Ia - NAPOLÉON ET L'EUROPE

6. L’EMPIRE FRANÇAIS (1804 à 1815)

6.2. Les « romans napoléoniens » de Sir Arthur Conan Doyle

The Exploits of Brigadier Gerard (Les Exploits du brigadier Gérard) et The Adventures of Brigadier Gérard (Les Aventures du brigadier Gérard), recueils de 19 nouvelles parues entre 1894 et 1910. – Étienne Gérard, un brigadier de hussards téméraire, fanfaron, vaniteux et incorrigible coureur de jupons (sorte de baron Münchhausen du Premier Empire) se démène au service de Napoléon dans une suite d’aventures rocambolesques. Le général d’Empire François Joseph Gérard (1772-1832) et le général baron Jean-Baptiste Antoine Marcellin de Marbot (1782-1854) ont servi de modèle pour ce personnage comique créé afin de remplacer dans The Strand Magazine le détective Sherlock Holmes que Conan Doyle avait imprudemment « tué en action ». Il n’y a en revanche aucune parenté entre le Gérard de Conan Doyle et l’authentique général napoléonien Étienne Maurice Gérard (1777-1852). – Autres œuvres napoléoniennes de Conan Doyle : la pièce A Story of Waterloo (1893) et le roman Uncle Bernac : A Memory of the Empire (1897).
1915Brigadier Gerard (Brigadier Gérard) (GB) de Bert Haldane
Will Barker/Barker Motion Photography Ltd., 5 bob./ 5260 ft./1603 m. – av. Lewis Waller (Etienne Gérard), Madge Titheradge (comtesse de Rochequelaire), A. E. GEORGE (Napoléon), Austin Leigh (Coulaincourt), Fernand Mailly (Talleyrand), Blanche Forsythe (Agnès), Frank Cochrane (Pierre), R. F. Symons (major Olivier), Philip Renouf (Jacques).
Le père de Sherlock Holmes décrit avec ironie l’ascension fulgurante d’un garçon d’auberge fanfaron, vaniteux et téméraire qui finit colonel des hussards, après avoir rendu de précieux services à la cour impériale, dans l'espionnage comme au combat. Dans le présent épisode (tiré de la pièce éponyme de Conan Doyle), Gérard-Tartarin déjoue les plans de trahison de Talleyrand par amour pour une belle comtesse (détails, cf. film de 1927) ; auparavant, Coulaincourt aura testé la loyauté du hussard en lui proposant de conspirer contre l’Empereur, ce qui lui vaut quelques sueurs froides car Gérard a le sabre leste. Bert Haldane filme ces aventures farfelues dans les studios d’Ealing en un temps record de quatre semaines, engageant pour cela deux vedettes du théâtre à Londres : l’acteur-manager shakespearien Waller, qui a créé le rôle du brigadier avec beaucoup de brio et de panache comique sur scène, à l’Imperial Theatre en mars 1906, et Madge Titheradge, qui lui donnait déjà la réplique sur les planches (116 représentations). Waller décédera quelques mois après la sortie du film.
1920/21Un drame sous Napoléon (FR) de Gérard Bourgeois
Serge Sandberg/Société Française des Films éclair-Interexchange Ltd., 2000 m./2 époques. – av. Rex Davis (Louis de Laval), Germaine Rouer (Sybille Bernac), ÉMILE DRAIN (Napoléon), Yvonne Miéris (Joséphine de Beauharnais), Francine Mussey (Eugénie de Choiseul), Chaumont (l’oncle Bernac), Pierre Almette (ltn. Étienne Gérard), Rensy (gén. Savary), Paul Jorge (Talleyrand), Nadette Darson (Jeanne Portel), Louis Zellas (Toussac), Nadette Darson (Jeanne Portel), Almette (Lucien Lesage), Fernande Cabanel, Yvonne Miéris, Zarrié, Marcel Delaître.
Synopsis : Au printemps 1805, à la demande de son oncle républicain Bernac (qu’il n’a jamais rencontré), Louis de Laval, un jeune royaliste réfugié depuis 13 ans en Angleterre, accepte de se réconcilier avec la branche de sa famille restée en France et offre ses services à Napoléon, qui séjourne au camp de Boulogne où il prépare l’armée d’invasion. Non loin de là, à Étaples, Laval surprend un complot contre l’Empereur ourdi par des espions de Nelson qui le font prisonnier. Son oncle lui sauve la vie et voudrait qu’il épouse sa fille, Sibylle ; mais Louis refuse, car il est fiancé en Angleterre avec Eugénie de Choiseul. Bernac est furibond tandis que sa cousine Sybille, qui aime un des comploteurs, jubile. Louis gagne la confiance de Napoléon, déjoue tous les complots, récupère le château familial de Grosbois et retrouve sa fiancée Eugénie, tandis que Bernac est tué par un conspirateur et que sa fille s’amourache d’un bel officier impérial, le lieutenant Étienne Gérard, futur brigadier ...
Réalisée dès décembre 1920 aux studios d’épinay-sur-Seine et en extérieurs dans les marécages de la Somme, cette production a été adaptée partiellement par Conan Doyle lui-même, d’après son roman Uncle Bernac : A Memory of the Empire (L’Oncle Bernac. Un drame sous Napoléon Ier) paru en 1897 et où le brigadier Gérard, encore lieutenant, tient un petit rôle. Napoléon y est montré sous un jour plus humain, goûtant les plaisanteries avec ses soldats ou mari courroucé par les factures astronomiques des robes de Joséphine. Rex Davis, qui tient le rôle principal, est un comédien anglais alors apprécié pour ses performances athlétiques et décoré de la « Military Cross » pour son activité sur le front français en 1914-18. Le film révèle l’acteur de composition émile Drain († 1966), de la Comédie Française, qui travaille au cinéma depuis 1911. Dorénavant, Drain se spécialisera à l'écran et sur scène dans le rôle de Napoléon (plus de douze fois au cinéma, entre 1921 et 1953); il interprétera aussi Napoléon III dans Violettes impériales (1933) d'Henry Roussell. – GB : Uncle Bernac.
1927The Fighting Eagle / Brigadier Gerard (Le Brigadier Gérard) (US) de Donald Crisp
Donald Crisp/DeMille Pictures Corp. (C. Gardner Sullivan), 9 bob./2439 m./81 min. – av. Rod La Rocque (Etienne Gérard), Phyllis Haver (comtesse de Launay), Sam De Grasse (Talleyrand), MAX BARWYN / éMILE DRAIN (Napoléon), Julia Faye (Joséphine de Beauharnais), Sally Rand (Fräulein Hertz), Clarence Burton (col. Neville), Alphonse Ethier (major Oliver), Carole Lombard.
Synopsis : À Fontainebleau en 1807, entouré de ses proches, « l’Homme du Destin » reste perplexe devant une carte de l’Espagne ; il suspecte Talleyrand, son ministre des Affaires étrangères, de conspirer secrètement avec l’ennemi. La comtesse de Launay, une agente de Napoléon, est sur le point de rentrer de Madrid avec des informations qui pourraient justifier une guerre dans la péninsule ibérique. Talleyrand met l’Empereur en garde contre le risque de déclencher un conflit qui pourrait lui aliéner toute l’Europe, mais il sait aussi que l’Espagne paiera un million de francs si la belle espionne ne passe pas la frontière. Dans une auberge à Andorre, terre neutre dans les Pyrénées, la comtesse fait la connaissance d’Étienne Gérard, le fils de l’aubergiste, bretteur hardi et napoléonien fervent. Il l’aide à échapper aux pièges de Talleyrand tendus par sa secrétaire, Mlle Hertz, et à gagner Paris... Dix-huit mois plus tard, le capitaine Gérard rejoint l’état-major des hussards de Conflans (surnommés les « Aigles de combat ») où, incorrigible, il se vante de bien connaître l’Empereur (« mon ami ») et provoque en duel tous les officiers hilares, le lendemain à l’aube. Mais durant la nuit, la comtesse le contraint à disparaître pour une mission secrète : pénétrer avec elle dans l’hôtel particulier de Talleyrand à Saint-Florentin et lui subtiliser un document prouvant qu’il trahit l’Empereur. Talleyrand n’est pas dupe, neutralise la comtesse et, après quelques coups d’épée, fait ficeler et enfermer Gérard dans le bahut que celui-ci lui destinait ; la comtesse y cache subrepticement le document volé. Le bahut est porté à Napoléon qui, furieux, traite Gérard de bouffon et le renvoie à son régiment où, son absence étant inexpliquée, le hussard est condamné à mort pour désertion. Gérard s’évade avec l’aide de la comtesse, détourne la calèche de l’Empereur et le document incriminatoire est retrouvé à la dernière minute, face au peloton d’exécution. Napoléon tire l’oreille de son hussard, le décore et le nomme colonel (« Mon audacieux ami, que ferais-je sans vous ! »).
Un film à petit budget, platement réalisé aux studios Paramount à Marathon Street, qui reprend partiellement la trame de la pièce de 1906 (cf. le film anglais de 1915), dépourvue ici de toute ironie. Les décors sont signés Mitchell Leisen. Max Barwyn, le profil anguleux, joue le Corse avec un clin d'œil, mais Rod La Rocque, charmant et acrobatique, semble plus proche de Harold Lloyd que d’un hussard. Les épisodes burlesques du bahut et du détournement de la calèche impériale sont d’ailleurs des rajouts hollywoodiens. Pour la version française, distribuée dans l’Hexagone quelques semaines après la sortie du Napoléon de Gance, Pathé et l'adaptateur Pierre Weill (soucieux de ne pas blesser les susceptibilités nationales) en atténuent l’humour en faisant retourner les scènes impliquant l’Empereur, qu’interprète avec un sérieux imperturbable émile Drain, le Napoléon de prédilection du cinéma français d’alors. Commentaire outré de Cinémagazine : « Il est des films qu’on ne devrait jamais montrer en France ... Il nous suffira de dire qu’on fut obligé ici de couper toutes les scènes où paraît Napoléon et de tourner des raccords avec émile Drain. Ce qu’il y a de plus drôle, c’est que certains plans d’ensemble n’ont pas été retirés du film, si bien qu’on voit en long plan un Napoléon grand et maigre et en gros plan émile Drain qui a une toute autre silhouette ! Toujours entouré de ses trois mêmes maréchaux, il ne parvient pas malgré son talent à rendre possible ce film où la police revêt des habits de gardes françaises, les larbins des tricornes à plumes ... et où l’Empereur se fait enlever par un de ses officiers » (27.1.28). – IT : Il brigadiere Gerard, ES : Aguilas triunfantes.
1933® The Veteran of Waterloo (GB) d’Albert Victor Bramble. – av. Jerrold Robertshaw (caporal Gregory Brewster), Roger Livesey (sgt. Macdonald), A. B. Imeson (le colonel James Midwinter). – Moyen métrage d’après A Story of Waterloo (1894), pièce satirique en un acte : à Woolwich vers 1890, trois vétérans de la bataille évoquent leurs faits d’armes réels ou imaginaires (cf. p. 607).
1937® (tv) Waterloo (GB) BBC Prod. – av. Wilfred Shine (caporal Gregory Brewster), Alexander Field (sgt. Archie McDonald), Robert English (col. James Midwinter). – Cf. supra « The Veteran of Waterloo » (1933) (cf. p. 615).
1954(tv) How the Brigadier Won his Medals (US) de Justin Addis
« Schlitz Playhouse of Stars » épis. 3.44, William Self/Meridian Productions (CBS 2.7.54), 30 min. – av. Claude Dauphin (brig. étienne Gérard), BOOTH COLMAN (Napoléon), Pat O’Moore (la comtesse d’Angennes), Eugenia Paul (Sophie, sa femme de chambre russe), Hal Gerard (maj. Charpentier), Harry Cording, Chuck Hayward, Ted Hecht, Kay Euter, Sarah Taft, Otto Reichow, Henry Rowland.
En mars 1814, pendant la campagne de France, Napoléon envoie Gérard auprès du roi d’Espagne à Paris, Joseph Bonaparte, avec de faux plans de bataille, dans l’espoir qu’ils tombent en main des Russes ou des Prussiens. Mais le brigadier est un grand malin : il déjoue l’ennemi et l’Empereur, furieux, est contraint de le décorer. En plus de la Légion d’honneur, Gérard conquiert le cœur de la jolie comtesse d’Angennes. Un scénario de DeWitt Bodeen (l’auteur du terrifiant Cat People / La Féline de Jacques Tourneur, 1942) d’après The Medal of Brigadier Gerard, la première des aventures du redoutable brigadier, publiée dans The Strand Magazine en décembre 1894. Claude Dauphin est parfait en fanfaron traîne-sabre dont l’imbécillité et la vaillance sabotent les plans géniaux de Napoléon. Nota bene : Joseph Bonaparte avait renoncé au trône d’Espagne en 1813 déjà.
1968[sortie : 1970] *The Adventures of Gerard / Le avventure di Gerard [Les Aventures du brigadier Gérard] (GB/IT/CH/[US]) de Jerzy Skolimowski [et Paolo Cavara]
Henry E. Lester, Gene Gutowski/Sir Nigel Films Ltd. (Zug)-United Artists, 91 min. – av. Peter McEnery (colonel Étienne Gérard, des hussards de Conflans), Claudia Cardinale (Teresa, comtesse de Morales), ELI WALLACH (Napoléon), Jack Hawkins (gén. Millefleurs), John Neville (gén. Arthur Wellesley [futur duc de Wellington]), Ivan Desny (gén. Antoine Charles Louis Lasalle), Mark Burns (Lord Russell, colonel des Coldstream Guards), Norman Rossington (sgt. Pepilette), Paolo Stoppa (Santarem, comte de Morales), Leopoldo Trieste (maréchal André Masséna, duc de Rivoli, prince d’Essling), Aude Loring (sa maîtresse), Solvi Stubing, Carlo Delle Piane, Ugo Pangareggi, Ben Lev, Veronique Vendell, John Bartha.
Synopsis : En 1808, l’ombre du Corse se profile sur l’Espagne. Tantôt intrépide et toujours à l’affût de gloire, tantôt bravache ou débonnaire, le colonel Gérard veut prouver à l’Empereur qu’il n’est pas seulement un briseur de cœurs et un sabreur redoutable, mais le hussard le plus hardi des sept brigades de cavalerie légère de la Grande Armée. Il exulte lorsque Napoléon le désigne pour délivrer un message secret au maréchal Masséna, bloqué par Wellington au pied de la forteresse de Morales qu’il assiégeait. Le hussard ignore qu'il a été choisi moins pour son inconsciente témérité que pour son manque total d’intelligence, car sa missive doit tomber entre les mains de Wellington... Teresa, comtesse de Morales, une patriote espagnole qui cherche à s’emparer de la lettre, a tôt fait de le séduire, mais le couple est capturé par le sadique et excentrique bandit Millefleurs, un renégat anglais. Gérard fait évader Teresa, qui revient le délivrer à son tour avec les renforts de son grand rival britannique, Lord Russell, cornemuses à l’appui. Plus tard, Gérard interrompt pour la énième fois son duel au sabre contre Russell (occupé à siroter le « five o’clock tea ») pour apporter son message à Masséna. Apprenant la vraie nature de sa mission, il se constitue prisonnier auprès de Wellington dans le but de faire exploser la forteresse de Morales pour se racheter, mais il est distrait par une chasse à courre organisée par les Anglais en plein champ de bataille. C’est le châtelain lui-même, l’oncle aveugle de Teresa, qui provoque la destruction du bastion ennemi en jetant par mégarde son cigare allumé dans un baril de poudre. Gérard est décoré par l’Empereur et, fier comme Artaban, il suit son idole renfrognée vers d’autres glorieux exploits. Teresa l’attendra ... peut-être.
Le scénario s’inspire principalement des nouvelles How the Brigadier Took the Field Against the Marshal Millefleurs (1895), How the Brigadier Slew the Fox (1900) et How the Brigadier Captured Saragossa (1903). À l’origine de ce projet atypique, on trouve le producteur germano-américain Henry Lester, qui s’est lié d’amitié avec Adrian Conan Doyle, le fils cadet de l’écrivain. En 1963, le tandem constitue la société Sir Nigel Films Ltd. destinée à promouvoir les œuvres de Conan Doyle à l’écran. Après un premier essai, A Study in Terror (Sherlock Holmes contre Jack l’Éventreur) de James Hill en 1965, ils enchaînent avec les aventures de Gérard, soutenus par un troisième larron d’origine polonaise, Gene Gutowski, qui vient de financer trois films anglais de Polanski (Repulsion, Cul de sac et Le Bal des vampires). Polanski ayant décliné la réalisation du Brigadier Gérard, Gutowski, à sa suggestion, s’adresse à un autre compatriote, fraîchement expulsé de Pologne en raison de son antistalinisme virulent : Skolimowski. Ce jeune cinéaste aussi prometteur qu’original, mais plutôt intellectuel, formé par Wajda et Munk, fait donc ses débuts à l’Ouest avec cette entreprise à caractère commercial et dont il se dira peu fier (son œuvre la plus célèbre, le dérangeant Deep End, filmé à Londres, sortira la même année). Skolimowski ne parle pas anglais, la logistique complexe de cette superproduction le prend au dépourvu, et sans le soutien de Claudia Cardinale, il aurait probablement été éjecté du tournage passablement chaotique. La reconstitution – en Technicolor et Panavision – est assez rigoureuse (Adrian Conan Doyle sert de conseiller historique), même inattendue pour une comédie héroïco-burlesque de cet acabit. Skolimowski filme d’août à novembre 1968 en studio à Cinecittà, puis à 80% en extérieurs dans le Latium (notamment au château Orsini-Odescalchi à Bracciano) avec une importante figuration. La seconde équipe est dirigée par le cinéaste Paolo Cavara, qui fut l’assistant de Henry Koster sur The Naked Maja (1959), la biographie de Goya pour laquelle Dario Cecchi créa les costumes espagnols ; Cecchi les réutilise dans ce Brigadier Gérard.
L’Américain Eli Wallach, qui campe un Napoléon bouffon, transpirant, irritable et cynique, considère son personnage comme un comédien bien supérieur à ses collègues les plus fameux, « lui qui devait affronter un public formé de politiciens, d’armées et de nations entières ». Toutefois, vu par les yeux adorateurs de son brigadier, cet Empereur surexcité conserve un zeste de majesté. Face à lui, John Neville, le futur Münchhausen de Terry Gilliam, mime Wellington, précieux et guindé. Peter McEnery semble l’incarnation idéale du nigaud lunatique de Conan Doyle. Fat, coquet (il prend souvent le spectateur à part pour se confier à lui), ce militaire ne voit rien, ne sent rien, n’apprend rien. Pour pimenter le tout, Skolimowski introduit des touches d’humour noir, des gags surréalistes (Teresa torture un prisonnier avec une scie géante, celui-ci se laisse découper en hurlant de rire) et du nonsense cruel proche de Tex Avery (le domestique dont le crâne chauve sert à casser les œufs durs servis aux invités). Juché sur un fauteuil que portent des brigands en cagoules d’Inquisition, le maléfique Millefleurs fait catapulter toutes ses victimes dans un ravin. Le slapstick déjanté mais inégal à la Richard Lester (ou dans la veine potache du Tom Jones de Tony Richardson) qui rythme le récit est enrichi par l’anarchisme visuel du Polonais : Gérard remarquant en off que le monde est sens dessus dessous, Skolimowski renverse sa caméra à 180 degrés pour montrer l’armée française marchant sur la tête, etc. (La caméra déchaînée est en main de Witold Sobocinski, le chef opérateur de Polanski qui aligne ici les zooms vertigineux.) Le résultat global est certes impersonnel, mais durant ses moments de pure cruauté à la Tex Avery, Marcos Uzal y décèle « une étrange poésie, entre Lewis Carroll et Roland Topor. Tout en sauvant honorablement les meubles de cette commande, Skolimowski s’est donc aussi amusé à en casser la vaisselle » (Jerzy Skolimowski. Signes particuliers, Yellow Now, Crisnée, 2013, p. 117). « Trop naïf pour être de l’Art et trop sophistiqué pour servir de simple divertissement » (Sight and Sound, hiver 1970/71), le film, dans lequel United Artists a investi trois millions de dollars, reste plus d’une année sur les rayons. La sortie est discrète, l’échec public aussi patent qu’immérité. Jugé trop irrévérencieux à l'égard de Napoléon, le film ne sera jamais distribué en France. En octobre 2008, la presse annoncera un remake avec Steve Carell, d’après un scénario de John Altschuler et Dave Krinsky. On attend toujours. – ES : Las aventuras de Gerard, DE : Die Gräfin und ihr Oberst.