolonger son succès en s’adressant à un public plus large encore, sur grand écran, et en confie la tâche à son ami Édouard Molinaro. Le tournage a lieu à l’Hôtel de Sagan, résidence de l’ambassadeur de Pologne à Paris, rue St. Dominique (près des Invalides). Le résultat n’a rien du « théâtre en boîte » : artisan aguerri, Molinaro ne se contente pas de filmer la pièce en aérant quelque peu l’espace scénique (la foule sous les fenêtres, l’intervention des hussards prussiens, les valets qui écoutent aux portes, Carême à la cuisine, les musiciens à l’étage, la jolie nièce du diplomate qui attend timidement dans l’ombre, etc.). Évitant les usuels champs contre-champs, il resserre au contraire, par de longs plans séquences éclairés à la bougie, l’objectif sur ses protagonistes ; sa caméra scrute leurs yeux comme pour mieux en percer le mystère, les silences, les douleurs, de secrètes fragilités (chez Talleyrand, son handicap physique, l’abandon de sa mère, puis de toute sa famille), faisant ainsi apparaître « l’angoisse de ces deux grands politiques à jamais insatisfaits, tellement tendus vers le pouvoir qu’ils sont comme absents d’eux-mêmes » (Télérama, 23.12.92). De marchandages odieux en chantages cyniques, les deux comédiens paraissent autres que sur scène, tant ils ont recréé de l’intérieur leur jeu pour la caméra indiscrète. Tous deux sont pathétiques et pitoyables. Poudré, hautain, raffiné, le regard fixe, Claude Rich a les emportements calculés, tandis que Claude Brasseur, loubard de salon rusé et sanguin (avec « quelque chose d’hivernal » en lui) semble connaître sa force mais ignore les manières du beau monde. Ce huis clos féroce sous les dorures et le brocard baigne dans une lumière tamisée, voluptueuse, et de splendides décors de François de Lamothe. Bref, un régal. Le film vaut à Claude Rich le César du meilleur acteur et remporte aussi celui des meilleurs costumes (Sylvie de Segonzac). – Nota bene : Brasseur incarnera Napoléon au théâtre dans la pièce suivante de Jean-Claude Brisville, La Dernière Salve (1995), consacrée à l’exil à Sainte-Hélène. – US : The Supper, IT : La cena con il diavolo.
1992(vd) The Campaigns of Napoleon : 1815 – The Battle of Waterloo (Les grandes batailles de l’Histoire : Napoléon – Waterloo) (GB) de Bob Carruthers, Asif Zubairy
Bob Carruthers/Cromwell Productions Ltd. (Stradford u. Avon), 55 min. – av. Simon Kirk (cpt. Mercier, Royal Horse Artillery), Robert Powell (commentaire). – Docu-fiction avec brèves reconstitutions (68th Regiment of Foot) en Roumanie, extraits de longs métrages (Guerre et Paix et Waterloo de Sergej Bondartchouk) et commentaires d’historiens.
1993Δ (tv) The Scarlet and the Black (Le Rouge et le Noir) (GB) de Ben Bolt ; Rosalind Wolfes/BBCtv (BBC1 31.10.+7.11.+14.11.93), 3 x 75 min. – av. Ewan McGregor (Julien Sorel), Rachel Weisz (Mathilde), CHRISTOPHER FULFORD (Napoléon), Jeremy Young (Arthur Wellesley, duc de Wellington), Giles Taylor (Prosper Mérimée). – L’unique adaptation à l’écran de Le Rouge et le Noir de Stendhal où apparaissent Napoléon et Wellington, dans le contexte de la bataille de Waterloo évoquée par Julien Sorel (Livre deuxième du roman, chap. XXII). Un téléfilm nominé aux BAFTA Awards 1994 pour les décors et la photo.
1995(vd) Les Cent Jours et Waterloo (FR) de Jean-Paul Sfez
Voir Association, 150 min. – av. PHILIPPE SCLAUBAS (Napoléon). – Documentaire et reconstitutions sur place des combats, heure par heure, à l’occasion de la 180e commémoration de la bataille, événement auquel assistent 200 000 spectateurs. Le champ de bataille est boueux après une nuit pluvieuse, comme en 1815. Le cinéaste J.-P. Sfez profite de la présence à Waterloo de quelque 3000 soldats amateurs (dont 200 cavaliers) habillés en costumes d’époque et venus du monde entier : des passionnés d’histoire napoléonienne belges, britanniques, allemands, russes, français, néerlandais, italiens, lettons, tchèques, américains et canadiens ! Par vénération pour Napoléon, raconte la presse, une dizaine d’Anglais avaient été jusqu’à revêtir des costumes du 21e régiment français. L’Empereur est campé par un instituteur belge retraité de 60 ans. (Scénario de Pierre Simon.)
1996[(tv) Waterloo (FR) de Jacques Dupont ; série « Les grandes batailles du passé », Henri de Turenne, Danielle Costelle (FR5 14.6.96), 57 min. – Documentaire avec extraits de films de fiction.]
1997® (tv) Sharpe’s Waterloo (GB) de Tom Clegg. – av. Sean Bean (ltn.-colonel Richard Sharpe), Hugh Fraser (Sir Arthur Wellesley, duc de Wellington), Paul Bettany (le prince Guillaume/Willem d’Orange), RON COOK (Napoléon), Oliver Tobias (Jean Victor baron Constant de Rebecque), Neil Dickson (Henry Paget, Lord Uxbridge). – Lorsque Napoléon quitte l’île d’Elbe, Sharpe reprend du service. Promu lieutenant-colonel, Sharpe est embrigadé dans les 5e Dragons légers, une unité sous le commandement du prince Guillaume d’Orange, un incapable notoire qui conduit par trois fois ses hommes à la boucherie, stupidement massacrés par la cavalerie de Ney à Quatre-Bras, puis lors de la défense désespérée de la ferme de la Haie-Sainte, clé des positions alliées. Sharpe refuse de lui obéir, assiste à sa mort (tué par un fusilier anglais) et tient tête à la Garde impériale. Son rêve d’apercevoir une fois, ne fût-ce que de loin, Napoléon (« Boney ») après sept ans de guerre se réalise enfin au moment de la retraite française... – Les quelques épisodes de Waterloo sont reconstitués avec un certain réalisme et des moyens inhabituels pour la série (quelque 500 figurants) en Turquie, grâce à l’assistance de la Pan-Film d’Istanboul. Notons qu’historiquement, la Sainte-Haie fut effectivement défendue par la King German Legion aux ordres du major Baring, vétéran d’Espagne, et, pour les soutenir, par deux compagnies du 95e Rifles qui prirent position dans la sablonnière à l’est de la chaussée (cf. p. 298).
1999(tv) Blackadder Back & Forth (GB) de Paul Weiland
« Millenium Special », New Millenium Experience Co.-Sky Television-Tiger Aspect Productions (Sky 6.12.99), 33 min. – av. Rowan Atkinson (Lord Edmund Blackadder), SIMON RUSSELL BEALE (Napoléon), Stephen Fry (duc de Wellington), Simon Osborne (William Pitt), Tony Robinson (Baldrick).
Burlesque déjanté, style « bête et méchant » : ayant construit une machine à explorer le temps, la Vipère noire (Lord Blackadder] sème la pagaille à chaque époque qu’il visite et désorganise le cours de l’Histoire. Dans cet épisode final – et le moins réussi – de la saga irrévérencieuse des Blackadder, filmé aux studios de Shepperton et à Wrotham Park à Barnet (Hertfordshire), les protagonistes s’égarent sur le champ de bataille de Waterloo. Blackadder tue accidentellement Wellington à la veille de l’affrontement. Quand il retourne dans l’avenir, au XXe siècle, il constate avec effroi que la Grande-Bretagne est envahie par la culture française, car Napoléon a gagné, et il se dépêche de retourner dans le passé pour s’assurer que Wellington survit à ses blessures ! Épisode nominé au BAFTA Award 2001 dans la catégorie « meilleure comédie ».
1998Δ Le Radeau de la Méduse (FR) d’Iradj Azimi. – av. JEAN-FRANÇOIS BALMER (Napoléon), Jean Yanne (cdt. Hugues Duroy de Chaumareys), Daniel Mesguich (ltn. Coudein). – Le 8 juillet 1815, la frégate « La Méduse », le navire le plus rapide de la flotte française, se trouve en rade à Rochefort, prêt à appareiller pour permettre à Napoléon et à ses proches de s’enfuir en Amérique du Nord. La frégate anglaise « Agamemnon » déjoue ces plans ; Napoléon abandonne son projet de fuite et se constitue prisonnier sur le « HMS Bellerophon ». Un an plus tard, « La Méduse » fera naufrage au large de la Mauritanie, tragédie qui inspirera à Théodore Géricault son célèbre tableau.
2000Sabotage ! (A Funny Thing Happened on the Way to Waterloo) / ¡ Sabotaje ! (ES/FR/GB) d’Esteban et José Miguel Ibarretxe
Ibarretxe & Co.-Sociedad Kino Visión-Ciné B-Pathé-Spice Factory-Euskal Telebista-TVE-Via Digital, 97 min. – av. DAVID SUCHET (Napoléon), Stephen Fry (Arthur Wellesley, duc de Wellington), Alexandra Vandernoot (Lady Edwina), Dominique Pinon (maréchal Hugo Armani), Jim Dunk (cpt. Clochard), Gerardo Post (maréchal Gebhard von Blücher), Jason Watkins (cpt. Worplesdon), Santiago Segura (Cyrille Léotard), Juan Inciarte (chirurgien), Angus Barnett (Marvin), Tony Bluto (Zebedee), Valentine Pelka (hussard prussien), Robin Soans (George III d’Angleterre), Michael Jenn (Jules), Trevor Peacock (papa Armani).
Une farce qui s’affaire à expliquer que Napoléon et Wellington avaient deux raisons de se haïr, l’une politique, bien connue, l’autre sentimentale, nettement moins connue. Après une tentative d’assassinat au théâtre de l’armée, Napoléon nomme le caporal Armani, dont il croit qu’il lui a sauvé la vie alors que son geste salvateur n’était que le fruit du hasard, maréchal d’Empire. La belle Lady Edwina, une espionne de Wellington pour laquelle le Corse a perdu la tête et qui se fait passer pour un agent français, subtilise les plans de bataille. Pour les récupérer, Napoléon se déguise en gitane (!), s’introduit dans l’état-major ennemi où il démasque l’espionne, qui est en fait la maîtresse de Wellington. Entre-temps, Armani, psychotique, saisi par une ambition démesurée, revêt la légendaire redingote et le bicorne impérial, prend la place de son idole et déclenche la bataille de Waterloo – avec le résultat que l’on sait...
Une sinistre pitrerie, passablement vulgaire de surcroît, et qui fait un fiasco spectaculaire au box-office : ayant englouti 800 millions de pesetas (10 millions de $), elle engrange une recette d’à peine 34 millions de pesetas. L’argent s’est volatilisé notamment dans les costumes luxueux, la reconstitution de la bataille avec des centaines de figurants, et la tête d’affiche : David Suchet, qui mime un Napoléon grotesque, est immensément populaire à la télévision comme interprète quasi idéal de l’Hercule Poirot d’Agatha Christie, Stephen Fry a déjà campé deux fois Wellington dans la série parodico-hystérique des Blackadder, et Dominique Pinon est surtout connu pour ses quatre films avec Jean-Pierre Jeunet. Ce fatras de grimaces est entièrement tourné en pays basque (San Sebastien, Abornikano, Iglesia de los Santos Juanes à Bilbao, Getxo, Goluri, Legutiano, Lejona, Araba, Palacio de Artaza à Leioá), aux studios K 2000 de Galdákano (Bizkaia) et à Guadalajarra en Castille ; la bataille est photographiée à Izarra, dans les champs de Zuya à Alava. Sélectionnée pour la clôture du festival de Sitges 2000, la bande ne sera pas distribuée à l’étranger. Sage décision.
2003Waterloo (BE) de Benjamin Viré
Institut National Supérieur des Arts du Spectacle (I.N.S.A.S.), Bruxelles, 20 min. – av. Nicolas Gerb, François Lacanal, Thierry Waseige, William Waseige, Xavier Benout (soldat français).
Travail de fin d’études de l’INSAS. À Waterloo, un déserteur français se retrouve confronté à un officier anglais dans une grange non loin du champ de bataille. Les deux hommes s’affrontent jusqu’à ce qu’un paysan belge et son fils parviennent à les séparer. À son ouverture, le film comporte une scène de bataille regroupant 900 figurants issus des groupes de reconstituants locaux. Mention spéciale du Jury au Festival international d’Ismaïla, en Égypte.
2005(tv) Waterloo (US) de Gary Tarpinian et Paninee Theeranuntawat
Série « Battleground : The Art of War », épis. 3, Jack Smith/Morningstar Entertainment (Burbank)-Fortress Entertainment-RTL-Discovery Channel-Carter Films (Discovery Channel 20.3.05), 48 min. – av. MIHAI GRUIA (Napoléon), Barry Mulligan (Arthur Wellesley, duc de Wellington), Boris Petrof (prince maréchal Gebhard von Blücher), Razvan Popa (maréchal Michel Ney), Christian Motiu (Henry Paget, Lord Uxbridge), Ovidiu Concea-Kauciuc (courrier français), Alexandru Georgescu (colonel prussien), Bart Slides (courrier prussien), Paraschiv Popa Catalin (col. McDonnell).
Les Cent-Jours, la stratégie, la tactique et les circonstances de la bataille relatées dans un docu-fiction honnête et relativement objectif, filmé en Roumanie avec des reconstitutions numériques et d’excellents matte paintings de Michael Aceves. Français, Anglais et Prussiens parlent dans leur langue (avec sous-titres). Deux jolies bourdes, toutefois : à son abdication en 1814, Napoléon a les mains liées (les menottes de DSK ?), et le commentaire final proclame sans rire que Waterloo fut la dernière bataille du XIXe siècle sur le continent européen !
2006(tv) Napoleon’s Final Battle (Napoléon) (US) de Doug Shultz
Série « Icons of Power », Domino Films-Partisan Pictures (D. Shultz, Sandya Viswanathan)-Discovery Channel (National Geographic Channel 11.6.06), 1h32 min. – av. VASILE MURARU (Napoléon), PHILIPPE NEVO (Napoléon jeune), Dorin Andone (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Cristian Popa (Lucien Bonaparte), Silviu Oltean (le tsar Alexandre Ier), Andrei Araditz (Arthur Wellesley, duc de Wellington), Nicholas Schatzki (narration).
Le récit de la fuite d’Elbe et des Cent-Jours, ponctué de retours en arrière (l’arrivée difficile de l’enfant corse sur le continent, le 18-Brumaire, la campagne de Russie). Un docu-fiction tape-à-l’œil (zooms incessants, montage confetti, distortions optiques) et d’un simplisme frisant le ridicule, avec des reconstitutions maladroites tournées en Roumanie (Bucarest) et en France (Fontainebleau, Malmaison) ; tous les personnages, de Talleyrand à Louis XVIII, sont des caricatures de bande dessinée, excepté (of course) Wellington. Le Corse n’est ici qu’un dangereux mégalomane souffrant d’hémorroïdes, peu courageux mais très rusé ; le génie stratégique de ce monstre qui « terrorisait tout un continent » aurait surtout été monté en épingle par son talent de propagandiste. « Une vie écrite dans le sang », illustrée pour des lycéens du Middle West américain.
2011[(vd) Waterloo – 1. Ligny and Quatre Bras – 2. Hougoumont and D’Erlon’s Attack – 3. Cavalry Charge – La Haie-Sainte & Plancenoit : The French and Prussian Attacks (Victory and Pursuit) (GB) de Tim Saunders, Graeme Cooper, Mike Peters, Andrew Duff, Frank Toogood, Tom Dormer ; Battlefield History TV-Pen & Sword Military, 3 x 90 min. – Documentaire tourné sur les lieux de la bataille avec des unités de reconstituants pour les mouvements d’armées (point de vue des Anglais)].
2012Δ (tv) La certosa di Parma / La Chartreuse de Parme (IT/FR) de Cinzia Th. Torrini. – av. Rodrigo Guirao Díaz (Fabrice Del Dongo), Marie-Josée Croze (Gina, duchesse de Sanseverina), François Berléand (Ernesto IV, prince de Parme), Alessandra Mastronardi (Clelia Conti). – Ce produit léché de la téléaste florentine Cinzia Torrini reprend brièvement (2 minutes) l’épisode de Waterloo conté par Stendhal, où Fabrice, pris dans le feu ennemi avec une trentaine d’infanteristes, est blessé d’une éraflure à l’épaule. De loin, Fabrice aperçoit Napoléon et son état-major en train de fuir.
2012(tv) Au cœur de la bataille de Waterloo (18 juin 1815) (FR) de Xavier Lefebvre
Série « Le Visiteur de l’Histoire », Sébastien Brunaud, Arnaud Poivre d’Arvor/Phare Ouest Productions-France Télévisions (FR5 16.12.12), 52 min. – av. FRANK SAMSON (Napoléon), Arnaud Poivre d’Arvor (le grenadier/le visiteur), Serge Tignières (son mentor), Romain Vadam, Philippe Saint-Paul, Jan de Coster, David G. Samuel Bayenet et les hommes de troupe, sous-officiers et officiers du 8e régiment d’infanterie de ligne de l’Association pour l’Histoire Vivante (ApHV).
Appelé sous les drapeaux et ayant reçu sa feuille de route, Arnaud se rend à pied en Belgique le 16 juin 1815, où il rejoint son régiment d’infanterie près de Ligny. Napoléon inspecte la troupe. Deux jours avant la bataille décisive, le Visiteur, alors un conscrit incorporé au 8e régiment de ligne, rejoint son unité en Belgique et apprend comment se déroule la formation des recrues. Le 18 juin au matin, après une nuit de pluie, les fantassins sont trempés et engourdis, fatigués par des jours de marche – « L’Empereur gagne ses batailles avec nos jambes et nos bras. » – et le ventre vide. On distribue des cartouches, la bataille est déclenchée, déroulement esquissé par des schémas et quelques reconstitutions de combats qu’effectuent une centaine de bénévoles de l’Association pour l’Histoire Vivante. Instructif et sans prétention.
2014[(tv) Napoléon : le défi de trop ? (FR) de Claire Denavarre et Jean-Christophe de Revière ; magazine « L’Ombre d’un doute », Martange Production-Europe1 (FR3 6.10.14), 114 min. – Les Cent-Jours revus à la lumière critique de l’historiographie moderne, pour expliquer les raisons de l’échec de Napoléon, sa perte progressive du sens des réalités, son activité en exil à Portoferraio, les empêchements de Marie-Louise, les circonstances étranges de la fuite de l’île d’Elbe où la vie de l’Empereur est menacée, le coup d’État militaire à Paris, les erreurs à Waterloo, etc. Un documentaire passionnant de l’émission historique « L’Ombre d’un doute » commenté par Franck Ferrand et Stéphanie Coudurier, filmé sur les lieux avec des interviews de Thierry Lentz (dir. Fondation Napoléon), de Jean Tulard, du comte Nicolas Walewski, de Marie-Hélène Beylac, etc. Nombreux extraits des films Waterloo de Sergueï Bondartchouk (1970), Napoléon (et moi) de Paolo Virzi (2006) et la téléfresque Napoléon (2002) d’Yves Simoneau.]
2014(ciné+tv) Waterloo, l’ultime bataille (BE) de Hugues Lanneau
Willy Perelsztejn/Les Films de la Mémoire-Création et Mémoire-RTBF-Arte-ASBL. Bataille de Waterloo 1815-Wallimage (Arte 13.6.15), 80 min. – av. MICHEL SCHILLACI (Napoléon), Dorian Salkin (Arthur Wellesley, duc de Wellington), Franky Simon (Michel Ney), Alexandre Petit (Jacques Desmoulins), Simon Love (James Clémence), Ron Vandijck (Louis Mertens), David Bayenet (Marcel Lanquais), Louis Chaussée (Pierre Lantelme), Jules Decoq, Victor Lamentin, Manuela Servais (narration).
Un patchwork docu-fictionnel décrivant heure par heure les rebondissements de la bataille, au plus près de ceux qui l’ont vécue et en tenant particulièrement compte du regard des simples fantassins (le scénario de Valérie de Rath et Lanneau s’appuie sur les témoignages écrits de 200 combattants), comme de la terrible souffrance des blessés (amputations sanguinolentes, gangrène). Le film dévoile l’impréparation française, les défaillances de la communication et du ravitaillement, les faiblesses de l’état-major et les erreurs de Napoléon qui n’a plus vraiment son armée en main. La réalisation sur place – qui a pris quatre ans (budget : 1,2 million d’euros) – se base sur tableaux, gravures et infographie 3D, mais aussi sur des reconstitutions, notamment pour les scènes de combat ; de nombreuses images ont été tournées les 19 et 20 juin 2010, lors de la plus grande reconstitution des événements avant 2015, rassemblant plus de 3000 figurants venus de 12 pays. L’intervention d’historiens (dont Thierry Lentz) ainsi que des extraits des films de Sergueï Bondartchouk (Guerre et Paix compris) et Karl Grune comme de la série Battleground (cf. 2005) complètent le récit. Pour détailler certaines manœuvres, Wellington et Napoléon s’affrontent autour d’une maquette géante de trois mètres sur trois parsemée de centaines de soldats de plomb. Franky Simon, qui joue le maréchal Ney, est organisateur des reconstitutions des batailles napoléoniennes. La distribution en salle en Belgique (dès le 28 mai 2014) et suivie, en juin 2015, d’une diffusion télévisée générale pour marquer le bicentenaire du carnage. L’ensemble est instructif, mais on peut regretter un Napoléon anguleux, fort peu ressemblant, et une narration un peu laborieuse, alourdie par une surcharge d’inserts hétérogènes. – DE : Waterloo. Das Ende.
Nota bene : Autre programme commémoratif de la RTBF (avec Wallonie-Bruxelles Tourisme) : les 33 capsules de 3 minutes de Les Carnets de Basil Jackson de Laurent Delferrière. Le lieutenant-colonel anglais Jackson (1795-1889) interprété par Bernard d’Outremont, y rectifie un certain nombre d’idées reçues sur la bataille (TV5 Monde 8.6.15 ss.).
2014/15(tv) The Men of Waterloo – We Were There (GB) de Hamish MacLeod
History in the Making Productions-Jack in the Box Films, 90 min. – av. Jack Silver (caporal Nix), Christopher Anson (Hainsworth), Chris Mills (Jamie), Richard Llewellyn (ltn. Langrish), Alexander Richardson (soldat), Timothy Pragnell (officier), Dominic Zwemmer (enseigne). – Reconstruction historique à l’occasion du bicentenaire de la bataille : l’affrontement vu à travers les yeux des fantassins du 33 e Yorkshire Infantry Regiment.
2015(tv-df) The Scots at Waterloo / Waterloo's Warriors (GB/IE) de Ruán Magan
Seona Robertson, Stephen Rooke, David Harron, Michael O Meallaigh, Les Wilson/BBC Scotland-TG4-Tile Films-Caledonia (BBC Two 16.6.15), 60 min. - av. Gareth Morrison (caporal John Dickson), Scott Reid (Private Dixon Vallance), Douglas Russell (sgt. David Robertson), Sara Vickers (Jenny Griffiths), James Watson (ltn. col. Sir James Macdonell of Glengarry), Steve Wall, Micheál O Muircheartaigh, Cillian O'Gairbhi, Ollwen Fouéré, Eoin Geoghegan, Muireann Bird, David Hayman et Manchon Magan (narration). - Le destin de cinq soldats écossais pendant et après la bataille de Waterloo (diffusé à l'occasion de la commémoration de la bataille).
2015Waterloo : Au coeur de la bataille ! / Waterloo : In het heetst van de strijd ! / Waterloo : In the Thick of Battle ! (BE) de Gérard Corbiau
Jean-Pierre Colson, Jacques Bodelle, Thierry Renard, Ghislain Belmans, Philippe Chiwy, Aude Salmon, Patrick Lauber, Hubert Toint/Consortium La Belle Alliance (Europa 50, EO Design, Inytium, Sien, De Pinxi, Kaos Films, Saga Films), 26 min. - av. FRANK SAMSON (Napoléon), Georges Siatidis (Wellington), Klaus Beckert (Blücher), Bruno Georis (Soult), Franky Simon (Ney), Yves Guinbut.
Reconstitution de la bataille, d'après un scénario d'Andrée et Gérard Corbiau. Film promotionnel (non disponible à la vente) commandité par le Commissariat Général au Tourisme de la Région Wallonne, présenté en 4D sur écran panoramique de 16 mètres à 180o au Mémorial de La Bataille de Waterloo (Hameau du Lion). Cinéaste belge oscarisé et spécialiste de la reconstitution historique (Farinelli, Le Roi danse), Corbiau filme son récit en octobre 2014 sur les lieux mêmes de la bataille, avec le soutien financier du Tax Shelter du gouvernement fédéral de Belgique. Frank Samson, un habitué du rôle de l'Empereur, apparaît dans d'innombrables reconstitutions live. Musique de Valentin Hadjadj. Première le 21 mai 2015, à l'occasion du bicentenaire de la bataille.