Ia - NAPOLÉON ET L'EUROPE

9. NAPOLÉON FACE À L’IRRÉDUCTIBLE ANGLETERRE

9.9. Les révoltes nationalistes en Irlande (1798 et 1803)

Profitant des mutineries qui désorganisent la Royal Navy à Spithead et Nore en 1797, le patriote irlandais Theobald Wolfe Tone se rend à Paris où il convainc le général Lazare Hoche de soutenir l’insurrection irlandaise par les armes et l’aider à libérer la « Verte Erin » du joug anglais. La Convention tergiverse, Hoche meurt, Bonaparte mobilise la flotte pour sa campagne d’égypte. Wolfe Tone fonde le groupe des United Irishmen (Irlandais Unis) et s’insurge en mai 1798 contre l’Angleterre, avec le soutien des républicains français qui envoient trois navires et quelque quatre mille hommes. En août, Castelmore est pris, mais la contre-offensive du vice-roi d’Irlande, le général Lord Charles Cornwallis, surprend les Français qui sont contraints de se rendre. La répression anglaise en Irlande se généralise, Wolfe Tone est capturé et se suicide en octobre 1798. Cornwallis et le Premier ministre William Pitt cherchent vainement à convaincre le roi George III et les élites protestantes de promouvoir l’émancipation des catholiques irlandais en vue d’une paix durable. En 1800, Pitt fait voter l’Acte d’union avec l’Angleterre, et le 1er janvier 1801, l’Irlande est officiellement rattachée à la Grande-Bretagne (avec une représentation au Parlement) ; l’Union Jack devient le drapeau du Royaume-Uni. Alors que la guerre contre Napoléon reprend, le soulèvement mal préparé du chef nationaliste Robert Emmet en juillet 1803 est un échec. Le rebelle, qui a sollicité en vain l’appui militaire du Premier Consul à Paris l’année précédente, est capturé et exécuté.
Précisons que la Légion irlandaise fut un bataillon français (étendu à un régiment) constitué en 1803 dans l’espoir d’une future invasion de l’Irlande et formé par l’adjudant-général Bernard MacSheehy. La troupe aux uniformes de couleur verte se distingua contre les Anglais en Espagne et aux Pays-Bas (Walcheren) et fut dissoute en 1815. Ce fut la seule unité étrangère dans l’armée française à laquelle Napoléon donna une aigle de drapeau.
1911Robert Emmet (US) de Barry O’Neil
Edwin Thanhouser/Thanhouser Film Corp. (New Rochelle, N. Y.), 1000 ft./305 m. – av. Martin J. Faust (Robert Emmet), Julia M. Taylor (Sarah Curran), Mignon Anderson.
La vie de l’insurgé républicain Robert Emmet, né à Dublin en 1778 et mort à l’âge de 25 ans, martyr du soulèvement manqué de 1803. Le patriote se rend à Paris en 1802 où il cherche vainement le soutien du Premier Consul pour la cause irlandaise (affairé à son bureau, Napoléon ne lève même pas la tête). De retour dans sa patrie, Emmet dirige la rébellion des « United Irishmen » contre les Anglais, qui échoue lors de l’assaut du château de Dublin. Il parvient à s’échapper, mais son amour malheureux pour Sarah Curran l’incite à l’imprudence et provoque sa capture à Harold’s Cross, puis son exécution. Le scénario qui s’inspire d’un poème de Thomas Moore (1779-1852), un ami proche d’Emmet, est réalisé en Irlande, notamment à Dublin. Le film sort aux États-Unis à la Saint-Patrick.
1912 Michael Dwyer, the Irish Outlaw (GB)
Irish Films, 850 ft. – épisodes de la vie de Michael Dwyer (1772-1825), un des chefs des « United Irishmen » au cours de la rébellion irlandaise de 1798. Il se réfugie dans les montagnes de Wicklow jusqu’en 1803 afin d’y mener la résistance contre les forces royalistes anglaises. Après s’être rendu, il est emprisonné puis exilé en Australie, en Nouvelle Galles du Sud, en 1805, où il mourra vingt ans plus tard.
1913/14For Ireland's Sake / Arrah-na-Pogue (US) de Sidney Olcott
Sidney Olcott/Gene Gauntier Feature Players-Warner’s Features, 3000 ft./3 bob. – av. Gene Gauntier (Eileen Donaghue), Jack J. Clark (Marty O’Sullivan), Sidney Olcott (Père Flannigan), Mrs. Norina (Mrs. Bridget Donaghue), Agnes Mapes, Arthur Donaldson.
Marty fabrique des armes pour les patriotes dans un atelier clandestin situé dans les collines. Prévenu par sa fiancée Eileen, il a le temps de s’échapper à l’arrivée des soldats anglais, se réfugie dans une auberge où la population prend sa défense et rosse les Red Coats. En représailles, les Anglais incendient le village, Marty et Eileen sont capturés. Le Père Flannigan leur procure les moyens de s’évader, et bénit le couple qui s’enfuit en Amérique du Nord. – Un épisode de la rébellion de 1798 filmé en été 1913 dans le comté de Kerry à Killarney, Gap of Dunloe, Muckross Abbey et Innisfallen.
1914Ireland, a Nation (GB) de Walter MacNamara
Emmet Moore/MacNamara Feature Film Company-Gaelic Film Co., 5 bob./2939 ft./43 min. – av. Barry O’Brien (Robert Emmet), P. J. Bourke (Michael Dwyer ?), Fred O’Donovan, Barney Magee, Patrick Ennis, Dominick Reilly.
Cette illustration maladroite et bourrée d’anachronismes des insurrections irlandaises de 1798 et 1803 mobilise leurs principaux héros devant la caméra : Robert Emmet, Anne Devlin, Michael Dwyer, Sarah Curran, John Philpot Curran, Daniel O’Connell. En 1802, Emmet, qui veut « faire pour l’Irlande ce que George Washington a fait pour l’Amérique », se rend à Paris où il sollicite l’aide de Napoléon ; le Premier Consul (« cherchant de nouvelles terres à conquérir », dit un intertitre) promet d’envoyer des hommes et des navires, mais rien ne vient. (En fait, la France est à ce moment en paix avec l’Angleterre.) Le film poursuit son récit avec le soulèvement avorté à Dublin, l’exécution d’Emmet, l’activité de Daniel O’Connell en faveur de l’émancipation des catholiques (1829), l’émigration massive durant le XIX e siècle et des images d’actualité contemporaines (Home Rule Act de 1914). – Tournage sur place en Irlande (Glendalough, Killarney) et en intérieurs au Kew Bridge Studios à Twickenham. Le film est sérieusement mutilé par la censure anglaise en 1915, puis interdit en 1917. Il fait cependant une petite carrière sur la côte est des États-Unis.
1914/15Bold Emmet, Ireland’s Martyr (US) de Sidney Olcott
Sidney Olcott/Sidfilms International Features-Lubin Mfg. Co., 3000 ft./3 bob. – av. Valentine Grant (Nora Doyle), Sidney Olcott (Con Daly), Jack Melville (Robert Emmet), Pat O'Malley (major Kirk), Laurene Santley (Mrs. Doyle), Robert Rivers (Feely, le mouchard).
Synopsis : Pêcheur et patriote (« Irlandais Uni ») qui forge des armes en secret pour un prochain soulèvement, Con Daly aime Norah Doyle. Dans le village voisin, la famille Dwyer, suspectée de protéger des rebelles, est expulsée de sa maison qui est incendiée à la colère des villageois armés de gourdins. En représailles, Dwyer blesse gravement le major Kirk ; Mme Doyle, la mère de Norah, le soigne, le veille dans son cottage et le protège contre les « Têtes chaudes », des patriotes extrémistes qui veulent le prendre en otage. Déguisé en troubadour, Emmet se rend chez les Doyle et annonce le début de l’insurrection à Con, mais Feely, un mouchard, le trahit. Les Anglais encerclent la maison, Emmet s’échappe par la cheminée. Arrêtés, Con est condamné à mort, Norah à sept ans de colonie pénitentiaire outre-mer. Mme Doyle se rend au château de Dublin et obtient du major qu’elle a sauvé deux lettres de grâce. Emmet retarde l’exécution de Con avec son fusil jusqu’à l’arrivée salvatrice du messager de Dublin. – Un épisode mouvementé – et sans doute inventé – de la vie d’Emmet, produit, écrit et réalisé en été 1914 par l’Américano-Irlandais Sidney Olcott (cf. supra) à Beaufort, dans le Kerry.
1949The Fighting O’Flynn (Aventure en Irlande) (US) d’Arthur Pierson
The Fairbanks Company, Inc. (Douglas Fairbanks Jr.)/Universal-International, 94 min. – av. Douglas Fairbanks Jr. (O’Flynn), Patricia Medina (Fancy Free), Helena Carter (Lady Benedetta Pratt), Richard Greene (Lord Sedgemouth), Lumsden Hare (Lord John Jeffreys Pratt, marquis Camden, vice-roi d’Irlande), J. M. Kerrigan (Timothy), Otto Waldis (gén. Van Dronk), Jean Del Val (amiral français).
Une version totalement farfelue et fantaisiste de l’insurrection irlandaise de Theobald Wolfe Tone contre les Anglais et du débarquement des troupes françaises du Directoire à Killala Bay, au nord de l’île ! En Irlande en 1797, « alors que les armées de Napoléon Bonaparte s’approchent des côtes irlandaises pour envahir l’Angleterre », le poète et mercenaire O’Flynn trouve son vieux manoir familial investi par de louches individus, des créanciers (le clan est ruiné) et des agents de Bonaparte. Ceux-ci cherchent à enlever Lady Benedetta, passagère d’une diligence en route pour Dublin ; fille du vice-roi, elle transporte des documents secrets de Paris destinés à son père et qui concernent les plans d’invasion du pays par les Français. O’Flynn aide Benedetta à échapper aux espions continentaux et transmet les documents au vice-roi, qui le nomme capitaine. Mais O’Flynn découvre que le fiancé de Benedetta, Lord Sedgemouth, est en vérité un dangereux bonapartiste. Il s’introduit dans la forteresse de Knockmore, épicentre de la conspiration antibritannique où le fiancé perfide et d’autres traîtres attendent l’arrivée de la flotte française du général Humbert. Démasqué, il échappe au peloton d’exécution, trucide Sedgemouth et fait avorter le débarquement français, soutenu par l’arrivée des troupes loyales du vice-roi. Ayant sauvé la Grande-Bretagne, O’Flynn et Benedetta peuvent enfin s’embrasser.
Le personnage fictif de Sedgemouth est calqué sur le patriote irlandais Lord Edward Fitzgerald, ami des rebelles irlandais. Quant à Bonaparte, il était bien trop occupé en Italie, puis en Égypte pour songer à la Verte Erin. Ce premier film produit par Douglas Fairbanks Jr., Américain viscéralement anglophile, n’est qu’une modeste mais distrayante bande d’aventures filmée sur le lot Universal, dans laquelle le comédien cherche avant tout à reproduire en mode ironique les cascades et coups d’épée de feu son père. Ce qui lui réussit avec charme et bonne humeur. Par amitié, Ernst Lubitsch (avec lequel il vient de tourner That Lady in Ermine) aurait revu le scénario et fait quelques suggestions. Par ailleurs, le péril d’invasion venant du continent tel qu’il est décrit ici reflète une certaine paranoïa née de la guerre froide. – IT : Soldato di ventura, ES : Espada y corazon, El capitan O’Flynn, DE : Auf Leben und Tod.
1982*(tv) The Year of the French / L’Année des Français (IE/FR) de Michael Garvey
Radio-Telefís Éireann (RTÉ Dublin)-France 3 Lyon (RTÉ 18.11.82 / FR3 23.5.-27.6.83 / Channel Four 18.1.-22.2.85), 6 x 55 min. – av. Jean-Claude Drouot (général Jean-Joseph-Aimable Humbert), Keith Buckley (Samuel Cooper), François Perrot (Paul Barras), Donald Bisset (Lord Charles Cornwallis, vice-roi d'Irlande), Kieran Montague (Theobald Wolfe Tone), Philip Hurdwood (John Moore), Robert Stephens (George Moore), Keith Buckley (Sam Cooper), Oliver Cotton (Teeling), T. P. McKenna (Denis Browne), Niall O’Brien (Owen McCarthy), Gilles Ségal (La Revellière), Brian Murray (Ferdy O’Donnel), Marie Kean (Mrs. Duggan), James Green (gén. Gerard Lake), Alan Devlin (Malachy Duggan), Colm Hefferon (Gerry O’Donnell).
En août 1798, les troupes françaises (mille hommes) des trois navires du général Humbert débarquent à Killala Bay (comté de Mayo) en Irlande pour soutenir l'insurrection de Wolfe Tone, et chassent les Anglais commandés par le général Lake de Castelmore. La République d’Irlande libre est proclamée. Mais la contre-offensive britannique de Lord Charles Cornwallis – l’adversaire de George Washington et Lafayette en Amérique – surprend, Castelmore est repris et John Moore (1767-1799), premier président d’Irlande, est fait prisonnier. Les Français de Humbert se rendent après la bataille perdue de Ballinamuck, tandis que les trois mille hommes de renforts envoyés depuis Brest sont capturés. Wolfe Tone est ramené à Dublin en chaînes ; Moore voit sa condamnation à mort commuée en déportation (d’après Thomas Flanahan).
La réalisation n’est pas à la hauteur du propos, mais ce téléfilm a au moins le mérite d’exister, étant le seul à illustrer cet épisode crucial de l’histoire de l’Irlande, et en respectant fidèlement les faits (tournage en août 1981 à Killala, d’après le roman de Thomas Flanagan). Son auteur, Michael Garvey, a signé en 1966 avec Louis Lentin Insurrection, une importante fiction en huit épisodes sur le soulèvement sanglant de Pâques 1916 à Dublin. Paddy Maloney et The Chieftains signent une magnifique partition musicale à partir d’airs traditionnels irlandais.
1984*Anne Devlin (IE) de Pat Murphy
Bórd Scannán na nÉrieann-Radio Telefis Éireann (RTÉ)-Aeon Films-IFB, 121 min. – Brid Brennan (Anne Devlin), Bosco Hogan (Robert Emmet), Isobel Stephenson (Sarah Curran), Des McAleer (James Hope), Gillian Hackett (Rose Hope), Ian McElhinney (major Sirr), John Cowley (Devlin, le père d’Anne), Noel O’Donovan (Tom Halpin), Eamon Hunt (Arthur Devlin), Bernie Downes (Julia Devlin), Pat Leavy (Mrs. Devlin), David Kelly (Dr. Trevor), Niall O’Brien (Michael Dwyer), Marie Conmee (Mrs. Darby), Vinny Murphy (Mike Quigley).
Rathdrum, County Wicklow, et Dublin 1798-1806 : après avoir été témoin des soulèvements manqués de 1798 et 1803, la fidèle gouvernante de Robert Emmet est emprisonnée et torturée par les Anglais. Malgré les supplications de son codétenu Emmett (qui se sait perdu), Anne refuse de coopérer avec la police. Toute sa famille est incarcérée, son petit frère de neuf ans périt en prison, mais elle ne cède pas et garde le silence sur celui qu’elle a admiré tout en étant conscient de son manque de réalisme. Après des mois de confinement solitaire, elle est finalement relâchée en 1806. Un film austère et poignant de la réalisatrice féministe Pat Murphy, tourné à Strokestown Park, Dublin Castle et à la prison de Kilmainham. Présenté en 1984/85 aux festivals d’Edinbourg, Londres, Chicago, Toronto et Moscou.