Ia - NAPOLÉON ET L'EUROPE

7. PERSONNALITÉS MARQUANTES DU PREMIER EMPIRE

7.5. Les grands opposants : Juliette RécamIer, Germaine de Staël, Chateaubriand, Benjamin Constant

JULIETTE RÉCAMIER (1777-1849)

Issue de la bourgeoisie lyonnaise et épouse d’un banquier très fortuné, Mme Récamier tient à partir de 1797 un salon mondain à la chaussée d’Antin qui devient le rendez-vous du Tout-Paris ; la beauté et le charme de l’hôtesse, l’une des « Trois Grâces » du Directoire avec Joséphine de Beauharnais et Thérésa Tallien, lui valent une foule d’admirateurs. Elle s’habille « à la grecque » (toujours en blanc) et joue de ce fait un rôle non négligeable dans la diffusion du goût pour l’Antique qui prévaut sous l’Empire. Amie intime de Germaine de Staël et au courant des complots royalistes, elle s’attire les foudres du pouvoir : ses réceptions frondeuses sont interdites par un ordre officieux de Bonaparte. Quand Napoléon devient empereur, elle refuse à quatre reprises une place de dame d’honneur à la cour, aux Tuileries. En réponse, Napoléon s’abstient de soutenir la Banque Récamier en déconfiture. De 1811 à 1814, la police impériale l’oblige à s’éloigner de Paris ; elle séjourne à Châlons-sur-Marne, à Lyon, à Rome (où elle reconstitue sa vie de société) et, invitée par Caroline Murat-Bonaparte, à la cour de Naples. Benjamin Constant la protège durant les Cent-Jours. À la Restauration, elle reprend ses réunions mondaines à Paris, exigeant de ses invités de toute l’Europe (Lamartine, Toqueville, Canova, Sainte-Beuve, Balzac) une stricte neutralité politique. Après une nouvelle faillite de son mari, Chateaubriand devient un de ses amis les plus proches.

GERMAINE DE STAËL (1766-1817)

Fille de Jacques Necker, le banquier et ministre germano-suisse de Louis XVI qui fit fortune dans l’armement maritime de la Compagnie des Indes et la traite des noirs. Épouse d’un diplomate suédois (le baron de Staël-Holstein), romancière et essayiste, Mme de Staël est partisane, lorsque éclate la Révolution, d’une monarchie constitutionnelle, puis d’une République modérée. Pendant la campagne d’Italie (1796), elle envoie des lettres enflammées à Bonaparte, le comparant à Scipion l’Africain et à Tancrède, lettres auxquelles le général, épouvanté, ne répond pas. Ses positions libérales imprégnées de rousseauisme lui valent, après le 18-Brumaire, l’hostilité de Napoléon qui, en octobre 1803, bannit cette donneuse de leçons osseuse, grande et facilement prétentieuse loin de Paris pendant dix ans. Elle devient alors une des figures majeures de la résistance, tenant dans son exil doré à Coppet près de Genève une véritable cour où se réunissent tous les opposants « idéologues » à Napoléon (August Wilhelm von Schlegel, Juliette Récamier, Mme Vigée-Lebrun, le prince Auguste de Prusse, Adrien de Montmorency, B. Constant) – un salon désigné comme les « États généraux de l’opinion européenne ». Ses voyages la mènent de Vienne à Moscou, Stockholm, Londres, Rome et Berlin (De l’Allemagne, 1810). Toutefois, la démocratie l’effraie, elle ne comprend pas le peuple. Pendant les Cent-Jours, elle jette Benjamin Constant, un de ses nombreux amants (avec Talleyrand, Narbonne et d’autres), dans les bras de Napoléon qui le nomme Conseil d’État. Défenseur d’une monarchie tempérée et tentant d’éviter le retour des Bourbons en 1814, son « Groupe de Coppet » pousse en vain la candidature de Bernadotte, à la fois prince héritier de Suède (donc associé à la coalition antifrançaise) et fils de la Révolution. La Restauration, dirigée par les ultras royalistes, est une amère désillusion. Avec Chateaubriand, elle est un des grands initiateurs du romantisme en France.

FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND (1768-1848)

Porte-parole du mouvement romantico-religieux en France, le vicomte de Chateaubriand, auteur adulé d’Atala (1801), de René, du Génie du christianisme (1802) et des « Mémoires d’outre-tombe », rejoint en 1791, à l’âge de 23 ans, l’armée des Princes pour combattre la Révolution. Blessé, paria infortuné, il se réfugie pendant sept ans en Angleterre, alors que son frère, resté en France, est guillotiné. Il retourne au pays en 1800, où il est présenté à élisa et Lucien Bonaparte, et développe sa carrière littéraire dans la haute société consulaire. Ses idées religieuses appuient la politique napoléonienne du Concordat avec le pape. En 1803, il est nommé premier secrétaire d’ambassade à Rome auprès de l’oncle de Napoléon, le cardinal Fesch, où sa morgue et sa volonté brouillonne de tout régenter indisposent. Bombardé ministre de France auprès de la minuscule république sœur du Valais, il prétexte l’exécution du duc d’Enghien pour donner sa démission une année plus tard. En juillet 1807, il publie un violent réquisitoire contre l’Empereur, mais celui-ci le laisse en liberté à Paris. Il est élu de justesse à l’Académie française en 1811, son discours polémique est toutefois censuré. Après la chute de Napoléon, il publie De Buonaparte, des Bourbons, et de la nécessité de se rallier à nos princes légitimes, qui lui ouvre une carrière d’homme d’État sous Louis XVIII. Il entraîne la France dans une intervention militaire en Espagne (1823) pour restaurer la tyrannie absolutiste de Ferdinand VII. Mais les milieux royalistes le jugent trop libéral, son ouvrage sur La Monarchie selon la charte est saisi par la police. Membre de la Chambre des Pairs et légitimiste intransigeant, il poursuit néanmoins une carrière de diplomate à Berlin, à Londres et à Paris. En refusant de prêter serment à « l’usurpateur » Louis-Philippe, le roi bourgeois, en 1830, il se suicide politiquement. Dans ses Mémoires (1840), chef-d’œuvre de l’épopée romantique, il révise ses opinions : « Après Napoléon, néant : on ne voit venir ni empire ni religion ni barbares. »

BENJAMIN CONSTANT (1767-1830)

Auteur d’Adolphe (1816) et des Journaux intimes, ce calviniste vaudois est, avec son amie Germaine de Staël (avec laquelle il entretient une liaison notoire de 1794 à 1810), le plus brillant représentant des idées libérales. Tant que celles-ci peuvent être appliquées, peu lui importe le mode de gouvernement, d’où un comportement très volatile. Sous le Directoire, il est proche de Barras et réunit les républicains modérés au Cercle constitutionnel de la rue de Lille. La presse directoriale et néojacobine tance ce « professeur d’oligarchie ». Sous le Consulat, Sieyès le fait nommer tribun malgré les réticences de Bonaparte. Constant participe à la rédaction définitive du Code civil, mais sa dénonciation du « régime de servitude et de silence » qui s’instaure fait qu’il est écarté du Tribunat en 1802 et éloigné de Paris avec Mme de Staël en 1803. Il vit en Allemagne. En 1814 paraît De l’esprit de conquête et d’usurpation dans leurs rapports avec la civilisation actuelle, hostile à Napoléon, et qui propose le remplacement de ce dernier par Bernadotte pour éviter le retour des Bourbons. Par l’entremise de Mme Récamier, il est chargé de défendre les intérêts de Murat et de Caroline Bonaparte, souverains de Naples, au Congrès de Vienne. Apprenant le retour de Napoléon de l’île d’Elbe, il le traite « d’Attila, de Gengis Khan », puis, nommé Conseil d’État, se rallie à l’Empire pour travailler à un projet de constitution. Après Waterloo et un bref exil à Bruxelles, Constant entre au gouvernement de Louis XVIII et de Charles X où il devient chef de file de l’opposition libérale de gauche (les « Indépendants ») et l’un des orateurs les plus éloquents de la Chambre des députés. Il contribue à l’avènement de Louis-Philippe.
1920Madame Récamier. Des grossen Talma letzte Liebe (DE) de Joseph Delmont
Georg Bluen, Fern Andra/Sächsischer Kunstfilm AG (Leipzig)-Fern Andra-Film (Berlin), 2205 m./6 actes. – av. Fern Andra (Juliette Récamier), Bernd Aldor (le comédien François-Joseph Talma), FERDINAND VON ALTEN (Napoléon), Johanna Mund (Joséphine de Beauharnais), Albert Steinrück (Paul Barras), Victor Senger (Pierre Bernard), Else Wasa (Marie Bernard, son épouse), Rudolf Lettinger (Jacques Récamier, banquier), Hermann Böttcher (Joseph Fouché), Boris Michailow (Louis Constant Wairy, valet de Napoléon), Adolf E. Licho (Robert, valet de Fouché), Emil Rameau (Dufrand), Walter Formes (Charles-Philippe, comte d’Artois [futur Charles X]), Doris Schlegel (Blanche).
Film perdu, « Madame Récamier – Le Dernier Amour du grand Talma » (trad.) commence sous la Convention et au début du Directoire, lorsque Bonaparte n’est qu’un jeune officier, Joséphine une veuve frivole et Fouché un conventionnel, puis continue sous l’Empire. La critique de La Rivista Cinematografica (nov. 1923) déplore la déformation grotesque des personnages : dans le film, Bonaparte serait une marionnette belliciste sans grandeur ni dignité, Talma un histrion ridicule, la mère de Mme Récamier une entremetteuse, Barras un gorille et Mme Récamier une petite-bourgeoise hystérique. Bigre !
On sait que sous Robespierre, le comédien François-Joseph Talma (1763-1826), vedette du Théâtre de la République, se lia d’amitié avec le jeune Bonaparte (dans son Napoléon en 1927, Abel Gance place une scène où Talma fait répéter à Bonaparte sa déclaration d’amour à Joséphine). Réintégré au sein de la Comédie-Française en 1799 après en avoir été chassé en 1791 pour ses opinions révolutionnaires, il devint officiellement « le comédien préféré de Napoléon », notamment grâce à ses prestations très admirées dans Cinna et Le Cid de Corneille. Il fut marié avec Julie Careau, une danseuse dont il divorca en 1802 pour épouser la comédienne Caroline Vanhove (il s’en sépara sans divorcer en 1815). On lui sait une liaison avec Pauline Bonaparte, princesse Borghese, en 1812, et Madeleine Bazile, autre actrice, lui donna trois enfants (1813 ss). Il fut certes à plusieurs reprises l’hôte distingué de Mme Récamier et se produisit dans ses salons, mais aucun document n’atteste d’une grande passion entre eux, imaginée ici par le scénariste Hans Gaus. On ne prête qu’aux riches. – IT : Madame Recamier.
1922Δ A Prince of Lovers (GB) de Charles C. Calvert. – av. Saba Raleigh (Germaine de Staël). – Une biographie de Lord Byron dans laquelle Mme de Staël fait une apparition.
1923Madame Récamier or The Price of Virtue (GB) d’Edwin Greenwood
British & Colonial Kinematograph Co., 609 m./40 min. – av. Malvina Longfellow (Juliette Récamier), CHARLES BARRATT (Napoléon), Margaret Yarde (Germaine de Staël), Gordon Hopkirk (prince Rupert), Reginald Bach, Gray Murray.
Un épisode de la série britannique « Wonder Women of the World », consacrée aux femmes qui ont marqué l’histoire de leur pays (scénario d’Eliot Stannard). Cette même année, Charles Barratt refait l’Empereur dans le court métrage Empress Josephine ; Or, Wife of a Demigod. Quant à l’Américaine Malvina Longfellow (Mme Récamier), une élégante noiraude, elle a également interprété Lady Hamilton dans Nelson de Maurice Elvey (1918) et The Romance of Lady Hamilton (1919) de Bert Haldane (cf. pp. 281-82).
1926/27® Napoléon (FR) d’Abel Gance. – av. Suzy Vernon (Juliette Récamier).
1927/28Madame Récamier (FR) de Gaston Ravel et Tony Lekain
Franco Films, 144 min. (18 i/s). – av. Marie Bell/Nelly Cormon (Juliette Récamier jeune/âgée), émilien Richaud (Jean-Baptiste Bernadotte), Jean Debucourt/Charles Le Bargy (François-René de Chateaubriand jeune/âgé), Françoise Rosay (Germaine de Staël), François Rozet (le prince Auguste de Prusse/Friedrich Wilhelm Heinrich August von Preussen), ÉMILE DRAIN (Napoléon), Ady Cresso (Joséphine de Beauharnais), Nina Ratti (Madame Mère, Laetitia Bonaparte-Ramolino), Genica Missirio (Lucien Bonaparte), Andrée Brabant (Caroline Murat-Bonaparte), Desdemona Mazza (Fortunée Hamelin), Jeanne de Balzac (Thérésa Tallien-Cabarrus), Roberte Cusey (Pauline Borghèse), Odette Piéris (élisa Bacciochi-Bonaparte), émilien Richaud (Jean-Baptiste-Jules Bernadotte), Madeleine Rodrigue (Marie-Julie Bernard), Jacques Révérend (Pierre Bernard), Edmond van Daële (Joseph Fouché), Victor Vina (Jacques Récamier), Pierre Billon (gén. Jean Andoche Junot), Jean Godard (le peintre Louis David), Guy Ferrant (comte de Montrond), Roland Six (Eugène de Beauharnais), Marc de Réval (Benjamin Constant), J. Racine (Paul de Barras), Clara Dorsay-Roche (Marceline Desbordes-Valmore), Léo Carlos (Barère), Lequesne (Paul David), Tony Lekain (un sans-culotte), Mona Goya.
Synopsis : Dans son appartement à l’Abbaye-au-Bois à Paris, peu avant sa mort, en 1849, celle qui fut l’égérie de Benjamin Constant, Chateaubriand, Lamartine, Victor Hugo, immortalisée par des artistes tels que David, Gérard, Canova, etc., à présent une septuagénaire presque aveugle, revoit en pensée les étapes de sa vie, de la Révolution à la Restauration... En 1793, sous la Terreur, le riche banquier Récamier, un ami de famille, 42 ans, demande la main de Juliette Bernard, 15 ans. Sur insistance des siens, elle accepte. Récamier se conduit à son égard comme un père, non comme un mari, car il a eu naguère avec Mme Bernard, femme d’un notaire de Lyon, une liaison secrète et Juliette est sa fille naturelle. Se sachant sur les listes noires du Comité de Salut public, il veut, avant de monter à l’échafaud, léguer à la jeune fille son nom et sa fortune sans éveiller de soupçons. Mais la guillotine l’épargne. Avec le Directoire, la France renaît, une soif intense de plaisir et d’argent s’empare de tous. Juliette, coquette mais d’une élégance chaste, traverse cette période turbulente avec réserve. Femme-enfant adulée de tous, elle est pour le banquier Récamier une puissante alliée. À 19 ans, au château de Clichy, sa résidence d’été où elle attire la jeunesse dorée, Juliette sème l’amour et récolte l’amitié. Lucien Bonaparte, président du Conseil des Cinq-Cents, est à ses pieds, et même Napoléon ne se montre pas insensible. Germaine de Staël, la passionaria libérale qui ose défier le Premier Consul et groupe autour d’elle tous les membres de l’opposition, devient sa complice et sa confidente. Lorsque Bernard, son père officiel, promu administrateur des postes, est emprisonné pour accointances royalistes, Bernadotte introduit Juliette auprès du Premier Consul qui cède à ses supplications. Mais Fouché remet à Napoléon un rapport de police faisant état des discussions dans le salon de Mme de Staël, où l’on attribue au nouveau maître de la France des desseins despotiques. En 1803, Germaine de Staël est exilée. Devenu empereur, Napoléon offre à Juliette un poste de dame d’honneur de l’impératrice à la Cour. Elle refuse en souvenir du duc d’Enghien et de son amie persécutée, bravant l’Empereur lui-même au cours d’une entrevue privée. La sœur cadette de Napoléon, Caroline Murat (qui déteste Joséphine) intrigue pour s’en faire une alliée. Mais Juliette n’est plus invulnérable, et son ennemie, Madame Hamelin, complote contre elle avec Fouché. La Banque Récamier fait faillite, Napoléon refuse de la sauver. En 1807, Juliette perd sa mère qui, sur son lit de mort, lui révèle à demi-mots la vérité sur sa naissance. Désemparée et désargentée, Juliette se réfugie en Suisse, à Coppet chez son amie Germaine (été 1807), où elle est prise d’une passion violente pour le prince Auguste de Prusse, neveu du grand Frédéric, fait prisonnier à Auerstaedt mais qui jouit d’une certaine liberté. Il lui demande sa main, mais Juliette n’a pas le cœur de procéder à l’annulation de son mariage blanc avec son époux à Paris, à présent pauvre, vieilli et aigri. Elle renonce au bonheur, sombre dans la mélancolie, songe au suicide. Napoléon, qui a la rancune tenace, l’exile à quarante lieues de Paris. Elle séjourne à Lyon, à Rome, à Naples chez Caroline Murat. De retour dans la capitale à la Restauration, elle reprend ses réunions mondaines pendant vingt ans. Avec la vieillesse, seules les visites quotidiennes de son ami de toujours, Chateaubriand, lui apportent quelque réconfort. Ce dernier la demande vainement en mariage à la veille de sa mort.
Mis en chantier immédiatement après la sortie du Napoléon de Gance, ce film en est à bien des égards l’absolue antithèse. L’argument est tiré du roman Madame Récamier et ses amis (1909) d’Edouard Herriot, figure de proue du mouvement radical des années vingt, député du Rhône, fervent défenseur de la laïcité, anticlérical et ministre de l’Instruction publique (il sera élu à l’Académie française en 1946) ; Juliette Récamier était déjà le sujet de sa thèse de doctorat à la Sorbonne. Gaston Ravel, le réalisateur, avait, lui aussi, travaillé en 1914 à l’écriture d’un scénario original baptisé « Autour de Madame Récamier », mais la guerre avait enterré ce projet plutôt romanesque ; l’ouvrage d’Herriot lui livre un cadre plus scrupuleux, augmenté d’un apport piquant : selon ses biographes – Herriot et, plus récemment, Catherine Decours (Juliette Récamier : L’art de la séduction, 2013) –, l'énigmatique Mme Récamier serait effectivement née des amours adultérines d'un banquier enrichi par la Révolution, Jacques Récamier, qui aurait épousé sa propre fille naturelle pour en assurer l’avenir. Filmé à grands frais dans les studios d'épinay et de la Victorine à Nice, puis sur les lieux historiques – le parc de la Folie de Saint-James, les châteaux de Versailles, Coppet (CH), Clichy et Fontainebleau (automne-hiver 1927) – , Madame Récamier reçoit, comme l'épopée de Gance, la consécration officielle d’un gala de première à l’Opéra (28 septembre 1928), accompagné d'une partition musicale originale composée par Léon Moreau, Grand prix de Rome. Tony Lekain est bombardé collaborateur technique ; Pierre Billon est assistant réalisateur et campe le général Junot. Le prestigieux Marc Bujard (J’accuse ! de Gance, Le Miracle des loups et Le Joueur d’échecs de Raymond Bernard) signe la photo.
Et pourtant, le film fait un flop : trop de noms, trop de références historiques, trop de raffinement et pas assez d’action pour le grand public. Ravel et Lekain signent un bel album d’images sentimental, une suite de tableautins opulents et académiques sans recherches visuelles ni audaces de quelque sorte, aussi la critique ne peut-elle cacher sa frustration après l’expérience si exaltante du Napoléon. Le résultat est un léthargique défilé de figures de proue de la culture hexagonale, présentées dans de longs plans d’ensemble statiques. Les cinéastes se contentent de filmer les amourettes de salon d’une coquette ingénue qui éleva le flirt à la hauteur d’une institution et mourut vierge à 72 ans (ce que démentit formellement sa confidente et peut-être amante, Germaine de Staël !). Le rôle-titre est tenu par la ravissante Marie Bell, de la Comédie-Française, ici un peu affectée, maquillée et coiffée pour ressembler au fameux portrait de Gérard. La joliesse de ses traits fait qu’on a peine à se l’imaginer dirigeant l’opposition politique contre l’Empereur (à nouveau Émile Drain, excellent Napoléon mais plus assez svelte pour Bonaparte, disent les journaux) et seule Françoise Rosay, une Mme de Staël malicieuse, légèrement caricaturale, sort vraiment du lot. – IT : Madame Recamier.
1928Le Joyau des Césars (FR) d’Henri Vorins
Ciné Documentaire-Films Gaumont (Paris). – av. Lida Ginelli (Juliette Récamier), Perières (Benjamin Constant). – Un docu-fiction muet sur Lyon et sa région, avec des scènes historiques reconstituées aux studios Gaumont des Buttes-Chaumont. Exilée de Paris sur ordre de Napoléon, Juliette Récamier donne une réception à l’Hôtel de l’Europe où elle séjourne, place Antonin-Gourju à Lyon, en compagnie de Benjamin Constant, en 1811/12.
1942® Le Destin fabuleux de Désirée Clary (FR) de Sacha Guitry. – av. Jean Fontagnières (François-René de Chateaubriand).
1955® Napoléon (FR) de Sacha Guitry. – av. Corinne Calvet (Juliette Récamier).
1960® Austerlitz (FR/IT) d’Abel Gance. – av. Nelly Kaplan (Juliette Récamier), Sophie Dara (Germaine de Staël).
1962(tv) Heroische Komödie [= Comédie héroïque] (DE) d’Edward Rothe
Westdeutscher Rundfunk (ARD 16.10.62), 77 min. – av. Maria Wimmer (Germaine de Staël), Romuald Pekny (Benjamin Constant), Alexandre Kerst (Jean-Baptiste-Jules Bernadotte), Heinz Bennent (ltn. Albert de Rocca), Viktor Stefan Görtz (le comte de Narbonne), Christian Schmieder (François).
Synopsis : En 1812, exilée à Coppet, Germaine de Staël poursuit le combat contre Napoléon à travers ses pamphlets, supplie Bernadotte et le tsar Alexandre d’entrer en croisade contre le tyran, prêchant « la guerre sainte contre la guerre ». Deux ans plus tard, Napoléon abdique enfin, mais Mme de Staël, de retour à Paris, ne savoure pas son triomphe, car l’annonce du retour des Bourbons empêche la mise en place d’un régime libéral. Elle désespère de voir sombrer ses chimères démocratiques : la corruption se glisse partout, il ne reste rien de la grandeur passée de l’Empire, ni du souffle révolutionnaire qu’a incarné un temps Bonaparte. Le Congrès de Vienne se révèle une immense duperie et Fouché, à présent ministre de la Police du Roi, la fait exiler. Toujours combattive, Mme de Staël se rend à Vienne défendre la Norvège que le tsar a cédée à la Suède de Bernadotte pour permettre à la Prusse d’obtenir la Poméranie suédoise. Elle ne réagit plus lorsque Napoléon retourne de l’île d’Elbe, consciente que sa lutte ne ferait que profiter aux Bourbons et à leur détestable Restauration.
Une dramatique d’Ernst Laurenze et Edward Rothe d’après la comédie en 3 actes de l’écrivain autrichien Ferdinand Bruckner, un festival de dialogues scintillants écrit en exil en 1938 et représenté pour la première fois le 12 septembre 1946 au Volkstheater à Vienne, puis le 29 janvier 1948 à Berlin (Deutsches Theater). Après avoir dépeint l’Empereur en tyran obnubilé par son pouvoir (cf. Napoleon I., dramatique de 1970, p. 25), Bruckner le magnifie dans cette pièce, lui qui représenta l’espoir messianique et émancipatoire dans la lutte contre l’ancienne Europe. Germaine de Staël tapait sur les nerfs de Goethe, de Schiller – et de Napoléon. Bruckner en fait une héroïne ultra-libertaire, laide, turbulente et très spirituelle, obsédée par sa mission d’écrire et de témoigner. Elle est entourée de trois hommes qui réveillent chez elle des comportements divergents, pleins de sous-entendus érotico-psychanalytiques avec ce vieux persifleur de Benjamin Constant, affectueux et aimant avec le jeune lieutenant Albert de Rocca, son second époux (qui est tuberculeux et las de combattre sous les aigles impériales), pamphlétaire et politique avec le maréchal Bernadotte, candidat au trône de Suède. Tous lui reprochent sont intransigeance d’idéaliste, une forme d’égocentrisme et d’orgueil qui la rend incapable à aimer et la pousse à refuser toute concession réaliste. Et pourtant, Benjamin Constant, le sceptique, le libéral désabusé, reconnaît à la fin « que la défaite de l’idéaliste reste en un sens une victoire, car le succès est un risque de sclérose » (Francis Cros). Une pièce à l’ironie cruelle, entre portrait psychologique, tableau historique et vaudeville de salon.
1964® (tv) I grandi camaleonti (IT) d’Edmo Fenoglio. – av. Angela Cavo (Germaine de Staël).
1968Δ Adolphe ou l’Âge tendre / Tanjas Geliebter / Adolf (FR/DE/PL) de Bernard Toublanc-Michel; Prisma Films, 95 min. – av. Ulla Jacobsson (Éléonore [= Germaine de Staël]), Jean-Claude Dauphin (Adolphe-Henri [= Benjamin Constant]), Philippe Noiret (comte de Pourtalain). – Le tournage d’un film adaptant le roman vaguement autobiographique de Benjamin Constant, avec séquences modernes.
1970(tv) Un jeu d'enfer (FR) de Marcel Cravenne
ORTF (TF1 26.10.70), 80 min. – av. Jacques François (Benjamin Constant), Martine Sarcey (Juliette Récamier), Denise Noël (Marie de Ramondy, marquise de Catelan), Pierre Verdier (Louis de Forbin), Lucie Arnold (la reine Hortense de Beauharnais), Anthony Stuart (Arthur Wellesley, duc de Wellington), André Luguet (M. de Norpois), Michel Beaune (Victor de Broglie), Yves Brinville (comte de Montlosier), François Mirante (Nadaillac), Sybil Saulnier (Aglaë), Michèle Dumontier (Jenny).
Synopsis : Juin 1814, Louis XVIII est sur le trône, Napoléon exilé sur l’île d’Elbe, Paris occupé par les alliés. Dans son salon de la rue Basse-du-Rempart, Juliette Récamier supplie Benjamin Constant, diplomate et hommes de lettres, de rédiger un mémoire en faveur de Joachim Murat, le roi de Naples. Ce dernier n’est pas un usurpateur, assure-t-elle, puisqu’il est aimé de ses sujets. Talleyrand est cependant décidé à obtenir sa condamnation auprès du futur Congrès des vainqueurs à Vienne. Or, sept mois plus tôt, Caroline Murat-Bonaparte a accueillie Juliette à Naples quand Napoléon l’a bannie de France, et elle a une dette envers celle-ci. Constant, dégoûté de l’amour par sa liaison éprouvante avec Germaine de Staël et persuadé qu’il a raté sa vie, hésite à se faire l’avocat d’un ancien maréchal d’Empire. En échange de ses services, Juliette lui fait miroiter quelques plaisirs d’alcôve ...
Le scénario de Marcel Cravenne, adapte, dans une version légèrement abrégée, la comédie dramatique inédite de Michel Mohrt (1970), qui a puisé dans les Lettres de Benjamin Constant à Mme Récamier et le Journal de l’écrivain. L’auteur y voit « l’histoire des Cent-Jours vue d’un salon parisien, monarchiste et libéral » (préface). La pièce relate indirectement deux changements de régime (les deux Restaurations) et une guerre s’achevant à Waterloo, tout en entremêlant intrigues, conspirations, duels, jeux, femmes galantes, littérature et extravagances religieuses. Mais c’est en priorité l’histoire de la relation amoureuse de Constant et de Mme Récamier vue à travers ces événements.
1972® (tv) Talleyrand ou le Sphinx incompris (FR) de Jean-Paul Roux. – av. Frédérique Meininger (Germaine de Staël), Jean-Marie Fertey (François-René de Chateaubriand).
1972Δ Tajemství velikého vypravece (Le Secret d’un grand conteur) (CS) de Karel Kachyna.– av. Helena Jehlicková (Juliette Récamier).
1980® (tv) Clausewitz (DE-RDA) de Wolf-Dieter Panze. – av. Irma Münch (Germaine de Staël).
1987® (tv) Napoleon and Josephine (US) de Richard T. Heffron. – av. Leigh Taylor-Young (Germaine de Staël).
1987Δ (tv) L’Abbé Faria (FR/PT) de Régis Forissier (FR3 29.8.87), 60 min. – av. Henri Michelis (François-René de Chateaubriand). – La véritable histoire du mystérieux abbé qui occupait la cellule voisine de celle d’Edmond Dantès, le comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas, au château d’If et dont Chateaubriand parle dans ses Mémoires d’outre-tombe.
1989(tv) Chateaubriand / Mon dernier rêve sera pour vous (FR/BE) de Robert Mazoyer
Parties : 1. Charlotte ou le malheur d’aimer (1793-1796) – 2. Pauline ou la gloire (1800-1803) – 3. Nathalie ou la folie – 4. Juliette ou la fidélité – 5. Cordelia ou le pouvoir – 6. Hortense ou le plaisir
António da Cunha Telles, Claude Désiré/Antenne 2-Technisonor (A2 22.9.-27.10.89), 6 x 52 min. – av. Francis Huster (François-René de Chateaubriand), Anouk Aimée (Sarah Ives), Agnès Soral (Nathalie de Noailles), Ludmila Mikaël (Pauline de Beaumont), Alessandra Stordy (Cordélia de Castellane), Danièle Lebrun (Céleste de Chateaubriand), Cyrielle Claire (Juliette Récamier), Corinne Colas (Charlotte Ives), Isabelle Weingarten (Lucile de Chateaubriand), Ivan Desny (le pasteur Ives), Jacques Spiesser (Jean-Pierre Louis de Fontanes), Zabou Breitman (Hortense Albert), DANIEL MESGUICH (Napoléon), Jean d’Ormesson (l’émigré clochard), Hervé Briaux (François Hingnant), Jean-Luc Abel (Jean-Gabriel Peltier), Jacques Spiesser (Louis de Fontanes), Maria Guida (Delphine de Custine), Bruno Devoldère (Mathieu de Montmorency-Laval), Lídia Franco (Claire de Lucas), Filipe Ferrer (Joseph de Villèle), Virgilio Castelo (Pierre-Simon Ballanche).
Robert Mazoyer adapte le best-seller éponyme de son ami Jean d’Ormesson (1982), dont il a déjà filmé Au Plaisir de Dieu cinq ans auparavant. C’est une production de prestige avec une distribution de cinéma (Anouk Aimée, Agnès Soral, Ludmila Mikaël, Ivan Desny, etc.), près de 150 acteurs et un tournage à Senlis, Chantilly, Paris, Vineuil-Saint-Firmin (Oise), Saint-Malo et au Cap Fréhel, puis en Italie, en Espagne et au Portugal (Lisbonne, Sintra), où une ample figuration ne grève pas le budget. Chaque épisode du feuilleton raconte un fragment de la vie amoureuse de l’auteur du Génie du Christianisme – auteur qui, quoique marié très catholiquement à Céleste Buisson depuis 1792 (sa dot sauva le clan Chateaubriand), butina de fleur en fleur sans trop de scrupules. Cela commence par Charlotte Ives, une fille de pasteur rencontrée dans le comté de Suffolk durant son exil anglais (1796) ; suivent, à Savigny-sur-Orge et à Rome, la phtisique Pauline de Beaumont qui veille sur lui tandis qu’il couche sur papier son best-seller sur le christianisme dans lequel il fustige si vertueusement l’adultère (1801) ; Nathalie de Noailles qui fait de l’aquarelle entre Séville, Grenade et Cordoue et glisse progressivement dans la folie (1807) ; bien sûr l’incontournable Juliette Récamier (1801 et 1817), puis sa rivale Cordélia de Castellane (1823) et Hortense Albert, une femme de lettres à Rome (1828) ; enfin et toujours, Céleste, l’épouse omniprésente durant quarante ans, fidèle et néanmoins jamais dupe.
Ce sont ces dames qui occupent le devant de la scène, et non l’adolescent ténébreux, le légitimiste libéral (quoique fasciné par Napoléon) ou le vieil ambassadeur désabusé par l’intronisation de Louis-Philippe. D’Ormesson et Mazoyer montrent Chateaubriand en séducteur que la conquête intéresse, mais que la passion embarrasse : plus sensible à l’ivresse de la gloire et du pouvoir (il pratique le culte du moi à outrance), l’écrivain est vite lassé par la constance de ses maîtresses qui meurent d’amour pour leur idole. D’Ormesson admet que son style subjugue, que le talent est hors de cause, certes, mais l’étalage littéraire de ses états d’âme le rend imbuvable (Talleyrand, sur le tard, ne disait-il pas à son sujet : « Chateaubriand croit qu’il devient sourd, car il n’entend plus parler de lui ... », Louis XVIII : « Chateaubriand verrait si loin s’il ne se mettait pas toujours devant lui » – et Mollé de renchérir : « Ce qui m’a toujours surpris chez lui, c’est cette capacité de s’émouvoir sans jamais rien ressentir ... » ?). Au centre de ce biopic luxueux axé essentiellement sur des portraits de femmes, Francis Huster incarne le dandy réactionnaire avec conviction. Mazoyer l’entoure d’images romantico-nostalgiques d’un passé rassurant, alourdies par des dialogues ampoulés et parfois redondants.
1992® Le Souper (FR) d’Édouard Molinaro. – av. Michel Piccoli (la voix de François-René de Chateaubriand).
1993Belle van Zuylen – Madame de Charrière (NL) de Digna Sinke
René Scholten, Rolf Orthel/SNG Film/Studio Niewe Gronden-De Nieuwe Unie-NOS, 112 min. – av. Will van Kralingen (Belle van Zuylen alias Isabelle de Charrière), Laus Steenbeeke (Benjamin Constant), Carla Hardy (Germaine de Staël), Kees Hulst (Charles-Emmanuel de Charrière de Penthaz), Patty Pointner (Henriette, la servante), Marieke van Leeuwen (Charlotte), Krijn ter Braak (Suard), Kitty Courbois (Mme Saurin), Truus te Selle (Mlle Pourrat), Arthur Boni (le pasteur Henri-David de Chaillet), Ed Bauer (Pierre-Alexandre Du Peyrou, l’éditeur de Rousseau), Miryanna van Reeden, Gijs Scholten van Aschat, Eric Corton.
Biographie d’Isabelle de Charrière, née Isabella Agneta van Tuyll van Serooskerken et connue sous son nom de plume de Belle van Zuylen (1740-1805), une femme de lettres hollandaise d’expression française. En 1771, elle épouse M. de Charrière, un gentilhomme vaudois, et le couple s’installe en Suisse, dans le manoir du Pontet à Colombier près de Neuchâtel (territoire appartenant alors à la Prusse). Le mariage n’est pas heureux et, fuyant son mari, Isabelle rencontre en novembre 1786 à Paris le jeune et impétueux Benjamin Constant. Elle a 48 ans, lui 21. Il est endetté et persécuté par son père. Leur correspondance, abondante et passionnée, va durer huit ans. Il lui rend visite à Colombier l’année suivante, puis en 1791 et 1793 (et une dernière fois en 1798). Isabelle vit dans l’attente de ces rencontres, qui donnent lieu à d’intenses échanges d’idées sur la vie, les hommes et la politique. En septembre 1794, Germaine de Staël passe quelque temps au Pontet et, d’un an plus âgée que Benjamin, elle supplante bientôt Isabelle dans le cœur du jeune homme. Appartenant à la génération des Lumières, Isabelle ne partage pas les idéaux romantiques ni l’enthousiasme républicain des nouveaux tourtereaux et leur retire son amitié. Plusieurs aristocrates ayant fui la Révolution trouvent refuge chez elle. Le 15 décembre 1805, le traité de Schönbrunn cède la principauté de Neuchâtel à l’Empire napoléonien ; onze jours plus tard, Isabelle de Charrière décède au Pontet, à l’âge de 65 ans.
Pour son troisième long métrage de fiction, tourné en Haute Veluwe (Pays-Bas), la documentariste néerlandaise Digna Sinke (épouse du producteur René Scholten) a puisé dans la correspondance personnelle et dans l’œuvre publiée de l’écrivaine, précurseuse du féminisme. Constant n’y apparaît pas sous son meilleur jour, freluquet jacassant et écervelé, puis opportuniste endurci, tandis que Mme de Staël est dépeinte comme une hystérique un peu exaltée. Enfin, la nuit d’amour de Constant et d’Isabelle est une licence poétique (ou une concession aux goûts du XX e siècle), leur relation étant, à en croire leurs écrits, toujours restée platonique. Le portrait d’Isabelle à l’écran, rieuse, gambadant telle un gamine en jouant à cache-cache avec son ami, contraste d’ailleurs avec la rigueur lucide et l’intransigeance de ses lettres. En dépit de ces menus défauts, la bande, stylisée et visuellement très soignée, remporte le Premier prix du festival international de Mannheim-Heidelberg 1994, et trois nominations au Gouden Kalf (Journées du cinéma néerlandais) pour le meilleur film, la réalisation et l’actrice Will van Kralingen. En 1996, la RTV (Utrecht) diffuse tout le matériel tourné sous forme de série télévisée en trois parties de 52 minutes.
1993/94*(ciné+tv) Du fond du cœur / Germaine et Benjamin / Germaine und Benjamin (tv) (FR/DE) de Jacques Doillon
Christophe Valette/La Sept/Arte-GMT Productions (Jean- Pierre Guérin)-Home Made Movies-SFP Productions-Studios Babelsberg-Club d’Investissement Media (Arte 17.-30.12.94), 124 min./tv : 12 x 26 min. – av. Anne Brochet (Germaine de Staël), Benoît Régent (Benjamin Constant), Sophie Broustal (Juliette Récamier), Véronique Silver (Adrienne, comtesse de Nassau), Thibault de Montalembert (Prosper de Barante), Hans Zischler (baron Erik Magnus de Staël-Holstein), Catherine Bidaut (Charlotte von Hardenberg), Jörg Schnass (Friedrich von Schlegel), François-Régis Marchasson (Mathieu de Montmorency-Laval), Francine Berge (Isabelle de Charrière), Gérard Sergue (Eugène), Marie Matheron (Mme de Laval), Marilyne Canto (Catherine Rillet-Hubert), Christine Dejoux (Julie Talma), Frances Barber (Anna Lindsay), Agathe Chouchan (la servante), Hélène Foubert (Olive), Johan Leysen (Jacobsson, secrétaire de M. de Staël), Stanislas Nordey (François de Pange), Jean-Paul Roussillon (Jacques Necker), Fabien Behar (Claude Hochet), Bernard Nissille (préfet du Léman), Richard Sammel (le pasteur Gerlach), Paul Chevillard (Simonde de Sismondi), Benjamin Sachs (August Wilhelm von Schlegel), Louise-Laure Mariani (Albertine de Staël), Alain Beigel (John Rocca).
Synopsis : Le 26 septembre 1794, au château de Mézery, Benjamin Constant rencontre Germaine de Staël. Ils ont le même âge. Lui, jeune homme brillant mais déjà meurtri par la vie ; elle, mondaine, fille d’un homme célèbre et déjà célèbre elle-même. Il est aussitôt fou d’elle, elle se défend tout de suite de lui. Vingt années durant, les deux amants ne cessent de se combattre, de s’aimer, de s’écrire, de se fuir et de se rejoindre dans les lieux rituels où ils se retrouvent saison après saison. Rompre ou ne pas rompre ? Au début de leur liaison, Isabelle de Charrière tente en vain de mettre Benjamin, totalement envoûté, en garde contre le pouvoir que Germaine a pris sur lui. En mai 1795 à Paris, M. de Staël (ambassadeur de Suède) négocie l’éloignement de son épouse, qui, par ses prises de position politiques, l’embarrasse ; Benjamin sert d’intermédiaire. Janvier 1796 à Coppet, près de Genève, chez Necker, Benjamin transmet à Germaine des nouvelles fraîches de Paris ; elle se laisse aller à la confidence, évoquant sa solitude, son ennui, et la lâcheté de ses amants. Paris, le 8 juin 1797, Germaine accouche d’Albertine, dont Benjamin est le père, mais tout a été fait pour que la paternité puisse être attribuée à M de Staël. Octobre 1798 à Coppet, après l’entrée des troupes françaises en Suisse, Germaine travaille à un livre sur les principes qui doivent fonder la République en France, ouvrage qui va mettre Bonaparte en fureur. Paris, Noël 1799 : Sieyès nomme Benjamin au Tribunat. Germaine ouvre un salon en compagnie de Juliette Récamier ; Benjamin achève de rompre avec Julie Talma et se laisse fasciner par l’Anglaise Anna Lindsay. Coppet, mars 1803 : Germaine a poussé Benjamin à faire un discours de défi au Tribunat et il a été radié. Germaine a été humiliée publiquement. Avril 1804 : Benjamin retrouve Germaine en Allemagne, lui apprend la mort de son père et la retrouve en compagnie d’August von Schlegel ; scène de jalousie. À Coppet en juillet 1805, Benjamin demande Germaine (de retour d’Italie) en mariage, puis se rétracte. Rouen, octobre 1806 : Benjamin lit à Germaine, interdite de séjour à Paris, des passages de son Adolphe. Coppet, 9 mai 1809 : Benjamin et Charlotte von Hardenberg se sont mariés secrètement, Germaine est blessée dans son amour-propre. Lausanne, mai 1811 : Germaine empêche Benjamin à temps de se battre en duel contre Rocca, son nouvel amant suisse. Les deux se séparent, elle pour un long exil, lui pour retourner auprès de son épouse légitime.
Scrutateur des sentiments et des passions à la marge, austère, carrément bergmanien quand il s’agit de filmer un huis clos amoureux, Jacques Doillon (La Pirate, 1983) est un enfant hybride de la Nouvelle Vague et du cinéma direct. L’intimité houleuse, tenace, souvent ambiguë mais toujours passionnée de Germaine et Benjamin l’interpelle, mais la correspondance des deux amants ayant été détruite à leur mort, et sur leur ordre, Doillon et Jean-François Goyet doivent, pour les faire parler, s’inspirer de leurs textes, romans, correspondances à des tiers, ainsi que des Journaux intimes de Constant. Parti pour être une série de près de six heures, le projet a été divisé en 12 épisodes, le matériel étant ensuite remonté pour une exploitation en salles de deux heures : il s’agit alors du premier long métrage de fiction réalisé entièrement en vidéo numérique HD (et transféré sur 35 mm). Le tournage se fait en intérieurs aux studios de Berlin-Babelsberg et en extérieurs dans les châteaux d’Alincourt à Parnes (Oise) et de Gadancourt (Val-d’Oise, Essonne), un travail de presque 11 mois compliqué par l’élaboration de plans-séquences très longs et complexes censés restituer l’oppressante prison d’amour du couple. Remarquable directeur d’acteurs dont il sait extraire le meilleur, Doillon évacue le monde et l’Histoire pour aller au seul contact des visages (lugubres, obstinés ou vindicatifs) et des mots (littéraires), avec le vaillant soutien d’Anne Brochet, souvent magistrale, et de Benoît Régent, terrassé quelques mois plus tard par une rupture d’anévrisme, à l’âge de 41 ans. Le résultat, qui vit de la fluctuation du sentiment, en particulier de la valse-hésitation de l’inconsistant Constant, oscillant entre amour et dégoût, est une sorte d’ovni cathodique, lancé comme un « sitcom culturel ». Les spectateurs se lassent rapidement de ces interminables intermittences du cœur et la critique se montre très divisée : « Figé par le respect pour ses personnages, écrit Pierre Muran, Doillon filme avec une sagesse qu’on ne lui connaissait pas et qui lui va mal, des emportements amidonnés » (Télérama, 28.9.94) ; Le Nouvel Observateur y voit « de l’indigeste sur mesure » (14.12.94), tandis que L’Express salue « un des rares films à rendre la littérature fade » (29.9.94). Sélection officielle au festival de Venise 1994. Episodes (tv) : 1. « L’Enchantement/Das Entzücken » – 2. « L’Indésirable/Die Unerwünschte » – 3. « La Conquête/Die Eroberung » – 4. « Notre Albertine/Unsere Albertine » – 5. « Prudences/Vorsicht » – 6. « Intrigues/Intrigen » – 7. « Amélie et la croûte de pâté/Amélie und die Pastetenkruste » – 8. « Messager de malheur/Unheilsbote » – 9. « Un soir à Coppet/Ein Abend in Coppet » – 10. « Double jeu/Doppeltes Spiel » – 11. « L’Annonce faite à Germaine/Die Mitteilung » – 12. « L’Escalier des adieux/Stufen des Abschieds ».
1998® Fin de siècle (CH) de Claude Champion. – av. Pascale Vachoud (Germaine de Staël), Dominic Noble (Benjamin Constant), Mireille Perrier (Rosalie Constant, sa cousine).
2002® (tv) Napoléon (FR/DE/IT/ES/CA/GB/HU) d’Yves Simoneau. – av. Florence Darel (Juliette Récamier), Fabienne Babe (Germaine de Staël).
2005[sortie : 2008] L’Occitanienne ou le Dernier Amour de Chateaubriand (FR) de Jean Périssé.
ClairSud Productions(Toulouse)-Panoceanic Films (Paris), 90 min. – av. Bernard Le Coy (François-René de Chateaubriand), Valentine Teisseire (Léontine de Villeneuve, comtesse de Castelbajac), Roger Souza (le maître d’hôtel), Patricia Karim (la tante), Philippe Vendan-Borin (le postillon), Bernard Faur (l’oncle), Norbert Estèbes (le palefrenier), Léo Cormenier (un soupirant), Michel Delsol (le comte de Castebajac), Sébastien Turboust (serveur), Frédéric Aramon et Alain Naves (porteurs).
Dans un hôtel de cure thermale de Cauterets (Haute-Pyrénées), une nuit d’orage en 1829. Un huis clos à trois personnages : l’écrivain illustre mais vieillissant (61 ans), une jeune femme de l’aristocratie toulousaine (26 ans), enflammée de passion pour le grand homme et un maître d’hôtel poète dans l’âme, qui se fera, malgré lui, veilleur de nuit et témoin-voyeur bienveillant. La belle exaltée lui avait écrit en deux ans pas moins de 70 lettres enflammées et Chateaubriand décida de la rencontrer physiquement lors d’un court séjour en cure. – Épisode inspiré d’une quinzaine de lignes tirées d’un chapitre des Mémoires d’outre-tombe intitulé « Le Caprice d’une fleur » (3 e partie, livre 31, chap. 1, 1850) et revues par Alain Paraillous. Tournage dans l’Hôtel du Parc à Salles-de-Béarn, à Cauterets, au lac de Gaube et au château-musée du Cayla.
2009/10(tv) Chateaubriand (FR/CZ) de Pierre Aknine
Jean-Pierre Guérin/GMT Productions-Les Films de Pierre-Okko Production spol. (Prague)-France Télévisions-TV5 Monde (FR2 28.4.10), 102 min. – av. Frédéric Diefenthal (François-René de Chateaubriand), Armelle Deutsch (Lucile de Chateaubriand, sa sœur), Anne-Lise Hesme (Juliette Récamier), Anne Richard (Germaine de Staël), Jean-François Balmer (Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes), Geoffroy Bateman (George Washington), Aurélia Petit (Céleste de la Vigne-Buisson, femme de l’écrivain), Daniel Mesguich (René de Chateaubriand, le père), Isabelle Tanakil (Apolline Suzanne de Bédée, mère de Chateaubriand), Danny Martinez (Chateaubriand à 9 ans), Lou Levy (Lucile à 13 ans), Thierry Hancisse (Jean-Pierre Louis de Fontanes), Aline Nolasco (Atala l’Onondaga), William Mesguich (Jean-Baptiste de Chateaubriand, le frère), Jeanne Rosa (Aline de Chateaubriand, femme de Jean-Baptiste), Jacques Spiesser (Le Normant), Marek Vasut (le Hollandais), Pierre Peyrichout (le commissaire), Christian Maria Goebel (Dr. Goodwin), Kristyna Valova (Charlotte Ives), Jaromir Janecek (pasteur Ives), Dinah Geiger (Lucile Ives, sa femme), Meimouna Magiraga (Lune Noire, jeune esclave noire), Frédéric J. Lozet (Louis XVI), Tomas Hanak (Charles X), Hervé Briaux (Louis XVIII), Marketa Hrubesova (Anna de Val).
Synopsis : Séjournant à Saint-Malo pour décider de ce que sera sa future sépulture (aucune inscription, enterré debout, face à la mer), Chateaubriand se penche sur son passé, sa jeunesse au château de Combourg sous la férule d’un père autoritaire qui a fait fortune dans le trafic d’esclaves, sa présentation furtive à Louis XVI (à cinq ans de l’échafaud), la lecture de Rousseau, la Révolution qu’il accueille d’abord avec joie mais dont « le rêve accouche d’un monstre » ; son départ pour l’Amérique à l’incitation de son précepteur, Malesherbes. A Philadelphie en 1791, George Washington refuse de financer son expédition pour découvrir le passage nord-ouest et le futur romancier passe plusieurs mois avec les Indiens iroquois Onondaga (où il tombe sous le charme de la belle Atala). De retour en Europe, il rejoint comme simple soldat l’armée des Princes, chapitre sans gloire (blessé devant Thionville) suivi d’un exil interminable de sept ans à Londres, en paria infortuné. Sous le Consulat, il est auréolé par le succès littéraire, mais l’exécution du duc d’Enghien le brouille avec Napoléon. Dans le salon de Mme de Staël, sa rencontre avec Juliette Récamier, sa muse, sa sylphide, marque définitivement son itinéraire romantique. Après la chute de l’Empire, le vicomte de Chateaubriand, resté fidèle soutien des Bourbons et membre de la Chambre des Pairs, essaie vainement de concilier monarchie et libertés (de la presse), subit même fouilles et tracasseries de la police royale après avoir perdu son poste de ministre des Affaires étrangères sous Louis XVIII. Il est déçu par Charles X, vote contre Louis-Philippe, trempe dans les intrigues de la duchesse de Berry et finit sa vie dans la misère.
Un biopic télévisuel sans relief ni surprises, dont les épisodes surabondants et trop brefs sont garnis de citations extraites des diverses œuvres de l’auteur. Le script de Jean-François Goyet, Aknine et Gérard Walraevens introduit de vagues aperçus sur sa vie sentimentale (le mariage sans amour avec la riche Céleste, la passion incestueuse que lui voue Céline, sa sœur exaltée et suicidaire, le saphisme entre Mmes Récamier et de Staël), mais tout cela reste à l’état d’ébauche maladroite. Tournage en Bretagne (Finistère), en République tchèque (studios Barrandow) et en Slovaquie.
2011Δ (tv) Louis XVI, l’homme qui ne voulait pas être roi (FR) de Thierry Binisti (FR2 29.11.11.), 90 min. – av. Alice Butaud (Germaine de Staël-Necker), Adèle Ferrier (Germaine Necker enfant), Carlo Brandt (Jacques Necker, son père), Isabelle Candelier (Suzanne Necker-Curchod, sa mère).
2012® (tv) À la recherche de Joséphine (FR) d’Eric Ellena. – av. Isabelle Laburthe (Germaine de Staël).