Ia - NAPOLÉON ET L'EUROPE

11. NAPOLÉON ET LE RÉVEIL DE L’ALLEMAGNE

11.1. De la Confédération du Rhin au réveil de la Prusse

1909Napoleone e la principessa di Hatzfeld (Napoléon et la princesse de Hatzfeld) (IT) de Giovanni Pastrone
Itala-Film, Torino (Guglielmo Remmert), 287 m. – Synopsis : Le 19 octobre 1806, au lendemain de la victoire de Iéna, Napoléon est aux portes de Berlin. Il reçoit les clés de la capitale des mains du prince Franz Ludwig von Hatzfeld (1756-1827), gouverneur de Berlin, puis visite la tombe de Frédéric le Grand. Le 29 octobre, à la suite de l’interception d’une lettre au prince de Hohenlohe contenant des renseignements militaires, le prince de Hatzfeld est immédiatement condamné à mort pour espionnage. Apprenant l’arrestation de son époux, la princesse Henriette von Hatzfeld, enceinte de huit mois, force (avec les complicités de Duroc, Ségur et Rapp) l’entrée du cabinet de l’Empereur et se jette à ses pieds en protestant de l’innocence de son mari. Napoléon lui montre la lettre, le contenu est accablant, l’écriture connue. Mais touché par les pleurs de la princesse, il lui demande de brûler la lettre : ainsi il ne pourra plus poursuivre le coupable.
Largement utilisé par la propagande, cet acte de clémence de Napoléon (il en fit récit dans une lettre à Joséphine datée du 6.11.1806) est celui qui fut le plus représenté par les artistes sous l’Empire. L’épisode est tourné dans les studios de Ponte Trombetta à Turin, d’après un scénario de Giovanni Luigi Giannini. Film présenté au Concours cinématographique de Milan en octobre 1909. – DE : Napoleon und die Prinzessin von Hatzfeld, US : Napoleon and the Princess Hatzfeld.
1909Der Heldentod der elf Schill’schen Offiziere zu Wiesel / Die Erschiessung der elf Schill’schen Offiziere (DE)
Deutsche Mutoskop- und Biograph GmbH (Berlin), 1 bob. – Commémoration cinématographique du centenaire de l’exécution des onze officiers rebelles du major prussien Ferdinand von Schill, le 16 septembre 1809 (synopsis, cf. films de 1925, 1932 et 1941). Des « tableaux vivants » qui s’inspirent notamment de la toile d’Adolf Hering datant de 1899, Heldentod der elf Schillschen Offiziere vor Wesel (la mort héroïque des onze officiers de Schill devant la Wesel). Le tableau très populaire de Hering servira dans toutes les versions ultérieures.
1909Fan-Fan, le petit grenadier / Fanfan (FR/DE) de Léonce Perret
Georges Grasset/Deutsche Gaumont-Gesellschaft GmbH (Paris-Berlin), 293 m. – Synopsis : En 1792, les armées de la République envahissent la Rhénanie et l’annexent. Fan-Fan, fils d’un grenadier et de la cantinière du régiment, naît entre deux batailles. Il est baptisé dans un château qui vient d’être conquis. À l’âge de huit ans, Fan-fan parade fièrement sous les yeux de Napoléon. Six ans plus tard, en 1806, la France est en guerre contre la Prusse. En s’éloignant du bivouac, Fan-Fan et son père tombent dans une embuscade prussienne ; ils sont capturés et interrogés par le chef d’état-major, dans le même château où Fan-Fan fut baptisé 14 ans auparavant. Son père, qui refuse de parler, est emmené pour être fusillé. Le garçon est enfermé dans le beffroi. Il s’y barricade et sonne le glas afin d’alerter les Français. Ceux-ci accourent, prennent les lieux d’assaut, mais Fan-Fan périt dans le combat. Napoléon le décore de la Légion d’honneur et ordonne qu’il soit enseveli dans deux drapeaux pris à l’ennemi.
Un petit film écrit et réalisé par Léonce Perret en mai 1909 pour la modeste succursale allemande de Gaumont à Berlin. Sur le chemin de retour d’une tournée théâtrale à Saint-Pétersbourg, Perret fait une halte dans la capitale allemande, où il fait ses débuts derrière la caméra, une activité confidentielle, car il ne souhaite pas entacher sa carrière au théâtre à Paris. – US : The Legion of Honor.
1911Ein Duell ohne Zeugen (DE) d'Adolf Gärtner
Oskar Messter/Messter Film-Projektion (Berlin), 360 m. - av. Henny Porten (Louise von Arthoff). - Amoureux de l'aristocrate Louise von Arthoff, un valet dénonce son mari patriote à la police de Napoléon. Pour le sauver, elle est prête à se donner au traître, mais ce dernier est abattu à temps par l'époux.
1912Der Tugendbund (La lega della virtú) (IT) de Gennaro Righelli
Vesuvio Film, Napoli, 1500 m. – av. Gennaro Righelli (Gontrand), Maria Righelli, Ruffo Geri. – Synopsis : En 1808, des militaires, des fonctionnaires et des étudiants fondent le « Tugendbund », une association patriotique secrète pour préparer le redressement de la Prusse, ligue qui porte ses fruits lors de la guerre de libération en 1813. Étudiant dissolu, Gontrand n’hésite pas à voler la caisse de l’association pour rembourser ses dettes. Il est démasqué et vole les bijoux de sa maîtresse, qui sont des faux. Il se résout alors à séduire et épouser Gretchen, la fille du comte von Eckert, et fréquente la cour royale. À nouveau à bout de ressources, il tente de glisser sa femme dans le lit du tsar Alexandre, en visite à Berlin, puis dénonce des patriotes allemands à la police française. Le « Tugendbund » lui réserve un sort exemplaire : Gontrand est enfermé dans un caveau du cimetière d’Eglaystadt avec un revolver pour lui éviter une trop longue agonie.
1912Theodor Körner – von der Wiege bis zu seinem Heldentod (DE) de Franz Porten et Gerhard Dammann
Deutsche Mutoskop- und Biograph GmbH Berlin-Lankwitz, 1136 m./57 min. – av. Friedrich Fehér (Theodor Körner), Herman Seldeneck (major baron Adolf von Lützow), Thea Sandten (Toni Adamberger).
La vie du poète et dramaturge Karl Theodor Körner, du berceau (né à Dresde en 1791) à ses opérations de guérilla contre les Français et à sa « mort héroïque » dans la forêt de Rosenow, à la veille de la bataille de Leipzig (cf. film de 1927). La sortie du film est programmée pour marquer l’anniversaire de la victoire allemande sur Napoléon III à Sedan, le 2 septembre 1870. Il est tourné avec des moyens importants (1500 figurants) et dure presque une heure ; dans son journal intime, Franz Kafka se dit assez impressionné par le spectacle (25.9.1912). Le film sera exploité en Allemagne et en Autriche pendant toute la Première Guerre mondiale.
1912/13Der Film von der Königin Luise (Erinnerungen an Preussens grosse Königin) / Königin Luise (DE) de Franz Porten
Deutsche Mutoskop- und Biograph GmbH Berlin-Lankwitz (3 parties), 2173 m. – av. Hansi Arnstaedt (la reine Louise), WALTER STEINBECK (Napoléon), Hanni Reinwald, Otto Reinwald, Louis Ralph.
La vie mouvementée de la reine de Prusse (1776-1810) – montrée surtout dans son rôle de mère et d’« ange des malades et des pauvres » –, sa fuite à l’est avec ses deux fils après la défaite et sa rencontre humiliante avec Napoléon à Tilsit (cf. synopsis du film de 1927). Le film reproduit également la mort du romantique prince Louis-Ferdinand de Prusse à la bataille de Saalfeld en 1806 ainsi que la capture et l’exécution de Ferdinand von Schill et son corps-franc rebelle à Stralsund en 1809. L’empereur Guillaume II aurait personnellement mis à disposition des producteurs les carrosses, l’écurie et la vaisselle royaux (provenant du Musée des Hohenzollern au château de Monbijou à Berlin), ainsi que deux escadrons de cavalerie et une compagnie d’infanterie mobilisés dans les scènes de guerre, notamment pour reconstituer avec une certaine ampleur les affrontements à Saalfeld et à Iéna. à sa demande, l’avenue d’Unter den Linden et la porte de Brandebourg sont bloquées pour des prises de vues. Le scénario de Porten reproduit pour l’essentiel les étapes du livre d’images très populaire de Carl Roechling, Richard Knötel et Woldemar Friedrich, Die Königin Luise in fünzig Bildern für Jung and Alt (1896), enrobé d’anecdotes. Clairement antifrançais, le film commence avec l’invasion du Palatinat rhénan par les armées révolutionnaires (« des voleurs et des pilleurs ») en 1792, l’horizon est en flammes, et s’achève sur le mémorial de Louise au Berliner Tiergarten. Exploitant le film aux États-Unis, la société new-yorkaise Cosmos Film Co. oriente toute sa publicité sur les victoires de Napoléon qui apparaît seul sur les affiches : à l’irritation de la colonie germanophone américaine, la pauvre reine Louise n’y fait que de la figuration ! – Titres des parties : 1. « Die Märtyrerin auf dem Königsthron » – 2. « Aus Preussens schwerer Zeit » – 3. « Die Königin der Schmerzen ». – US : Famous Battles of Napoleon.
1913Harte Zeiten. Eine Geschichte aus den Freiheitskriegen (DE) de Franz Vogel
Eiko-Film GmbH Berlin, 486 m. – « Des temps durs : un récit des guerres de libération » : épisode de la bataille de Leipzig 1813 dont on fête le centenaire à travers tout le pays. Les guerres contre Napoléon sont censées être la source de l’indépendance, de l’unité et de la puissance de l’Allemagne de Guillaume II et l’inauguration du monument colossal, le plus haut du monde à l’époque, sur le champ de bataille, le 18 octobre 1913, suscite un foisonnement de récits, de biographies, de chansons – et de scénarios.
1913Germania (IT) de Pier Antonio Gariazzo
Savoia Film Torino, 6 actes/2019 m. – av. Diana D’Amore (Rica), ETTORE MAZZANTI (Napoléon), Arturo Garzes (le prince Franz Ludwig von Hatzfeld), Ettore Baccani (Johann Philip Palm), Enrico Fiori (Charles Vörem), Alberto Cavalleri (Friedrich Löwe), Gerli Paolino (Jebbel), Giuseppe Rabonato (Crisogomo).
Anecdotes de la résistance allemande contre Napoléon, de la bataille d’Austerlitz en 1805 à celle de Leipzig en 1813, en passant par Lützen et l’attentat manqué de Friedrich Staps en 1809 à Vienne. Des étudiants patriotes allemands se rallient aux idées de l’éditeur martyre Johann Philip Palm (1773-1806), oublient leurs rivalités en amour et joignent le « Tugendbund » qui se réunit dans l’imprimerie Stein à Nuremberg. Condamné à mort par Napoléon, Palm se réfugie dans un moulin, qui devient le nouvel état-major des résistants. Mais afin d’acheter des médicaments pour sa mère mourante, Jebel, un adolescent, livre aux Français la cachette de Palm, qui est exécuté. Jebel expie sa faute en devenant tambour dans l’armée de Blücher et tombe à Leipzig.
Le film, adaptation du drame lyrique de Luigi Illica (livret) et Alberto Franchetti (musique) créé à la Scala de Milan en 1902, est resté inédit en Italie pour des raisons de censure (les motifs exacts de l’interdiction sont inconnus), mais a été exploité aux états-Unis sous le même titre par The Leading Players Film Corporation en juin 1914. La distribution du film en France et en Espagne, annoncée avec force publicité dans la presse, est également annulée, sans doute en raison de l’imminence de la guerre. C’est, curieusement, l’unique film de fiction qui représente à l’écran la « bataille des Nations » à Leipzig. – DE : 1813 – Das Volk steht auf.
1914/15Der Katzensteg (DE) de Max Mack
Paul Davidson/Projektions-AG « Union » (PAGU), 1750 m. – av. Wilhelm von Muhr (Eberhard, baron von Schranden), Georg Lengbach (Boleslav, son fils), Victor Hartberg (Friedrich Merkel), Ludwig Trautmann (Felix Merkel, son fils), Ferdinand Bonn (Hans Hackelberg), Leontine Kühnberg (Regine, sa fille), Käte Haack (Helene Götz), Karl Platen (le pasteur Friedrich Götz), Paul Leni.
Un drame familial dans la Prusse orientale occupée par les Français (synopsis, cf. film de 1927), sujet qui fait vibrer la fibre patriotique du public allemand alors plongé dans la Première Guerre mondiale. La première des quatre adaptations du best-seller de Hermann Sudermann (1890), qui bénéficie de décors intéressants signés Paul Leni. La presse signale l’originalité de ce film national qui sort des sentiers battus, ayant le mérite de s’attaquer à une œuvre littéraire particulièrement prisée et psychologiquement complexe.
1917Totenkopfreiter. Die Geschichte der Leibhusaren / Die Leibhusaren und ihre Geschichte (DE) d’Otto Lins-Morstadt
Mercedes-Film GmbH (Berlin), 1552 m. – av. Andreas von Horn (Friedrich Wilhelm III de Prusse), LUDWIG REX (Napoléon), Otto Lins-Morstadt (gén. Bronkowski), Margarete Buchholz (la reine Louise), Adolf Klein, Editha Camphausen.
épisodes de la guerre de libération en Prusse 1813-1815. Nota bene : En 1744, lors de la guerre prusso-autrichienne, Frédéric le Grand crée son plus redoutable corps de cavalerie, des escadrons de hussards arborant une tête de mort sur leurs uniformes et étendards noirs ; ces « cavaliers à la tête de mort » (titre du film) refont surface en 1808, mobilisés contre l’occupant français par le baron Adolf von Lützow et ce film illustre leur histoire. (La SS s’en inspirera cent trente ans plus tard sous Hitler et l’escadrille de la Luftwaffe qui bombardera Varsovie en 1939 prendra le nom de « Kampfgeschwader Lützow ».) Les couleurs noir-rouge-or du corps-franc de Lützow resteront celles de la République de Weimar, puis de la RFA.
1919/20Schneider Wibbel (DE) de Manfred Noa
Franz Vogel/Eiko-Film GmbH (Berlin), 1775 m. – av. Hermann Picha (Anton Wibbel), Margarete Kupfer (Fina Wibbel), Gustav Trautschold (Möles), Wilhelm Diegelmann (Grimm), Loo Hardy (Karoline Grimm). – La Rhénanie occupée par Napoléon en 1812, d’après la comédie de Hans Müller-Schlösser (1913) – (détails et synopsis, cf. infra, film de 1931).
1920Johann Baptiste Lingg – Unter der Fremdenherrschaft der Franzosen) [= Jean Baptiste Lingg – Sous la domination des Français] (DE) d’Arthur Teuber et Carl Auen (dir. artistique)
Lullus-Film GmbH (Berlin), 2231 m./7 actes/105 min. – av. Carl Auen (Johann Baptiste Lingg), Irmgard Bern (Maria Braun, sa fiancée), Frida Richard (Mme Lingg mère), Ludwig Hartau (Guillaume Ier, prince Électeur de Hesse), EDMUND LÖWE (Napoléon), Albert Patry (Johann Lingg père), Alexander Ekert (le père Braun), Georg John (Josef Wolleck), Fred Immler (ltn. Joui), Oskar Marion (Carl Schröder), Ilse Wilke (Frau Schröder).
Johann Baptist(e) Georg Fidelius Lingg ou Lingk (1765-1842) est un général du bataillon de chasseurs qui porte son nom, rattaché au grand-duché de Bade. Bade étant allié à Napoléon, Lingg fut forcé de se battre sous les aigles impériales en Prusse en 1806, puis à Wagram en 1809, enfin en Russie en 1812, où il survécut à la Bérézina ; il quitta l’armée l’année suivante. Tourné à Bad Hersfeld, le film de Teuber et Auen se base sur la pièce Der Mann von Hersfeld de Josef Rank (1859) qui relate un épisode de la quatrième guerre de coalition : en décembre 1806, des bourgeois de Bad Hersfeld s’étant révoltés contre des soldats italiens de passage, logés chez l’habitant (on déplora un Italien tué), Napoléon ordonna que la ville soit pillée et incendiée, mission terrible qui incomba au lieutenant-colonel Lingg. Celui-ci fit mettre le feu à quatre maisons, une par point cardinal, et parvint à empêcher le pillage grâce à un habile stratagème. Le prince Électeur le fit décorer pour avoir ainsi épargné la cité hessoise. Le film, d’une lenteur et d’un statisme éprouvants, débute en 1786 (la fiancée de Lingg, mobilisé, se marie avec son rival), puis fait un saut de vingt ans. Clairement antifrançais et revanchard, il montre une population humiliée par l’occupant (à l’instar de l’Allemagne au lendemain de la Première Guerre mondiale) et des officiers napoléoniens qui tentent d’abuser des vertueuses épouses allemandes, provoquant ainsi l’insurrection de la population.
1923Der kleine Napoleon / So sind die Männer / Napoleons kleiner Bruder / König Jérôme [= Le petit Napoléon / Ainsi sont les hommes / Le petit frère de Napoléon] (DE) de Georg Jacoby
Europäische Film-Allianz GmbH (E.F.A.), Berlin, 5 bob. /2713 m. – av. Paul Heidemann (Jérôme Bonaparte), EGON VON HAGEN (Napoléon), Harry Liedtke (Georg von Melsungen), Alice Hechy (Annemarie), Kurt Vespermann (Florian Wunderlich), Jacob Tiedtke (le baron Jeremias von Katzenellenbogen), Wilhelm Bendow (le valet de Jérôme), Paul Biensfeldt (le maréchal), Marlene Dietrich (Kathrin), Antonia Dietrich (Charlotte), Loni Nest (Liselotte), Kurt Fuss (dir. du ballet royal), Kurt Wespermann (Florian Wunderlich), Marquisette Bosky (la prima ballerina).
Synopsis : Suite au traité de Tilsit, le 18 août 1807, Jérôme Bonaparte, frère cadet de l’Empereur, devient à vingt-cinq ans souverain du nouveau royaume de Westphalie. Sa cour réside au château de Wilhelmshöhe, près de Kassel, où des fêtes joyeuses animent les jardins. La demeure du baron von Katzenellenbogen, ministre de la Police, est dirigée par sa nièce, Charlotte, et sa belle-sœur Annemarie, fille d’un aubergiste. Lors d’une partie de chasse, Charlotte et sa sœur Liselotte rencontrent le jeune Georg von Melsungen, envoyé officiel de Napoléon à la cour du roi. Il est logé chez le baron et, peu de temps après, épouse Charlotte. Mais le roi Jérôme, Don Juan impénitent, a un œil sur elle ; Charlotte se réfugie dans le domaine de son oncle à Wolfshagen, tandis que Georg, mis au courant des convoitises royales, se rend en ville revêtu de l’uniforme de postillon de Florian, le fiancé d’Annemarie, et y cherche en vain sa Charlotte. Entre-temps, le roi Jérôme a appris où se cache Charlotte et se rend à Wolfshagen pour la surprendre, mais cette dernière réussit à lui échapper, déguisée en paysanne, et à retrouver son mari dans les bois. Georg affronte ouvertement le roi. Il est arrêté et incarcéré à la Löwenburg avec son complice Florian ; Annemarie les libère en douce. Surgit Napoléon en personne, fâché des rumeurs parvenues jusqu’aux Tuileries, et qui arrive à temps à Wilhelmshöhe pour tirer les oreilles de son libertin de frère tout en assurant le bonheur des quatre amoureux.
Cette « comédie non historique » (sous-titre) brocardant l’insatiable appétit sexuel de Jérôme Bonaparte (1784-1860), monarque dépensier et frivole que ses sujets allemands surnommaient « König Lustig » (« le roi guilleret »), élimine d’emblée sa deuxième épouse, la princesse Catherine de Wurtemberg (fille de Frédéric de Prusse) qui lui donna pourtant trois enfants. On lui connaît une demi-douzaine de maîtresses et plusieurs enfants naturels. Par ailleurs, État modèle façonné par Napoléon, son royaume reçoit la première constitution et le premier parlement en pays germanique. Dans ce film (titres originaux : « Ainsi sont les hommes » ou « Le petit frère de Napoléon »), Marlene Dietrich fait ses débuts à l’écran en interprétant la femme de chambre de Charlotte. La saynète est tournée de juin à novembre 1922 aux EFA-Ateliers am Zoo à Berlin et au château de Wilhelmshöhe (Hesse), d’après un script de Jacoby et Robert Liebmann. – GB : The Little Napoleon, IT : Nell’anticamera del matrimonio.
1923Ich hatt’ einen Kameraden [= J’avais un camarade] de Hans Felsing
Hans Felsing, H. Hartlaub/Sing-Film GmbH, Berlin, 5 actes/1931 m. – av. Wilhelm Kaiser-Heyl (le bourgmestre Ritter), Henri Peters-Arnolds (Dr. Joachim Ritter, son fils), Margit Barnay (Dorothée), Albert Maurer (Wolf, un étudiant), Fritz Alten (cdt. Bruyère), Georg John et Franz Stephans (des maraudeurs), Paul Rehkopf (le cordonnier Faber), Fritz Russ (l’huissier).
Synopsis : Heidelberg en 1812/13. Joachim et Wolf, deux étudiants et amis de longue date, aiment la même fille, Dorothée. Le premier rejoint l’armée prussienne de Blücher, le second devient officier de la Grande Armée. Joachim, qui a épousé Dorothée, est fait prisonnier par les Français ; Wolf l’aide à s’évader, ce qui lui vaut le peloton d’exécution. Sur sa tombe, Dorothée révèle à son époux que le décédé s’est sacrifié par amour ... La bluette patriotique s’achève sur les portraits de Blücher et de Theodor Körner, tandis que l’orchestre du cinéma est censé jouer la fameuse mélodie du chant militaire très populaire Ich hatt’ einen Kameraden (Der gute Kamerad), complainte du poète Ludwig Uhland (1809) mise en musique par Friedrich Silcher (1825).
1923Die elf Schillschen Offiziere [= Les Onze Officiers de Schill] (DE) de Rudolf Meinert
R. Meinert/Internationale Film-AG (IFA), 2886 m. – av. Rudolf Meinert (major Ferdinand Baptista von Schill), Gustav Adolf Semler (Friedrich Wilhelm III), Grete Reinwald (la reine Louise), Leopold von Lederbur (Freiherr Carl Lupold Magnus Wilhelm von Wedell), Mary Nolan (Marie von Wedell, sa fille), Ernst Rückert (Fritz von Wedell, son fils), Werner Pittschau (Udo von Reckenthin), Fritz Greiner (Freiherr von Mallwitz), Albert Steinrück (le commandant français), Charles Willy Kayser (l’officier français).
Au lendemain de la paix de Tilsit, les hussards du corps-franc de Ferdinand von Schill refusent la dissolution de leur régiment. Après avoir poursuivi la guérilla en Westphalie en 1809, ils sont trahis par des compatriotes, von Schill meurt au combat à Stralsund et onze de ses officiers sont exécutés sur ordre de Napoléon. – Autre réaction cinématographique à l’occupation de la Ruhr par les Français l’année précédente. La ligue des « Jeunesses Schill », créée en 1923, sera intégrée en 1926 dans les Jeunesses hitlériennes. Cf. films de 1909, 1932 et 1941.
1924/25Deutsche Helden in schwerer Zeit – Ein Film von Niedergang und Aufschwung eines Volkes (DE) de Curt Blachnitzky [et Franz Porten]
Filmhaus Wilhelm Feindt, Berlin (2 parties), 10 bob./ 3066 m. – av. Walter Steinbeck (Friedrich Wilhelm III), Karl Platen (le maréchal Gebhard von Blücher), Leopold von Lederbur (duc de Braunschweig), Hansi Arnstädt (la reine Louise), Friedrich Fehéor (Theodor Körner), Fritz Delius, Hanspeter Peterhans, Rolf Loer.
Remontage de deux films de Franz Porten, Königin Luise et Theodor Körner sortis en 1912/13 (cf. supra), et augmenté d’une action cadre située dans le présent : une discussion entre un officier à la retraite et son gendre aux idées démocratiques. Le titre est éloquent : « Des héros allemands en temps difficiles – un film sur la décadence et le rétablissement d’un peuple ». On y établit donc des parallèles faciles (et par conséquent faux, mais explicables) entre l’occupation napoléonienne des années 1806 à 1813 et l’après-guerre, l’humiliation du vaincu par le traité de Versailles, la faillite de l’économie allemande et l’inflation. L’occupation de la Ruhr par les Français en 1923 ranime le traumatisme de la domination napoléonienne, et le général von Seeckt promet une « nouvelle guerre de libération » contre la France. – Nota bene : en 1925, un projet inabouti de Robert Reinert, « Königin Luise von Preussen. Das Martyrium einer gekrönten Frau ».
1926/27Prinz Louis Ferdinand (DE) de Hans Behrendt
Eugen Kürschner/Phoebus-Film AG (Berlin), 2485 m. – av. Hans Stüwe (Louis-Ferdinand, prince de Prusse), Jenny Jugo (Pauline Wiesel), Christa Tordy (la reine Louise), Kurt Junker (Friedrich Wilhelm III, roi de Prusse), Gertrud de Lalsky (comtesse Voss), Paul Bildt (le ministre Wilhelm Wiesel), Lieselotte Krämer (Friedrich Wilhelm, prince héritier), Kenneth Rieve (prince Wilhelm), Georg D. Gürtler (adj. comte Nostiz), Eduard von Winterstein (Gerhard von Scharnhorst), Theodor Loos (Ernst Moritz Arndt), Arthur Kraussneck (maréchal Gebhard von Blücher), Heinz Marlow (Neidhardt von Gneisenau), Heinrich Schroth (gén. Ludwig Yorck von Wartenberg), Otto Kronburger (Alexander von Humboldt), Heinz Hilpert (Johann Gottlieb Fichte), Hermine Sterler (Rahel Levin-Varnhagen von Ense), Arthur Kraussneck (Bisschér), Max Gülstorff, Johan Gettowt et Ernst Gronau (trois journalistes de la Vossische Zeitung).
Synopsis : Cantonné à Magdeburg sur ordre de son frère (qui ne l’apprécie pas), le prince royal Louis-Ferdinand gagne subrepticement Berlin et le salon mondain de Rahel Levin où il rencontre Schleiermacher, Humboldt et Fichte ; ce dernier lui remet le manuscrit de son fameux Discours à la nation allemande, tandis que la maîtresse de maison lit du Werther. Sur quoi il rend visite à la reine Louise à Charlottenburg, qui a convaincu son époux de rappeler son frère dans la capitale ; il n’arrive pas à lui cacher son amour, elle lui rappelle sa position et il se console auprès de Pauline Wiesel, l’épouse délaissée du ministre de la Guerre avec laquelle il entame une longue liaison. En été 1806, la guerre est imminente, mais le roi pusillanime hésite encore. À l’incitation de Louis-Ferdinand ainsi qu’à celle de l’état-major, la reine Louise persuade finalement le roi d’ouvrir les hostilités contre Napoléon. Le prince de trente-quatre ans est acclamé avec ferveur dans les rues, il incarne l’espoir du pays. Promu lieutenant-général, il conduit un corps de huit mille hommes à l’avant-garde des troupes prussiennes. Le 10 octobre 1806 à Saalfeld, il s’oppose au V e corps du maréchal Lannes, numériquement très supérieur. Hors d’état de résister et ayant refusé de se rendre, il meurt d’un coup de sabre sur le champ de bataille, en croisant le fer avec le maréchal des logis Guindey. Lannes lui fera rendre les honneurs. Le couple royal apprend la nouvelle avec consternation.
Neveu de Frédéric le Grand (et, en tant que compositeur talentueux, un élève de Beethoven qui lui dédicaça son Troisième concerto pour piano), le prince Louis-Ferdinand de Prusse (1772-1806) fut un des plus virulents instigateurs de la guerre contre Napoléon lors de la Quatrième Coalition (hostile à la Révolution française, il avait déjà pris part au siège de Mayence en 1793, où il avait été blessé). Le film ne s’attarde ni sur son mariage morganatique avec la comtesse catholique Marie Adélaïde de la Grange ni sur son activité musicale ou son amitié avec le philosophe Friedrich Schlegel et les écrivains romantiques Wilhelm Wackenroder et Ludwig Tieck. Il ne retient que sa liaison avec la fameuse Pauline Wiesel, amie proche de la reine ; le fragment du film qui subsiste révèle des scènes de sous-entendus et d’émotion à forte charge érotique entre le beau prince et la reine Louise, qui avait un faible pour lui. Notons à ce propos la présence rarissime à l’écran de l’amie de Pauline Wiesel, Rahel Levin, la Madame Récamier allemande qui fut également la confidente du prince, peu à peu ostracisée dans la société berlinoise en raison de sa judéité et de ses mœurs libres (cf. infra le docu-fiction Rahel – eine preussische Affäre / Rahel – Pour l’amour du prince de Prusse en 2009).
Hans Stüwe inaugure ici une jolie carrière de sabreur en costume (il sera le brigand Schinderhannes en 1928, Cagliostro en 1929, Trenck le Pandour en 1932). Quant au réalisateur Behrendt, juif, il se réfugiera sept ans plus tard à Paris ; il sera appréhendé lors des rafles du Vélodrome d’Hiver et périra en route pour Auschwitz. À l’instar de son prince prussien, la France ne lui aura pas porté chance. – AT : Bonaparte vor dem Rhein (Die Tragödie des Prinzen Louis Ferdinand), CH : Liebe und Thron. Aus den schweren Tagen der Königin Luise.
1927*Der Katzensteg (Boleslav) (DE) de Gerhard Lamprecht
G. Lamprecht-Filmproduktion GmbH (Berlin)/National-Film-Produktion, 2980 m./110 min. – av. Lissy Arna (Regine Hackelberg), Gustav Rodegg (Eberhard, baron von Schranden), Jack Trevor (Boleslav von Schranden, son fils), Louise Woldera (Helene Götz, sa fiancée), Andreas Behrens-Klausen (pasteur Friedrich Götz), Max Maximilian (Hans Hackelberg, fabricant de cercueils), Rudolf Lettinger (Merkel), J. Mylong-Münz (Felix, son fils).
Synopsis : En Prusse orientale au lendemain de la bataille d’Eylau, en février 1807. Châtelain bonapartiste (sa mère était française) très attaché à la Pologne que Berlin a martyrisée, le baron von Schranden contraint sa domestique et maîtresse Regine Hackelberg (sous menace de faire pendre son braconnier de père) à révéler aux régiments de la Grande Armée la « passerelle des chats » (titre du film), ce qui leur permet d’encercler et annihiler les corps-francs prussiens. Regine est maudite par la population locale, des paysans « abrutis par le servage et l’armée », et le château des Schranden est incendié. Ostracisé, le baron en est réduit à vivre dans une cabane de jardinier ; tout en le haïssant, Regine s’occupe du vieillard qui a ruiné sa vie. Cherchant à blanchir son nom, le fils du baron, Boleslav von Schranden, quitte la région et participe à la libération du pays en 1813 sous une fausse identité, décrochant la Croix de Fer à la bataille de Leipzig. Quant il revient, Regine lui révèle que son père vient de mourir, mais l’accès au cimetière lui est interdit ; Boleslav fait intervenir la troupe pour inhumer le corps de son géniteur. Malgré la décoration décernée par le roi de Prusse en personne, la population honnit le « fils du traître » que sa fiancée Hélène a publiquement repoussé ; le père de la belle, le pasteur Götz, maudit le couple étrange qui survit dans les ruines du château. Mais avec le retour de Napoléon en 1815, Boleslav reçoit l’ordre de former un régiment ; certaines fortes têtes du lieu décident de le tuer. En cherchant à protéger celui qu’elle aime en secret, Regine tombe sous la balle de son propre père. Boleslav l’enterre, effondré devant tant de haine, puis part avec ses hommes rejoindre Blücher en Belgique. Il périt en affrontant Napoléon à Ligny, deux jours avant Waterloo.
Cette tragédie en pays occupé est la deuxième et sans doute la meilleure et la plus scrupuleuse adaptation du roman éponyme de Hermann Sudermann (paru en 1890), auteur naturaliste prussien qui inspire cette même année aux états-Unis deux chefs-d’œuvre du cinéma muet, Sunrise (L’Aurore) de F. W. Murnau et The Flesh and the Devil (La Chair et le Diable) de Clarence Brown, avec Greta Garbo. Le romancier décède une année plus tard. Cinéaste sensible, cultivé, historien du cinéma, Lamprecht a percé en 1923 grâce à une transposition ambitieuse des Buddenbrooks de Thomas Mann, s’est illustré dans le réalisme social à travers la saga familiale prolétaire Die Verrufenen (Les Déshérités de la vie) (1926) et aborde ici l’univers familial par le mélodrame pur et dur, d’une noirceur consommée, où l’Histoire ne sert que de toile de fond. Son film tire toute sa force dramatique de l’ambiance nocturne qui y règne (les trois quarts du récit se déroulent de nuit ou dans l’obscurité) : une pénombre à laquelle les protagonistes ne peuvent échapper, qui suscite l’angoisse, la fuite, un climat de fatalisme et de pulsions mortifères. Les funérailles du vieux comte à la lueur des torches frôlent le fantastique. Lamprecht traduit les paroxysmes émotionnels un peu fabriqués de Sudermann par un esthétisme visuel que la critique berlinoise rapproche de Poudovkine (Berliner Lokal-Anzeiger, 9.8.27). Tourné au National-Atelier à Berlin-Tempelhof. Pour le même sujet, cf. films de 1915, 1937 et 1974. – GB : The Betrayal, US : Betrayal.
1927Lützows wilde verwegene Jagd. Das Heldenschicksal Theodor Körners und seine letzte Liebe [= La chasse sauvage de Lützow. Le destin héroïque de Theodor Körner et son dernier amour] (DE) de Richard Oswald
R. Oswald-Filmproduktion GmbH Berlin, 7 actes/2960 m. – av. Ernst Rückert (Theodor Körner), Arthur Wellin (major baron Adolf von Lützow), Mary Kid (l’actrice Antonie/Toni Adamberger), PAUL BILDT (Napoléon), Wera Engels (Eleonore Prochaska), Gerd Briese (comte von Seydlitz), Siegfried Arno (François I er d’Autriche), Leopold von Lederbur (Johann Wolfgang von Goethe), Albert Steinrück (Ludwig van Beethoven), Friedrich Kühne (prince de Metternich), Harry Nestor (Friedrich Wilhelm III de Prusse), Robert Hartberg (l’archiduc Charles d’Autriche), Carl Zickner (Joseph Fouché), Eduard von Winterstein (Gebhard von Blücher), Eugen Jensen (Freiherr von Stein), Paul Marx (Karl August von Hardenberg).
Synopsis : Vienne en mars 1813. Karl Theodor Körner (1791-1813), jeune poète et auteur dramatique prussien fêté de toutes parts, s’est épris de la comédienne Antonia (Toni) Adamberger, avec laquelle il se fiance. Ses drames sont acclamés au Burgtheater (dix-sept pièces, dont deux comédies en alexandrins), il écrit un livret pour un opéra de Beethoven, son style emporté et mélancolique ravit la jeunesse estudiantine. Quand Napoléon revient battu de Russie, les corps-francs prussiens se mobilisent à la demande du roi. Après un duel contre un rival en amour, Körner quitte Vienne et s’engage dans le corps des « chasseurs noirs » de Lützow à Breslau pour lesquels il compose ses chants patriotiques de liberté (dont Lützows wilde verwegene Jagd/La Chasse sauvage, titre du film, mis en musique par Carl Maria von Weber en 1814). Körner est blessé mortellement par une balle au cours d’un raid dans la forêt de Rosenow, près de Leipzig. Partie à la recherche de son fiancé, Toni le retrouve agonisant et décède à ses côtés.
Le scénario de Max Jungk (qui mobilise à l’écran Goethe, Beethoven, Metternich, Fouché et Napoléon lui-même) enjolive la fin du soldat-poète, qui serait mort le 26 août 1813 lors de l’attaque d’un transport français (selon d’autres sources, il aurait été victime d’un accident). Quant à la comédienne viennoise Antonia Adamberger, sa fiancée – pour laquelle il écrivit une pièce intitulée Toni –, elle lui survécut de 54 ans ... (elle épousa un archéologue et lui donna un fils). à l’opposé des « prusseries cinématographiques » ultérieures, le film de Richard Oswald (homme de gauche juif qui s’exilera à Hollywood) ne donne pas dans le panégyrique revanchard, belliciste et nationaliste, mais opte pour la légende romantique. Tournage aux Maxim-Ateliers à Berlin. – AT : Die Todeshusaren.
Napoléon (Charles Vanel) rencontre la reine Louise (Mady Christians) à Tilsit dans Königin Luise de Karl Grune (1927).
1927*Königin Luise (La Reine Louise) (DE) de Karl Grune
Parties : 1. Teil : Die Jugend der Königin Luise / Kronprinzessin Luise 2. Teil
Max Glass/Terra-Filmkunst GmbH (Berlin), 7 actes/3031 m. et 7 actes/3180 m. – av. Mady Christians (la princesse, puis la reine Louise de Mecklenbourg), Hedwig Wangel (princesse Georg-Wilhelm von Hessen-Darmstadt), Auguste Prasch-Grevenberg (la reine-veuve Elisabeth Christine von Braunschweig), Mathias Wieman (le prince, puis le roi Friedrich Wilhelm III de Prusse), Fred Döderlein (prince Louis de Hohenzollern), Hans Adalbert Schlettow (prince Louis Ferdinand de Prusse), Adele Sandrock (la comtesse Voss), Lotte Lorring (Mme Ritz), Antonie Jaeckel (Mlle de Gélieu, la gouvernante), Karl Elzer (adj. Köckeritz), Anita Dorris (Friederike de Prusse, princesse Solms), Helga Molander (Luise, princesse Radziwill), Theodor Loos (gén. Karl August von Hardenberg), CHARLES VANEL (Napoléon), Alfred Gerasch (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Ferdinand von Alten (gén. Henri Gatien Bertrand), Egon von Jordan (le tsar Alexandre I er), Max Pohl (Gebhard von Blücher), Hans Wassmann (comte Christian von Haugwitz), Eduard Rothauser (duc de Mecklenbourg), Dr. Gürtler (adj. Nostiz), Emil Heyse (Dr. Jeromini Hufeland).
Partie 1 : Francfort en 1793. La princesse Louise (1776-1810) et sa sœur Friederike de Mecklembourg-Strelitz épousent respectivement le prince héritier Frédéric-Guillaume et son frère Louis de Hohenzollern ; le premier est timide et retenu, mais son amour grandit avec les mois. Les deux sœurs choquent la cour par leur conduite peu conventionnelle (elles introduisent la valse) et la fréquentation assidue du prince Louis-Ferdinand, qui a le béguin pour Louise. Celle-ci est enceinte, l’enfant meurt. En 1797, Frédéric-Guillaume monte sur le trône. – Partie 2 : Napoléon fait traverser la Prusse rhénane à son armée pour annexer la principauté d’Ansbach, en Bavière. À Berlin, les jeunes officiers et la noblesse, à leur tête le prince Louis-Ferdinand, souhaitent la destitution du comte philofrançais Haugwitz, ministre des Affaires étrangères, et une alliance militaire avec la Russie. Louise les soutient, mais le roi, velléitaire, très indécis, s’y oppose, cherchant à préserver la neutralité du royaume. Après une visite du tsar à Memel, la Prusse déclare néanmoins la guerre à la France. Lâché par le vieux duc de Brunswick qui ne lui envoie pas de renforts, le « faucon » Louis-Ferdinand meurt à Saalfeld en prononçant le nom de « Louise ». Après la défaite des troupes prussiennes à Iéna et à Auerstädt, en octobre 1806, les Français entrent dans Berlin, Napoléon propose la paix. Le comte Haugwitz et le roi sont prêts à l’accepter, mais Louise, quoique affaiblie par le typhus, reste intraitable ; Haugwitz est remplacé par Hardenberg, la lutte continue, la famille royale se réfugie à Königsberg. En juillet 1807, le tsar, dont les armées ont été écrasées à Eylau et à Friedland, lâche ses alliés allemands et fait la paix à Tilsit ; la Prusse doit céder près de la moitié de ses territoires d’avant-guerre au profit d’États sous tutelle française ou à la Russie. Ayant perdu son beau-frère et son trône, la reine Louise met sa fierté de côté et sollicite une entrevue personnelle avec Napoléon à Tilsit où elle le supplie vainement de réserver à son pays des conditions de paix plus clémentes. L’Empereur demeure insensible à son charme, sachant qu’elle est avant tout l’âme du parti de la guerre à outrance contre la France : il lui offre certes une rose, mais ne cède rien. Brisée, humiliée, Louise se retire dans le Mecklembourg où elle s’éteint trois ans plus tard au château de Hohenzieritz. Ses fils prendront leur revanche sur la France en 1870, en écrasant Napoléon III.
Consacré à celle que Napoléon surnomma admirativement « le seul homme de la Prusse », l’ambitieux diptyque de Karl Grune repose sur un scénario de Ludwig Berger et Max Glass, à la fois fidèle aux chromos scolaires et sans haine envers « l’ennemi héréditaire » à l’ouest ; tous trois ne peuvent être soupçonnés de sympathies avec l’extrême droite (ils seront contraints à l’exil après 1933), mais le sujet s’inscrit fort naturellement dans un courant de redressement national et d’exaltation chauvine qui va en s’amplifiant à la fin des années vingt. Depuis l’avènement de l’empereur Guillaume I er (son fils), la reine Louise est devenue à la fois le symbole et le martyr du patriotisme prussien, sa tombe un lieu de culte (cf. infra le docu-fiction de 2010). Mady Christians retrouve dans ses expressions la grâce juvénile et fragile, le sourire et la bonté d’une souveraine éprouvée par ses maternités (elle eut neuf enfants) et le malheur du pays, mais ne convainc pas toujours dans les instants les plus dramatiques. Le portrait de la souveraine est façonné par le machisme ambiant : ce n’est pas une Jeanne d’Arc allemande, guerrière et politicienne, mais une Vierge Marie prussienne que ses compatriotes veulent retrouver à l’écran. Tournant le dos au réalisme, Grune compose des tableaux visuellement très travaillés, qui évoquent d’anciennes gravures (presque tout est filmé dans les studios du Terra-Glashaus à Berlin), au diapason d’un personnage plus proche de l’imagerie populaire que d’un portrait rigoureusement historique. L’année suivante, il signera Waterloo, à nouveau avec Charles Vanel en Napoléon fort ressemblant (cf. p. 605). – AT : Die sonnige Prinzess (1re partie), IT : Maria Luisa di Prussia, GB : The Youth of Queen Louise (1re partie).
1927® Stolzenfels am Rhein. Napoleon in Moskau (Ein Film aus Deutschlands schwerer Zeit 1812 / 1813) (DE) de Richard Löwenbein. – av. Eduard von Winterstein (Matthias Sebald), Maria Minzenti (Josepha Sebald, sa fille), EGON VON HAGEN (Napoléon), Friedrich Berger (Armand de Coulaincourt), Henry de Vries (gén. Louis-Alexandre Berthier), Carl de Vogt (major Wenzel von Geyr), Henrich Pohl (maréchal Gebhard von Blücher). – Printemps 1812. L’hôtel Cron à Stolzenfels, sur les rives du Rhin près de Coblence, est un lieu de ralliement secret des patriotes allemands. Politiquement, les Rhénans sont divisés, une partie de la population sympathise avec Napoléon, l’autre avec les coalisés. Un major prussien conspire contre l’occupant français et participe à la campagne de Russie où il survit à la retraite. En décembre 1813, Blücher entre à Coblence avec ses hussards, et, sur le point de franchir le Rhin le 1er janvier 1814, le maréchal bénit personnellement l’union du major avec Josepha, une patriote allemande (cf. p. 534).
1927/28Δ Der alte Fritz – 2. Ausklang (DE) de Gerhard Lamprecht ; G. Lamprecht Filmproduktion-National-Film AG Berlin (2 parties). – av. CHARLES VANEL (Napoléon), Otto Gebühr (Frédéric le Grand). – Dans l’épilogue de cette biographie de Frédéric le Grand, situé le 25 octobre 1806 à Potsdam, Napoléon, vainqueur à Iéna, se rend au tombeau du roi de Prusse, ordonne à ses généraux de se découvrir et murmure : « Si celui-là vivait encore, nous ne serions pas ici ! » Charles Vanel endosse très brièvement l’uniforme de l’Empereur, comme il l’a fait dans deux autres productions allemandes réalisées par Karl Grune, Königin Luise (1927) et Waterloo (1928/29).
1929Rosen blühen auf dem Heidegrab – Das Lied vom Vaterland [= Des Roses fleurissent sur la tombe de la lande] (DE) de Curt Blachnitzky [Kurt Blachy]
Erich Eriksen/Trianon-Film GmbH Berlin, 2203 m./ 6 bob. – av. Wolfgang von Schwindt (Martin Schlaeger, maire du village), Hertha Gutmar (Luise Schlaeger, sa fille), Alfons Fryland (Joachim Schlaeger), Betty Astor (Anna Schlaeger, sa femme), Dietrich Henckels (Joachim, leur fils), Karl Falkenberg (Bracke), Gerhard Dammann (Mertens, l’aubergiste), Renate Noack (Martha, sa fille), Robert Leffler (le curé), Rudolf Klein-Rohden (Klaus), Alfred Loretto (Hannes), Magnus Stifter (le major Roisson), Ferdinand von Alten (colonel Matay), Ernst Rückert (ltn. de Vale), Wolfgang Klein (ltn. de Maneux), Paul Rehkopf (cap. Landry), Horst Bergner (sous-off. Rander).
Une nouvelle de Fritz Mischke : Dans un village prussien en hiver 1806, les paysans souffrent des réquisitions et de la conscription militaire. Wolfgang Schlaeger assiste impuissant au viol de son épouse Anna par le caporal français Landry qui est cantonné dans sa ferme et s’est enivré. Fou de rage, le mari le roue de coups, prend la fuite et se terre dans une cabane de charbonnier. Il est trahi, capturé, un colonel français prend sa défense. Mais on découvre une mèche et de l’amadou dans ses poches et un tribunal militaire le condamne à mort pour avoir cherché à faire sauter un pont. – Méchant mélo campagnard qui attise le sentiment d’humiliation et l’esprit de revanche contre les occupants français (présents en Rhénanie jusqu’en 1930). Tournage en été 1929 dans les ateliers Jofa à Berlin et dans la lande de Lunebourg (Basse-Saxe). – Nota bene : le remake Rosen blühen auf dem Heidegrab (1952) de Hans Heinz König modifie sensiblement l’intrigue, le viol se déroulant dans le temps présent, entre paysans allemands, tandis qu’un flash-back évoque un forfait similaire commis par un lansquenet suédois pendant la Guerre de Trente Ans.
Au soir de la bataille de Saalfeld, douze grenadiers prussiens défendent héroïquement un moulin (Die letzte Kompagnie, 1930).
1929/30*Die letzte Kompagnie (La Dernière Compagnie) (DE) de Kurt Bernhardt [= Curtis Bernhardt] [et Joe May]
Joe May/Universum-Film AG Berlin (Ufa), 79 min. – av. Conrad Veidt (cpt. Burk), Karin Evans (Dore), Erwin Kalser (le meunier), Else Heller (la meunière), Heinrich Gretler (Pelle), Maria Pederson (servante), Paul Henckels (Pitsch), Ferdinand Asper (Götzel), Martin Herzberg (Heller), Werner Schott (Biese), Philipp Manning (Möllmann), Max Wilhelm Hiller (Machnow), Ferdinand Hart (Klotz), Alexander Granach (Haberling), Gustav Püttjer (Püttjer), Albert Karchow (Wernicke), Horst von Harbou (Stibbe).
Synopsis : Le 10 octobre 1806 à Saalfeld, le V e corps de la Grande Armée commandé par le maréchal Lannes affronte l’avant-garde de l’armée prussienne du général Hohenlohe commandée par le prince Louis-Ferdinand. Les Prussiens sont mis en déroute, le prince périt au combat. En fin d’après-midi, douze grenadiers, seuls survivants d’une compagnie, et leur commandant, le capitaine Burk, ont l’ordre de défendre à tout prix le moulin des marécages de Reinersdorf qui bloque le passage aux Français, afin de couvrir la retraite des leurs vers Iéna et leur permettre de gagner la rive gauche de la Saale par l’unique pont de la région. Le meunier et son épouse prennent la fuite, mais leur fille adoptive Dore, dix-sept ans, rebrousse chemin sous le prétexte d’apporter des couvertures pour la nuit, car elle est amoureuse du commandant. Les grenadiers résistent héroïquement face à un ennemi en surnombre. Lorsque les derniers régiments ont traversé la Saale, ils font sauter le pont. À l’aube, le moulin est pris, les Français y trouvent les cadavres de douze hommes, d’un officier et d’une jeune fille. L’état-major français salue leur vaillance avant de poursuivre sa route sur Berlin.
Cette « bataille d’Alamo » à la sauce prussienne est produite par la Ufa d’Alfred Hugenberg, inféodée depuis 1927/28 à l’extrême droite nationaliste, et recèle à ce titre bien des contradictions. C’est à la fois la première réussite artistique du cinéma sonore allemand (un succès enviable au box-office) et son premier ouvrage de propagande « audible ». Le script s’inspire de la nouvelle Die letzte Kompagnie. Die Geschichte der 13 Helden von Jena de Hans Wilhelm et Hermann Kosterlitz (futur Henry Koster), parue en 1916 ; Koster a déjà signé le script de Prinz Louis Ferdinand de Hans Behrendt trois ans auparavant (cf. supra), fresque qui narrait la mort du jeune prince à Saalfeld ; passionné de Napoléon, il réalisera à Hollywood Désirée avec Marlon Brando en 1954. La musique est de Ralph Benatzky, alors une célébrité, et Carl Zuckmayer aurait écrit le texte d’une des ballades. Les décors, souvent saisissants, ont été dessinés par Andrej Andrejew. Kurt Bernhardt, 29 ans, est un des jeunes espoirs de la société (ce sera toutefois son seul et unique film à la Ufa) : c’est un ancien spartakiste qui a refusé de s’enrôler en 1914-18, et comme Joe May et Kosterlitz, un juif qui devra fuir le Reich. Quant à Conrad Veidt, qui choisira également l’exil avec l’avènement de Hitler (sa femme étant juive), il endosse son premier rôle naturaliste, loin des silhouettes décadentes, démoniaques ou hallucinées du passé.
Si leur film n’est pas à proprement parler belliciste (la guerre y est bien dépeinte comme horrible et absurde), il obéit néanmoins à un certain romantisme mensonger qui glorifie le sacrifice, l’endurance et surtout l’obéissance aveugle. « Un ordre est un ordre ... et une mort héroïque la seule manière pour un homme de prouver son amour de la patrie », affirme Burk avec autorité mais sans élever la voix, car le commandant traite ses hommes – tous des volontaires – en frères d’armes, non en subordonnés ; ceux-ci connaissent la peur et le doute. Les Français ne sont jamais diabolisés et Bernhardt aurait même refusé de tourner une scène (rajoutée par le scénariste Ludwig von Wohl) en raison de sa tonalité nationaliste et chauvine ; un général napoléonien somme Burk de se rendre, car « la Prusse n’existe plus », et celui-ci répond : « La Prusse existe là où je me tiens ! » (la réplique est filmée par Joe May). Afin que le message de cette Allemagne fière de ses soldats soit bien compris au-delà des frontières, la société finance une synchronisation anglaise (une première) ainsi qu’un sous-titrage français. Goebbels raffole du film – avant de découvrir consterné que ses concepteurs sont tout sauf aryens, et le journal nazi Der Völkische Beobachter y salue « pour la première fois à l’écran quelque chose qui ressemble à une véritable Weltanschauung » (7.6.30).
Le film – tourné de septembre à décembre 1929 aux ateliers de la Ufa à Neubabelsberg et en extérieurs au camp d’entraînement militaire de Dallgow-Döberitz (Brandebourg) – est aujourd’hui surtout intéressant en raison de ses expérimentations à cheval entre le cinéma muet et le parlant. L’interprétation est sobre et pathétique, Veidt tendu, déchaîné. Bernhardt privilégie les gros plans de visages très typés (à la russe), les éclairages tranchés, une figuration restreinte et un décor qui joue à la fois sur l’exiguïté du moulin et, à l’extérieur, sur la menace d’une plaine déserte, plongée dans une brume opaque d’où les ennemis surgissent tels des fantômes, dans la nuit et le froid. L’attente de la mort, inévitable, omniprésente, devient quasi palpable à travers le travail sur la bande son : les longs silences sont entrecoupés de quelques chants, d’un clairon lointain, du grondement du canon, des ordres, des vociférations, du roulement du tambour et du cri des corbeaux. Esthétiquement, l’œuvre est proche des films pacifistes sur les tranchées de 1914-18 : paysage cauchemardesque, anonymat des personnages, mixité sociale, enfermement létal, claustrophobie des lieux. Mais le « soldat inconnu » est ici récupéré à travers la glorification de l’esprit militaire prussien. Remake : cf. Eine Handvoll Helden (1967). – GB : The Last Company, 13 Men and a Girl, IT : L’ultima compagnia.
1930Leier und Schwert. Eine historische Filmscene [= La Lyre et l’Épée] (DE) d’Uwe Jens Krafft
Klangfilm GmbH Berlin-Tonbild Syndikat AG (Tobis), 388 m./14 min. – av. Karl Jöken (Theodor Körner), Franz List, Philipp L. Mayring, Erich Wocke, Walter Kretschmar.
En été 1813, le poète et militaire prussien Karl Theodor Körner enflamme la troupe de Lützow par ses poèmes patriotiques et récite La prière pendant la bataille (Gebet während der Schlacht). Les chansons sont interprétées par des membres du Lützow’scher Freikorps sous la direction musicale de Gustav Gottschalk. Le court métrage reprend le titre du recueil des œuvres poétiques de Körner publié en 1814 à Vienne, La Lyre et l’Épée, qui deviendra au cours du XIX e siècle un véritable hymne à l’unité allemande. Cf. film de 1927.
1930/31Schneider Wibbel [= Wibbel le tailleur] (DE) de Paul Henckels
Gustav Althoff/Aco-Film GmbH-Cinéma Filmvertriebs GmbH (Berlin), 84 min. – av. Paul Henckels (Anton Wibbel), Thea Grodyn (Fina Wibbel, son épouse), Wolfgang Zilzer (Peter Zimpel), Harry Berber (Mölfis), Ferdinand Hart (col. Heubes).
Synopsis : En été 1812, la milice de la ville rhénane de Düsseldorf a pour mission de garder les routes libres pour les déplacements et transports de la Grande Armée, affairée en Russie. Leur tâche accomplie, les braves citoyens se réunissent autour d’un verre de vin. Anton Wibbel, un tailleur, boit quelques verres de trop et est condamné à quatre semaines d’arrêt pour insulte à un fonctionnaire de l’Empire. Craignant une baisse de son chiffre d’affaires, il se fait remplacer en prison par Zimpel, son employé faible d’esprit, et dirige sa boutique depuis une cachette ; mais Zimpel décède d’une pneumonie dans sa cellule. Afin que les autorités d’occupation françaises ne découvrent pas le subterfuge, Wibbel, officiellement mort, doit se maquiller et se déguiser. Le désastre napoléonien en Russie, la victoire alliée à Leipzig et l’arrivée des troupes de Blücher en 1813 sauvent la situation.
Deuxième adaptation – après 1920 – de la comédie populaire de Hans Müller-Schlösser (1913), filmée aux studios Ufa à Berlin-Tempelhof. Paul Henckels reprendra son rôle à la télévision en 1954 (cf. infra). La pièce s’inspire d’une histoire vraie, survenue à Berlin sous Frédéric-Guillaume IV, mais que Müller-Schlösser a transférée en Rhénanie. Devenu le symbole de la ruse rhénane et de la résistance à l’occupant français, le tailleur Wibbel possède sa propre rue et sa statue dans les vieux quartiers de Düsseldorf. En 1938, Mark Lothar composera un opéra comique, Schneider Wibbel, d’après un livret de Müller-Schlösser.
1931*Luise, Königin von Preussen (Ein Frauenschicksal) / Luise von Preussen (Luise, das Schicksal einer königlichen Frau) [= Louise, reine de Prusse. Le destin d’une femme] (DE) de Carl Froelich
H. Porten, Wilhelm von Kaufmann/Henny Porten-Film GmbH (Berlin), 115 min. – av. Henny Porten (Louise, reine de Prusse), Gustaf Gründgens (le roi Friedrich Wilhelm III), Ekkehard Arendt (prince Ludwig Ferdinand), Wladimir Gaidarow (le tsar Alexandre I er), Friedrich Kayssler (baron Heinrich Karl von Stein), PAUL GÜNTHER (Napoléon), Christian Grautof (le prince héritier Charles), Helene Fehdmer (comtesse Voss).
Le récit mélodramatique de la si populaire reine Louise est particulièrement prisé pendant la République de Weimar : la souveraine symbolise une Allemagne impuissante, humiliée par le traité de Versailles. Pour la société de production de Henny Porten et son cinéaste attitré Froelich, le choix d’un sujet aussi emblématique comme premier film parlant peut se justifier, les rôles de mater dolorosa ayant toujours convenu à celle qui fut la plus grande star du cinéma muet allemand. C’est le rôle de ses rêves, et son père, Hans Porten, avait déjà produit une première mouture en 1913. Annoncée en été 1926 sous le titre Königin Luise / Luise, das Schicksal einer königlichen Frau, cette adaptation (encore muette) du roman Luise de Walter von Molo (1919) débute en septembre, mais les travaux sont interrompus au printemps 1927, lorsque le projet parallèle de la Terra-Film (signé Karl Grune, cf. supra) lui coupe l’herbe sous les pieds. Quatre ans plus tard, le parlant s’étant imposé, le projet est remis sur le métier avec un nouveau scénario qui se limite aux années 1806 à 1810. C’est la mère (bouleversée à la vue des orphelins de guerre), la femme, non le mythe qui intéresse Henny Porten. L’actrice s’affirme foncièrement apolitique et a appris le dialecte de Darmstadt, celui que parlait la reine. Le tsar Alexandre est dépeint comme un flatteur hypocrite qui brade la Prusse, et la fameuse conversation entre Louise et Napoléon est interrompue par l’entrée inopinée du roi à l’instant où le Français, séduit, allait faire quelques concessions. À la fin de sa vie, la reine secoue la tête : « Tant de sang versé, tant de sacrifices, et tout cela pour rien ! Il ne faut pas perdre espoir, nous serons à nouveau vainqueurs un jour, oui, vainqueurs, et nous serons tout aussi impitoyables, aussi cruels que le sont aujourd’hui les autres ... Il n’y aura jamais la paix, toujours la haine et la guerre, je suis fatiguée à en mourir. »
Le tournage, ruineux (quoique sans scènes de foules), a lieu dans les ateliers D.L.S. à Staaken (Froelich-Studios), à Berlin-Tempelhof et au château de Königsberg, en septembre-octobre 1931 ; le film sort en décembre. Mais les temps ont changé : à présent, la matière est jugée défaitiste, le public ne se reconnaît plus dans l’attitude digne et résignée de la reine. Dans les rues, la lamentation fait progressivement place à l’agressivité revancharde. Les tenants de l’Ordre nouveau gagnent du terrain et, mariée à un juif, Henny Porten est dans leur collimateur ; les lettres de menace s’accumulent. Comme ses prédécesseurs, Froelich dépeint une Prusse déchirée, lâchée par ses alliés russes, gouvernée par un roi faible et indécis. Or le sujet est, plus que jamais, délicat dans la mesure où il dépeint une nation déchirée entre forces conservatrices et révolutionnaires, invitant implicitement à choisir entre la Prusse de hier, monarchiste (celle de Frédéric II comme du maréchal Hindenburg) et un renouveau national aux multiples inconnues. Sur ce point, le scénario a le tort de rester évasif, de privilégier l’anecdote sentimentale aux discours clairs, d’inviter à s’identifier aux souverains broyés par l’Histoire plutôt qu’aux généraux et politiciens qui les entourent. « Voilà un film qui ne sait ni ce qu’est l’Histoire ni qui était vraiment la reine Louise et encore moins ce qu’il veut dire au spectateur », résume Ludwig Marcuse (Vossische Zeitung, 5.12.31). Le public a vite fait d’applaudir les tirades qui lui conviennent, et chaque propos belliciste récolte des applaudissements fanatiques. Dans ses torchons, l’extrême droite promeut le film avec le fameux slogan « Das Volk steht auf und der Sturm bricht los ! » (« Le peuple se réveille et la tempête se déchaîne ! ») – paroles tirées du poème Männer und Buben de Theodor Körner – dont Josef Goebbels se servira abondamment par la suite (cf. Kolberg en 1945). N’empèche, Henny Porten et son époux israélite sont insultés, reçoivent des menaces de mort. La SA saccage les salles et de nombreux cinémas renoncent à projeter le film. Une année plus tard, la société de production de Henny Porten fait faillite, après que la Ufa, distributrice, ait tenté d’exploiter une version raccourcie de 22 minutes, expurgée de ses propos pacifistes. Ruinée, placée sur une liste noire, Henny Porten retourne provisoirement au théâtre, interprétant Madame Sans-Gêne de Sardou à Dresde, puis en Suisse et en Autriche. Exit la reine Louise : elle restera absente des écrans pendant vingt-six ans (ses apparitions furtives dans d’autres récits mises à part). – US : Luise, Queen of Prussia.
1931Yorck (DE) de Gustav Ucicky
Ernst Hugo Correll/Universum-Film AG Berlin (Ufa), 102 min. – av. Werner Krauss (gén. Ludwig Yorck von Wartenburg), Grete Mosheim (sa fille Barbara), Hans Rehmann (Rüdiger Heyking, son fiancé), Rudolf Forster (Friedrich Wilhelm III), Gustaf Gründgens (Karl August prince de Hardenberg), Lothar Müthel (gén. Carl von Clausewitz), Friedrich Kayssler (gén. comte Kleist von Nollendorf), Raoul Aslan (maréchal Étienne Macdonald, duc de Tarente), Walter Janssen (vicomte de Noailles), PAUL BILDT (Napoléon), Otto Wallburg (maréchal Iwan Iwanowitsch Diebitsch-Sabalkanskij).
Synopsis : Alors que Napoléon marche sur Moscou avec des régiments prussiens incorporés de force dans la Grande Armée, à Potsdam, de jeunes officiers autour de Clausewitz incitent à la révolte contre l’occupant. Le maréchal comte Yorck von Wartenburg (1759-1830) songe à démissionner, mais il est contraint d’assumer le commandement du corps de réserve prussien en Lettonie, corps appartenant à l’aile gauche de la Grande Armée que dirige le maréchal Macdonald. Ne faisant pas confiance à Yorck, Macdonald lui impose le vicomte de Noailles comme officier de liaison. Yorck tente en vain de rallier à ses idées insurrectionnelles le roi de Prusse, louvoyant, inconsolable depuis le décès de son épouse Louise. Les 18 000 Prussiens de Yorck se battent sans enthousiasme. Tandis que la fille du général, Barbara, se fait courtiser par Noailles, son fiancé Rüdiger subtilise dans la poche du Français un courrier secret destiné à Macdonald. C’est ainsi que Yorck apprend que Napoléon a ordonné la retraite et quitté Moscou. Sommé de protéger le flanc des restes de la Grande Armée, iI fait défection en signant le 30 décembre 1812, au moulin de Poscherun, près de Tauroggen, une convention avec le maréchal russe Diebitsch-Sabalkanskij qui assure la neutralité de ses troupes. Ce traité marque la renaissance de la puissance militaire prussienne, mais le roi, lié à Napoléon par le traité de Tilsit, n’a pas été consulté. Il désavoue Yorck et le démet de son commandement, ainsi que les généraux Kleist et Gneisenau. Il s’apprête à les faire comparaître devant une cour martiale lorsque Macdonald l’apostrophe avec tant d’arrogance qu’il réalise son erreur et déchire le traité avec la France. Yorck et son armée font une entrée triomphale à Berlin.
Le Viennois Gustav Ucicky (un fils naturel du peintre Gustav Klimt) fignole cet épisode ronflant du réveil de la Prusse pour le compte de la Ufa réactionnaire d’Alfred Hugenberg, tourné en septembre-octobre 1931 dans les studios de Neubabelsberg et en extérieurs dans les vieux quartiers de Berlin (porte de Brandebourg, etc.). C’est l’unique film de la Ufa qui a été produit personnellement par son chef, Hugo Correll, d’où un budget considérable de 737 000 Reichsmark. Yorck y est célébré comme un nouveau guide (Führer) du peuple allemand en temps difficiles, un libérateur capable de modifier le cours du destin, à la fois « rebelle et serviteur fidèle de la couronne » (selon la publicité d’époque) qui forme en secret une armée populaire – à l’instar des milices SA et SS. Cette même année, également en octobre, les magnats de l’industrie de la Ruhr se rangent du côté de Hitler ; le « Parti national du peuple allemand » (« Deutschnationale ») dirigé par Hugenberg, les organisations paramilitaires des « Stahlhelme » (casques d’acier) et du « Bund der Frontsoldaten », la ligue agricole (« Landbund »), la ligue pangermaniste (« Alldeutscher Verband ») et le parti nazi (NSDAP) s’allient pour former le Front de Harzburg (« Harzburger Front »), avec pour but commun le renversement de la République de Weimar. Subrepticement, le film s’interroge sur le comportement de la caste militaire allemande quand Hitler prendra le pouvoir, tout en gommant quelques menus détails : en vérité, Yorck fut bel et bien traîné en cour martiale et il ne fut absous que deux mois plus tard, lorsque la Prusse se rangea définitivement du côté de la Russie, après le traité de Kalisz.
Considéré comme un des plus grands comédiens de son temps, Werner Krauss (Le Cabinet du docteur Caligari), la démarche tranquille, le regard de feu, s’impose à l’écran avec une force de conviction indéniable ; il deviendra l’acteur favori et l’un des plus puissants du régime nazi. La presse française s’inquiète à raison de son film « revanchard » qui ferait « trépigner d’enthousiasme l’Allemagne tout entière » en célébrant « un des organisateurs de la débâcle de la Grande Armée », qui invite à lutter « contre les Français pour effacer la honte d’Iéna et d’Auerstädt » (La Cinématographie française, 20.8.32). Les Français sont effectivement dépeints comme déloyaux, frivoles et efféminés. Une bande visuellement très soignée (avec des images des combats en Russie recréés en atelier), des clairs-obscurs envoûtants (photo : Carl Hoffmann, le génial opérateur du Faust de Murnau, des Nibelungen et du Docteur Mabuse de Lang), mais – à en croire la presse – statique, monotone et bavard. Dans Die Weltbühne, le grand critique Rudolf Arnheim persifle : « En se référant à l’Histoire, on nous démontre ici comment il est possible de rompre un traité et de désobéir à son gouvernement tout en restant un bon, un vrai Allemand. Ceux qui souhaitent s’informer sur la notion prussienne du devoir iront de surprise en surprise ! Pendant plus d’une heure, on nous assène avec insistance qu’un soldat doit obéir, obéir et non réfléchir, puis, ô miracle, lorsque la situation devient sérieuse, le militaire n’obéit plus et tombe dans la tare sémitico-destructive de penser par lui-même ... » (12.1.1932). Vu cette contradiction, il est peu probable que pareil sujet aurait pu voir le jour après 1933. En raison de son contenu idéologique, le film sera interdit par les Alliés en 1945 (il est aujourd’hui considéré comme perdu). – US (1932) : Yorck.
1932Theodor Körner – Ein deutsches Heldenlied / Die Toni aus Wien (DE) de Carl Boese et Rudolf Walther-Fein (dir. art.)
Gabriel Levy/Aafa-Film AG Berlin, 93 min. – av. Willi Domgraf-Fassbaender (Theodor Körner), Ludwig Trautmann (Christian Gottfried Körner, son père), Dorothea Wieck (Antonie/Toni Adamberger), Lissy Arna (Eleonore Prochaska), Sigurd Lohde (major baron Adolf von Lützow), Maria Meissner (Frau von Lützow), Wolfgang von Schwind (Friedrich Ludwig Jahn), Josef Peterhans (Wilhelm von Humboldt).
Synopsis : Dans une société d’étudiants de Leipzig, Theodor Körner, « le chevalier à la lyre et à l’épée » (cf. film de 1927), rédige des hymnes à la liberté, puis fuit la police française en se réfugiant chez ses parents à Dresde. Le célèbre savant Humboldt, un ami de la famille, l’emmène à Vienne où il perce comme auteur au Burgtheater et se fiance avec la comédienne Toni Adamberger. Lorsqu’il rejoint les corps-francs du major Lützow pour combattre Napoléon, il rencontre la jeune guerrière Eleonore Prochaska (1785-1813) qui s’éprend follement de lui et trouve la mort en le protégeant des balles de l’ennemi (ce qui est historiquement faux). Le régiment de Lützow est presque anéanti ; Körner, blessé d’un coup de sabre à la tête, se cache à nouveau chez ses parents, puis une fois remis, repart se joindre à un nouveau corps-franc – et tomber sur le champ de bataille à l’âge de 22 ans, en août 1813.
De l’imagerie sentimentalo-patriotique aux relents suspects – Körner entre dans une extase orgasmique à l’idée de pouvoir enfin mourir pour son drapeau, oubliant tous ses serments amoureux ! – filmée aux studios Ufa à Berlin-Tempelhof et dans les alentours de Falkensee (Berlin-Spandau). Körner est joué-chanté par le célèbre baryton Willi Domgraf-Fassbaender, de l’Opéra d’État Unter den Linden à Berlin. – AT : Das Lied vor der Schlacht / Die Toni vom Burgtheater.
1932Marschall Vorwärts (Maréchal en avant) (DE) de Heinz Paul
Biograph-Film GmbH-Tobis Melofilm GmbH (Berlin), 101 min. – av. Paul Wegener (Gerhard Leberecht, prince Blücher), Traute Carlsen (Malchen von Blücher), Hans von Schwerin (Franz Blücher, leur fils), Theodor Loos (Friedrich Wilhelm III), Friedrich Kayssler (Gerhard von Scharnhorst), Paul Richter (August von Gneisenau), Fritz Alberti (prince Karl August von Hardenberg), Josef Peterhans (gén. Ludwig Yorck von Wartenberg), Eduard Rothauser (François Ier d’Autriche), Carl Auen (le tsar Alexandre Ier), ALFRED DURRA (Napoléon), Anton Pointner (prince Karl Philipp von Schwarzenberg), Alfred Gerasch (prince Klemens Wenzel von Metternich), Oskar Marion (maréchal August von Goltz), Bruno Ziener (Wilhelm von Humboldt), Paul Biensfeldt (maréchal Friedrich von Kalckreuth).
Synopsis : Suite aux victoires françaises à Iéna et à Auerstädt en octobre 1806, Napoléon entre à Berlin, le roi se réfugie à Memel, tandis que Lübeck tombe après de sanglants combats de rues. Faute de nourriture et de munitions, le général en chef prussien, le prince Blücher (1742-1819), doit capituler avec le reste de son armée. Napoléon salue sa vaillance. Les Russes refusent d’intervenir et la paix humiliante de Tilsit, qui ampute la Prusse de près de la moitié de son territoire, est un traumatisme national. Blücher se retire dans son domaine, auprès de sa famille. Il correspond toutefois avec le roi pour l’inciter à poursuivre la guerre. Apprenant cela, Napoléon ordonne son renvoi de l’armée. Blücher est bouleversé. Âgé de 71 ans, il rassemble en secret autour de lui des compagnons d’armes fidèles et ardents patriotes ; lorsque Moscou est en flammes, il donne le signal de la révolte. Le roi lui confie le commandement de l’armée, mais les troupes prusso-russes sont défaites à Gross-Görschen et à Bautzen, Blücher est blessé. La situation bascule avec l’entrée en guerre de l’Autriche. À Leipzig, en 1813, l’intervention de ses régiments décimés et durement éprouvés est providentielle : Napoléon est finalement battu, et Blücher, réputé pour ses harangues enflammées, reçoit de ses soldats le surnom de « Maréchal En-Avant » (en réalité, ce surnom lui fut donné par les alliés russes au début janvier 1814, lorsqu’il poussa les monarques hésitants de la Sixième Coalition à traverser le Rhin et à marcher au plus vite sur Paris).
Trois ans après le Waterloo muet de Karl Grune, le réalisateur Heinz Paul, un fervent partisan d’Hitler décoré de l’Ordre du sang (« Blutorden »), se penche à son tour sur la destinée du bouillant Blücher. Paul se consacre exclusivement à la période de 1806 à 1813, lorsque le futur vainqueur de Napoléon s’impose comme commandant en chef charismatique, populaire et adulé de ses soldats. Paul Wegener, le terrifiant Golem du cinéma expressionniste muet, lui prête sa stature imposante, sa fougue et son autorité. Filmée en été 1932 sur le terrain des ateliers Jofa à Berlin-Johannisthal avec une figuration importante, cette exaltation de la prise de conscience nationale et des débuts de l’unité allemande annonce en filigrane l’arrivée au pouvoir du Führer dont Blücher, Frédéric le Grand et Bismarck seront les porte-parole de prédilection à l’écran. Menée par une caste militaire revancharde, par les hérauts du nationalisme naissant et par une jeunesse exaltée qui rejette les codes du passé, la guerre de libération contre Napoléon est aux yeux du régime nazi la représentation transposée de son propre combat. Une fois de plus, la « honteuse » paix de Tilsit entre Napoléon et le tsar est ici une préfiguration du traité de Versailles en 1919 que ce film dénonce implicitement tout en appelant au réarmement de la Reichswehr. En raison de son contenu idéologique, le film (aujourd’hui perdu) sera interdit par les Alliés en 1945.
1932Der schwarze Husar (Le Hussard noir) (DE) de Gerhard Lamprecht
Eduard Kubat/Universum-Film AG Berlin (Ufa), 94 min. – av. Conrad Veidt (Rittmeister Hansgeorg von Hochberg), Mady Christians (Marie Luise de Bade), Bernhard Goetzke (le duc Friedrich Wilhelm von Braunschweig), Grigori Chmara (le prince Potowski), Wolf Albach-Retty (ltn. Aribert von Blome), Ursula Grabley (Brigitte), Otto Walburg (le gouverneur Darmont), Günther Hadank (cpt. Fachon, son adjudant), Franz Stein (l’espion).
Synopsis : En décembre 1812, en Prusse occupée, les soldats de Napoléon recherchent les membres des corps-francs formés dans la clandestinité, notamment ceux du fameux régiment des « hussards noirs à la tête de mort » placés sous les ordres du duc Friedrich Wilhelm de Braunschweig, lui-même réfugié en Angleterre. Marie Luise, princesse badoise, séjourne incognito dans une auberge où elle cache le capitaine von Hochberg, un hussard noir, lors d’une perquisition des Français. Hochberg et son ami Blome ont pour mission d’amener la princesse allemande à Londres auprès de son fiancé, le duc de Braunschweig, car Napoléon souhaite la marier de force au prince polonais Potowski. Ayant appris par ses espions où se terre la jeune femme, le gouverneur Dramont la fait transporter à Erfurt. Hochberg s’empare du prince polonais, revêt son uniforme et parvient à enlever Marie Luise, en qui il a reconnu l’inconnue qui lui avait sauvé la vie et dont il s’est épris. Fidèle à ses ordres, il l’accompagne en Angleterre. Après la retraite de Russie, le duc retourne à Braunschweig et rend sa liberté à sa fiancée, ayant compris qu’elle aime Hochberg.
Une bande d’aventures classique qui débute par une poursuite à cheval endiablée (filmée au ras du sol), et enchaîne déguisements et enlèvements, le tout plutôt bien ficelé dans les studios Ufa à Neubabelsberg et en extérieurs à Schwedt an der Oder (Brandebourg). Conrad Veidt fait un très séduisant hussard sous la direction de Lamprecht (le fondateur de la cinémathèque allemande), un cinéaste érudit et politiquement modéré. À première vue, la bande semble heureusement dénuée des excès militaristes en usage à la Ufa, même si le scénario « anti-napoléonien » ridiculise surtout les Polonais (le prince Potowski est un crétin gesticulant, ses soldats finissent en petites culottes). Le sujet est tiré de la comédie Totenkopfhusaren (1926) de Leo Lenz, que le compositeur rhénan Eduard Künneke (également responsable de la musique du film) avait auparavant transformée en opérette sous le titre Für eine schöne Frau.
Le film sort trois mois après la dissolution du gouvernement socialiste de Prusse d’Otto Braun par le président Hindenburg en juillet 1932 (« Preussenschlag »), un coup de force qui permet au chancelier von Papen de débarrasser l’administration prussienne des démocrates : la droite des « Deutschnationale » prend le pouvoir, la République de Weimar est condamnée, Hitler attend son heure. Le prince héritier Guillaume de Hohenzollern et son épouse Cécilie assistent festivement à la première du film, invités – ce n’est pas un hasard – par le patron de la Ufa, Hugenberg. Les spectateurs acclament le couple avec enthousiasme. La réception critique reflète le climat tendu qui s’installe alors dans le pays, déchiré entre gauche, droite et extrême droite. La presse libérale met la jeunesse en garde contre une représentation trop inoffensive de la guerre et des rêveries d’un passé de manuel scolaire, tandis que Angriff, le journal nazi, s’en prend à son contenu « monarchiste », à son patriotisme rétrograde loin des idéaux nationalistes de la Nouvelle Allemagne (13.10.32) : Hitler, lui, prépare une « guerre de libération » autrement plus radicale. Ce film et son accueil polémique annoncent des règlements de comptes. – IT : L’ussaro nero, GB : The Black Hussar.
1932Die elf Schill’schen Offiziere (Ich hatt’ einen Kameraden) (Les Onze Officiers de Schill) (DE) de Rudolf Meinert
Detlef von Moltke, Gertrud Keitzschner, Curt Schwecht/Märkische Film GmbH Berllin, 100 min. – av. Friedrich Kayssler (baron von Trachenberg), Hertha Thiele (Maria von Trachenberg, sa fille), Heinz Klingenberg (ltn. Karl Friedrich Wilhelm von Trachenberg, son fils), Hans Brausewetter (ltn. Karl Gustav von Keffenbrink), Veit Harlan (ltn. Konstantin Johann Wilhelm Gabain, son neveu), Camilla Spira (Anna), Eugen Rex (Michel), Carl de Vogt (major Ferdinand Baptista von Schill), Paul Günther (Friedrich Wilhelm III), Erna Morena (la reine Louise), Franz W. Schröder-Schrom (gén. Pierre-Guillaume Gratien), Theodor Loos (Hans Küffer).
Synopsis : Après la paix de Tilsit, la Prusse est contrainte à la neutralité et doit fournir des soldats à Napoléon. Plusieurs corps-francs se forment en secret parmi la jeunesse pour lutter contre l’occupant haï ; le plus célèbre est celui du major von Schill. Un traître à la solde des Français, Hans Küffer, dénonce ses camarades ; Schill est tué lors d’une opération de guérilla à Stralsund et onze de ses officiers sont capturés et condamnés à mort. Grièvement blessé, Karl Keffenbrink, autre hussard de Schill, parvient à se réfugier chez son oncle, le baron von Trachenberg dont il a épousé la fille, Maria. Il échappe à une patrouille française tandis que Trachenberg et sa fille sont interrogés, puis relâchés. Karl assiste à l’exécution publique de ses camarades (parmi lesquels son cousin Fritz von Trachenberg), et, tourmenté par le sentiment de les avoir lâchement abandonnés, il se suicide.
Une nouvelle mouture, sonore cette fois, du « martyre » de Ferdinand von Schill (1776-1809) et de ses onze officiers, filmé en été 1932 aux ateliers Jofa de Berlin-Johannisthal et en Poméranie, à Stralsund et sur les rives de la mer Baltique. Meinert, réalisateur médiocre, déjà responsable de la version muette de 1926, y dirige le jeune Veit Harlan en patriote fanatique, futur parangon du cinéma nazi (Le Juif Süss), la troublante Hertha Thiele (une communiste qui choisira l’exil en Suisse cinq ans plus tard) et Erna Morena, star des années vingt, en reine Louise. Comme de bien entendu, le film est acclamé par la droite et vilipendé par la gauche qui y dénonce des « allusions sans ambages à Hitler » (Die Rote Fahne, 25.8.32). Mais le gros des spectateurs boude cette bande ampoulée et ennuyeuse qui suscite, selon la critique, plus de baillements que de sentiments patriotiques. Précisons que la véritable mort de Schill est moins exaltante que ne voudrait le faire croire le film : après trois petites victoires contre les Français et leurs alliés, Schill conduisit ses deux mille hussards prussiens et suédois dans le port de Stralsund sur la Baltique pour y obtenir de l’aide des vaisseaux de guerre britanniques qui y étaient ancrés – mais les navires étaient déjà repartis. Ne parvenant pas à provoquer le soulèvement des Poméraniens, il fortifia Stralsund en vue d’une contre-attaque ennemie. La ville fut conquise par des régiments hollandais et danois le 31 mai 1809. Des Hollandais le trucidèrent à la baïonnette, le déshabillèrent et le décapitèrent. Sa tête fut conservée au Musée de l’Armée à Amsterdam jusqu’en 1839. Ce sont ses camarades qui furent fusillés par les Français, matière également traitée en 1909, 1926 et 1941. – IT : Gli undici ufficiali di Schill.
1934Schwarzer Jäger Johanna [= Johanna le Chasseur Noir] (DE) de Johannes Meyer
Rudolf Fritsch/Terra-Film AG, Berlin, 99 min. – av. Marianne Hoppe (Johanna Luerssen), Margarete Albrecht (sa mère), Paul Hartmann (major Georg Ludwig Korfes), Gustaf Gründgens (Dr. Frost), Fita Benkhoff (Philine Melchior), Paul Bildt (Friedrich Wilhelm von Braunschweig-Lüneburg, dit « le Duc Noir »), Rudolf Biebrach (col. Johann Heinrich Karl von Bernewitz), Harry Hardt (cpt. prince Antoni Pawel Sulkowski), Erich Fiedler (ltn. von Hirsewald), Friedrich Ettel (gén. Jean-François Reubell/Rewbell).
Synopsis : Dans le duché prussien de Brunswick (Basse-Saxe) en 1809. Ayant été abandonnée par son fiancé, Johanna Luerssen, un peu garçonne, prend la diligence pour la capitale. En route, elle fait la connaissance de l’inquiétant Dr. Frost, un agent de Napoléon, et du major Korfes, un des chefs de l’insurrection secrète contre l’occupant. Ce dernier est arrêté par des dragons français, mais glisse auparavant une lettre à Johanna, dissimulée dans la partition de la Symphonie héroïque de Beethoven. À Brunswick, Frost tente vainement de s’emparer de la missive. Johanna rejoint Korfes, relâché, et les deux se rendent en Bohême où Korfes endosse l’uniforme des chasseurs noirs (« die Schwarze Schar »), le corps-franc de cavalerie légère du duc Frédéric-Guillaume de Brunswick (surnommé « le Duc Noir »), dont il prend le commandement. Johanna se coupe les cheveux et fait de même, à titre d’ordonnance du major auquel elle sauve la vie lors d’un guet-apens agendé par le général ennemi Sulkowski. Ensemble, ils remportent plusieurs victoires contre les Français en Allemagne du Nord. N’acceptant pas l’armistice entre Vienne et Paris, le duc décide de transférer son corps de chasseurs en Angleterre. Les armées françaises – en fait des troupes auxiliaires du royaume de Westphalie (dont dépend Brunswick) – commandées par le général Reubell entrent à Brunswick où Frost parvient à piéger le duc. Appuyés par la population, les chasseurs livrent un combat de rues désespéré. Ferraillant comme une lionne, Johanna est capturée ; comme elle refuse de livrer des noms, elle est condamnée à mort. Mais les soldats westphaliens, impressionnés par la résistance locale, se mutinent, déposent les armes et Reubell est contraint de se retirer. Frost réalise que la résistance à Napoléon grandit dans tout le pays et, admiratif, libère Johanna qui peut accompagner son amoureux de l’autre côté de la Manche ... vers cette Angleterre en qui Hitler, en 1934, voit encore un allié potentiel contre l’Union soviétique.
Le film d’espionnage et de cavalcades ultra-héroïques de Johannes Meyer (membre du parti, responsable d’un Fridericus belliciste à la gloire de Frédéric le Grand en 1937) réunit plusieurs personnages peu connus du grand public mais ayant existé (Bernewitz, Sulkowski, le « Duc Noir » de Brunswick), outre le major Georg Ludwig Korfes (1769-1810), dont l’unité de chasseurs – arborant une tête de mort sur leurs shakos noirs – sera effectivement transférée en Angleterre via Helgoland pour y former un régiment anglo-brunswickois et poursuivre la lutte contre Napoléon au Portugal ; Korfes décédera à Lisbonne des suites d’une maladie. Pour l’héroïne en titre, fictive, le scénario opère la synthèse de deux femmes ayant participé activement à la guerre de libération ; d’une part Eleonore Prochaska (1785-1813), une amazone engagée dans le corps-franc du baron de Lützow, célébrée plus tard comme la « Jeanne d’Arc de Potsdam » et qui mourra au combat à l’âge de 28 ans ; de l’autre, Luise Grafemus (1785-1852), engagée dans les uhlans de Blücher, soutenue par la reine Louise et qui sera décorée de la Croix de Fer (elle était en réalité une juive de Hanau du nom d’Esther Manuel, détail passé sous silence !). Une bourde : le général alsacien Reubell qui apparaît dans le film au service du roi Jérôme s’est retiré de la politique en 1799 en désaccord avec Bonaparte et meurt en 1807 (il avait fait annexer à la France la rive gauche du Rhin et était un des initiateurs de l’invasion de la Suisse en 1798).
Cette bande offre son premier grand rôle à Marianne Hoppe, ici une vaillante femme-soldat à la sexualité ambiguë, mais c’est le fascinant et machiavélique Dr. Frost de Gustav Gründgens (l’époux officiel de l’actrice) qui domine la distribution, au point de mettre en péril le message patriotique de l’ensemble, car il s’agit de montrer que l’Allemagne entière se mobilise contre l’occupant. Le scénario, tourné en été 1934 aux ateliers de Terra-Glashaus à Berlin-Marienfelde et en extérieurs près de Halberstadt (Saxe-Anhalt), rappelle l’occupation de la Ruhr par les forces du traité de Versailles et annonce la « libération » de la Rhénanie par Hitler deux ans plus tard. En raison de son contenu militariste, le film sera interdit par les Alliés en 1945. – AT : Der Spion des Kaisers, GB : Black Fighter Johanna.
1935Der höhere Befehl / Auf höheren Befehl [= Le Commandement supérieur] (DE) de Gerhard Lamprecht
Bruno Duday/Universum-Film AG (Ufa) Berlin, 94 min. – av. Lil Dagover (Madame Martin), Karl Ludwig Diehl (Rittmeister von Droste), Gertrud de Lalsky (Majorin Trass), Heli Finkenzeller (Käte, sa fille), Aribert Wäscher (l’avocat Menecke), Friedrich Kayssler (le général), Hans Mierendorff (le duc de Beckhurst), Siegfried Schürenberg (Lord Beckhurst, son fils).
Synopsis : En 1809, Lord Beckhurst, un envoyé du roi d’Angleterre qui se fait passer pour un marchand de vin berlinois, se rend de Vienne à Londres, accompagné d’une ravissante comédienne française, Madame Martin. En route, il s’arrête à Perleberg, dans le Brandebourg, chez le capitaine von Droste, le jeune commandant de la ville auquel il révèle la nature de sa mission : une alliance secrète entre l’Autriche, l’Angleterre et la Prusse pour terrasser Napoléon. Droste le soustrait à la surveillance de la police française, mais peu après, Beckhurst disparaît, enlevé par Madame Martin (qui est en réalité une espionne de Napoléon) et son acolyte, l’avocat Menecke, un mouchard à la solde de l’occupant. Droste alerte l’état-major, mais ses supérieurs à Berlin lui ordonnent de ne pas s’en mêler : la Prusse est officiellement neutre. Néanmoins, au péril de sa vie et à sa propre initiative, Droste parvient à libérer Beckhurst, enfermé dans un pavillon de chasse ; Madame Martin succombe à une balle perdue et Menecke (aux traits sémites) est lynché par des patriotes allemands. Droste déserte son escadron et gagne l’Angleterre avec Lord Beckhurst pour y poursuivre la lutte contre l’opresseur français.
Un sujet nationaliste que Lamprecht, resté à l’écart des milieux nazis mais les mains liées, tente de traiter sans l’habituel pathos, comme un film d’aventures et d’espionnage classique, dénué de discours propagandistes. Lil Dagover, l’espionne et femme fatale française, figure en tête d’affiche. Le personnage de Lord Beckhurst est inspiré par Lord Benjamin Bathurst (1784-1809), un diplomate anglais venant de Vienne et qui aurait bel et bien disparu mystérieusement à Perleberg. Tourné en octobre-novembre 1935 – alors que Hitler vient de réintroduire le service militaire obligatoire dans le pays – aux ateliers de la Ufa à Neubabelsberg, à Ferch, près de Potsdam, ainsi que sur les rives du lac de Schielow, le film est beaucoup plus ambigu qu’il n’y paraît, car son héros obéit à sa conscience (le « commandement supérieur » du titre) plutôt qu’aux ordres du roi, opte pour la résistance au dictateur qui terrorise le pays et choisit la liberté, donc l’émigration ... D’autre part, le rebelle qui n’obéit qu’à sa conscience de patriote – « la Prusse d’abord ! » – est une silhouette familière du cinéma allemand d’avant-guerre, et la Grande-Bretagne, vantée dans le film, est alors un partenaire privilégié du Reich (le traité naval germano-britannique de juin 1935 torpille les dispositions du traité de Versailles) : l’alliance de l’Allemagne, de l’Autriche et de la Grande-Bretagne dont rêve à ce moment Hitler pourrait effectivement modifier la carte de l’Europe et mettre en échec l’Union soviétique. Goebbels choisit donc d’ignorer les ambiguïtés du film (qu’il admire beaucoup, à en croire son journal, 11.12.35) en lui décernant le qualificatif officiel « particulièrement recommandé pour sa valeur politique et artistique », ce qui provoquera à son tour l’interdiction du film par les Alliés en 1945. – IT : Le spie di Napoleone, US : The Higher Command.
1936**Die Nacht mit dem Kaiser [= La Nuit passée avec l’Empereur] (DE) d’Erich Engel
Eberhard Klagemann/Klagemann-Film GmbH (Berlin), 102 min. – av. Jenny Jugo (Lisa Grossinger), Friedrich Benfer (Heinz Heckmann), Richard Romanowsky (le poète Thomas Kellermeister), HANS ZESCH-BALLOT (Napoléon), Ernst G. Schiffner (Frédéric-Auguste Ier, roi de Saxe), Otto Woegerer (le tsar Alexandre Ier), Kurt Kramer (Frédéric Ier, roi de Wurtemberg), Hans Ludwig Hilmer (prince Wilhelm), Werner Scharf (adj. de Brusset), Theodor Tony (Lucien), Hans Leibelt (le maire d’Erfurt), Walter Steinbeck (le metteur en scène), Paul Henckels (le directeur du théâtre), Erike Helmke (la primadonna Elisabeth Frühwirt).
Une comédie charmante, imaginée par l’Autrichien Ernst Marischka (Sissi, vingt ans plus tard), qui prend pour toile de fond la fameuse entrevue d’Erfurt (Thuringe), du 27 septembre au 14 octobre 1808. Prise à la Prusse deux ans auparavant, Erfurt est devenue la capitale de la Principauté d’Erfurt qui dépend directement de l’Empereur. Napoléon et le tsar Alexandre s’y donnent rendez-vous dans le but de renouveler l’alliance qui existe entre eux depuis le traité de Tilsit. Napoléon cherche à intimider et éblouir le tsar, et la réunion se transforme en une grande conférence réunissant les monarques (Saxe, Bavière, Wurtemberg, Westphalie), aristocrates et notables de toute l’Europe ; Goethe, Wieland (tous deux décorés de la Légion d’honneur à cette occasion) et Schopenhauer sont présents. Le comédien Talma et la Comédie-Française au grand complet y présentent seize tragédies. C’est dans ce prestigieux contexte politico-culturel que se déroule l’intrigue suivante :
Lisa Grossinger, une comédienne débutante du théâtre municipal de Iéna, rêve de se produire sur scène devant tout le gratin d’Europe à Erfurt : ce serait la chance de sa vie. Elle passe la frontière déguisée en marchande de légumes. En route, elle croise un chariot à foin dans lequel le fougueux patriote Heinz Heckmann cache de mystérieuses caisses. À Erfurt, elle loge chez un ami de Heinz, le vieux poète Thomas Kellermeister, qui l’aide à rédiger une requête adressée à l’Empereur en vue d’obtenir un petit rôle dans la mise en scène d’Amphitryon de Molière organisée pour leurs majestés : deux empereurs, quatre rois et douze princes ! Cette lettre, elle la remet directement à Napoléon – en tombant dans son carrosse depuis un arbre. Très amusé, Napoléon lui confie le rôle principal sur scène, celui d’Alcmène. Entre-temps, Heinz a distribué dans toute la ville une caricature du Corse et le maire, affolé, le fait emprisonner. Quoique actrice médiocre, Lisa récolte un tonnerre d’applaudissements, car l’Empereur est enchanté d’elle. Il la convoque à un dîner nocturne dans ses appartements. Elle refuse, indignée, puis, apprenant l’arrestation de Heinz, elle s’y rend dans l’espoir de le sauver. Napoléon admire son courage, goûte son insouciante fraîcheur, sa franchise et sa drôlerie, réalise qu’elle aime Heinz et ordonne la libération du pamphlétaire – pour lequel Lisa décide de renoncer à sa carrière théâtrale sans avenir. Napoléon, lui, a quitté Erfurt à l’aube pour redresser la situation en Espagne, car les Français, explique-t-il, « ne peuvent pas vivre sans gloire ».
Le réalisateur du film, Erich Engel, est un spécialiste de Shakespeare au théâtre et un ami et proche collaborateur de Bertolt Brecht depuis les années vingt (il a mis en scène la première mondiale de L’Opéra de quat’sous en 1928 et travaillera au Berliner Ensemble en RDA après la guerre). Engel a refusé d’émigrer en 1933 et parvient à traverser le Troisième Reich sans trop de dégâts ni de compromis, s’en tenant exclusivement à la comédie d’un certain niveau, souvent située dans le monde du théâtre (comme ici), et qui remplit les salles de cinéma. Les planches ne sont-elles pas un miroir du monde, et la clique de Hitler n’affectionne-t-elle pas la gesticulation scénique ? Son actrice fétiche, la pétillante Autrichienne Jenny Jugo, a fait sensation l’année précédente en Eliza Doolittle dans Pygmalion, film d’Engel d’après Shaw ; elle joue ici aux côtés de son époux, Friedrich Benfer. Tournée dans les ateliers Jofa à Berlin-Johannisthal, la production, très alerte, évitant toute sentimentalité (les acteurs sont remarquablement dirigés), marche un peu sur les plates-bandes du Congrès s’amuse, mais Engel réussit un tour de force : Die Nacht mit dem Kaiser est l’unique film allemand sur l’occupation napoléonienne qui ne contient pas une once de propagande. Au mieux s’y moque-t-on gentiment de la collaboration mielleuse et si empressée des bourgeois d’Erfurt (« Vive Napoléon, le libérateur de l’humanité ! » lit-on sur les banderoles). Il n’est pas certain que les dignitaires nazis aient apprécié l’allusion, mais le rire se fait rare sur les écrans allemands, les étrangers ont été reçus en grande pompe aux Jeux olympiques, la guerre n’est pas encore déclarée et le public adore. C’est aussi l’unique film allemand qui traite Napoléon avec respect et même avec un brin de sympathie : il exauce les vœux de la comédienne et la laisse repartir sans ne rien demander en échange. – US : The Night with the Emperor, IT : Una notte di Napoleone.
1937/38Der Katzensteg (La Passerelle aux chats) (DE) de Fritz Peter Buch
Franz Vogel/Euphono-Film GmbH Berlin-Tobis Filmkunst, 87 min. – av. Brigitte Horney (Regine Hackelberg), Fritz Reiff (comte Alexander von Schranden), Hannes Stelzer (Werner von Schranden, son fils), Willi Schur (Hackelberg, le menuisier), Eduard von Winterstein (le pasteur Friedrich Götz), Paul Westermeier (le maréchal Gebhard von Blücher), Else Elster (Helene Götz), Karl Dannemann (Fritz Merckel), Otto Wernicke (l’aubergiste Merckel).
Troisième adaptation du roman de Hermann Sudermann (synopsis cf. film de 1927), cette fois-ci fortement teintée d’idéologie nationale-socialiste, avec le maréchal Blücher à l’écran – accouru au secours d’une « Allemagne profondément humiliée ». Sudermann est trahi, Napoléon est ici rendu personnellement responsable du déchirement des familles allemandes et la haine fanatique qui ronge la population des lieux est justifiée politiquement, voire applaudie. Le jeune héros du récit, Boleslav von Schranden, rebaptisé opportunément Werner (patronyme combien plus germanique !), s’oppose d’emblée haut et fort aux sympathies profrançaises et propolonaises de son géniteur – un « traître à la patrie » qui ose remplacer le portrait du Grand Frédéric par des gravures parisiennes – et quitte le manoir familial avant le drame des 261 hussards massacrés par les cuirassiers napoléoniens. Il accomplit diverses missions héroïques pour Blücher (ce qui lui vaut la Croix de Fer), passant même quelque temps en captivité chez les Français, « cette vermine qu’il faut anéantir ». En 1814, Napoléon vaincu, il rentre au manoir pour inhumer son père indigne, même si, comme le souligne le pasteur du village, « quiconque trahit sa patrie souille toutes les lois célestes et terrestres ». Werner-Boleslav ne tombe pas à Ligny l’année suivante, comme dans le roman, mais se contente d’enterrer la pauvre Regine qui a été tuée à sa place : un militaire de pareille valeur peut encore servir. Enfin, avant de rejoindre Blücher, il clôt son action par un discours martial qui place le devoir commun au-dessus des conflits individuels. Une seule note discordante : la Regine de Brigitte Horney, farouche, passionnée et sexuellement soumise dérange dans la galerie des « nouvelles femmes allemandes ». Tournage aux studios Bavaria à Munich-Geiselgasteig. En raison de son contenu idéologique, le film sera interdit par les Alliés en 1945. – GB : The Betrayal.
1939Schneider Wibbel [= Wibbel le tailleur] (DE) de Viktor de Kowa
Majestic-Film GmbH (Berlin), 85 min. – av. Erich Ponto (Anton Wibbel), Fita Benkhoff (Fin Wibbel), Irene von Meyendorff (Klementine), Günther Lüders (Peter Zimpel), Friedrich Benfer (André), Boris Alekin (Louis), Theo Lucas (Mölfes), Franz Weber (Jean Baptiste Webbel).
La Rhénanie occupée par Napoléon en 1812, d’après la comédie populaire de Hans Müller-Schlösser (1913) (détails et synopsis cf. supra, film de 1931). L’action de ce deuxième remake se déroule également à Düsseldorf où la population attend la visite de l’Empereur. Mais celui-ci, très pressé, traverse la ville dans son carrosse sans s’arrêter. La population est déçue, Wibbel, qui a trop bu, se laisse aller à des propos dépréciatifs sur Napoléon, ce qui lui vaut une peine de prison, etc. Première mise en scène de Viktor de Kowa, tournage aux ateliers Tobis de Berlin-Johannisthal.
1941Kameraden / Die elf Schill’schen Offiziere / Ritt zwischen den Fronten [= Camarades (Chevauchée entre les fronts)] (DE) de Hans Schweikart
Curt Prickler/Bavaria-Filmkunst GmbH München, 102 min. – av. Willy Birgel (major Carl Lupold Magnus Wilhelm von Wedell), Martin Urtel (ltn. Heinrich von Wedell), Karin Hardt (Christine), Rudolf Fernau (comte Kerski), Maria Nicklisch (comtesse Henriette Kerski), Carl Wery (gén. Ludwig Yorck von Wartenburg), Paul Wagner (major Friedrich Wilhelm von Bülow), Alexander Golling (maréchal Louis Nicolas Davout), Herbert Hübner (col. Dupont), Ernst-Fritz Fürbringer (comte Saint-Marsan), Paul Dahlke (Rappel).
Synopsis : L’insurrection de von Schill contre les Français en 1809 est un échec, onze officiers sont fusillés (cf. films de 1909, 1926 et 1932). Le douzième, le lieutenant Heinrich von Wedell, est resté grièvement blessé dans sa cellule. Son frère aîné, le major Karl von Wedell qui travaille au Ministère de la guerre, s’est opposé à tout soulèvement prématuré et se reproche de n’avoir pas pu raisonner Schill. Christine, une amie d’enfance très attachée à Heinrich, s’éprend de Karl et le rencontre à Paris en 1812, où celui-ci est attaché militaire. Karl apprend du comte Kerski, un Prussien à la solde de Napoléon, que son frère Heinrich, à présent un homme brisé, travaille dans un camp de prisonniers français. Il lui rend visite et lui propose de s’évader. Mais il apprend entre-temps que Kerski est l’espion qui a livré les officiers de Schill aux autorités françaises ; se sachant surveillé par la police de Fouché, il charge son ordonnance de transmettre au général Yorck à Berlin les preuves de la trahison de Kerski ainsi que d’autres documents secrets. Confondu, Karl est fusillé. Yorck mène son armée à la victoire et Heinrich, à nouveau libre, se recueille sur la tombe de son frère, où il surprend Christine en larmes.
C’est à contre-cœur que Hans Schweikart, bombardé chef de production à la Bavaria et metteur en scène vedette au Residenztheater de Munich, signe ce drame d’espionnage bavard, prônant le sacrifice et l’héroïsme pour la patrie ; la bande est tournée à la veille de l’invasion de l’Union soviétique par Hitler, de mars à juillet 1941 aux studios Barrandow à Prague et dans les parages. Décrété « de valeur politique et artistique, instructif pour le peuple, de valeur éducative pour la jeunesse » (« staatspolitisch wertvoll, künstlerisch wertvoll, volksbildend, jugendwert »). En raison de son contenu idéologique, le film est interdit par les Alliés en 1945.
1942General von Döbeln (SE) d’Olof Molander
Lorens Marmstedt/AB Terraproduktion (Stockholm), 87 min. – av. Edvin Adolphson (gén. Georg Carl von Döbeln), Poul Reumert (Jean-Baptiste Bernadotte alias le prince héritier Carl Johan, futur Carl XIV de Suède), Eva Henning (Marianne Skjölderbrand), Kolbjörn Knudsen (maj. Rutger Canitz), Uno Henning (baron Carl Henrik Anckarsvärd), Ivar Kåge (gén. Johan August Sandels), Magnus Kesster (cpt. Wachenfeldt), Harry Ahlin (ltn. Troili), Åke Engfeldt (ltn. Hofsten), Gunnar Björnstrand (ltn. Bäckström), Olaf Sandborg (cdt. de la forteresse de Waxholm), Olav Riégo (gén. Ernst Gotthard von Vegesack), John Ekman (gén. Carl Johan Adlercreutz), Hans Strååt (ltn. Wilhelm von Döbeln, neveu du général).
Synopsis : Le 3 mars 1813, la Suède a signé un traité d’alliance avec l’Angleterre et s’est jointe à la Sixième Coalition contre Napoléon ; l’armée du Nord opérant en terre allemande est placée sous le haut commandement du prince héritier suédois Carl Johan, à savoir l’ancien maréchal d’empire Bernadotte, époux de Désirée. Stationnés à Wismar, les 7000 hommes du régiment suédois de Carl von Döbeln sont inquiets et oisifs. Le 13 e corps d’armée du maréchal Davout est sur le point de reprendre la ville de Hambourg aux Russes qui l’occupent depuis la mi-mars. Bombardée, la ville appelle les Suédois au secours en mai, mais Döbeln, qui attend des ordres de ses supérieurs et désapprouve la politique étrangère trop louvoyante de Stockholm, s’arrête à mi-chemin, à Bolzenburg. Son neveu Wilhelm et sa fiancée Marianne sont en visite. Quand Wilhelm est tué lors d’une escarmouche contre les Français, le général, assailli par les reproches de Marianne qui le rend responsable de cette mort, ordonne à ses troupes d’avancer sur Hambourg, où elles sont repoussées en subissant de lourdes pertes. Entre-temps, Bernadotte a débarqué à Stralsund, en Poméranie, où il est accueilli comme le « sauveur de l’Allemagne ». Apprenant l’insubordination de Döbeln, il ordonne son arrestation. Döbeln passe devant un conseil de guerre qui le condamne à mort. Mais le prince héritier le gracie, malgré les protestations du concerné qui estime mériter le peloton d’exécution. Il est incarcéré dans la forteresse de Waxholm. En Suède, un groupe d’officiers républicains conduit par le baron Anckarsvärd et le major Canitz complote contre la couronne, en accord secret avec la France ; ils envisagent de libérer von Döbeln et renverser le prince héritier. Le général refuse de quitter sa cellule. Anckarsvärd, qui est un traître, a alerté le gouvernement. En décembre, les insurgés pénètrent dans la forteresse et lors des combats, von Döbeln tue Canitz, tandis que Marianne périt sous les balles. Admiratif, Bernadotte réhabilite von Döbeln en lui rendant sa liberté et son sabre.
Héros de la guerre suédo-russe de 1808/09 en Finlande, n’ayant jamais perdu une bataille, extrêmement populaire (parce qu’il se souciait plus de ses soldats et des civils affamés que de ses supérieurs), colérique, intrépide, méprisé par Gustaf III, le général Georg Carl von Döbeln (1758-1820) a été plus d’une fois sauvé de la cour martiale par Karl XIII. Il a servi aux Indes sous les Français, rencontré le jeune Bonaparte à Raismes (il nommera son fils Napoléon) et se distingue extérieurement par un bandeau de soie noire sur le front qui cache la cicatrice jamais guérie d’une trépanation suite à une balle de pistolet. On mesure l’opportunité de ressusciter pareil personnage au moment où la Suède tente de préserver sa neutralité au cœur de la tourmente hitlérienne tout en réorganisant discrètement son système de mobilisation militaire. Le scénario de Sven Stolpe repose sur son propre roman biographique, Döbeln : En berättelse från 1813 (1941), et son drame en cinq actes, Döbeln, mise en scène au prestigieux Théâtre dramatique royal le 14 novembre de cette même année par Alf Sjöberg, avec Lars Hanson dans le rôle-titre. Deux sociétés de cinéma se lancent immédiatement dans la course pour porter le texte à l’écran : la Svensk Filmindustri, avec Lars Hanson et, à la réalisation, Gustaf Edgren, annonce même la participation irréaliste de régiments suédois pour les scènes de bataille. C’est la plus modeste Terrafilm de Lorens Marmstedt (promoteur du jeune Ingmar Bergman) qui l’emporte, ayant pu se réserver l’auteur comme scénariste. Olof Molander, frère cadet du prolifique cinéaste Gustaf Molander (le découvreur d’Ingrid Bergman) et surtout actif sur les planches, est en charge. Tourné d’avril à juillet 1942 aux ateliers de la Sandrew Film à Stockholm, en extérieurs au Palais Royal (galeries Karl X, chambre de Gustaf III), sur la scène du Cirkus à Djurgården et dans les falaises sablonneuses à Älgö, le film sort en salle fin octobre. Il est porté par la prestation idéale d’Edvin Adolphson – qui a déjà interprété von Döbeln dans Fänrik Stals sägner en 1926 (cf. p. 526) – et par le Danois Poul Roumert en Bernadotte, mais hormis ce vis-à-vis de deux tempéraments violemment opposés, il ne peut effacer son origine théâtrale : la transformation de la pièce en scénario n’est pas convaincante, suspense et vigueur cinématographiques font défaut. Modèle d’intégrité en temps de crise et de guerre, mais ignorant tout conflit intérieur, le Döbeln consensuel de Sven Stolpe ne fait que suivre un cheminement tout tracé, fidèle à ses principes et sans grand relief dramatique. En fin de compte, il manque à cette production trop prudente et figée toute la fougue insolente du militaire dont elle voudrait chanter les mérites.
1943/44[sortie : 1945] *Kolberg (DE) de Veit Harlan
V. Harlan, Wilhelm Sperber/Ufa-Filmkunst GmbH, Berlin, 110 min. – av. Heinrich George (Joachim Christian Nettelbeck, maire de Kolberg), Kristina Söderbaum (Maria Werner, sa filleule), Otto Wernicke (le paysan Werner, son père), Claus Clausen (le roi Friedrich Wilhelm III), Paul Wegener (maj. Ludwig Moritz von Lucadou), Horst Caspar (gén. Neidhard von Gneisenau), Gustav Diessl (ltn. Ferdinand Baptista von Schill), Irene von Meyendorff (la reine Louise), CHARLES SCHAUTEN (Napoléon), Franz Herterich (François Ier d’Autriche), Werner Scharf (gén. Pietro Teulié), Theo Schall (gén. Louis-Henri Loison), Heinz Lausch (Friedrich Werner, frère de Maria), Kurt Meisel (Claus Werner, frère de Maria), Jakob Tiedtke (l’armateur Goldow), Paul Henckels (le major, ordonnance du roi), Franz Schafheitlin (Fanselow), Hans Hermann Schaufuss (Zaufke), Greta Schröder-Wegener (Frau von Voss), Margarete Schön (gouvernante de Nettelbeck), [Jaspar von Oertzen (prince Louis-Ferdinand de Prusse)].
Synopsis : Breslau en 1813. Porte-parole de l’état-major prussien, le général Gneisenau incite le roi Frédéric-Guillaume à reprendre la guerre contre les Français et lui rappelle à cet effet la résistance héroïque de la ville de Kolberg/Kolobrzeg, petit port sur la Baltique, sept ans plus tôt (flash-back) : En automne 1806, flanqué de son vieil ami, le paysan Werner, Nettelbeck, le bourgmestre de la cité, lit à la population un appel à la reddition pacifique signé Napoléon. Les deux fils de Werner, Friedrich et Claus, sont de fervents patriotes, quoique ce dernier, un violoniste, reste plus attaché à son art qu’à la politique. Leur sœur, Maria, est amoureuse d’un fringant hussard, le lieutenant Ferdinand von Schill (cf. films de 1925, 1932 et 1941). Les places fortes de la région se sont rendues à Napoléon, mais Kolberg répond par la négative à l’émissaire impérial et la ville est encerclée par les régiments français. Favorable à la capitulation, Lucadou, le commandant militaire local, se querelle avec le bourgmestre et le fait arrêter pour haute trahison. Bravant les barrages de l’ennemi, Maria parvient à transmettre une lettre de sa part au roi à Königsberg (grâce à l’intercession de la reine Louise) ; Nettelbeck est relâché et Kolberg obtient un nouveau commandant, le jeune et fougueux Gneisenau, fermement déterminé à soutenir le siège. Quoique privés de tout, les habitants s’organisent, creusent des fossés et des canaux, inondent les alentours, l’artillerie française bombarde la ville sans interruption, les incendies se multiplient. L’hiver passe. On ramène le corps de Schill qui a été capturé et fusillé à Stralsund, Werner perd ses deux fils et périt lui-même dans les flammes de sa ferme. Nettelbeck dissuade Gneisenau de capituler : toute la population préfère mourir sous les décombres plutôt que de céder la ville à l’ennemi (« c’est ce que je souhaitais entendre de votre bouche », lui répond le commandant, « à présent nous pouvons mourir ensemble »). En été 1807, à Tilsit, on négocie et les canons français se taisent enfin, Napoléon ordonne l’arrêt des combats. Kolberg est sous les décombres, mais libre. Maria a tout perdu – Schill, son père, ses frères – mais la résistance du peuple allemand a triomphé. Nettelbeck la console : « La mort fait partie de la victoire, la grandeur est enfantée dans la douleur ... » Fin du flash-back, retour à Breslau en 1813. Le roi donne raison à Gneisenau et signe l’entrée en guerre des Prussiens contre Napoléon : « Des cendres et des ruines renaîtra un nouveau peuple, un nouveau Reich. »
Le plus fameux film politique du Troisième Reich, et alors le plus cher jamais produit en Allemagne. Avec le recul, il s’agit d’une colossale et délirante entreprise de propagande guerrière, commanditée personnellement à Veit Harlan – le cinéaste de l’infamant Juif Süss (1940) – par le ministre Josef Goebbels (qui s’improvise directeur de production) afin de pousser la population allemande à l’héroïsme suicidaire. C’est l’instinct du peuple, martèle le film, son énergie, son engagement sacrificiel, sa volonté et son fanatisme qui ont fait le succès du mouvement de 1813, face aux hésitations d’un souverain longtemps incapable d’agir en Führer de son peuple. Après d’interminables remaniements sur la table de montage, le film est parachuté le 30 janvier 1945 en première mondiale dans la forteresse assiégée de La Rochelle (une des dernières poches allemandes en France), enfin projeté à Berlin en ruine le lendemain, entre deux alertes aériennes – juste à temps pour célébrer le douzième anniversaire de la prise de pouvoir d’Hitler. Opération ratée sur toute la ligne : les salles encore épargnées par les bombes restent au trois quarts vides (le public préfère le Münchhausen avec Hans Albers, menteur combien plus sympathique !), la couverture médiatique est pauvre (le papier se fait rare) – et les Russes ne sont plus qu’à 160 km de la capitale.
Le film a été mis en chantier en 1942 déjà, en partant d’abord de Colberg (1865), une pièce immensément populaire de Paul Heyse, Prix Nobel de la littérature et, par sa mère, un cousin des Mendelssohn-Bartholdy. Mais très vite, Harlan et Goebbels sont forcés de modifier le profil du scénario en fonction de l’actualité – les Anglais percent à El Alamein le 4 novembre 1942, le 7 novembre les Alliés débarquent en Afrique du Nord, le 2 février suivant, Stalingrad capitule – et la matière est progressivement adaptée à la nouvelle donne ; Thea von Harbou, nazie convaincue, scénariste de Metropolis et Die Nibelungen de Fritz Lang, est appelée à la rescousse (collaboration non créditée au générique). Les modifications continuent durant le tournage qui s’étire du 28 octobre 1943 à août 1944, alors que les attaques aériennes des Alliés transforment le pays en un désert de ruines. Les Soviétiques s’approchent de la Prusse orientale, les Anglo-Américains avancent en Italie et débarquent en Normandie. « Peuple, dresse toi ! Que la tempête se déchaîne ! », la phrase de Gneisenau (qui reprend les propos du discours de Goebbels le 18 février 1943, quinze jours après le désastre de Stalingrad) devient le sujet du film. Son but est de prouver, par l’exemple de la ville qui lui donne son nom, qu’un peuple uni vaincra n’importe quel adversaire. L’instruction de la milice populaire par Schill dans le film correspond à la mobilisation des dernières forces du Troisième Reich, le « Volkssturm », milice populaire censée suppléer la Wehrmacht et instaurée le 13 octobre 1944 (anniversaire de la bataille de Leipzig contre Napoléon). Le rôle de Gneisenau – porte-parole de Goebbels dans le film – est raccourci au profit de celui de Nettelbeck, car il importe de montrer que ce n’est pas l’armée, mais les citoyens qui ont permis de remporter la victoire. (Heinrich George a déjà campé Nettelbeck en 1932 sur scène, dans la pièce de Heyse.) Rarement un film aura autant collé aux événements politiques et militaires du moment tout en étant si éloigné de la réalité.
Cette « dernière cartouche du cinéma nazi » (Courtade/Cadars) célèbre une résistance qui fut en réalité vaine, puisque l’armistice de Tilsit imposée par un Napoléon victorieux dans toute l’Europe mit fin aux combats et inaugura le dépècement de la Prusse : la jubilation finale des militaires dans le film repose sur un mensonge, car la paix des armes ne fut occasionnée ni par des désaccords dans l’état-major français ni par le fait que Napoléon aurait « reconnu les limites de son pouvoir ». On oblitère totalement l’assistance de navires de guerre anglais et suédois lors du siège, ainsi que la présence de corps d’armée allemands (Saxe, Wurtemberg, Nassau), hollandais et polonais chez l’ennemi, on oublie que Schill a été capturé et décapité par des Hollandais et des Danois (et cela deux ans après la paix de Tilsit, en mai 1809 !), on fait croire à la naissance d’une armée du peuple et, cela va de soi, on passe sous silence les années moins glorieuses de 1807 à 1813. Or la guerre de libération ne fut jamais un soulèvement populaire, mais l’affaire des militaires et des étudiants.
Le scénario (auquel le ministre de la propagande collabore étroitement) réunit toutes les icônes de l’histoire nationale – la virginale reine Louise, Gneisenau, Schill, Nettelbeck, etc. Comme d’habitude dans le cinéma nazi, le conquérant corse lui-même est représenté avec une certaine sympathie, dans la mesure où il se déclare impressionné par la résistance des Prussiens et salue leur patriotisme fanatique : « Serais-je ici, ô grand roi, si vous étiez encore en vie? », murmure Napoléon (joué par le Belge Charles Schauten) admiratif devant le catafalque de Frédéric le Grand à Potsdam. Par ailleurs, c’est un prédateur sans foi ni loi, qui ordonne rageusement de raser la ville. La situation géostratégique ayant changé, la Grande Armée n’incarne pas ici l’ennemi idéologique, mais l’adversaire politique ; Napoléon ne représente pas le péril judéo-démocratique (n’étant ni juif ni démocrate), mais « l’envahisseur » en surnombre, un péril mortel pour la nation, menaçant de toutes parts : il s’agit moins de décrier l’ennemi que de secouer l’Allemand agressé. Rappelons que dans l’optique hitlérienne, Napoléon possède un statut ambigu : le film Hundert Tage (Les Cent-Jours) (1935) (cf. p. 614) en fait la proie du parlementarisme ploutocrate et Die Rothschilds (1940) (cf. p. 260) le présente en victime du complot juif à l’origine des coalitions antifrançaises. Quant à la reine Louise, elle apparaît comme une vision céleste dans une séquence d’un kitsch consommé, soulignée musicalement par l’hymne choral de Norbert Schultze (le compositeur de Lili Marleen). Sainte patronne des nationalistes prussiens, entourée d’une lumière douce, la reine auréolée prend la petite paysanne dans ses bras : « C’est ainsi que je serre la Prusse et Kolberg contre mon cœur. » L’irréalité du tableau va en sens contraire, signalant de manière subliminale que le salut de Kolberg relève non pas de la volonté du peuple ou de l’armée mais du miracle ! Détail cocasse : la mythique souveraine prussienne est campée par la baronne Irene von Meyendorff, aristocrate balte qui a fui la révolution bolchévique, refusé de pactiser avec les nazis (son mari était un résistant catholique), repoussé les avances sexuelles de Goebbels et qui épousera après la guerre l’acteur britannique James Robertson Justice. Enfin, le jeune et fougueux Gneisenau incitant à la résistance jusqu’à la mort est interprété par Horst Caspar, qui fut en 1940 un Friedrich Schiller aussi séduisant qu’exalté.
Harlan investit 8,5 millions de Reichsmarks – l’octuple des frais d’un film courant – dans cette habile contrefaçon de l’histoire qui aura nécessité près de trois ans de travail. Il impressionne 90 heures de pellicule en coûteux Agfacolor, car Goebbels veut une réponse allemande au Technicolor d’Autant en emporte le vent. À en croire les mémoires de Harlan, 187 000 soldats de la Wehrmacht (soit 18 divisions) et 6000 chevaux auraient été réquisitionnés pour la figuration, ce qui est hautement improbable à un moment où le Reich avait besoin du moindre soldat : à regarder l’écran, le chiffre réel varie plutôt entre 5000 et 10 000 hommes ainsi que mille chevaux, parfois filmés depuis un ballon captif. Les impressionnantes charges de cavalerie sont exécutées par les cosaques de l’ex-général soviétique Andreï A. Vlassov (passé à l’ennemi en 1942 pour combattre Staline au nom d’une « Armée de libération russe »). Une chose est certaine : le tournage est une aubaine pour tous les concernés, qui échappent ainsi provisoirement au carnage du front Est et espèrent survivre au « crépuscule des dieux ». Le travail se fait dans les ateliers de Staaken à Spandau (rues et places de Kolberg) et d’Ufa-Stadt à Babelsberg, en extérieurs dans les alentours de Berlin (Grossglienicke), en Prusse orientale (Seeburg/Jesoriany), en Poméranie (Neustettin/Szczecinek), en Silésie (Breslau/Wroclaw) et sur les rives de la Baltique (Kolberg/Kolobrzeg, Königsberg/Kaliningrad). Les scènes de bataille et de destruction trop longues et surtout trop réalistes (femmes et enfants enterrés sous les explosions) sont coupées sur ordre de Berlin pour ne pas rappeler le quotidien des villes allemandes sous les bombes alliées, ainsi que la mort du prince Louis-Ferdinand, une besogne qui incombe au rival de Harlan, le réalisateur Wolfgang Liebeneiner.
Sur le plan artistique, Kolberg n’est pas à la hauteur des œuvres précédentes de Harlan (privé de liberté), son film est froid, manque curieusement d’émotion, alors que tout le monde, Maria en tête, est censé souffrir des sacrifices fournis. Le souffle épique, l’hystérie mélodramatique font défaut, la psychologie est inexistante et les dialogues décisifs imposés par le régime sont platement déclamés devant l’objectif. Reste de l’imagerie guerrière certes impressionnante à voir et composée avec beaucoup de savoir-faire mais, là aussi, sans réelle tension dramatique. Ayant souffert de trop d’interférences, le script ne peut masquer certaines confusions : Gneisenau prêche l’obéissance absolue alors qu’il sympathise avec les rebelles aux ordres d’en haut. Couronnée par le régime agonisant de tous les qualificatifs à disposition (« Film de la Nation », « de valeur politique, artistique, culturelle, populaire », etc.), la production sera bien entendu interdite par les Alliés. La colonie allemande (!) l’exploitera en Argentine dans les années 1950 sous le titre Corazones ardientes (Cœurs brûlants).
Post scriptum : En 1945, la véritable ville de Kolberg – non celle du cinéma – résiste pendant deux semaines, du 4 au 18 mars, à l’assaut massif des troupes soviético-polonaises, le temps d’évacuer par mer quelque 70 000 civils et 2000 militaires allemands à l’Ouest. Goebbels ordonne de taire la prise de la ville dans les rapports de la Wehrmacht afin de ne pas nuire à la carrière de son film ... ! – IT : La cittadella degli eroi (version expurgée, 89 min.), CH (1949) : Entsagung, DE, AT (1965) : Kolberg – Der 30. Januar 1945 (avec prologue et rajouts documentaires de Lothar Kompatzki, script : Erwin Leiser et Raimond Ruehl, pour Atlas Filmverleih GmbH, 146 min).
1944[sortie : 1949] Das Gesetz der Liebe [= La Loi de l’amour] (DE) de Hans Schweikart
Gerhard Staab/Bavaria-Filmkunst GmbH, München, 96 min. – av. Hilde Krahl (Madeleine Frisius), Paul Hubschmid (prem. ltn. von Hofstede alias comte Eldach), Ferdinand Marian (le baron Pistolecron), Fritz Odemar (Martin, son valet), Paul Dahlke (ltn. von Gorschewski), Willy Danek (ltn. von Schölger), Ida Wüst (Mme Templin), Hilde Hildebrand (Signora Rinuccini, de l’Opéra de Paris), Walther Jung (gén. Christian Karl August Ludwig von Massenbach), Viktor Afritsch (l’ambassadeur français à Berlin), Ilse Fürstenberg (Mme V. Keppler, sœur de Hofstede), Viktor Janson (Maestro Santerini), Angelo Ferrari (Roussillon, directeur de l’Opéra).
Synopsis : Octobre 1805 à Berlin, alors que les Autrichiens viennent de capituler à Ulm. Madeleine, une jeune cantatrice fraîchement débarquée de province, se lie avec Hofstede, un officier prussien qui la demande en mariage en dépit de ses fréquentations d’artistes douteux et de son hébergement provisoire dans une maison close. Mais Madeleine se laisse imprudemment inviter à Paris par le baron Pistolecron, un agent de Napoléon qui l’utilise pour passer la frontière avec des documents secrets subtilisés aux archives d’État à Vienne. Sur ordre du général von Massenbach, Hofstede les suit à Paris sous une identité usurpée. Le baron, nullement dupe, fait miroiter à Madeleine un avenir à l’Opéra, cherche à en faire sa maîtresse et s’apprête à dénoncer Hofstede comme espion. Lors d’un bal dans le palais de Pistolecron, les deux rivaux en amour comme en espionnage se mesurent au pistolet, indirectement, en décapitant chacun une dizaine de bibelots en porcelaine. Lorsque le baron réalise que la belle est vraiment éprise de son Prussien, il donne à ce dernier le choix entre regagner Berlin avec les papiers secrets – ou avec Madeleine (« un joli conflit entre l’amour et le devoir », ironise-t-il). Mais il change d’avis (« tiens, il y a quand même des miracles ici-bas, deux êtres qui s’aiment vraiment ! »), brûle les documents que Hofstede a tenté de lui arracher (car ils n’ont plus de valeur, Napoléon venant d’entrer à Vienne à la pointe de son armée) et facilite la fuite des amants recherchés par la police de Fouché. « Ce n’est pas vous que je sauve, dit-il au Prussien, c’est le bonheur de Madeleine », puis, ramassant respectueusement au sol son exemplaire du récent Code civil napoléonien, il constate qu’« une seule loi y manque, une loi non écrite ... ».
Tourné de mai à août 1944 aux studios A.B. Hostivar à Prague, à l’abri des bombardements alliés, ce récit d’espionnage amène, pas sentimental et plutôt bien ficelé, situé à la veille d’Austerlitz, est tiré d’un roman éponyme de Fred Andreas (1936). Schweikart, disciple surdoué de Max Reinhardt et directeur des Kammerspiele de Munich pendant quinze ans, est parvenu à ne pas se salir les mains durant le Troisième Reich, contournant tant que faire se peut tout embrigadement idéologique. Son film – qui véhicule une note d’espoir et une lassitude des combats – n’a plus le temps d’être soumis à la censure nazie ; il ne sortira en salle que cinq ans plus tard. Dans les rôles principaux, la ravissante actrice austro-croate Hilde Krahl (épouse du cinéaste Wolfgang Liebeneiner), le jeune premier suisse Paul Hubschmid (qui, contrairement à ses collègues, ne risque pas la mobilisation sur le front Est) et Ferdinand Marian, l’interprète maudit du Juif Süss, fascinant en aristocrate français charmant, cynique, amoral et néanmoins chevaleresque. – US : Law of Love.
1949Δ Begegnung mit Werther [= Rencontre avec Werther] (DE) de Karl Heinz Stroux ; Georg Fiebiger/Nova-Filmproduktion Wiesbaden, 88 min. – av. Walter Kottenkamp (J. W. Goethe), PAUL DAHLKE (Napoléon). – Une version d’une fidélité scrupuleuse mais un peu raide et maladroite du best-seller international (et vaguement autobiographique) de Johann Wolfgang von Goethe – Die Leiden des jungen Werther (Les Souffrances du jeune Werther) (1774) –, réalisée par le metteur en scène de théâtre K. H. Stroux. Dans un récit-cadre, Stroux illustre la fameuse rencontre entre Goethe et Napoléon (grand admirateur du Werther, dont il aurait emporté un exemplaire lors de son expédition en Égypte) à la résidence du gouverneur de Mayence à Erfurt, le 2 octobre 1808, en présence de Talleyrand, Daru, Savary, Soult et Berthier. « Voilà un homme ! » aurait dit Napoléon en le recevant.
Dans le film, l'empereur avoue avoir beaucoup aimé le roman mais dit en détester la fin, trop sombre "pour une époque de lumière comme la notre - car aujourd'hui, c'est la politique qui est notre destinée !" - Goethe: "Non Sire, c'est notre coeur qui est notre destinée, que serait le monde sans amour?" Napoléon reste muet, sur quoi le poète ouvre le livre et commence à lire à haute voix. À la fin de sa lecture (et du film), Napoléon reste muet tandis que Goethe s'en va. Napoléon l'observe depuis sa fenêtre, murmure "Voilà un homme !" et retourne auprès de son état-major qui est penché sur la carte de l'Europe.
Tant pour le cinéma. En fait, une nouvelle entrevue eut lieu le 6 à Weimar, entretien de deux heures au cours duquel l’Empereur se fit également présenter Christoph Martin Wieland ; les deux écrivains reçurent la Légion d’honneur – une entreprise de séduction qui est un enjeu à la fois littéraire et politique : cette caution à portée européenne compense l’aliénation de grandes plumes françaises comme Mme de Staël et Chateaubriand. Pour Goethe, Napoléon incarne le héros romantique, le triomphe de l’individu de génie, volontaire et visionnaire. Tournage aux studios de Munich-Geiselgasteig et en extérieurs à Limburg, Wetzlar et Burg an der Lahn.
1953(tv) Schneider Wibbel [= Wibbel le tailleur] (DE) de Paul Henckels
(NWDR 4.4.54), 150 min. – av. Paul Henckels (Anton Wibbel), Thea Grodtzinsky (Fina Wibbel), Richard Assmann (Krönkel), Curt Faber, George Hilbert, Carl Raaf, Käthe Wendfuhr.
Düsseldorf, en Rhénanie occupée par Napoléon en 1812, d’après la comédie de Hans Müller-Schlösser parue en 1913 (détails et synopsis cf. supra, film de 1931).
Nota bene : le remake cinéma de 1956, sorti sous le titre Das Sonntagskind (Schneider Wibbel) et signé Kurt Meisel, est interprété par Heinz Rühmann (Wibbel), Walter Giller et Werner Peters ; l’action en a été transposée au XX e siècle. Cela pourrait aussi être le cas pour les transmissions télévisuelles ultérieures réalisées par Peter Hamel (ARD 13.6.59), Josef Stauder (DFF 7.5.59), Karlheinz Hundorf (ZDF 26.5.63), Wolfgang Spier (ARD 29.11.64) et Wolf Rahtjen (ARD 28.6.80).
1957Königin Luise. Liebe und Leid einer Königin (La Reine Louise) (DE) de Wolfgang Liebeneiner
Utz Utermann/Divina-Film GmbH (München), 107 min. – av. Ruth Leuwerik (la reine Louise), Dieter Borsche (Friedrich Wilhelm III), Bernhard Wicki (le tsar Alexandre Ier), RENÉ DELTGEN (Napoléon), Hans Nielsen (prince Karl August von Hardenberg), Charles Regnier (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Peter Arens (prince Ludwig Ferdinand), Friedrich Domin (duc de Mecklenbourg-Strelitz), Margarete Haagen (comtesse Sophie Marie von Voss), Alexander Golling (grand-duc Konstantin), Ado Riegler (gén. Karl Leopold von Köckritz), Irene Marhold (Friederike).
Ce remake (cf. synopsis du film de 1927) à l’eau de rose, confectionné en Eastmancolor par un artisan au passé entaché – comme Harlan, Liebeneiner fut bombardé professeur par Josef Goebbels –, reflète la nouvelle donne de l’Europe d’après-guerre : l’Allemagne découpée par les vainqueurs de 1945, l’ex-capitale asphyxiée par les soviétiques. La République fédérale du chancelier Adenauer (un Rhénan antiprussien) n’a pas d’attaches avec les événements évoqués dans le scénario, qui ne se situent pas sur son territoire, et sa politique atlantiste et pacifiste prône la réconciliation avec la France et l’intégration européenne. On ne trouvera donc pas de rancœur dans ce film (le seul en RFA à aborder de front l’époque napoléonienne), mais des regrets – qui se réfèrent implicitement au cauchemar du Troisième Reich : la reine se repent d’avoir poussé son époux à faire la guerre (elle ne supportait plus qu’on le traite de lâche ...), souhaite que le peuple ait désormais son mot à dire dans la gouvernance du pays, et surtout qu’il tire des leçons de son passé, que son malheur ait servi à quelque chose et qu’une pareille guerre ne se reproduise plus jamais. « Ne pas pleurer, mais s’instruire » sont ses derniers mots avant de rendre l’âme, entourée par sa famille (le plan final, d’un goût douteux, reproduit « live » le sarcophage de la reine créé par Christian Daniel Rauch au mausolée de Charlottenburg en 1814).
Le début du film dans la résidence royale à Paretz, en été 1806, montre les souverains occupés dans l’étable avec le bétail, Louise trait une vache comme une simple paysanne : c’est un couple royal très bourgeois, presque démocratique, c’est-à-dire politiquement compatible avec la RFA de 1957 et ses magazines déjà « people ». Le Napoléon de René Deltgen (futur maharadjah du diptyque hindou de Fritz Lang en 1959) est un peu caricatural dans sa muflerie et son autoritarisme ; il sifflote la Marseillaise (qu’il détestait en vérité !) et s’allonge avec ses bottes sur le lit royal à Berlin. L’entrevue entre Louise et Napoléon à Tilsit, dans une chambre d’auberge réquisitionnée par la reine, est entièrement réinterprétée, car les scénaristes marchent sur des œufs. En effet : comment, après l’effondrement du Troisième Reich, justifier à l’écran la restitution de terres « prussiennes » qui furent elles-mêmes arrachées de force à d’autres souverains, par Frédéric le Grand ou ses successeurs, en particulier toutes celles de la Pologne (royaume anéanti après trois partitions entre 1772 et 1795 avec la complicité de la Russie et de l’Autriche) ? La pertinence de la création du duché de Varsovie par Napoléon – à la demande des patriotes polonais – peut difficilement être contestée après les horreurs endurées par la Pologne pendant la Seconde Guerre mondiale, annexée par Staline et Hitler dans un effroyable bain de sang (Katyn) ... Dans le film, c’est le ministre Hardenberg qui supplie Louise, très récalcitrante, de rencontrer le vainqueur français (« il vous hait, cela attisera sa curiosité »), mais jaloux, le roi ne veut pas la laisser seule avec l’« ogre ». Alors que la discussion avec Napoléon se détend (elle le charme presque, ils esquissent des sourires), qu’il s’apprête même à faire des concessions territoriales, Frédéric-Guillaume, pataud, surgit dans la pièce, le Corse se raidit et s’en va. Louise dépose sans un mot sa couronne sur une commode : finie la politique, désormais, son cœur ne battra plus que pour son mari et ses enfants.
Ruth Leuwerik, une des sages égéries du cinéma de l’ère Adenauer a campé Élisabeth d’Autriche pour le Ludwig II (1955) de Helmut Käutner et l’héroïne de la Famille Trapp (1956), du même Liebeneiner. Son jeu, facilement pleurnichard et unidimensionnel, n’est pas à la hauteur du drame. Mais la principale faiblesse de cette imagerie romanesque aux chromos subtilement colorés, photographiée aux studios Bavaria à Munich-Geiselgasteig, est son manque de rythme et d’intérêt : l’ennui s’installe. L’accueil public est décevant ; la pauvre reine Louise n’a plus rien à défendre, le mythe prussien (même dénazifié) semble définitivement mort et la nostalgie monarchisante des spectateurs des années cinquante se fixe dorénavant sur l’« innocente » Autriche, Sissi, les valses et le glamour frelaté de Vienne. Ce sera un des derniers rôles d’importance de Ruth Leuwerik, dont la carrière s’essouffle. – IT : La regina Luisa.
1960Der liebe Augustin (DE) de Rolf Thiele
Hans Abich/Universum Film AG (Berlin/Düsseldorf), 97 min. – av. Matthias Fuchs (Augustin Sumser), Nicole Badel (l’abesse Friedericke von Bretzenheim), Veronika Bayer (Susanne), Ina Dusche (Lady Ann), Rudolf Forster (Dr. Franz Anton Mesmer), Dietmar Schönherr (Franz von Gravenreuth), Walter Rilla (baron von Gravenreuth), Margarethe Hruby (baronne von Gravenreuth), ERWIN BREDOW (Napoléon).
Voulant découvrir le monde, Augustin Sumser (personnage fictif né en 1777 à Mittenwald), paresseux incorrigible mais doué et débrouillard, quitte le séminaire catholique de Meersburg, sur le lac de Constance, et s’installe à Lindau où l’héberge le vieux Dr. Mesmer. Il s’y éprend de trois femmes, une lady anglaise, une jolie abbesse et Susanne, une fille de bourgeois qu’il finit par épouser mais qui meurt en couches. Son habileté à fabriquer des boîtes à musique fait sa fortune. Lors de ses déplacements au service du baron de Gravenreuth, dont il est le secrétaire, puis en tant que diplomate, Augustin croise Napoléon ... Une farce insipide qui se veut gaie et mélancolique, tournée en Autriche (Bregenz) et en Bavière (Dinkelsbühl, Lindau, Wasserburg, Schloss Schleissheim), d’après le roman Der liebe Augustin – Die Geschichte eines leichten Lebens de Horst Wolfram Geissler (1921).
1962Δ The Wonderful World of the Brothers Grimm (Les Amours enchantées / Le Monde merveilleux des contes de Grimm) (US) de Henry Levin et George Pal ; Metro-Goldwyn-Mayer-Cinerama, 134 min. – av. Laurence Harvey (Wilhelm Karl Grimm), Karl Boehm (Jakob Ludwig Grimm), Claire Bloom (Dorothea Grimm), Oscar Homolka (Frédéric V Louis, Prince Électeur de Hesse-Homburg). – Le travail des frères Wilhelm (1786-1859) et Jakob Grimm (1785-1863), linguistes, philologues et collecteurs de contes, à Cassel (Hesse), loin des guerres napoléoniennes qui secouent l’Europe (la séquence d’ouverture en Cinerama et Metrocolor illustre l’avancée de la Grande Armée). Le récit est mélangé à trois de leurs contes qui font le gros de ce film pour familles (George Pal dirige les séquences de féerie). Tournage en Bavière (Rothenburg ob der Tauber, Dinkelsbühl, Neuschwanstein, studios de Munich-Geiselgasteig) et en Rhénanie (Spay). – Rappelons que Jakob travailla comme directeur de la bibliothèque privée de Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie, en 1808.
1963The Terror (L’Halluciné / Le Château de la terreur) (US) de Roger Corman
[et Francis Ford Coppola, Monte Hellman, Mark Griffiths, Jack Hale, Dennis Jacob, Jack Hill, Jack Nicholson] ; Filmgroup-American-International, 81 min. – av. Jack Nicholson (ltn. André Duvalier), Boris Karloff (baron Victor Frederick von Leppe), Sandra Knight (Hélène), Dick Miller (Stefan), Jonathan Haze (Gustaf), Dorothy Neumann (Katharina, la sorcière).
Sur les côtes de la Baltique, en hiver 1813. Épuisé, séparé de son régiment, un lieutenant de hussards de la Grande Armée en déroute suit une femme mystérieuse et trouve refuge dans un sinistre château ... Un récit fantastique typique des usines Corman, bricolé – sans scénario ! – en Vitascope et Pathécolor en Californie (Big Sur, Palos Verdes Peninsula, Point Lobos, Santa Barbara et Producers Studio à Hollywood). – DE : Schloss des Schreckens, IT : La vergine di cera.
1966(tv) Die Geschichte des Rittmeisters Schach von Wuthenow [= L’Histoire du chef d’escadron Schach von Wuthenow] (DE) de Hans Dieter Schwarze
Oliver Storz/Bavaria-Atelier GmbH-Südfunk Stuttgart-Westdeutscher Rundfunk (WDR Köln) (ARD 13.10.66), 79 min. – av. Karl Michael Vogler (Rittmeister Schach von Wuthenow), Peter Schütte (Dietrich Adam Heinrich von Bülow), Claus Biederstaedt (Rittmeister von Alvensleben), Dagmar Altrichter (Joséphine von Carayon), Monika Peitsch (Victoire von Carayon), Karla Holm (tante Marguerite), Gertrud Kückelmann (la reine Louise de Prusse), Michael Degen (le prince Louis-Ferdinand de Prusse), Heinz Baumann (le princ Carolath), Erich Ude (ltn. von Nostitz), Hans Madin (Czipanski), Thomas Danneberg (ltn. Ziethen), Kurt Lauermann, Lothar Mann, Erik Radolf, Carl-Heinz Schroth (narration).
Synopsis : Berlin en été 1806. Noble, chef d’escadron au prestigieux régiment de cavalerie « Gendarmes », d’une totale fidélité à l’église luthérienne comme à la couronne, Schach von Wuthenow est l’incarnation même des vertus prussiennes. Tout sourit à ce célibataire dont les femmes admirent la prestance. Coqueluche de la haute société berlinoise, il fréquente le célèbre théoricien von Bülow et se lie d’amitié avec le prince Louis-Ferdinand, artiste et neveu du roi. Il courtise Joséphine von Carayon, veuve cultivée qui tient salon à Berlin, et, dans un moment d’égarement sensuel, séduit sa fille Victoire, défigurée par la petite vérole à l’âge de quinze ans. Elle tombe enceinte, le scandale couve, sa mère enjoint l’officier d’épouser la malheureuse au visage grêlé ; devant les hésitations du séducteur qui craint les railleries de ses pairs et songe à quitter l’armée, elle implore la reine Louise (dans le texte, c’est le roi Frédéric-Guillaume) pour rappeler Schach von Wuthenow à son devoir. Schach obtempère finalement et se suicide à peine célébré le mariage.
La fameuse nouvelle de Theodor Storm (Schach von Wuthenow. Erzählung aus der Zeit des Regiments Gendarmes, 1882) repose sur un fait divers authentique, le suicide du major Otto Friedrich Ludwig von Schach en 1815. L’écrivain a toutefois déplacé l’action en 1806, dans les derniers mois de la Prusse d’Ancien Régime : en automne son armée sera anéantie par Napoléon aux batailles de Saalfeld, d’Iéna et d’Auerstaedt et le régiment Gendarmes dissous à la suite de ces désastres. Dans le récit apparaissent notamment le prince-musicien Louis-Ferdinand, neveu de Frédéric le Grand et élève de Beethoven, qui sera tué à Saalfeld le 10 octobre suivant, en combattant les troupes de Lannes ; mais aussi l’écrivain militaire Dietrich Adam Heinrich von Bülow (1760-1807), auteur d’une Histoire de la campagne de 1805 où il critique les opérations du gouvernement prussien ; incarcéré pour ce fait, il moura en prison. Chez Fontane (et à l’écran), Bülow se déverse en sarcasmes contre la dégénérescence bureaucratique d’une armée prussienne qui croit encore vivre à l’époque du Grand Frédéric, « une armée qui a remplacé l’honneur par l’arrogance, et dont l’âme n’est plus qu’un mécanisme d’horlogerie – un mécanisme qui ne va pas tarder à se détraquer ». N’étant mû que par la routine, Schach (« échec » en allemand), qui refuse Victoire, est la métaphore d’un monde à l’agonie. Ce qui peut expliquer pourquoi le texte de Fontane n’a jamais eu auparavant les honneurs du grand ou du petit écran. Dieter Meichsner signe cette adaptation tournée aux studios Bavaria à Munich-Geiselgasteig. L’interprète de Schach, Karl Michael Vogler, jouera Rommel dans Patton de Franklin J. Schaffner en 1970. Remake télévisuel en 1977 (cf. infra).
1967Eine Handvoll Helden (Die letzte Kompagnie) – 13 Mann gegen Napoleons Armee / Per un pugno di eroi / Lo scatenato, il bastardo, il rinnegato (DE/IT) de Fritz Umgelter
Wolf C. Hartwig, Sergio Donati/Rapid Film München-Produzioni Europee Associati (Roma), 93 min. – av. Horst Frank (cpt. von Bruck), Valeria Ciangottini [Valery Cinagotti] (Angelica), Franco Fantasia (Steffen), Rolf Becker (le chasseur Borgmann), Martin Lüttge (le chasseur Hinnerk), Karl Heinz Fiege (Oberjäger Rückert), Volker Kraeft (Fahnenjunker Olberg), Jörg Pleva (le chasseur Papke), Franz Rudnick (le canonnier Kurtz), Ferenc Zenthe, Géza Tordy, György Bánffy, János Csányi.
Un remake bien inutile et vite oublié de Die letzte Kompagnie de Kurt Bernhardt (cf. 1930), filmé en Eastmancolor et Ultrascope dans une puszta hongroise brûlée par le soleil. Après la terrible défaite de Iéna, le 14 octobre 1806, treize hommes se terrent autour du capitaine von Bruck dans le moulin de Reinersdorf et résistent héroïquement à la Grande Armée pour permettre la retraite ordonnée des régiments prussiens. De l’imagerie efficace mais futile pour illustrer un fait d’armes où la guerre apparaît plus comme une aventure virile qu’une tragédie (scénario de Sergio Donati). La « poignée de héros » (titre allemand du film) consiste en un ramassis bigarré de chasseurs, deux hussards, deux dragons, un artilleur, le canonnier Kurtz (arrêté pour pillage et portant des menottes), un étudiant et un porte-drapeau – des caractères très contrastés dont certains pourraient sortir de The Dirty Dozen (Les Douze Salopards) de Robert Aldrich. Or, justement, la patte d’Aldrich manque. Le traitement à l’écran est plaqué sur les clichés du spaghetti-western (les titres italiens se réfèrent d’ailleurs à Sergio Leone), pimenté de quelques touches parodiques et beaucoup de désenchantement (« la gloire de la Prusse ? Qu’elle aille se faire f .... »). Deux soldats se défilent et sont capturés, puis fusillés par les Français. L’accent est entièrement mis sur l’action physique, les états d’âme ne pèsent par lourd. Seule Angelika, qui cherchait son fiancé tué sur le champ de bataille et s’est jointe au groupe, survit au carnage. Un sujet obsolète dont rien ne justifiait l’actualisation.
1967Die Wirtin von der Lahn / Susanne, die Wirtin von der Lahn / I dolci vizi ... della casta Susanna (Mieux vaut faire l’amour) (AT/IT/HU) de François Legrand [= Franz Antel]
F. Antel/Neue Delta Filmproduktion (Wien)-Aico Film (Roma)-Hungarofilm (Budapest), 92 min. – av. Terry Torday (Susanne Delberg), Pascale Petit (Caroline), Harald Leipnitz (Ferdinand, le cocher), Mike Marshall (Anselmo), Klaus Ringer (Roderich), Jacques Herlin (comte Dulce), Oskar Sima (Göppelmann).
En 1806, Susanne Delberg, une comédienne frivole, hérite d’une auberge à Giessen a. d. Lahn, dans la province hessoise. Göppelmann, un bistrotier concurrent, cherche à la discréditer auprès des autorités en la faisant passer pour une tenancière de bordel. Susanne déjoue toutes les manœuvres en transformant sa maison en centre de résistance à l’occupant français. Une comédie érotique de bas étage, filmée en Eastmancolor en Hongrie, en s’inspirant d’un personnage du folklore grivois allemand – Goethe, Fontane, Büchner, Brecht ont célébré les prouesses d’alcôve de « Frau Wirtin » dans leurs quatrains coquins – qu’interprète l’actrice hongroise Terry Torday (alias Teri Tordai). Placé en quatrième position au box-office en RFA pour la saison 1967/68, ce film du prolifique Autrichien Franz Antel – il sévit dans le nanar depuis 1948 – apparaît avec le recul, sous couvert d’un libertinage costumé (et cautionné par l’Histoire), comme une sorte de plaidoyer pour la liberté sexuelle qui fait écho aux revendications estudiantines de la fin des années 1960. C’est le mieux qu’on puisse en dire. – US : The Sweet Sins of Sexy Susan.
1968Frau Wirtin hat auch einen Grafen / Susanna ... ed i suoi dolci vizi alla corte del re / A fogadósnénak is van egy grofja (Oui à l’amour, non à la guerre) (AT/DE/IT/HU) de Franz Antel
Neue Delta Filmproduktion (Wien)-Terra-Filmkunst GmbH (Berlin)-Aico Film (Roma)-Hungarofilm (Budapest), 96 min. – av. Jeffrey Hunter (comte Enrico di Santa Croce di Lucca), Terry Torday (Susanne Delberg), Harald Leipnitz (Ferdinand, le cocher), Pascale Petit (Élisa Bonaparte, grande-duchesse de Toscane et princesse de Piombino), HEINRICH SCHWEIGER (Napoléon), Jacques Herlin (St. Laduc), Gustav Knuth (le maire), Ralf Wolter (le libraire), Bela Erny (Andrea di Santa Croce).
Synopsis : En 1809 à Giessen, Susanne Delberg, directrice d’un petit théâtre ambulant, doit protéger son cocher Ferdinand que les Français veulent enrôler de force dans la Grande Armée ; Andrea, un étudiant italien, intervient salutairement et invite la troupe à Lucques, en Toscane, chez son frère, le comte Enrico. Ce dernier, grand séducteur, a été dépossédé par Napoléon qui a nommé sa sœur Élisa duchesse des lieux. Susanne, ses comédiens et leur fonds de déguisements sèment la pagaille. Après divers quiproquos, Andrea atterrit dans le lit d’Élisa Bonaparte et Enrico récupère son comté. Joseph Bonaparte, roi de Naples, convoque le clan pour une réunion familiale à Giessen. Apprenant que les bourgeois et étudiants de Giessen préparent un attentat à la bombe pour tuer Napoléon, ce qui signifierait à nouveau la guerre, Susanne incite toutes les femmes de la ville à se dévêtir devant l’Empereur, dans la cour du château. Les époux se précipitent pour les couvrir et en oublient leurs armes : le pire a été évité et Napoléon, qui s’est beaucoup amusé, invite la troupe de Susanne à se produire à Paris. – C’est Heinrich Schweiger, un des piliers du prestigieux Burgtheater de Vienne, qui campe l’Empereur dans ce très médiocre marivaudage érotique. – GB, US : Sexy Susan Sins Again.
1968/69Frau Wirtin hat auch eine Nichte / Il trionfo della casta Susanna (Pour le meilleur et pour l’Empire / L’Auberge des plaisirs) (DE/AT/IT/HU) de Franz Antel
F. Antel/Terra-Filmkunst GmbH (Berlin)-Neue Delta Filmproduktion (Wien)-Aico Film (Roma)-Mafilm (Budapest), 98 min. – av. Terry Torday (Susanne Delberg), Claudio Brook (baron Adrien d’Ambras), Margaret Lee (Pauline Bonaparte, princesse Borghese), HEINRICH SCHWEIGER (Napoléon), Jacques Herlin (l’ambassadeur prince Boulakieff), Edwige Fenech (Rosalie Bobinet), Karl Michael Vogler (prince Camillo Borghese), Ralf Wolter (l’horloger Bobinet), Harald Leibnitz (Ferdinand, le cocher).
Synopsis : En automne 1809, la comédienne Susanne Delberg et sa petite troupe traversent l’Alsace pour se rendre à Paris sur invitation de l’Empereur. La police de Fouché arrête leur cocher Ferdinand qu’elle confond avec le baron Adrien d’Ambras, un opposant royaliste. Mais à Paris, où l’on prépare les noces avec Marie-Louise, Napoléon a d’autres soucis : il craint ne plus pouvoir honorer l’archiduchesse autrichienne et fonder sa propre dynastie. Susanne le détrompe en lui présentant le « fils illégitime » qu’elle aurait eu récemment de lui (en réalité le bébé du baron Adrien). Le baron finit par récupérer son nourrisson dans les appartements de Pauline Bonaparte, qui n’est pas dupe mais renonce à éclairer son frère. Heureux de se savoir père, l’Empereur grâcie Adrien – qui s’empresse d’épouser Susanne. – Filmée en scope et Ferraniacolor, cette gaudriole érotique abracadabrante est à nouveau un grand succès commercial en RFA qui décroche le prix de « l’Ecran d’or (Goldene Leinwand) ». – GB, US : House of Pleasure.
1969(tv) Der letzte Tag – Wie zwei fröhliche Luftschiffer [= Le Dernier Jour – Comme deux joyeux aéronautes] (DE) de Jonathan Karl Dieter Briel
Deutsche Film- und Fernsehakademie Berlin (DFFB)-SWF-Sender Freies Berlin, 84 min. – av. Jürgen Wegner (Heinrich von Kleist), Maria Milde (Henriette Vogel), Irmgard Schwarz, Franz Braun, Hilde Braun, Heinrich Giskes. – Les trois derniers jours du poète Heinrich von Kleist avant son suicide avec Henriette Vogel à Berlin-Wannsee, le 21 novembre 1811. Une tentative originale de reconstruction produite par l’école de cinéma de Berlin et présentée au festival de Locarno 1969. Cf. infra, le film Heinrich de Helma Sanders-Brahms (1977).
1969/70Frau Wirtin bläst auch gern Trompete / Le piacevoli notti di Justine (AT/DE/IT/HU) de Franz Antel
Carl Szokoll, F. Antel/Terra-Filmkunst GmbH (Berlin)-Neue Delta Filmproduktion (Wien)-Italian International Films (Roma)-Hungaro-Mafilm (Budapest), 94 min. – av. Terry Torday (Susanne Delberg), Harald Leipnitz (Ferdinand, le cocher), Glenn Saxson (baron von Trenck), Jacques Herlin (baron Bierrechalet), Rudolf Prack (l’archiduc d’Autriche).
Comédie érotique plutôt embarrassante se déroulant en 1814, alors que les Français ont été chassés du pays. Ne bénéficiant plus de la protection de Napoléon, Susanne et sa troupe gagnent la ville de Tursa, en Hongrie, où le baron von Trenck vient à leur secours. La série se poursuit avec Frau Wirtin treibt es jetzt noch toller (1970) et Frau Wirtins tolle Töchterlein (1973) de Franz Antel, désormais sans rapport avec la période napoléonienne. – GB : Sexy Susan Knows How !, US : The Hostess Also Likes to Blow the Horn.
1970(tv) Gneisenau – Die politische Auflehnung eines Soldaten (DE) de Werner Schlechte
Stern TV-Zweites Deutsches Fernsehen (ZDF 12.6.70), 70 min. – av. Ullrich Haupt (maréchal comte August Neidhardt von Gneisenau), Wolfgang Weiser (Friedrich Wilhelm III de Prusse), Thomas Holtzmann (gén. Gerhard Johann David von Scharnhorst), Hans Paetzsch (prince Karl August von Hardenberg), Erwin Aderhold (prince maréchal Gebhard Leberecht von Blücher), Kurd Pieritz (gén. Ludwig Yorck von Wartenburg), Hans Krull (gén. Carl von Clausewitz), Rudolf Fernau (gén. comte von Kalckreuth), Hans Ewald Schons (baron vom und zum Stein), Albert Bessler (gén. von Köchritz), Walter Riss (ltn.-col. von Borstell), Lothar Diettrich (ltn.-col. von Oppeln-Bronikowski).
Une dramatique de Hans Wiese illustrant « la révolte politique d’un soldat » (titre) : en 1807, après l’écroulement du royaume de Prusse, le fameux défenseur de Kolberg tente vainement d’imposer une réforme militaire et politique ; il provoque la méfiance du roi et la colère de Napoléon qui obtient sa démission en 1809 ainsi que son exil. Gneisenau voyage en Angleterre, en Suède et en Russie, puis s’engage en 1813 sous le commandement de l’armée silésienne du feld-maréchal von Blücher où il combat jusqu’à la déroute de la Grande Armée – et Waterloo. Il mourra du choléra aux côtés de Clausewitz, en 1831 à Posen.
1972Lützower (DE-RDA) de Werner W. Wallroth
Walter Kronenthal/DEFA-Studio für Spielfilme-Groupe « Babelsberg » (Berlin-Est), 93 min. – av. Jürgen Reuter (cpt. Friesen), Herta Knoll (Marie Kerstinn), Lew Prygunow (sgt. Jean Fleuron), Jaecki Schwarz (le scribe Püttchen), Karlheinz Liefers (major baron Adolf von Lützow), Wolfgang Dehler (Kerstinn, conseiller municipal), Heinz-Martin Benecke (Trauberg), Johannes Wieke (ltn. Röder), Oleg Widow (maj. Margent), Hans Teuscher (cpt. Bredow), Frank Obermann (chasseur Knaupp), Hertha Thiele.
Synopsis : Dans une bourgade en Saxe au printemps 1813, des « chasseurs noirs » du corps-franc de Lützow – les « Lützowers » – sous les ordres du commandant Friesen s’emparent de la caisse militaire des Français que garde le conseiller municipal Kerstinn, un commerçant opportuniste et collabo. Friesen est capturé et condamné à mort, mais Fleuron, un sergent français révolté par le despotisme napoléonien, le libère et ils rejoignent ensemble le régiment de Lützow. Le roi de Prusse, qui a conclu un armistice secret avec Napoléon, prépare un piège mortel pour se débarrasser de ce corps-franc trop progressiste, qui pourrait contester les privilèges de l’aristocratie locale. Marie, la fille du collabo, amoureuse de Friesen, rejoint les chasseurs et informe Lützow de la trahison du roi, mais le baron, lié par son serment à la Couronne, refuse de la croire. Le 17 juin, près de Leipzig, une partie de ses trois mille volontaires est anéantie par une attaque surprise de la cavalerie et de l’artillerie françaises. Marie tombe sous les balles, comme la plupart de ses camarades. Grièvement blessé, Lützow parvient à fuir, réalisant trop tard qu’« il ne faut jamais faire confiance à un monarque, d’où qu’il vienne ... ».
Contrairement à la République fédérale qui, intégrée dans l’OTAN, fait profil bas, l’Allemagne de l’Est cherche à se créer une légitimité intérieure et extérieure en se rattachant aux chapitres « progressistes » de l’histoire allemande du XIX e siècle, notamment les guerres de libération. La fraternité d’armes entre le peuple allemand et le peuple russe en 1813-1815 doit évoquer, à quelques distortions près, celle de 1945. Tiré de la pièce éponyme de Hedda Zinner (1955), le scénario de ce film dénature les faits pour servir l’idéologie de la RDA et son « patriotisme socialiste » : la conspiration conjointe de l’état-major prussien, d’un marchand de toile saxon et de l’armée française pour éliminer Lützow et les siens est de la pure fiction. Zinner, qui vécut en Union soviétique pendant le Troisième Reich, a voulu se distancier de l’imagerie creuse et du pathos des dernières décennies, mais sa représentation révisionniste du drame de Lützow heurte la sensibilité nationale en Allemagne de l’Est, toujours attachée aux clichés d’antan. Un lourd échec critique et public, car, de surcroît, le film traîne en longueur et n’arrive jamais à se libérer de ses origines théâtrales, les interprètes sont figés, les dialogues creux. Le film s’anime dans les dernières dix minutes de bataille très spectaculaires, avec des plans d’ensemble et des paysages d’une indéniable splendeur. Tourné en couleurs et au format panavision 70 mm dans les studios DEFA à Potsdam-Babelsberg et en extérieurs à Quedlinburg (Saxe-Anhalt).
1973(tv) Die Gräfin von Rathenow (DE) de Peter Beauvais
CCC Television (ZDF 1.10.73), 90 min. – av. Doris Kunstmann (la comtesse de Rathenow), Hermann Teusch (marquis de Béville), Götz George (Leopold), Edda Seippel (Frau von Quast), Hans Quest (Herr von Quast), Günter Gräwert (Bruyère), Rüdiger Vogel (Ludwig), Rainer Basedow (Franziskus), Günter Bothur, Helga Anders.
L’auteur dramatique Hartmut Lange transpose Die Marquise von O ..., la fameuse nouvelle de Heinrich von Kleist (qui se déroule pendant la seconde campagne d’Italie en 1799) à l’époque de sa parution, soit en Prusse en 1806, lors de l’invasion napoléonienne : des soudards français agressent une jeune veuve, la comtesse de Rathenow (titre). Le marquis de Béville, un officier de la Grande Armée, la sauve, mais elle se retrouve quelque temps plus tard mystérieusement enceinte ... La fin du drame prend une autre tournure que chez Kleist : amoureux et culpabilisé par son acte, le marquis avoue sa faute, s’établit avec la belle et austère Prussienne à Naples, l’épouse, mais devant son refus persistant de lui pardonner, il se suicide.
La pièce de Lange, parue en 1969, est diffusée à la télévision dans sa deuxième version, créée en 1972 au Thalia-Theater à Hambourg.
1974(tv) Der Katzensteg (DE) de Peter Meincke
Deutsche Buch-Gemeinschaft Fernseh-Produktion Berlin (ZDF 3.8.75), 98 min. – av. Jan Niklas (Boleslav von Schranden), Paul Dahlke (Friedrich Merckel), Hanna Schygulla (Regine Hackelberg), Matthias Ponnier (Felix Merckel), Heinz Moog (Friedrich Götz), Heinz Meier (Hans Hackelberg), Charles Regnier, Claudia Rieschel, Christina Steiner.
Quatrième adaptation du roman de Hermann Sudermann (synopsis, cf. film de 1927), cette fois en couleurs et écrite par Günter Gräwert, avec une jeune Hanna Schygulla au début de sa carrière et déjà disciple de R. W. Fassbinder. Une cinquième adaptation, d’origine mexicaine, est située pendant la guerre de Juarez contre Maximilien (El camino de los gatos de Chano Urueta, 1944).
1975Δ Lotte in Weimar (Lotte à Weimar) (DE-RDA) d’Egon Günther ; DEFA-Studio Babelsberg, 124 min. – av. Martin Hellberg (J. W. Goethe), Lilli Palmer (Charlotte Kestner Buff [= Lotte]), Hilmar Baumann (August Goethe, fils du poète), Katharina Thalbach (Ottilie von Pogwisch), Jutta Hoffmann (Adele Schopenhauer). – En 1816, l’authentique Lotte, qui servit de modèle pour les Souffrances du jeune Werther, à présent 63 ans, veuve, mère de onze enfants, rend visite au vieux Goethe qui refuse de la recevoir seul ; la conversation à table tourne entre autres autour des rencontres du grand poète avec Napoléon en 1808. Dans un flash-back en 1813, le film montre la ville de Weimar délivrée par les hussards de Blücher, puis l’arrivée des cosaques après la bataille de Leipzig (adaptation du roman éponyme de Thomas Mann, 1939).
1977*Heinrich oder der Tod in Deutschland / Heinrich – Die Geschichte meiner Seele (Heinrich) (DE) de Helma Sanders-Brahms
Regina Ziegler/R. Ziegler Filmproduktion (Berlin-Köln)-Westdeutscher Rundfunk (WDR), 133 min./125 min. – av. Heinrich Giskes (Heinrich von Kleist), Grischa Huber (Ulrike von Kleist, sa demi-sœur), Hannelore Hoger (Henriette Vogel), Lina Carstens (Mme Riebisch), Sigfrit Steiner (M. Riebisch), Heinz Hoenig (Ernst von Pfuel), Stefan Ostertag (Dahlmann), Sabine Ihmes (Wilhelmine von Zenge), Elisabeth Stepanek, Henning Schlüter, Hildegard Wensch.
Synopsis : De 1801 au 21 novembre 1811, les dernières années de Heinrich von Kleist, écrivain, poète, dramaturge et essayiste. Tout au long de sa brève existence, Kleist, issu d’une famille noble de militaires, incarne au plus haut point la figure de l’insoumis. Après une jeunesse passée sous l’uniforme prussien – il participe comme caporal au siège et au blocus de Mayence contre les armées de la République en 1793 (Première Coalition) –, Kleist démissionne en 1799 et s’inscrit à l’Université de Francfort. L’année suivante, il se fiance avec Wilhelmine von Zenge et, refusant de réintégrer l’armée, il travaille comme fonctionnaire à Berlin. En octobre 1803, séduit par les idéaux révolutionnaires, il marche à pied et sans passeport de Paris jusqu’au camp de Boulogne afin de s’engager dans l’armée française qui prépare l’invasion de l’Angleterre, et y mourir. Recalé, il tente en vain d’obtenir une place dans l’administration française de Coblence et retourne à Berlin où il rédige ses œuvres majeures (Michael Kohlhaas, La Marquise d’O, Amphitryon, La Cruche cassée, etc.). Après Iéna et Auerstädt, Napoléon entre en vainqueur à Berlin. En janvier 1807, Kleist est soupçonné d’espionnage par l’état-major français, envoyé comme prisonnier de guerre en France, incarcéré au fort de Joux, transféré à Châlons-sur-Marne, puis libéré après la paix de Tilsit, en juillet. La Bataille d’Hermann (Die Hermannschlacht), glorification de la résistance germanique à l’envahisseur romain, est interdite de représentation en 1809. L’année suivante, animé par l’espoir d’une coalition entre la Prusse et l’Autriche contre Napoléon, il lance une revue littéraire aux contenus violemment patriotiques et écrit un drame en l’honneur des Hohenzollern, Le Prince de Hombourg (cf. infra, film de 1997). En 1811, Kleist obtient sa réintégration dans l’armée prussienne. Œuvrant sans relâche pour surmonter, dans sa vie et dans son art, les déchirements de son âme tourmentée, incompris par ses contemporains, condamné sans appel par Goethe, rejeté par les romantiques, féru d’absolu, excessif dans la douceur comme dans la violence, il se suicide à l’âge de trente-quatre ans. En fait, un double suicide soigneusement préparé dans une clairière aux abords du Wannsee, de concert avec son amie musicienne Henriette Vogel, mariée et atteinte d’un cancer.
Helma Sanders-Brahms reconstitue le portrait du « vrai poète tragique de l’Allemagne » – réalisé à l’occasion du bicentenaire de sa naissance – à partir de lettres et de documents biographiques. Un portrait rétrospectif (le film débute et se clôt par le suicide) qui n’a rien de solennel, en forme de puzzle, fragmentaire et dont la chronologie est sciemment bousculée pour mieux restituer les hésitations, l’inquiétude et la mélancolie morbide de Kleist, artiste ultrasensible, désarmant de fragilité et noyé dans une époque chaotique. Visuellement, la cinéaste s’inspire de la peinture d’un Caspar David Friedrich (photo : Thomas Mauch, le chef opérateur de Werner Herzog), composant « de frémissants tableaux vivants en vastes extérieurs (Heinrich et son ami égarés sur le champ de bataille jonché de cadavres) ou en intérieurs éclairés à la bougie. [Elle parvient] ici à articuler de la manière la plus heureuse et la plus stimulante, un matériau intensément romanesque à sa réflexion politique, intime, poétique » (Claude Rieffel). Ajoutons toutefois que son film n’est pas dépourvu de scories de cinéma d’auteur intellectuel qui en handicapent un peu la lecture. Un des titres du film (« Histoire de mon âme ») se réfère au journal intime disparu de Kleist. Tournage : Berlin, Paris, Fort de Joux (Doubs), lac de Brienz et Iseltwald (Suisse), Werder, Löcknitz (RDA). Première mondiale au festival de Cannes 1977, Festival international de Berlin 1977, lauréat de la Coupe d’Or (Goldene Schale) du Bundesfilmpreis 1977. Sujet identique, cf. Drugi brzeg (1997), Die Akte Kleist (2011) et Amour fou (2014).
1977(tv) Schach von Wuthenow (DE-RDA) de Richard Engel
Deutscher Fernsehfunk der DDR (Berlin-Est) (DFF 17.7.77), 86 min. – av. Michael Gwisdek (Rittmeister Schach von Wuthenow), Beata Tyszkiewicz (Joséphine von Carayon), Petra Kelling (Victoire von Carayon), Marga Legal (tante Marguerite), Klaus Piontek (Dietrich Adam Heinrich von Bülow), Helmut Strassburger (Daniel Sander), Christian Steyer (le prince Louis-Ferdinand de Prusse), Werter Tietze (Friedrich Wilhelm III de Prusse), Walter Plathe (ltn. von Alversleben), Bernhard Baier (ltn. von Nostitz), Helmut Geffke (ltn. von Ziethen), Lutz Dechant (ltn. von Herzberg), Wilfried Pucher (Barsch), Wolfgang Jaster (Groom), Peter Brang (Boquet).
Autre version télévisée, provenant cette fois de l’Allemagne de l’Est et concoctée par Christian Collin, de la nouvelle éponyme de Theodor Fontane (cf. film de 1966). Dans le rôle de Joséphine von Carayon, on retrouve la ravissante star polonaise Beata Tyszkiewicz, qui incarna Maria Walewska dans Marysia i Napoleon (1965) (cf. p. 66) et joua pour Andrzej Wajda dans Popioly (1965) (cf. p. 426) et Tout est à vendre (1969). On reverra Michael Gwisdek, pilier de la télévision en RDA, notamment dans Good Bye Lenin ! de Wolfgang Becker (2003).
1977/78*(tv) Scharnhorst (DE-RDA) série de Wolf-Dieter Panse
Parties : 1. Die Katastrophe2. Der Generalangriff3. Die Krise4. Die Erhebung5. Die Hoffnung
Deutscher Fernsehfunk der DDR, Ost-Berlin (DFF1 3.11.-1.12.78), 5 x 75 min. – av. Horst Drinda (Gerhard Johann David von Scharnhorst), Günter Naumann (Neidhardt von Gneisenau), Dietrich Körner (Freiherr vom Stein), Bodo Wolf (Carl von Clausewitz), Hans Teuscher (Friedrich Wilhelm III), FRIEDO SOLTER (Napoléon), Regina Beyer (la reine Louise), Günter Schoss (Hermann von Boyen), Monika Lennartz (Marie von Brühl), Wilhelm Koch-Hoog (prince Karl August von Hardenberg), Paul Lewitt (Joachim Nettelbeck), Peter Bause (tsar Alexandre Ier), Peter Brang (maréchal Gebhard von Blücher), Erich Gerberding (gén. Ludwig Yorck von Wartenberg), Johannes Maus (gén. Mikhail Koutouzov), Klaus Bamberg (gén. Jean Rapp), Thomas Langhoff (Ernst Moritz Arndt).
Évocation de la Prusse de 1806 à 1813 à travers la biographie du grand réorganisateur de l’armée prussienne (1755-1813), qui fut également le chef d’état-major de Blücher et le mentor du génial théoricien Clausewitz. Dans son combat contre les restrictions de liberté et la mentalité arriérée de son temps, Scharnhorst trouve un allié en la personne du baron vom Stein. Les deux fréquentent le salon de la comtesse Brühl, où le jeune lieutenant von Clausewitz soupire après Marie, la fille de la maison. Après la défaite à Iéna, le roi se voit contraint d’introduire des réformes dans son royaume et rappelle vom Stein au ministère. La bastonnade dans l’armée est abolie. Le traité de Tilsit incite Gneisenau, Clausewitz et Boyen à se mettre au service du tsar, tandis que Scharnhorst patiente aux côtés du roi. En 1813, il propose de confier le commandement des opérations contre Napoléon à Blücher. Lui-même est blessé à la bataille de Grossgörschen, la plaie s’infecte, il décède à Prague alors qu’il pousse l’Autriche à se joindre à la grande coalition antifrançaise. En 1830, Gneisenau rend visite à Clausewitz ; tous deux constatent que leurs efforts de réformes ont échoué. Les générations futures s’en chargeront, prédit Marie von Clausewitz.
L’insurrection nationale prônée par Gneisenau et Scharnhorst impliquait une sorte de révolution, pas directement sociale mais d’abord militaire : Scharnhorst a armé le peuple, ce qui était en soi déjà un acte de rébellion contre le régime des hobereaux et la monarchie absolutiste, et c’est évidemment cet aspect du personnage qui intéresse en priorité la télévision communiste de l’Allemagne de l’Est. Il s’agit en même temps (selon les dires du réalisateur Panse, disciple de Wolfgang Langhoff) de répondre à un besoin de tradition nationale parmi la population de la RDA, tout en présentant la RFA d’Adenauer comme l’héritière des États de la Confédération du Rhin soumis à Napoléon. Un casting de premier ordre (Drinda, Körner, Wolf, Langhoff) parvient à faire digérer le cumul de citations et dialogues directement tirés des lettres, mémoires, décrets et contrats de l’époque. Regina Beyer joue la reine Louise en femme moderne, libérée, agacée par le fait que seuls les hommes autour d’elle ont droit à la parole. Mise en chantier en 1972 déjà, sous le titre de travail de Der Generalangriff (L’Attaque générale), cette télésérie de 6 heures en couleurs est enregistrée dans 50 lieux différents et implique un tournage de 55 jours, avec l’appui des spécialistes du Musée militaire de Dresde. En raison de sa qualité, elle sera également diffusée avec quelques coupures en RFA.
1978*Der Schneider von Ulm [= Le Tailleur d’Ulm] (DE) d’Edgar Reitz
Edgar Reitz Filmproduktion GmbH (München)-Peter Genée Filmproduktion & Co. (München)-Zweites Deutsches Fernsehen (Mainz), 115 min. – av. Tilo Prückner (Albrecht Ludwig Berblinger), Vadim Glowna (Kaspar Fesslen), Hannelore Elsner (Anna Berblinger), Harald Kühlmann (Jakob Degen), Dieter Schidor (Schlumberger), Rudolf Wessely (Pointet), Marie Colbin (Irma Moretti), Otto Lackovic (Moretti, son père), Herbert Prikopa (Kratzky), Dana Mefická (mère d’Anna), Karl Augusta (le roi Frédéric Ier de Wurtemberg), Bronislav Poloczek (le duc Henri, son frère).
Synopsis : En 1791, sur le chemin d’Ulm en revenant de son apprentissage à Vienne, le tailleur souabe Albrecht Berblinger assiste à l’atterrissage mouvementé d’un ballon à gaz construit par Moretti, un passionné d’aérostation. Comme lui, il se met fébrilement à étudier le vol des oiseaux et à concevoir un engin pour s’élever dans les airs. À Ulm, sa ville natale, il se lie également d’amitié avec le révolutionnaire jacobin Kaspar Fesslen, un imprimeur qui, de retour de Paris, provoque un soulèvement contre les autorités militaires de la ville. Berblinger et ses amis politiques sont arrêtés et incarcérés. Sa femme et sa famille se détournent de lui. À la mi-octobre 1805, Napoléon, en route pour Austerlitz, fait assiéger la ville défendue par les régiments autrichiens du général Mack. Soumis au feu nourri de l’artillerie, Ulm capitule. Une délégation française qui a pris connaissance de son travail suggère à Berblinger de créer sur place une succursale de l’école d’aérostation de Paris-Meudon, mais le tailleur hésite. Fesslen est libéré. Malade, ruiné, déçu par Napoléon (« un traître à la Révolution »), il se suicide. Berblinger, dont la maison a été saisie, ne s’adonne plus qu’à ses recherches, fabriquant un système muni d’ailes géantes lointainement inspiré des dessins de l’horloger viennois Johann Jakob Degen (1808). Après plusieurs vols tests très concluants dans l’arrière-pays, il est sommé, le 30 mai 1811, de survoler le Danube en présence de toute la population d’Ulm, du roi Frédéric de Wurtemberg, de sa cour et du prince héritier de Bavière. Il monte sur la Bastille de l’Aigle surplombant le Danube, rehaussé d’un échafaudage. C’est un désastre, le terrain et les vents sont contraires, Berblinger fait un grand plouf dans l’eau ; il est la risée de la ville, le peuple humilié le traite de menteur et d’escroc. Berblinger s’enfuit dans les bois où il est cueilli par une patrouille française qui le réquisitionne de force pour la campagne de Russie (« l’Empereur a besoin de chaque homme ! »). Depuis le chariot couvert où il croupit avec d’autres malheureux conscrits, il invente un périscope avec lequel il observe le ciel, les nuages et (en rêve) les aérostats qui le traversent ...
Quelques précisions que ne donne pas le film : fils d’un employé de l’arsenal d’Ulm, Berblinger (1770-1829) grandit dans un milieu technique marqué par l’armurerie et inventa notamment diverses prothèses. En 1794, il fut impliqué marginalement dans « l’affaire des canons » : un groupe d’habitants francophiles bloqua le départ de cinq canons destinés au pays de Bade, empêchant ainsi leur emploi contre les armées de la Révolution. En 1810, le traité de Compiègne divisa la ville en deux, de part et d’autre du Danube. L’ancienne ville réintégra le duché de Wurtemberg, la nouvelle devint bavaroise. D’où l’enjeu de la visite, en 1811, de Frédéric I er que Napoléon avait fait roi de Wurtemberg. Un comité d’accueil présidé par Ferdinand Ludwig von Zeppelin (grand-père du constructeur de dirigeables) demanda à Berblinger d’avancer la date de sa tentative de vol pour honorer la visite du monarque. Après la catastrophe, l’inventeur quitta la ville (pas trace d’un enrôlement pour la Russie) ; il décéda seul et pauvre dix-huit ans plus tard. L’authentique Fesslen mourut également dans la misère noire en 1800, bien avant l’arrivée des Français qu’il appelait avec tant de véhémence. Edgar Reitz – jeune cinéaste de la nouvelle vague allemande qui n’a pas encore réalisé son mémorable film-fleuve Heimat (1984) – enseigne à l’Institut du cinéma d’Ulm quand, en fouillant dans les archives municipales, il tombe sur l’histoire véridique du « tailleur qui voulait voler de ses propres ailes » ; il trouve à son sujet quantité de chansons ironiques, de quatrains railleurs, des caricatures et même un petit poème de Bertolt Brecht, mais surtout des plans techniques étonnamment précis et fonctionnels sur l’engin qui aurait permis à Berblinger d’effectuer des vols en plané de 2000 à 3000 mètres. Cette découverte l’incite à retracer les prouesses de ce pionnier largement méconnu de l’aéronautique, à rétablir la vérité et en quelque sorte à réhabiliter un rêveur. Car l’échec de la démonstration publique masque une réussite dans les faits : l’invention fonctionne. Pour les besoins de son film, Reitz a fait reconstruire l’engin en grandeur 1:1, un dispositif de vol prévoyant des ailes fixées au corps par un harnais. Certaines prises de vues aériennes doivent se faire en attachant la caméra à des câbles. Ville de garnison, Ulm a trop souffert des bombardements en 1944 pour servir de décor historique : on tourne donc en Tchécoslovaquie avec près de mille figurants, notamment à Prague et dans les studios Barrandow (budget : 3,5 millions de DM), étroitement surveillé par la police d’État. Ce qui ne manque pas de piquant, car Reitz, politiquement très éveillé, établit un lien entre l’aérostation de ses pionniers et les espoirs libertaires de leur temps. Le vol devient une métaphore de la libération totale, d’une société sans entraves, d’égalité et de justice comme en rêve le malheureux Jacobin Fesslen. Euphorique, celui-ci conte comment, en 1791, il a assisté sur les Champs-élysées à Paris à l’ascension d’un ballon captif à partir duquel un aéronaute a fait la lecture de la déclaration universelle des droits de l’homme. Pour Reitz, Fesslen et Berblinger sont à l’avant-garde idéologique et technique, leur échec est celui de leur époque. On pourrait dire la même chose pour son film, qui fait un four en salle et empêchera Reitz de travailler à d’autres projets pendant plusieurs années. Stylistiquement inégal, mais sympathique, personnel et intéressant, le film est sélectionné au festival de Moscou 1979 avant de sombrer dans un oubli immérité. – IT : Il sarto di Ulm, ES : El sastre de Ulm.
1979Grandison (DE/FR) d’Achim Kurz
Kurz/Grandison-Filmproduktion-Kurz KG (Stuttgart) -K3 Filmproduktion, 146 min./122 min./100 min. – av. Marlène Jobert (Rose Grandison), Jean Rochefort (Carl Grandison), Helmut Qualtinger (Dr. Ludwig Pfister, le juge d’instruction), Eckhard Heise (Johannes Berger, son secrétaire), Bernard Musson (pasteur), Philippe Exbrayat (Eduard), Jean-Pierre Cassel (le banquier Oppenheimer), Dora Doll (gardienne).
Synopsis : Heidelberg en 1810, dans le grand-duché de Bade créé quatre ans plus tôt sous l’impulsion de Napoléon. Carl Grandison, ancien fabricant de perruques, et son épouse Rose, ex-lingère, ont fait fortune et vivent dans une demeure patricienne, entourés de leurs trois enfants ; poètes, peintres, musiciens et érudits du pays fréquentent leurs réceptions. De temps à autre, Carl s’absente en « voyage d’affaires », en réalité des attaques de transports postaux qui remplissent la caisse. Lorsque l’escroc est démasqué et se suicide en prison à Berlin en 1814, le calvaire commence pour son épouse et complice. Rose est interrogée cruellement pendant une année par l’ambitieux juge Pfister, traitement inhumain qui la pousse à se suicider à son tour lorsqu’elle apprend enfin que son mari est mort. – à la fois la restitution authentique des exploits criminels de Carl Grandisson (deux « s ») et une ode romantique aux amours hors-la-loi, tournée en Eastmancolor à Bad Wimpfen, Heidelberg, Wanfried, Michelstadt, Amorbach, Gengenbach, Ladenburg et Jagsthausen. L’interprétation de ce fait divers qui défraya la chronique de l’époque est de qualité (Jobert, Rochefort, Qualtinger), la photo très esthétisante, une suite de tableaux de genre sur le modèle du Barry Lyndon de Kubrick ou des Duellistes de Ridley Scott. Un film cher (4 millions de DM) qui n’obtient aucun succès et brise la carrière de son auteur, dont c’est l’unique mise en scène. Le scénariste du film, Michail Krausnick, en tirera un roman, Rose Grandisson – Gefangen in Heidelberg (2012). Curieusement inédit en France.
1980(tv) Clausewitz – Lebensbild eines preussischen Generals (DE-RDA) de Wolf-Dieter Panse
Deutscher Fernsehfunk der DDR (Berlin-Est) (DFF1 27.5.80), 97 min. – av. Jürgen Reuter (Carl von Clausewitz), Christine Schorn (Marie von Clausewitz), Dietrich Körner (Neidhardt von Gneisenau), Klaus Piontek (Gerhard von Scharnhorst), Erich Gerberding (gén. Ludwig Yorck von Wartenberg), Hans Teuscher (Friedrich Wilhelm III), Irma Münch (Mme de Staël), Rüdiger Joswig (prince August), Jürgen Rothert (gén. Louis-Chrétien Beaumont).
Suite au succès de sa télésérie Scharnhorst deux ans plus tôt, Wolf-Dieter Panse fabrique ce pendant portant sur le théoricien militaire Clausewitz (1780-1831), auteur du célèbre traité de stratégie De la guerre (Vom Kriege), paru après sa mort, en 1832-34. Programmé pour le bicentenaire de sa naissance, ce téléfilm en couleurs se concentre sur les efforts progressistes de la Prusse au début du XIX e siècle, mais éclaire également l’amitié entre Clausewitz et Gneisenau et son mariage longtemps retardé avec Marie von Brühl, issue d’une famille plus noble que la sienne.
1981Δ (tv) Die Laurents – Geschichte einer Berliner Hugenottenfamilie (Les Laurent) – 9. Franzosenzeit (Le Temps des Français) (DE) d’Erich Neureuther (ARD 27.10.81), 60 min. – av. Hellmut Lange (Charles A. Laurent), Maria Körber (Anne Laurent), Gustav Fröhlich (Guillaume Gaillard), Jürgen Draeger (Paul Gaillard), Matthieu Carrière (Frédéric Laurent), Wolfgang Spier (marquis d’Argent), Walter Buschhoff (Perrault), Helen Vita (Wilhelmine Klamke), Ivan Desny (de Dubois), Nadja Tiller (Carla Galli/Giovanna). – La chronique familiale des Laurent, descendants de réfugiés huguenots français établis à Berlin depuis 1688. L’épisode 9 se déroule entièrement pendant l’occupation napoléonienne et la guerre de libération.
1983(tv) Chef der Gelehrsamkeit - Wilhelm von Humboldt (DE-RDA) de Wolf-Dieter Panse
Deutscher Fernsehfunk der DDR (Berlin-Est) (DFF 26.6.58), 102 min. - av. Horst Schulze (Wilhelm von Humboldt), Hans Teuscher (le roi Friedrich Wilhelm II), Regina Beyer (la reine Louise), Gert Gütschow (gén. Scharnhorst), Martin Hellberg (Goethe), Erich Eberding (Johann Gottlieb Fichte), Thomas Gumpert (Friedrich Bolz), Bodo Wolf (Staatsrat Süvern), Gerd-Michael Hennberg (Staatsrat Nicolovius), Christoph Engel (Staatsrat Uhden), Manfred Müller (Staatsrat Schmedding), Klaus Mertens (le comte Hardenberg), Friederike Aust (Karoline von Berg), Ezard Haussmann (le comte Donna), Peter Bause (Freiherr von Altenstein), Hans-Joachim Hegewald (le maréchal von Kalckreuth),, Monika Lennartz (Rachel Levin), Winfried Wagner (Friedrich D. Schleiermacher). - En Prusse pendant les années 1808 à 1810, sous domination napoléonienne, le savant et homme politique Wilhelm von Humboldt (1767-1835), un ami de Goethe et de Fichte, est chargé par le roi d'améliorer l'éducation et la formation de la jeunesse prussienne afin de fortifier le royaume.
1984*(tv) Vor dem Sturm [= Avant la tempête] (DE/AT) série de Franz Peter Wirth
NDR-ORF-Stern TV-Technisonor (ARD 2.5.-4.6.84), 90 min. + 5 x 55 min./390 min. – av. Rolf Becker (Berndt von Vitzewitz), Daniel Lüönd (Lewin von Vitzewitz), Constanze Engelbrecht (Renate von Vitzewitz), Christoph Moosbrugger (Tubal von Ladalinski), Ernst-Fritz Fürbringer (prince Ferdinand), Lothar Blumhagen (prince Karl August von Hardenberg), Siegfried Wischnewski (gén. Bamme, chef du Landsturm), Anne Canovas (Kathinka von Ladalinski), Susanne Uhlen (Marie Kniehase), Udo Thomer (Schulze Kniehase), Johanna Karl-Lory (Hoppenmarieken), Michael Boettge (major von Hirschfeldt), Pierre Franckh (Hansen-Grell), Stephan Orlac (Turgany), Heinz Schimmelpfennig (Seidentopf), Ljuba Skolepová (tante Schorlemmer), Heinz Schimmelpfennig (le pasteur Seidentopf), Maxence Mailfort (comte Bninski), Corinne Marchand (Amelie).
Une chronique prussienne, vaste et compliquée, se déroulant de décembre 1812 au 17 mars 1813 (jour de la déclaration de guerre officielle de la Prusse à la France), et qui dresse le portrait de toutes les couches sociales du pays. Synopsis : Sur les terres du domaine de Hohen-Vitz (Oderbruch dans le Brandebourg), au château de Guse et dans les villages avoisinants, tout le monde commente les événements politiques récents (le désastre français en Russie et la réaction du roi et de l’armée) ; le vieux comte Berndt von Vitzewitz, seigneur des lieux, prépare le soulèvement contre l’occupant, après avoir consulté à Berlin le prince Ferdinand, frère du roi, et regretté l’attentisme incompréhensible du gouvernement. La défection du général Yorck, qui pactise avec les Russes, et sa condamnation par Frédéric-Guillaume II fait sensation dans les salons de la capitale. Entre-temps, Lewin, le fils artiste de Berndt, étudie les lettres à Berlin et souffre de l’amour non partagé pour sa cousine polonaise Kathinka qui lui préfère le comte Bninski, un patriote bonapartiste avec lequel elle fugue à Varsovie pour fuir la colère paternelle. Effondré, Lewin va se régénérer sur les terres ancestrales où sa sœur Renate soupire pour Tubal, le frère de Kathinka qui, lui, préférerait Marie, la fille d’un comédien. Lorsque, à l’instigation du comte Berndt, les habitants de Francfort a. d. Oder s’attaquent à la garnison française, l’Histoire balaie les conflits personnels. Les Russes ne bougent pas et les hobereaux prussiens, aveuglés par leur enthousiasme, se font décimer. Lewin est capturé, le peloton d’exécution l’attend. Tubal le libère mais paie son héroïsme de sa vie. Lewin se console dans les bras de Marie, son amie d’enfance, tandis que Renate entre dans les ordres.
Le scénariste Herbert Asmodi s’attaque à l’unique adaptation du méga-roman historique Vor dem Sturm. Roman aus dem Winter 1812 auf 13, la première œuvre de Theodor Fontane, parue en 1878. Wirth réussit une télésérie (en couleurs) à la fois juste et sensible, qui transpose avec beaucoup d’adresse l’univers de l’auteur d’ Effi Briest. Pour le personnage fictif de Berndt von Vitzewitz, Fontane s’est inspiré du général August Ludwig von der Marwitz (1777-1837), représentant de la vieille noblesse prussienne et adversaire des réformes libérales du baron vom Stein.
1985/86(tv) Am Morgen meines Todes (DE) de Rainer Wolffhardt
(ZDF 20.11.86). - av. Christoph Moosbrugger (Heinrich von Kleist), Ilse Matheis (Henriette Vogel), Ronald Nitschke (Stimming), Christel Harthaus (Frau Stimming), Hannes Kaetner (Riebisch), Reinhard von Bauer (Vogel). - Les dernières heures de Kleist avant son suicide.

1988(tv) Europa und der zweite Apfel (DE/AT) de Hans Neuenfels
(WDR/ORF 16.12.88), 90 min. - av. Ingo Hülsmann (Heinrich von Kleist), Hans Michael Rehberg (Herr C.), Peter Palitzsch (von Gneisenau), Mathieu Carrière (von Clausewitz), Hermann Treusch (von Scharnhorst), Irm Hermann (Elisabeth von Bayern). - Le malaise existentiel de Heinrich von Kleist.
1990*(tv) Napoléon et l’Europe – 2. Berlin ou le réveil de l’Allemagne / Napoleon und Europa – 2. Berlin oder Die Erhebung (FR/DE/PT/ES/PL) d’Eberhard Itzenplitz
Télécip-La Sept-France 3-3SAT-Filmów Telewizyjnych Poltel-TVE-RTP (La Sept 12.10.90 / FR3 18.1.91), 52 min. – av. JEAN-FRANÇOIS STÉVENIN (Napoléon), François Perrot (Talleyrand), Peter Roggisch (Johann Gottlieb Fichte), Karl Emmanuel (Christoph Waltz), Danuta Balicka (baronne von Herrnstadt), Katarzyna Miernicka (princesse de Hatzfeld), Marek Barbasiewich (comte de Ségur), Krzystof Luft (Friedrich Wilhelm III de Prusse), Monika Switay (la reine Louise de Prusse), Andrzej Seweryn (le tsar Alexandre Ier), Adam Bauman (prince Dominique Radziwill), Wiktor Skaruch (comte Mieszko Skarbeck), Adam Kamien (Friedrich Staps), Bronislaw Wroclawski (cousin Zimmer), Ryszard Jablonski (Arno Gottfried), Anna Wieniowska (Minna Zimmer), Grzegorz Gadziomski (Conrad Zimmer), Michal Pawlicki (gén. Ferdinand Berthier), Jan Greber (gén. Jean Rapp), Kazimierz Hubicki (Cambacérès), Jerzy Kryszak (Fouché), Boguslaw Hubicki (amiral Denis Decrès), Andrzej Ferency (maréchal Géraud Duroc).
Synopsis : Le 4 novembre 1805, le tsar de Russie et le roi de Prusse s’inclinent sur le tombeau de Frédéric le Grand et font le serment d’abattre l’ogre corse. Un an plus tard, Napoléon victorieux se recueille à son tour sur la tombe. Dans les rues de Berlin, Karl Emmanuel, un jeune officier, est malmené par les passants qui reprochent à l’armée ses désastres militaires. Il trouve refuge chez les Zimmer, une riche famille juive qui tient salon. Il y retrouve toutes les contradictions de l’opinion prussienne à propos de l’envahisseur et de l’archaïsme du royaume. Le téléfilm met en parallèle les destins de Napoléon et du jeune homme qui s’enflamme pour le patriotisme prôné par le philosophe Fichte. La politique impériale se montre indulgente envers le prince de Hatzfeld, coupable d’espionnage, mais impitoyable pour les serfs du père de Karl Emmanuel qui ont naïvement cru aux discours égalitaires des Français. Tout à la guerre avec l’Espagne et confronté aux complots de Talleyrand, Napoléon ne s’aperçoit pas de la montée des ressentiments et de la constitution (sous le couvert de société de gymnastique) d’une armée clandestine de résistance, le « Tugenbund ». Celle-ci échoue à soulever le pays, mais elle devient le signe du malaise d’une société. Napoléon lui-même commence à en prendre conscience le 12 octobre 1809 (année du soulèvement manqué de Ferdinand von Schill) à Schönbrunn lorsqu’il se retrouve face à un adolescent allemand, Friedrich Staps, qui tente de le poignarder et refuse sa grâce pour ne rien devoir au tyran.
Un épisode de cette très instructive série (avec un Stévenin fort, tranquille, ayant vu du pays et pris du ventre) qui se déroule surtout dans les salons berlinois, où l’on cause politique sur fond d’amourettes et de guilledou. Napoléon (que l’on voit peu) se trouve confronté aux déchirements qu’il provoque : à la fin, il meurt d’envie de pardonner à Staps, un fils de pasteur de Naumbourg, et se désole devant son entêtement à vouloir périr en martyr de la cause allemande. Il ne peut que murmurer « Adieu, petit ... » (cf. p. 28).
1993*(ciné+tv) Kaspar Hauser. Der Mensch. Der Mythos. Das Verbrechen / tv : Kaspar Hauser – Verbrechen am Seelenleben (Kaspar Hauser, enfant de l’Europe) (DE/AT/SE) de Peter Sehr
Multimedia W. Esterer-BR-WDR-ORF-SVT-Arte-LFA-Telepool (Arte 3.-4.3.95), 139 min. / tv : 175 min. (2 parties). – av. André Eisermann (Kaspar Hauser, 1812-1833), Katharina Thalbach (comtesse Hochberg), Uwe Ochsenknecht (Ludwig von Baden), Udo Samel (prof. Samel), Jeremy Clyde (Philip Henry Lord Stanhope), Hermann Bayer (Anselm Ritter von Feuerbach), Hansa Cypionka (Johann David von Hennenhofer), Cécile Paoli (Stéphanie de Beauharnais, grande duchesse de Bade), Barbara Lukesová (l’impératrice Joséphine de Beauharnais, sa mère), Tilo Nest (archiduc Carl Friedrich von Baden), Anja Schiller (Sophie von Baden), Peter Lohmeyer (Leopold von Baden), Dieter Laser (Ludwig I. von Bayern/Louis Ier de Bavière), Dieter Mann (le maréchal Carl Philipp Fürst Wrede).
Une énigme historique non résolue : Les princes électeurs de Bavière et de Wurtemberg, alliés de Napoléon, sont couronnés rois. Le Land Baden décuple son territoire, le Markgraf Carl Friedrich von Baden (dynastie des Zähringer) devient archiduc, et son neveu Carl von Baden doit épouser Stéphanie de Beauharnais, fille adoptive de Napoléon. Leur enfant (né le 29.9.1812) est éloigné par la cour après les Cent-Jours et passe pour mort. Le mystérieux Kaspar Hauser qui apparaît en 1828 à Nuremberg et qui périt assassiné cinq ans plus tard, à l’âge de 21 ans, serait-il le prince héritier « napoléonide » de la maison de Bade ? Le film, visuellement très soigné et mis en scène avec des moyens cossus, laisse entendre que l’enfant aurait été enlevé, incarcéré, enchaîné et maltraité pendant douze ans, victime des tensions politiques entre les maisons de Bade et de Bavière (celle-ci cherche à récupérer le Palatinat rhénan) après l’effondrement du Premier Empire. Le nourrisson aurait été remplacé dans son berceau par l’enfant d’un domestique. Adolescent, il est abusé et trahi par Lord Stanhope, un aventurier dépravé et espion britannique. Une spéculation sur la perte de l’innocence et la cruauté humaine, pas entièrement aboutie mais souvent déchirante grâce à l’interprétation à fleur de peau d’André Eisermann. Tournage à Munich, Karlsruhe, Rothenburg ob der Tauber et en République tchèque. – Deutscher Filmpreis in Gold 1994 (Sehr, Eisermann, meilleur film), Prix du cinéma de Bavière (Eisermann), Prix spécial du festival de Locarno 1993 (Eisermann), Grand prix du festival de Valenciennes 1994 (Sehr).
Nota bene : Film bien sûr à ne pas confondre avec Jeder für sich und Gott gegen alle (L’Énigme de Kaspar Hauser) de Werner Herzog (1974), qui ne traite pas le cas sous son aspect politique. En revanche, le sujet a été abordé, de manière un peu allusive, dans l’émission « La Caméra explore le temps » par Stellio Lorenzi en 1958 déjà, sous le titre de L’Orphelin de l’Europe / L’Étrange Histoire de Gaspard Hauser, avec Jean Muselli (Hauser), Jean-Roger Caussimon (Feuerbach), Jean Berger (Lord Stanhope) et Hélène Constant (Stéphanie de Beauharnais). – US : Kaspar Hauser.
1993/94Maries Lied « Ich war ich weiss nicht wo » (La Complainte de Marie) (DE) de Niko von Glasow
Niko v. Glasow, Ulrich Felsberg/Palladio-Film GmbH (Köln)-Arte-WDR-SWF, 90 min. – av. Sylvie Testud (Marie), Bastian Trost (Auguste), Martin Feifel (Friedrich), Veronica Quilligan (Frl. Bettina), Jean-François Perrier (Tümmler), Carola Regnier (Regnier).
La Prusse en 1813 : une jeune comtesse qui regardait les bouleversements politiques de loin est violée et sa mère tuée par des déserteurs de la Grande Armée qui se sont installés dans leur château isolé et s’adonnent aux orgies et au pillage. Une œuvre raffinée et esthétisante, lauréate du Prix du cinéma allemand 1994 (photo, musique, nomination comme meilleur film), primée au Festival de Kiev (meilleur film, costumes), sélection du festival de Locarno, nomination au Prix du Jeune Cinéma européen 1994. – US : Marie’s Song.
1994/95Anekdote aus dem letzten preussischen Kriege (DE) de Zoltan Spirandelli
Zoltan Spirandelli Filmproduktion (Hamburg), 8 min. - av. Edgar M. Böhlke (le hussard prussien), Gustav-Peter Wöhler (l'aubergiste), Marthe Schwiers (la fille), Andreas Lechner (l'hôte), Klaus-Hagen Latwesen, Tom Löw et Harald Grossmüller (trois chasseurs impériaux).
Une brève nouvelle de Heinrich von Kleist filmée par le metteur en scène d'opéra Spirandelli qui lit le texte accompagnant l'image: en 1806, alors que le sort de la Prusse se joue à Iéna et à Auerstaedt, un hussard prussien se réfugie dans une auberge d'un village abandonné, y consomme trois schnaps, fume une pipe et affronte trois chasseurs impériaux de l'avant-garde française avant de repartir.
1997Il principe di Homburg. Ritratto di un eroe romantico (Le Prince de Hombourg) (IT) de Marco Bellocchio
M. Bellocchio, Pier Giorgio Bellocchio/Filmalbatros-Istituto Luce-RAI, 89 min. – av. Andrea Di Stefano (prince Friedrich August von Homburg), Barbora Bobulova (Natalia), Toni Bertorelli (Friedrich Wilhelm, Prince-Électeur), Anita Laurenzi (Dorothea von Braunschweig, son épouse).
Synopsis : Coupable d’avoir lancé l’assaut contre l’ennemi en désobéissant aux ordres paternels, le jeune prince de Hombourg, commandant de la cavalerie prussienne, remporte la victoire mais est acculé au dilemme : la mort ou le déshonneur. Face au peloton d’exécution, il tente de sauver sa vie, mais, à l’instant où il obtient sa grâce, il la refuse.
La tragédie de Heinrich von Kleist (1810), située en 1675, est jouée ici en costumes et en uniformes de 1813 (soit deux ans après le décès du poète). Quoique aucune date ni aucun lieu ne soient précisés, Bellocchio transpose clairement son récit, plongé dans une pénombre inutilement esthétisante, en Prusse pendant les guerres napoléoniennes. Tourné à Cinecittà. Sélection officielle du festival de Cannes et du Chicago International Film Festival 1997, Globo d’Oro (Rome) du meilleur film. – DE : Der Prinz von Homburg, ES : El principe de Homburg, US : The Prince of Homburg.
1997(tv) Drugi brzeg [La Deuxième Rive] (PL) de Magdalena Lazarkiewicz
Telewizja Polska, 65 min. – av. Jerzy Lazewski (Heinrich von Kleist), Dominka Ostalowska (Henriette Vogel), Maciej Kozlowski, Dorota Kolak, Grzegorz Jurkiewicz, Igor Michalski. – Les derniers jours de Heinrich von Kleist, qui se suicide le 21 novembre 1811 (cf. supra, film Heinrich de 1977).
1998Δ Die Braut. Goethe und Christiane – Liebe und Leidenschaft (Le Véritable Amour de Goethe / Le Masque du désir) (DE/AT) d’Egon Günther ; Tellux-MDR-Babelsberg, 112 min. – av. Herbert Knaup (J. W. Goethe), Veronica Ferres (Christiane Vulpius), Anatole Taubmann (maréchal Ney). – La liaison (1788), enfin le mariage (1806) de Goethe et de Christiane Vulpius (la « fiancée » du titre), simple femme du peuple, scandalise la bonne société de Weimar. Après la double victoire de Iéna et Auerstaedt, lorsque les soldats français pillent la ville, Christiane Vulpius se jette devant la porte de Goethe et retient la soldatesque, protection qui sera renforcée quand le maréchal Augereau y prend ses quartiers. Cet acte de courage de Christiane semble avoir eu pour conséquence le mariage avec Goethe, qui eut lieu le lendemain 19 octobre.
2003Δ The Brothers Grimm / Kletba bratrí Grimmu (Les Frères Grimm) (US/CZ) de Terry Gilliam ; Mosaic Media-Weinstein-MGM-Reforma, 119 min. – av. Matt Damon (Wilhelm Karl Grimm), Heath Ledger (Jakob Ludwig Grimm), Jonathan Pryce (gén. Vavarin Delatombe). – Cherchant à illustrer « le conflit entre les croyances fantastiques et les idées du siècle des Lumières », Gilliam ne livre pas une biographie, mais un mélange fantasmatique et fantasmagorique d’éléments fabuleux provenant des contes et des conflits politiques de l’époque (occupation de l’Allemagne par les troupes françaises). À Cassel, le général napoléonien Delatombe (!) et son tortionnaire Cavaldi obligent Wilhelm et Jakob Grimm, érudits exceptionnels et patriotes allemands, à régler une nébuleuse affaire de sortilège qui se retourne contre l’occupant. L’authentique Jakob Grimm fut bibliothécaire de Jérôme Bonaparte (cf. film de 1962). Tournage à Prague et en Tchéquie.
2004*(tv) 1813 – Die Völkerschlacht bei Leipzig (1813 – La Bataille des Nations) (DE) de Jan N. Lorenzen et Hannes Schuler
Série « Die grossen Schlachten (Les Grandes Batailles) », Ottonia-Media-MDR-Arte (Arte 2.5.04), 45 min. – av. Tom Seidel (le prince Karl von Schwarzenberg), Peter Schulze-Sandow (Johann Daniel Allmann, fossoyeur à Leipzig).
Un docu-fiction poignant, avec acteurs anonymes et reconstitutions soigneuses, sur la plus grande bataille que l’Europe ait connue jusque-là, du 16 au 19 octobre 1813 à Leipzig (une ville de 33 000 habitants confrontée pour la première fois à la présence physique de la guerre). Elle s’achève sur la défaite des 170 000 soldats de Napoléon, vaincus par les 310 000 hommes de l’Autriche, la Prusse, la Russie et la Suède que dirige le prince de Schwarzenberg. Au service de l’Empire, les mercenaires saxons et leur artillerie se retournent sans prévenir contre les troupes de Napoléon. Un demi-million d’hommes s’affrontent pendant quatre jours, corps à corps, déchiquetés par l’artillerie et décimés par les blessures et les maladies (les habitants de Leipzig refusent de soigner ou nourrir les blessés). Un tiers de l’armée française est pris entre l’ennemi et l’Elster, le Génie ayant détruit trop tôt l’unique pont assurant la retraite. Une stratégie hasardeuse qui se termine en invraisemblable boucherie : il faudra des mois aux habitants de Leipzig, mis au travail forcé par l’administration russe, pour enterrer les cent mille cadavres et carcasses de chevaux qui jonchent le champ de bataille et les rues de la ville (38 000 Français perdent la vie, contre près du double de coalisés). Un film qui s’attarde moins sur la stratégie des généraux que sur le quotidien de leurs soldats, pauvres hères rongés par la sous-alimentation, le froid et les infections dues au manque d’hygiène. Édifiant.
2006*(tv) Napoleon und die Deutschen (Napoléon et les Allemands) (DE) de Georg Schiemann
Parties : 1. Napoleon und die Deutschen (La Révolution) 2. Napoleon der Revolutionär (La Conquête) 3. Napoleon der Masslose (La Démesure) 4. Napoleon der Verlierer (La Chute)
Gunnar Dedio/LOOKS Film & TV GmbH-MDR-WDR-Arte (Arte 9.-10.12.06), 4 x 52 min. – Le quotidien des Allemands de 1792 à 1814, traces et reliques de l’ère napoléonienne. – Episode 1 : les villes de Mayence, Cologne et Aix-la-Chapelle sont conquises par les armées de la Révolution et francisées ; les princes, le clergé et la noblesse s’enfuient. Johann Jakob Müller assiste enthousiaste à la Fête de la Souveraineté du Peuple. Les divorces sont désormais autorisés, ce qui arrange le comte Beiderbusch à Bonn. – Episode 2 : Napoléon arrive à Aix-la-Chapelle, y visite le tombeau de Charlemagne et se fait lui-même sacrer empereur. L’éviction de l’Autriche après Austerlitz bouleverse l’ordre social allemand. La jeunesse est menacée par la conscription, la police secrète et la censure sévissent partout (Markus Dumont, éditeur de la Kölnische Zeitung, est surveillé de près). À Weimar, Maria Schopenhauer, la mère du philosophe, assiste aux conséquences des défaites à Iéna et à Auerstaedt. – Episode 3 : À Berlin, Napoléon fait transférer le quadrige surplombant la porte de Brandebourg au Louvre, humiliation suprême pour la Prusse. La princesse de Hatzfeld obtient de l’Empereur la vie sauve pour son époux accusé d’espionnage. La résistance se réveille, l’armée est réformée (plus de bastonnade), le patriotisme fleurit. Friedrich Ludwig Jahn endurcit la jeunesse par le sport. – Episode 4 : Après la désastreuse retraite de Russie, la Prusse appelle la population à faire des dons pour la patrie ; à Breslau, une jeune fille ayant sacrifié ses cheveux blonds devient un symbole du renouveau national, tandis que dans un village de la Frise orientale, les hommes refusent de s’enrôler dans l’armée. La victoire coalisée à Leipzig change la donne. Le quadrige volé en 1810 retourne à Berlin.
Un docu-fiction avec acteurs anonymes et reconstitutions d’époque de facture plutôt statique, le tout soutenu par un didactisme nunuche. Mais qu’importe, car le fond du propos est passionnant (scénario d’Elmar Barthlmae et Steffen Schneider). Fasciné, on l’est aussi outre-Rhin par l’irrésistible ascension du jeune et brillant stratège qu’est Bonaparte. En 1806, c’en est fait du quasi millénaire Saint Empire romain germanique, un vent de modernité balaie la nouvelle confédération : Napoléon met fin aux privilèges de la noblesse et des églises, introduit le code civil (qui régule mariages et divorces) et accorde des droits égaux aux juifs ; il impose le système métrique, l’abolition du servage, la liberté d’entreprise qui secoue une économie sclérosée par les corporations. À l’armée, tout soldat peut désormais devenir officier, mais la conscription fait des ravages : à Moscou, plus de la moitié de la Grande Armée est composée de soldats allemands. Que penser enfin des idéaux révolutionnaires de liberté et d’égalité quand ils sont imposés par le feu et par le sang ? Hormis Goethe (le poète lui restera toujours fidèle), la majorité des intellectuels qui adorent Bonaparte, le révolutionnaire, se mettent à abhorrer Napoléon, le tyran. Bientôt, la haine supplante l’admiration et le vent nouveau du nationalisme qu’il a introduit se retourne contre lui. Les écrivains romantiques sensibilisent leur lectorat au patrimoine, aux mythes et au folklore germaniques (Grimm, Tieck, Schlegel). En 3h20, ce téléfilm propose la version allemande de l’épopée napoléonienne, le point de vue de l’envahi, en évoquant notamment quelques destins individuels comme celui de l’apprenti de commerce Johann Aloys Berker à Mayence, qui salue le tricolore avec enthousiasme (on a retrouvé sa correspondance). Reste la question, non résolue à ce jour, de savoir si l’on peut apporter la liberté à la pointe des baïonnettes ... GB, US : Life under Napoleon.
2007(tv) Die vertauschte Prinzessin : Die Dunkelgräfin von Hildburghausen (DE) de Hans-Michael Marten
Série « Geschichte Mitteldeutschlands », saison 9, épisode 4, Winifred König/Mitteldeutscher Rundfunk (MDR 28.10.07), 45 min. – av. Hanka Mark (la princesse Marie-Thérèse-Charlotte de France), Anne Hoffmann (Renée Hillaire de Chanterenne), Henry Arnold (comte Vavel de Versay, Dunkelgraf), Felicitas Breest (la comtesse des Ténèbres / Dunkelgräfin), Gunter Schoss.
Le 7 février 1807, une dame inconnue et voilée, ainsi qu’un compagnon mystérieux arrivent en calèche à Hildburghausen ; la population locale lui donne bientôt le nom de « comtesse des Ténèbres (Dunkelgräfin) ». Certains affirment qu’il s’agirait de Marie-Thérèse-Charlotte de France (1778-1851), la fille aînée de Louis XVI et de Marie-Antoinette, qui se serait réfugiée incognito chez son amie, la duchesse de Saxe-Hildburghausen. Devenue duchesse d’Angoulême par son mariage avec son cousin Louis-Antoine d’Artois, puis en exil comtesse de Marnes, Madame Royale gagne officiellement l’Angleterre en 1807, lorsque les Bourbons perdent tout espoir de revenir sur le trône. Mais est-ce bien elle ou un sosie qui mourra en Autriche en 1851 ? Et qui serait alors la mystérieuse « comtesse des Ténèbres » décédée à Hildburghausen en 1837 ? Marten filme cette énigme de la « princesse échangée » (titre) à Versailles, à Huningue (Haut-Rhin), en Thuringe (Eishausen, Hildburghausen, Meiningen), au Bad-Württemberg (Ingelfingen) et à Saxe-Anhalt (châteaux Ballenstedt, Gänsefurth, Hecklingen).
2008(tv) Napoleon und die Deutschen. Zwischen Freiheit und Repression (DE) d’Olaf Götz (fiction), Erica von Moeller et Stephan Koester (doc.)
Série « Die Deutschen », saison 1, épisode 7, Peter Arens, Guido Knopp/Gruppe 5 Filmproduktion Köln-ZDF (ZDF 16.11.08), 43 min. – av. ADRIAN VANCICA (Napoléon), Hansjürgen Hürrig (Heinrich Friedrich Freiherr Karl vom und zum Stein), Cristian Motiu (prince Klemenz Wenzel von Metternich), Ana Maria Opra (la reine Louise de Prusse).
Un docu-fiction didactique conçu par Stefan Brauburger, comprenant de très nombreuses reconstitutions avec des acteurs anonymes et une bonne dose d’infographie. Défilent les batailles de Iéna et Auerstaedt, la rencontre entre Napoléon et la reine Louise de Prusse, le réformateur prussien Freiherr vom Stein à la cour du tsar Alexandre, Blücher triomphant à Leipzig, le Congrès de Vienne, enfin Napoléon à Sainte-Hélène. Le film montre avec beaucoup d’honnêteté l’enthousiasme que suscita Napoléon dans diverses régions d’Allemagne, les espoirs républicains et d’unité qu’il réveilla, mais aussi les humiliations inutiles subies, pour conclure sur le marché de dupes que fut le Congrès des monarques réactionnaires à Vienne en 1814/15, visant à réinstaurer les privilèges de l’Absolutisme et dirigé contre toute velléité nationaliste. – GB : Napoleon and the Germans.
2009*(tv) Rahel – Eine preussische Affäre (Rahel – Pour l’amour du prince de Prusse) (DE) de Catharina Deus (fiction) et Gabriele Conrad (doc.)
Credo Film GmbH-RBB-Arte (Arte 31.10.09), 52 min. – av. Annett Renneberg (Rahel Levin-Varnhagen von Ense), Alwara Höfels (Pauline Wiesel), Robert Stadlober (prince Louis-Ferdinand de Prusse), Lutz Winde (Wilhelm von Humboldt), Andreas Nickl (Friedrich Schlegel), Rainer Sellien (Friedrich Gentz).
Un docu-fiction original et qui s’imposait sur Rahel Varnhagen née Rahel Levin (1771-1833), une des personnalités les plus scintillantes de la vie mondaine à Berlin, une Madame Récamier allemande, non conformiste, aux mœurs libres, ni belle ni riche ni cultivée, mais très sensible et d’une grande intelligence, qui se lie avec Goethe et attire dans ses salons toute l’élite intellectuelle, du philosophe Humboldt aux écrivains romantiques Heine, Tieck, Jean Paul, Hegel, La Motte-Fouqué, Schlegel, du compositeur Mendelssohn jusqu’au fringant prince de Prusse, Louis-Ferdinand, dont elle se fait la confidente. D’abord bonapartiste, elle change de camp quand sa patrie vacille devant l’avancée napoléonienne. Prophétesse rebelle d’une époque nouvelle, elle voit toutefois les salons de la bonne société berlinoise se fermer progressivement aux Français, aux juifs et aux femmes. (Hannah Arendt a rédigé sa biographie en 1958.)
Le téléfilm décrit simultanément l’amitié indéfectible qui lie Rahel à Pauline Wiesel (1778-1848), fille de banquier, femme libre et compagne du prince Louis-Ferdinand de Prusse qu’elle a rencontré dans les salons de Rahel. Les deux femmes sont inexistantes dans les nombreuses « prusseries cinématographiques » des années 1930-1940, Rahel pour des raisons évidentes, et Pauline en raison du statut des femmes sous le national-socialisme, confinées à la cuisine, à la famille et à la reproduction. (Hermine Sterler et la ravissante Jenny Jugo interprètent toutefois Rahel Levin et Pauline Wiesel dans Prinz Louis Ferdinand de Hans Behrendt, film muet de 1926/27, cf. supra.)
2010(tv) Luise, Königin der Herzen (Louise de Prusse. Une reine contre Napoléon) (DE) de Georg Schiemann
Gunnar Dedio/LOOKS Medienproduktion-Nord-deutscher Rundfunk-Arte (Arte 9.1.10), 52 min. – av. Luise Bähr (la reine Louise de Mecklenburg-Strelitz), Markus Kunze (le roi Friedrich Wilhelm III), Vincent Kastner (le tsar Alexandre I er), Andrea Ummenberger (Luise von Radziwill), ULRICH HOPPE (Napoléon), Margot Nagel, Charlotte Puder, Joana Schümer, Klaus Dieter Ulrich.
Un docu-fiction de la société LOOKS (déjà productrice de la télésérie Napoleon und die Deutschen de Schiemann en 2006) filmé à l’occasion du bicentenaire de la mort de la reine, sur les sites historiques dans le Brandebourg, à Neustrelitz, Hohenzieritz, Mirow et Berlin. Les reconstitutions, modestes mais plutôt réussies, alternent habilement avec correspondance, journaux intimes, presse, portraits et sculptures pour dresser le portrait émotionnel d’une femme sortant de l’ordinaire, adulée de son vivant par ses sujets, devenue un mythe par la suite. Douce, spontanée et radieuse, elle a appris à aimer tendrement le roi (diffusant parmi la bourgeoisie une nouvelle conception de la famille) et, dans le château de Paretz, à la campagne, elle invite chaque année les paysans à fêter la moisson. La souveraine, d’une grande beauté, a un léger béguin pour le tsar de Russie, qui va pourtant lâcher son pays pour pactiser avec Napoléon. Le film montre en outre comment, devenu empereur d’Allemagne en 1871, son fils Guillaume I er créera un culte à sa mère adorée afin d’unir le peuple à la couronne : la reine Louise deviendra alors martyre et protectrice de la nation allemande.
2011(tv) Die Akte Kleist (Heinrich von Kleist ou le suicide romantique) (DE) de Torsten Striegnitz
Gebrüder Boetz Filmproduktion (Arte 28.3.11), 52 min. – av. Alexander Beyer (Heinrich von Kleist), Meret Becker (Henriette Vogel), Nina Hoss (voix). – Docu-fiction avec reconstitutions diverses sur la vie de Heinrich von Kleist, sa carrière et les raisons de son suicide, le 21 novembre 1811 (cf. supra, film Heinrich de 1977 et Amour fou en 2014).
2011(tv) Die Macht der Leidenschaft : Karl August Fürst von Hardenberg (Hardenberg, le prince réformateur) (DE) de Gordian Maugg
Gunnar Dedio/LOOKS Medienproduktionen GmbH-Artia Nova-NDR-Arte (Arte 10.9.11), 52 min. – av. Matthias Neukirch (Karl August von Hardenberg), Jacob Benkhofer (Hardenberg jeune), Mélanie Fouché (Sophie von Hassberg), Rainer Frank (chevalier Karl Heinrich von Lang), Klaus Koschinski (Frédéric-Guillaume III de Prusse), Lena Liberta (Charlotte Schönemann), Hendrik Massute (prince de Galles), Rafael Mayer (père de Hardenberg), Moritz Felden, Kristina Scheyhing, Helena Hentschel, Jutta Bunk, Christoph Georg Lutz.
Docu-fiction avec reconstitutions. La vie du prince Karl August von Hardenberg que Napoléon fit nommer chancelier de Prusse (1750-1822), politicien libéral, grand amateur de femmes (les scandales ne se comptent plus), réformateur de l’armée, prônant une constitution démocratique du royaume, abolissant le servage et négociant en 1814 à Paris l’abdication de l’Empereur.
2013(tv) Luise von Preussen (Louise de Prusse) (DE) de Christian Twente et Michael Löseke
Série « Frauen, die Geschichte machten (Ces femmes qui ont fait l’histoire) », Uwe Kersken/Gruppe 5 Filmproduktion Köln-ZDF Enterprises-Arte (Arte 23.11.13), 52 min. – av. Luise Heyer (la reine Louise de Prusse), GEORG VEITL (Napoléon), Christoph Gawenda (Friedrich Wilhelm III), Gabor Biedermann (le tsar Alexandre Ier). – Modeste téléfilm à prétention pédagogique, fait entièrement de reconstitutions jouées avec appui infographique. Le tout est platement illustré et débite des banalités à l’eau de rose. La narration se fait à la première personne (« Pour mon peuple, j’étais une reine de cœur, pour mes ennemis, j’étais une belliciste ») et débute en juillet 1807 en Prusse orientale (« Mon époux et ses ministres ne savaient plus que faire lorsqu’ils m’ont envoyée voir l’homme pour lequel j’éprouvais le plus grand mépris, Napoléon Bonaparte, un être abject. C’était un voyage vers l’enfer ... »). L’Empereur l’attend de pied ferme (« Ce n’est pas cette petite va-t’en-guerre qui nous fera perdre la tête »), Murat le met en garde contre le charme ingénu de la souveraine. Flash-back (« Étais-je vraiment faite pour devenir reine ? »), trahison du tsar Alexandre qui pactise seul avec l’affreux Corse, puis la fameuse entrevue, où Napoléon est sur le point de céder quant intervient maladroitement Frédéric-Guillaume. Napoléon reste secrètement admiratif devant cette péronnelle au joli minois (« Au lieu de lui retirer sa couronne, on serait bien plus tenté d’en déposer une à ses pieds »). Mais on oublie de rappeler combien la mission de cette « martyre de la Prusse », proclamée « Mère du Reich » en 1870, fut soigneusement torpillée par son royal époux. Le téléfilm affirme qu’elle fut une pop star de son époque (on la voit danser le rap en crinolines) : bref, c’est Angélique à Tilsit.
2013(tv) Sachsen am Abgrund : Friedrich August I. und Napoleon (DE) d’André Meier et Pepe Pippig (fict.)
Série « Geschichte Mitteldeutschlands », saison 15, Simone Baumann/Saxonia Entertainment GmbH-Mitteldeutscher Rundfunk (MDR 1.9.13), 44 min. – av. Winfried Glatzeder (Friedrich August I., roi de Saxe), ULRICH SIMONTOWITZ (Napoléon), Jörg Pintsch (ltn.-gén. Karl Wilhelm Ferdinand von Funck), Daniela Hoffmann (la reine Amalie), Vera Kasimir.
Synopsis : D’abord ennemi de Napoléon aux côtés de la Prusse, en octobre 1806, le Prince Électeur Frédéric-Auguste de Saxe (1750-1827) devient un de ses plus fidèles alliés après les défaites saxo-prussiennes à Iéna et à Auerstaedt. Intermédiaire officiel entre l’empereur de France et la cour de Dresde, Ferdinand von Funck lui transmet une lettre de réconciliation de Napoléon. Frédéric-Auguste, qui se sent lâché par la Prusse, rallie la Confédération du Rhin ; en récompense, il est couronné roi de Saxe et duc de Varsovie. Reconnaissant, admiratif, le souverain catholique voit en Napoléon l’instrument de la Providence et lui offre ses troupes pour combattre la Prusse et l’Autriche. En revenant de Russie en décembre 1812, Napoléon passe une nuit à Dresde. Ferdinand von Funck décrit au monarque l’ampleur du désastre et la perte de ses régiments. La population se met à haïr les Français, les patriotes locaux considèrent le roi comme un traître. Il fuit à Regensburg, en Bavière, s’établit à Prague, puis retourne à Dresde sur ordre du Corse. Pendant les combats autour de Leipzig en 1813, le roi, éternel indécis, les mains liées, se réfugie avec sa famille dans la cave de sa résidence en ville, tandis que ses soldats se font tuer pour Napoléon. Après l’effondrement de l’Empire, le royaume de Saxe doit céder près de la moitié de son territoire à la Prusse. – Un docu-fiction filmé au château de Waldenburg b. Zwickau avec Winfried Glatzeder, un des comédiens les plus populaires de l’ex-RDA (Die Legende von Paul und Paula). Les images de batailles proviennent du Guerre et Paix de Sergej Bondartchouk.
2013[(tv) Völkerschlacht bei Leipzig 1813 / Das historische Gefecht vor den Toren Leipzigs [La Bataille des nations à Leipzig 1813] (DE) Mitteldeutscher Rundfunk (MDR 27.10.13), 90 min. – av. FRANK SAMSON (Napoléon), Ingo Zamperoni (commentaire). – La transmission télévisuelle de la reconstitution de la bataille qui scella le sort de Napoléon en Allemagne, à l’aide de 6000 figurants (sociétés de reconstituants) provenant de 26 pays européens. Napoléon est campé par un avocat parisien. Trente-cinq mille spectateurs assistent au spectacle organisé à Liebertwolkwitz près de Leipzig.]
2013/14Amour fou (AT/LX/DE) de Jessica Hausner
Bruno Wagner/Coop 99 Filmproduktion (Wien)-Amour Fou Luxembourg-Essential Filmproduktion GmbH (Berlin), 96 min. – av. Christian Friedel (Heinrich von Kleist), Birte Schnoeink (Henriette Vogel), Stephan Grossmann (Friedrich Louis Vogel, son mari), Sandra Hüller (Marie), Sebastian Hülk (Pfuehl), Peter Jordan (Adam Müller), Holger Handtke (le médecin), Barbara Schnitzler (la mère), Pataschiva Dragus (Pauline), Katharina Schüttler (Sophie), Marie-Paule von Roesgen (Frau von Massow), Marc Bischoff (Peguilhen). Gustav Peter Wöhler (le magnétiseur), Alissa Wilms (Dörte).
Berlin 1810. La banqueroute menace, la Prusse occupée est acculée à des réformes, la reine Louise suit la mode française. Ne pouvant convaincre ni sa chère cousine Marie ni son meilleur ami de mourir avec lui, le jeune Kleist, solitaire, gauche en société, jette son dévolu sur Henriette Vogel, une femme mariée ; cette dernière finit par répondre à son invitation macabre quand elle se croit – à tort – atteinte d’une maladie incurable et accepte de contrer le destin en déterminant leur suicide commun. Le couple décède le 21 novembre 1811. En cernant l’ambivalence du sentiment amoureux, Jessica Hausner cherche à ramener l’idée romantique du double suicide à une réalité plus prosaïque, à une mort à deux, mais pas ensemble. Les images sont épurées, froides, marquées par Vermeer, mais on peine à reconnaître dans ce poupon bougon le poète de génie qui écrivit Michael Kohlhaas ou La Marquise d’O ... Le film montre Kleist se disputer avec son ami catholique Adam Müller (1779-1829), cofondateur de la revue Phoebus en 1808, critique littéraire et homme politique qui prendra les armes contre Napoléon en 1813. Sélectionné au Festival de Cannes 2014 (« Un certain regard »). Cf. aussi Heinrich (1977), Drugi brzeg (1997) et Die Akte Kleist (2011).