Ia - NAPOLÉON ET L'EUROPE

2. VIE SENTIMENTALE ET FAMILLE

2.3. Maria Walewska

Parfois appelée « l’épouse polonaise de Napoléon ». Née Maria Laczynska à Brodne, dans une famille aisée de la noblesse polonaise dont les domaines font à présent partie du territoire incorporé à la Prusse, Maria épouse en 1804, à dix-huit ans, le comte Anastazy Colonna-Walewski, propriétaire du domaine voisin de Walewice. Ces noces auraient été arrangées par sa mère et son frère pour l’éloigner de son amour de jeunesse, un membre de la famille haïe des Souvorov, l’ennemi russe. Le comte Walewski, ancien chambellan du roi, a presque quatre fois son âge. Un an plus tard naît un premier fils, Antoni. En octobre 1806, faisant face à la Quatrième coalition (Prusse, Russie et Angleterre), Napoléon écrase l’armée prussienne à Iéna, occupe Berlin et traverse la Pologne démembrée et rayée de la carte de l’Europe depuis 1795 pour se mesurer aux Russes. En janvier 1807, dans une petite localité des alentours de Varsovie, il remarque la jeune beauté parmi la foule venue saluer le « libérateur » avec enthousiasme. Ils échangent quelques mots, elle l’impressionne, il la retrouve par l’entremise de Talleyrand et la fait inviter au bal du 7 janvier 1807 au Château Royal, sa résidence. Dans son premier billet, Napoléon va droit au but. Surprise, confuse, flattée, elle oppose quelque résistance, refuse même un bijou, mais capitule assez vite (avec l’accord de son mari). Ils se voient tous les jours jusqu’au départ de l’Empereur, le 30 janvier, et se retrouvent trois mois plus tard au château prussien de Finckenstein où Maria, cachée dans un appartement, séjourne trois semaines. Nouvelles retrouvailles à Paris, en février-mars 1808, puis pendant dix semaines à Schönbrunn, au lendemain de la bataille de Wagram (été 1809). Marie étant tombée enceinte, Napoléon se découvre capable de procréer et envisage dès lors un mariage dynastique. Le petit Alexandre naît à Walewice en 1810 comme fils légitime du vieux comte, manifestement complaisant.
Fin 1810, Maria s’installe à Paris avec son enfant où l’Empereur, qui s’est remarié avec Marie-Louise, lui accorde un traitement royal dans un hôtel particulier à Boulogne. Duroc, grand maréchal de la cour, a l’ordre d’exaucer tous ses vœux et Corvisard, le médecin personnel de Napoléon, veille à la santé de l’enfant et de sa mère. Napoléon se tient au courant de tout ce qui la concerne et reste très attaché au petit Alexandre (même après la naissance du Roi de Rome), qu’il nomme comte d’Empire et pour qui il institue un majorat dans le Royaume de Naples garantissant des rentes annuelles considérables. En septembre 1814, Maria gagne l’île d’Elbe où elle rend brièvement visite à Napoléon (cf. commentaire du film de 1937). Le vieux comte Walewski, dont elle a divorcé deux ans auparavant, décède en 1815. Maria revoit encore Napoléon avant et après Waterloo, à l’Élysée et à la Malmaison. Elle offre en vain de l’accompagner en exil. En automne 1816, Maria épouse le général de division comte Philippe-Antoine d’Ornano, un cousin corse des Bonaparte et héros de la Grande Armée qui lui donne un troisième fils, Rodolphe-Auguste d’Ornano. Elle meurt à Paris le 11 décembre 1817 à 31 ans, d’une lithiase rénale. Alexandre Walewski se battra en 1831 pour la cause de l’indépendance polonaise et, naturalisé français, deviendra auteur dramatique, sénateur, puis ministre des Affaires étrangères sous Napoléon III.
En résumé, il semble abusif de parler d’« idylle » entre Napoléon et Maria Walewska, comme le font ad nauseam cinéma et littérature, mais plutôt (du côté de Napoléon) d’un réel élan amoureux qui se transforma bientôt en une amitié très solide, renforcée par la présence du petit Alexandre. Quant au rôle politique de Maria, le mythe du sacrifice patriotique et des pressions d’un prince Poniatowski pour la pousser dans le lit impérial, on n’en trouve trace dans les archives d’État polonais ; c’est dans ses propres Mémoires, pleines d’inexactitudes et rédigées pendant les derniers mois de sa vie, que la concernée a vraisemblablement souhaité justifier sa conduite par des motifs patriotiques, face à son nouveau mari et ses enfants.

Nota bene : Les papiers personnels de Maria Walewska, ses Mémoires et sa correspondance, se trouvent, jalousement gardés, dans les archives privées des Colonna-Walewski (descendants d’Alexandre Walewski) et des d’Ornano (descendants du second mari de Maria). L’historien Frédéric Masson a pu transcrire certains passages des Mémoires – qui ne concernent toutefois que la période de l’enfance de Maria jusqu’au début de 1807 – pour un chapitre de son ouvrage Napoléon et les femmes (1894). Comme l’a relevé le prof. Krzysztof Zaboklicki, de l’Université de Varsovie, ex-directeur de l’Académie polonaise de Rome, cette trentaine de pages a été la base de toutes les publications, romans, pièces ou biographies concernant la comtesse, en particulier les livres passablement romancés de Waclaw Gasiorowski et du comte Philippe-Antoine d’Ornano, petit-fils de Maria.
1914Bóg wojny (Pani Walewska) [= Le Dieu de la guerre / Dame Walewska] (PL/FR) d’Eduard Puchalsky
Polska Spólka Kinematograficzna « Sokól »-Pathé Frères S.A. (Paris), 1500 m. – av. STEFAN JARACZ (Napoléon), Maria Duleba (Maria Walewska), Bronislaw Oranowski (prince Jozef Antoni Poniatowski).
Apparemment le premier film consacré à Maria Walewska, une coproduction franco-polonaise demeurée inédite en France. Gaumont envisagea de filmer l'épisode en 1912 déjà, sous le titre « Une idylle de Napoléon », mais le projet n'aboutit pas.
1920Gräfin Walewska (Napoleons Liebe) (DE) d’Otto Rippert
Heinz Paul/Terra-Film AG (Berlin), 2223 m./6 actes./112 min./82 min. – av. Hella Moja (Maria Walewska), RUDOLF LETTINGER (Napoléon), Margarete Kupfer (comtesse Eva Laczynska, mère de Maria), Magnus Stifter (le grand maréchal Michel Duroc), Arnold Czempin (H. von Branicki), Mechthildis Thein (Mme de Czytkowska), Emil Heyse (comte Athanase/Anastazy Colonna-Walewski), Anton Edthofer (le comte d’Evians), Auguste Prasch-Grevenberg (Josefa Czeliga), Wolfgang von Schwindt (Roustam Raza, le mamelouk), Leopold von Lederbur (prince Jozef Antoni Poniatowski).
Un scénario signé Willy Rath et Paul Georg qui prend des libertés considérables avec l’Histoire, s’agissant de l’adaptation de la pièce Maria Walewska : Ein unhistorisches Kammerspiel in drei Akten de Rath (publiée en 1921) qui reconnaît ouvertement son manque de sérieux. Synopsis : Maria Laczynska a été mariée de force par sa mère au vieux comte Walewski, qu’elle n’aime pas. En décembre 1806, elle rencontre Napoléon à Varsovie et, fervente patriote, lui dit toute son admiration. Napoléon s’éprend d’elle, mais elle lui échappe, étant amoureuse d’un jeune adjudant de l’Empereur, le comte d’Évians. Napoléon fait muter son rival à Breslau ; d’Évians s’enfuit sous un déguisement et se terre dans le château voisin de Mme de Czytkowska, une Polonaise qui s’efforce en vain de séduire le conquérant. Napoléon, peu habitué à ce qu’une femme lui résiste, est obsédé par la vertueuse Maria. Sur pression de l’aristocratie polonaise, Maria finit par céder et devient sa maîtresse. Pour se venger, Mme de Czytkowska piège d’Évians en forgeant une fausse lettre d’adieux de Maria. D’Évians trouve Maria dans le nid d’amour impérial et fugue avec elle. Roustam avertit Napoléon qui fait capturer les amants. Il condamne l’adjudant amoureux à mort. Au dernier moment, Maria sauve d’Évians du peloton d'exécution lorsqu’elle révèle la machination de Mme de Czytkowska et annonce à Napoléon qu’elle est enceinte du petit Alexandre.
Acteur et metteur en scène, Otto Rippert a interprété le capitaine dans le tout premier film consacré au naufrage du Titanic (In Nacht und Eis de Mime Misu, 1912) et réalisé le célèbre sérial fantastique Homunculus en 1916. On lui doit plusieurs bandes avec la très populaire vedette, productrice et scénariste Hella Moja (alias Helene Morawsky), qui tient le rôle-titre dans ce film plutôt modeste. Les décors sont d’Ernst Stern, le bras droit de Max Reinhardt. – IT : La contessa Walewska (Un amore di Napoleone), GB : Countess Walewska, US : The Plaything of an Emperor.
Le «French Lover» Charles Boyer (Napoléon) fait la conquête de la divine Greta Garbo dans Conquest de Clarence Brown (1937).
1937Conquest (Marie Walewska) (US) de Clarence Brown [et Gustav Machaty]
Bernard H. Hyman/Metro-Goldwyn-Mayer, 112 min. – av. Greta Garbo (Maria Walewska), CHARLES BOYER (Napoléon), Reginald Owen (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Henry Stephenson (comte Athanase/Anastazy Colonna-Walewski), Dame May Whitty (Madame Mère, Laetitia Bonaparte-Ramolino), Leif Erickson (col. Paul/Pawel [= Teodor Michal] Laczynski, frère de Marie), C. Henry Gordon (prince Jozef Antoni Poniatowski), Alan Marshal (Philippe-Antoine d'Ornano), Maria Ouspenskaya (comtesse Pelagia Walewska), George Houston (le grand maréchal Michel Duroc), George Givot (Louis Constant Wairy), Noble Johnson (Roustam Raza, le mamelouk), Ian Wolfe (Klemenz Wenzel von Metternich), Jean Fenwick (Marie-Louise d’Autriche), Oscar Apfel (comte Jan Potocki), Scotty Beckett (le petit Alexandre Walewski, fils de Napoléon), George Zucco (sénateur Stanislas Malachowski), Ralf Harolde (le peintre Louis-François Lejeune), Ramsay Hill (gén. Henri Gatien Bertrand), Eric Wilton (gén. Pierre Cambronne), Cyril Thornton (Claude-François de Méneval), Claude Gillingwater (Stéphane), Vladimir Sokoloff (un grenadier agonisant en Russie), Roland Varno (Friedrich Staps), Ivan Lebedeff (le capitaine cosaque), Betty Blythe (princesse Mirska), Henry Kolker (sénateur Wybitcki), Dr. Ferio (l’ambassadeur de Perse), Carlos de Valdez (l’ambassadeur de Turquie), Pasha Khan (l’interprète perse).
Synopsis : Walewice en janvier 1807. Une horde de cosaques ivres pénètre (à cheval) dans le palais des Walewski, tue des serviteurs et saccage le mobilier. Le comte, 72 ans, et la comtesse, à peine 18 ans, échappent au pire lorsque surviennent leurs sauveurs : les Français, ou du moins leur avant-garde, des lanciers polonais commandés par le jeune colonel Laczynski, frère aîné de Maria Walewska et officier de ce Napoléon idolâtré par lequel « Dieu sauvera la Pologne ». Maria se rend secrètement au bivouac impérial à Bronie où elle rencontre l’Empereur, « l’espoir du monde entier », et lui dit toute son admiration avant de disparaître. Au grand bal qu’organise le prince Poniatowski dans son palais à Varsovie, Napoléon reconnaît la belle inconnue de l’autre soir, ne la lâche plus des yeux et l’accapare sur la piste de danse où il impose de nouveaux pas. Maria : « Vous attirez l’attention, Sire ... » – Napoléon : « Ce n’est pas la première fois. » – Maria : « Vous ne respectez pas les règles ... » – Napoléon : « Je les crée. » Dès le lendemain, la comtesse est assaillie de lettres enflammées qu’elle se hâte, en épouse fidèle, de montrer à son mari interdit. L’Empereur amoureux la harcèle. Pressée par Poniatowski, la belle Polonaise finit par céder aux avances impatientes du conquérant lorsque celui-ci l’attendrit en lui avouant sa « solitude » (« seule ma mère ne m’a pas trahi »), son enfance pauvre, ses « défaites » sur le plan familial et son rêve d’une Europe en paix, confédérée et démocratique – un programme-rengaine alambiqué mais omniprésent dans la majorité des représentations « positives » de Napoléon à l’écran. Même la Maison Blanche de Roosevelt peut y souscrire, et Maria, les yeux humides, de déclarer : « Je vous aime, je crois en vous. » Outré par l’infidélité de son épouse, le vieux comte Walewski part pour le Vatican afin de faire annuler leur mariage et le frère de Maria se détourne de la pécheresse (en vérité, ce fut Maria qui demanda le divorce en 1812, et son frère resta à ses côtés jusqu’à la fin, mais il faut bien satisfaire les censeurs et églises d’outre-Atlantique). Une séquence cocasse : Pelagia Walewska (l’inénarrable Ouspenskaya), la sœur excentrique du vieux comte, a perdu la tête. Elle somme Napoléon de jouer aux cartes avec elle, constate que ce « petit caporal » triche et décide de compter l’argenterie de la maison pour s’assurer qu’il n’a rien volé.
La suite reprend les étapes décrites dans les trois ouvrages dont s’est principalement inspiré le scénario, The Life and Loves of Maria Walewska (1934) du comte Philippe-Antoine d’Ornano, petit-fils de Maria, Napoleon’s Love Story (Pani Walewska) de Waclaw Gasiorowski (1905, rééd. 1938) et une pièce inédite de l’Australienne Helen Jerome. Tous trois véhiculent la thèse de l’« épouse polonaise de Napoléon », de son idylle et de son fervent patriotisme, thèse aujourd’hui fortement contestée. Le couple se revoit deux mois plus tard au château Finckenstein en Prusse orientale, où Napoléon annonce la création du duché de Varsovie, premier pas (?) vers une Pologne libérée (Maria : « Je ne veux pas d’autre couronne que ton amour ! »), puis en juillet 1809 à la rue de la Houssaye à Paris, où elle rencontre une Laetitia bien mielleuse et se découvre enceinte. Toutefois, contrairement à ce qu’affirme le film (Garbo oblige), l’authentique Maria n’était pas exactement isolée à Paris : devenue très riche grâce aux donations que Napoléon fit au petit Alexandre (nommé comte d’Empire), elle fut régulièrement invitée aux bals de la cour, Joséphine la reçut plus d’une fois à la Malmaison et elle fréquenta Mme de Staël et la veuve du maréchal Lannes. Mais revenons à Hollywood – où plutôt à Schönbrunn, où Napoléon échappe au poignard de l’étudiant Staps. Lorsque celui-ci périt fusillé après avoir refusé de se rétracter, et, pire, lorsque l’Empereur annonce son mariage avec Marie-Louise, c’en est trop. Maria se révolte : « Le pouvoir et les Habsbourg ont eu raison de vous, le libérateur de l’Europe est devenu un beau-fils ! » Elle retourne en Pologne mettre au monde leur enfant, Alexandre. Dans les plaines enneigées de la Russie, Napoléon assiste bouleversé à l’agonie d’un grognard (Sokoloff). Maria retrouve Napoléon à l’île d’Elbe en août 1814, où elle lui présente leur fils. Il cache mal sa déception, c’est le Roi de Rome qu’il espérait revoir. Elle voudrait lui apporter la paix, mais Napoléon ne songe qu’à l’utiliser pour préparer son retour en France et prendre sa revanche, car, décrète-t-il exalté, « je dois être fidèle à mes soldats morts ! ». Notons que les faits réels diffèrent légèrement : Maria profita d’un séjour à Naples où elle défendit les intérêts du petit Alexandre auprès de Murat pour faire, le 1er septembre, un détour par l’île d’Elbe en compagnie de son fils, de son frère Teodor et de sa sœur Antonina. La rencontre eut lieu loin des regards indiscrets (Napoléon voulant éviter que Marie-Louise l’apprenne), dans l’ermitage isolé de Madonna del Monte ; après deux jours de déjeuners sur l’herbe et de danses champêtres au cours desquels Napoléon joua beaucoup avec son fils, les visiteurs durent quitter l’île, leur présence s’étant ébruitée à Portoferraio.
Ultime rencontre en juillet 1815 à Rochefort. Maria apporte un déguisement et propose de s’enfuir aux états-Unis avec le vaincu de Waterloo. Napoléon refuse, brûle les lettres de Marie-Louise et « suit son étoile », encouragé par l’amour éperdu de sa Polonaise. Une fin pathétique. Dans les faits, Maria visita deux fois l’Empereur à l’Élysée, avant et après Waterloo, ainsi que le 28 juin à la Malmaison, chez la reine Hortense, pour y faire ses adieux. Ils parlèrent surtout d’affaires, Napoléon voulant assurer le bien-être matériel de son fils et de sa mère. Maria se dit prête à l’accompagner en exil, mais le concerné n’en voulut rien savoir.
Dernier grand mélodrame en costumes de Greta Garbo, cette assez fastueuse production, charpentée sur mesure pour la Divine, est aussi la plus coûteuse de sa carrière (2,732 millions de dollars, budget dépassé alors seulement par le Ben-Hur muet). C’est la septième collaboration du réalisateur Clarence Brown avec Miss Garbo. À en croire la publicité, le studio aurait même paré sa star des authentiques bijoux que Napoléon donna à Marie-Louise à l'occasion de la naissance du Roi de Rome. Comme d’habitude, l’Allemande Salka Viertel, amie intime de la Divine et épouse du metteur en scène exilé Berthold Viertel, propose le sujet à Irving G. Thalberg déjà en 1934, après d’interminables tergiversations ; Garbo a triomphé dans Queen Christine (La Reine Christine) de Mamoulian (1933) et Camille (La Dame aux camélias) de Cukor (1937) et il lui faut des personnages féminins marquants, qui séduisent surtout le marché européen, où la star suédoise a le plus d’admirateurs.
L'élaboration s'avère néanmoins plus difficile que prévu : le film épuise dix-sept scénaristes (dont S. N. Behrman) et sera annoncé sous une quinzaine de titres (de « The Woman before Waterloo », « Flame of the Century » à « Man without a Country »). C’est que le public américain ignore tout de Maria Walewska et se méfie des patronymes « slaves » (vite associés à de méchants Soviétiques) ; en 1928, le film de Garbo tiré du roman Anna Karénine de Tolstoï a été exploité sous le titre de Love, celui-ci est donc baptisé « Conquête ». Enfin, il y a la question de l’adultère qui chiffonne le Hays Office, la faute morale devant être compensée, affaiblie par le patriotisme de la coupable et une fin triste. Le tournage aux studios MGM à Culver City (Lot One), pourtant sans extérieurs notables ni batailles, est aussi d’une longueur inhabituelle – cinq mois (avril-août 1937) – , au point qu’acteurs et équipe technique créent une « Walewska-Must-End-Association » ! Le cinéaste tchèque Gustav Machaty remplace brièvement Brown pendant la maladie de ce dernier. Point Lobos, sur la péninsule de Monterey, sert de décor pour l’île d’Elbe tandis que la séquence de la retraite de Russie est filmée partiellement dans une glacière géante de la Los Angeles Ice and Cold Storage Company. Pour la réception de l’Empereur à Varsovie, on réutilise après transformations la salle de bal du musical de Jeanette MacDonald, Maytime (Le Chant du printemps) de Robert Z. Leonard (1937) ; d’autres vues sont enregistrées au ranch de Clarence Brown à Calabasas.
Le film débute avec brio, tout le savoir-faire de la prestigieuse MGM est réuni : les décors de Cedric Gibbons, William A. Horning et Edwin B. Willis sont rutilants à souhait, la photo de Karl Freund d’une qualité d’image étincelante. Le script propose une désidéalisation progressive de Napoléon : au fil des rencontres, des adieux et des retrouvailles, le demi-dieu s’humanise, se fragilise, jusqu’au désarroi de la chute. Mais en dépit de l'émouvante Greta Garbo en admiratrice éperdue de son « libérateur », l'illustration de cet « amour immortel » est bientôt à court de rebondissements dramatiques et la narration s’alourdit de bobine en bobine, révélant toujours plus l’artificialité foncière des portraits ; hélas, les dialogues ampoulés et creux sur la passion ou le destin ne font qu’aggraver la chose. Contrairement aux succès précédents de la star, le présent sujet repose sur une relation de couple particulièrement forte et intense, et il n’a pas été aisé de dénicher un partenaire qui fasse le poids ; physiquement, Charles Boyer ressemble à son modèle (l’accent français en prime) et, suivant les instructions de Brown, tente d’effacer le mythe Napoléon au profit de l’être humain. La chimie entre les deux vedettes fonctionne, certes, mais avec les décennies, leur jeu a pris un sérieux coup de vieux. Malgré sa classe naturelle, Greta Garbo s’épuise en minauderies saccharinées et mimiques languissantes, se liquéfie d’émotion ringarde face à un Charles Boyer qui surjoue à force d’appuyer ses maniérismes. Son Napoléon légèrement voûté, nerveux, d’une brusquerie toute étudiée, est un rustre hypersentimental, un garçon boucher capricieux et aux velléités de mafieux : c’est Liliom, pas Roméo. Et encore moins Napoléon. Porté par une campagne publicitaire tonitruante, Maria Walewska est bien accueilli en Europe (quoique non distribué dans le Reich), mais c’est un fiasco retentissant aux États-Unis, même le plus grave échec financier de la firme au lion entre 1920 et 1949, la recette nationale ne totalisant que 2,141 millions de $. La MGM se console avec deux nominations à l’Oscar 1938, une pour Charles Boyer (!), l’autre pour les décors. Quant à la Garbo, elle renonce désormais aux rôles historico-mélodramatiques pour rire enfin aux éclats sous la direction de l’immense Ernst Lubitsch (Ninotchka, 1939). – IT, DE (1950), GB : Maria Walewska, AT : Gräfin Walewska.
1954® Napoléon (FR) Sacha Guitry. – av. Lana Marconi (Maria Walewska).
1957*(tv) Marie Walewska / Napoléon et Marie Walewska (FR) de Stellio Lorenzi
« La Caméra explore le temps » no. 1, Stellio Lorenzi, Alain Decaux, André Castelot/Radio-Télévision Française (RTF) (1re Ch. 14.9.57), 97 min. – av. WILLIAM SABATIER (Napoléon), Magali de Vendeuil (Marie Walewska), Henri Nassiet (prince Jozef Antoni Poniatowski), Jean Dalmain (comte Athanase/Anastazy Colonna-Walewski), Alain Nobis (le grand maréchal Michel Duroc), Léo Ilial (Roustam Raza, le mamelouk), Xavier Renoult (Louis Joseph Marchand), Louis Arbessier (gén. Henri Gatien Bertrand), Anne Caprile (Pauline Bonaparte), Dominique Jayr (Elzumia), Françoise Arie (le Roi de Rome), Arlette Kockler (le petit Alexandre Walewski), José Quaglio (le capitaine), J.-J. Steen (le maître de poste).
Toute première émission (mensuelle) de la légendaire série « La Caméra explore le temps » conçue par Stellio Lorenzi et qui fait suite aux « Énigmes de l’Histoire », ce téléfilm se présente comme un dossier : Maria Walewska fut-elle le plus grand amour de l’Empereur, et quel était son vrai visage ? En ouverture, le journaliste et historien Alain Decaux (auteur des dialogues) estime que Napoléon a été un grand amoureux ; en revanche, André Castelot, autre historien réputé, en doute : Napoléon était sexuellement attiré et tendre avec les femmes, dit-il, mais il aimait surtout son Empire et soi-même. La dramatique qui suit se base sur l’ouvrage Marie Walewska, l’épouse polonaise de Napoléon du comte Philippe-Antoine d’Ornano, paru au Canada en 1934 (en anglais), et à Paris en 1938. Le film de Clarence Brown (cf. supra) s’en est largement inspiré. Decaux y voit un éclairage nouveau parce que l’auteur, petit-fils de Maria, aurait eu accès aux Mémoires de son aïeule, conservées jalousement par la famille (pour la controverse à ce propos, voir texte introductif). L’émission perpétue donc la fiction d’un grand amour passionné, tout en reprenant l’image largement consensuelle dans l’Hexagone d’un Napoléon « héritier de la Révolution française », et d’une « Europe des rois » se battant contre l’« Europe des peuples ». Enregistrée en direct aux studios des Buttes-Chaumont (donc sans extérieurs et bricolée dans des décors plutôt chiches et étriqués), la production est encore bien statique, théâtrale, bavarde même. Mais il y a quelques compensations : Sabatier campe un Napoléon plus terre à terre, moins sentimental et moins cabotin que Charles Boyer, mais parfois aussi sensible que le ton de ses lettres. L’homme est puissant, large d’épaules, toujours suroccupé, à l’occasion tendre et affectif. Magali (de) Vendeuil, pensionnaire de la Comédie-Française, qui épousera Robert Lamoureux en 1964, lui résiste avec tenue, vivacité, esprit et à-propos ; c’est son premier rôle important devant la caméra (quoi qu’elle fasse plus bourgeoise que comtesse). Lorenzi évite, quant à lui, tout ce qui pourrait faire basculer son récit dans la romance. Son film peut être considéré, du moins partiellement, comme une sorte de rectificatif face au mélo hollywoodien de 1937.
Déguisée en paysanne, Maria rencontre Napoléon au relais de poste à Bronie. D’abord méfiant (« mais le peuple ne ment pas »), il la laisse exprimer son admiration, puis la fait rechercher par le prince Poniatowski. Une fois identifiée, Maria fait la sourde oreille aux supplications de ses compatriotes, se moque de leurs appels grandiloquents au sacrifice et au patriotisme (« Un homme comme Napoléon ne libère pas un pays parce qu’une femme s’est jetée dans son lit ! »), ignore l’avalanche de lettres de l’Empereur, refuse ses bijoux, etc. Duroc lui décrit l’homme derrière le conquérant, dont la passion pour elle occuperait son esprit au point de nuire aux affaires de l’Empire. Peine perdue, la Polonaise est froissée par les procédés indélicats du monarque. Napoléon se fâche, menace, la supplie, utilise le chantage (le sort de la Pologne), se rétracte (« Je n’exige rien de vous, je ne forcerai point votre volonté ! »). Lorsque le vieux comte Walewski s’éloigne prudemment à Rome, elle cède enfin et le rejoint, mais avec un retard de deux heures (Napoléon furieux : « Tu me traites comme un chien ! »). Suivent les étapes amoureuses à Paris et à Schönbrunn. Pauline Bonaparte l’ayant gracieusement mise au courant du « mariage politique » avec Marie-Louise, Maria réserve à son amant un accueil de glace (« à mes yeux, un adultère suffit ») et se sépare de lui, le laissant effondré. Le comte Walewski invite son épouse à mettre au monde le fils de Napoléon dans leur domaine à Walewice, pour éviter les cancans. En 1813, à la veille de Leipzig, Maria sollicite une audience auprès de Napoléon uniquement pour le revoir, sans ne rien demander ; il lui présente le Roi de Rome. En revanche, il refuse de la recevoir en avril 1814 à Fontainebleau, ne voulant pas de sa commisération. Quatre mois plus tard sur l’île d’Elbe, devenue veuve, elle lui apporte leur fils commun, Alexandre, sept ans. Mais la séquence la plus marquante (et la plus inattendue) vient à la fin. Maria est décédée en 1817. Sur son lit de mort à Sainte-Hélène, Napoléon se tord de douleur, délire parfois, souffre de trous de mémoire que le fidèle Bertrand à son chevet tente de combler, car l’agonisant sous morphine répête deux ou trois fois les mêmes questions sans enregistrer les réponses : quelle année, quel mois, quel jour sommes-nous, a-t-on des nouvelles du petit Alexandre, est-ce bien vrai que Maria n’est plus de ce monde ? Il faudra surveiller les intérêts de l’enfant, lui donner la nationalité française, l’incorporer dans un régiment de lanciers ... Peu à peu, la nuit enveloppe le mourant, roulements de tambours. Un moment que Sabatier et Lorenzi savent rendre poignant. En 1958, Sabatier rejouera Napoléon sous la direction de Lorenzi dans le téléfilm L’Exécution du duc d’Enghien (cf. p. 120).
1958(tv) O grande amor de Maria Walewska (BR) de Cassiano Gabus Mendes
« TV de Vanguarda » (saison 7, épis. 13) Prod. Televisão Tupi, São Paolo (TV Tupi Canal 3 2.8.58), 90 min. – av. JAIME BARCELLOS (Napoléon), Marly Bueno (Maria Walewska), Norah Fontes (Madame Mère, Laetitia Bonaparte-Ramolino), Turíbio Ruiz (comte Athanase/Anastazy Colonna-Walewski), Enrique Martins (col. Paul Laczynski, frère de Maria), Odilon del Grande (Boris), Luiz Orioni (le sénateur Stanislas Malachowski), Néa Simões (la comtesse Pelagia Walewska), Romano Luis (Philippe-Antoine d'Ornano), Rolando Boldrin, Rubens Assis, Eduardo Abas, Candido Pinto, Dirce Conral.
Cette production du téléthéâtre brésilien écrite par Walter George Durst est un décalque latino-américain du mélo hollywoodien Conquest de Clarence Brown avec Greta Garbo (cf. 1937) dont elle reprend situations, clichés et personnages secondaires. Comédien et metteur en scène de Rio de Janeiro, Jaime Barcellos est un des piliers de la très populaire émission « TV de Vanguarda » (1954-1960), où il apparaît le dimanche soir dans 58 programmes.
1964(tv) Napoleão e Maria Walewska (BR) de Benjamin Cattan
« TV de Vanguarda », Prod. Televisão Tupi, São Paolo (TV Tupi 23.2.64), 90 min. – av. LIMA DUARTE (Napoléon), Guy[lène] Loup (Maria Walewska), Rildo Gonçalves (le sénateur Stanislas Malachowski), Norah Fontes (Pelagia Walewska), Rolando Boldrin (col. Paul Laczynski, frère de Maria), Elíseo de Albuquerque (comte Athanase/Anastazy Colonna-Walewski), Maria Célia (Madame Mère, Laetitia Bonaparte-Ramolino), Elk Alves (Philippe-Antoine d’Ornano), Cláudio Marzo, Walter Carvalho.
Nouvelle version (cf. supra, 1958) de la pièce de Walter George Durst inspirée par le film Conquest de Clarence Brown (1935) avec Greta Garbo.
1966*Marysia i Napoleon (Maria et Napoléon) (PL) de Leonard Buczkowski
Stanislaw Adler/Studio Filmowe « Kadr », 114 min. – av. Beata Tyszkiewicz (Maria Walewska/Marysia), GUSTAW HOLOUBEK (Napoléon Bonaparte/Napoléon Béranger), Juliusz Luszcewski (comte Athanase/Anastazy Colonna-Walewski), Zdzislaw Maklakiewicz (le prince Jozef Antoni Poniatowski), Ewa Berger-Jankowska (Mme de Vauban), Halina Kossobudzka (la duchesse Jablonowska, sœur de Walewski), Ignacy Machowski (le grand maréchal Michel Duroc), Ewa Krasnodebska (Anetka Potocka), Kazimierz Rudzki (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Jerzy Kaczmarek (gén. Henri Gatien Bertrand), Barbara Horawianka (la reine Louise de Prusse), Saturnin Zurawski (Louis Constant Wairy, valet de l’Empereur), Wienczyslaw Glinski (col. Paul/Pawel Laczynski, frère de Maria), Anna Ciepielewska (Marta, femme de chambre), Andrzej Zaorski (Chum/Porajski), Bogumil Kobiela (Michel, un valet), Renata Kossubudzka (Mme Chodkiewicz) Wladyslaw Krasnowiecki (le sénateur Stanislas Malachowski), Henryk Szletynski (Józef Wybicki), Kazimierz Wilamowski (Breza).
Synopsis : Pologne en 1966. En se rendant à un congrès à Varsovie, un jeune philologue français du nom de Napoléon Béranger s’arrête en voiture à Walewice, l’ancien palais de la famille Walewski. Alors qu’il parcourt les vétustes appartements transformés en bureaux, il est frappé par les portraits de Napoléon et de Maria Walewska : l’Empereur lui ressemble curieusement, et Marysia, une charmante étudiante polonaise, pourrait bien être le sosie de la mythique comtesse. Béranger laisse son imagination vagabonder et le voilà transporté dans le passé ... où les rencontres du présent, dans les cafés d’étudiants, les boîtes de nuit ou les rues de Varsovie se fondent en allers-retours dans le cadre historique de 1807. Le film reprend avec une douce ironie les étapes familières : le coup de foudre de Napoléon (son carrosse a percuté accidentellement celui du couple Walewski en route pour la capitale), la résistance initiale de la jeune Polonaise qui, malgré son amour naissant, refuse les hommages empressés de Sa Majesté Impériale ; les remontrances hypocrites des princes et patriotes désireux de s’assurer l’appui du conquérant pour la restauration de l’indépendance polonaise ; enfin, la résignation pas trop torturée de Maria, victime combien consentante de la raison d’État. Il est vrai que son mari, le comte Walewski, est un vieillard cacochyme, sénile, sourd et semi-infirme que sa sœur encourage perpétuellement à faire la sieste ... Bref, Marie est comblée et sa belle-sœur rit sous cape. Unique obstacle à contourner : ce grognon jaloux de Constant, persuadé que Napoléon n’aime que son fidèle valet, à savoir lui, et sa Vieille Garde. Il y a aussi les remontrances du frère de Maria, outré par son adultère : « Nous autres, soldats, nous servons notre patrie avec nos corps ! » Maria : « Moi aussi. » L’Empereur, au septième ciel, crée le Grand Duché de Varsovie, nomme des ministres, distribue titres et fonctions. Mais la Prusse humiliée veille, la reine Louise se rend à Varsovie où ses intrigues forcent Napoléon à repartir – euh, erreur, corrige Marysia, historienne confirmée : la reine Louise n’a jamais mis les pieds à Varsovie, son philologue chéri fait une confusion avec les pourparlers de Tilsit ! Les scènes que l’on vient de voir sont à éliminer. À Walewice, Maria met au monde un fils et attend vainement son amant impérial qui, en route pour Moscou, évite de passer par là ... « Après la Russie, pense ce dernier à haute voix, je partirai pour les Indes ... ou en Amérique, il paraît qu’on y trouve de l’or ... » L’intrusion dans ce passé fertile en passions a rapproché le jeune savant français (qui s’inspire de la tactique amoureuse de son illustre homonyme, avec les félicitations audibles de ce dernier) et l’étudiante polonaise : un nouveau roman d’amour s’amorce à Walewice, signe de détente est-ouest.
Une comédie plaisante, spirituelle, quoique un peu longuette, qui récolte un succès phénoménal en Pologne, tant critique que public. Pour en rédiger le scénario, Andrzej Jarecki s’est basé sur sa propre pièce (titre identique), créée au Teatr Powszechny à Varsovie en 1964. Le réalisateur, Leonard Buczkowski, est un vétéran dans le métier, responsable des premiers films parlants en Pologne et du premier film polonais sorti après la guerre, Zakazane plosenki/Chansons interdites (1947), sur la Varsovie occupée par les nazis ; c’est son dernier travail, il décède une année plus tard. Également coscénariste, Buczkowski tourne sa production en écran panoramique et Eastmancolor aux studios de Lodz (Wytwòrnia Filmów Fabularnych) et en extérieurs sur les lieux authentiques de l’idylle (palais de Walewice près de Lódzkie) ainsi que dans les salons du palais de Wilanów et au Musée national à Varsovie. L’interprète de Napoléon, Gustaw Holoubek, a tourné dans neuf films de Wojciech Has (dont le célèbre Manuscrit trouvé à Saragosse, 1965). Sa pétillante partenaire, Beata Tyszkiewicz, a été l’épouse d’Andrzej Wajda qui l’a fait jouer dans Samson (1961), l’épopée napoléonienne Popioly/Cendres (1965) (cf. p. 426) et Tout est à vendre (1968). – DE (RDA+RFA) : Maria und Napoleon.
1969(tv) Marie Walewska (FR) d’Henri Spade
(2e Ch. ORTF 18.1.69), 105 min. – av. ROGER COGGIO (Napoléon), Danielle Volle (Maria Walewska), Jany Hold (la comtesse Nadia Jablonowska), William Sabatier (le grand maréchal Michel Duroc), André Falcon (le prince Jozef Antoni Poniatowski), Henri Piégay (Jozef Lonczynski), Bernard Fremaux (comte Alexandre de Canouville), Claude Merlin (Joseph Bonaparte), Guy Herold (Roustam Raza, le mamelouk), Paul Amiot (comte Athanase/Anastazy Colonna-Walewski), Pierre Parel (Antoine Marcellin de Marbot), Bernard Spiegel (Emil), Raoul Curet (Anton), Nicole Gueden (Anetka Potocka), Roger Karl (l’archevêque), Daniel Bremont (Józef Wybicki), Pierre Peloux (le Père Stanislas).
En janvier 1807, l’Empereur se rend à Varsovie. Sur son chemin, il aperçoit une jeune paysanne. Napoléon donne des ordres pour qu’on la retrouve ... Autre mouture dramatisée d’un des épisodes les plus romanesques du Premier Empire, mis sur pied pour le bicentenaire de la naissance de Napoléon et tiré cette fois d’une pièce de Johan Bojer, Marie Walewska : Skuespill i tre akter (Oslo, 1913, puis 1932), la dernière œuvre de l’auteur dramatique et romancier norvégien, dont Eve Francis signe l’adaptation française. William Sabatier, qui jouait Napoléon dans le Marie Walewska de Stellio Lorenzi (cf. 1957), fait à présent le fidèle Duroc. C’est le réalisateur (Journal d’un fou, 1963), metteur en scène et comédien Roger Coggio qui le remplace dans les bras de la Polonaise. Son Napoléon est un souverain sentimental, « esclave de son destin », bouleversé par les horreurs de la guerre alors qu’il voudrait apporter au monde le bonheur de vivre et la liberté ... « Corriger la carte du monde, je ne suis donc bon qu’à ça ! », se plaint-il à son amante qui a l’inconscience de lui demander la restitution des frontières polonaises. Bref, du théâtre filmé pas très sérieux.
1970® (tv) Napoleon I. (ES) de Jaime Azpilicueta. – av. Charo Soriano (Maria Walewska).
1972® (tv) A Soldier’s Farewell (GB) de David Croft. – av. Joy Allen (Maria Walewska).
1974® (tv) Schulmeister, l’espion de l’Empereur (FR/CA) de Jean-Pierre Decourt. – av. Françoise Giret (Maria Walewska).
1974*(tv) Napoleon and Love – 6. Marie Walewska (GB) de Jonathan Alwyn
Reginald Collin/Thames Colour Television Production (ITV 9.4.74), 60 min. – av. IAN HOLM (Napoléon), Catherine [von] Schell (Marie Walewska), Nicholas Oakhill (Alexandre Walewski, leur fils), Vladek Sheybal (prince Jozef Antoni Poniatowski), Peter Jeffrey (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Peter Bowles (Joachim Murat), Stephen Yardley (Jean Lannes), André van Gyseghem (sénateur comte Stanislas Malachowski), Kevin Stoney (comte Athanase/Anastazy Colonna-Walewski), Peter Blythe (le grand maréchal Michel Duroc), John White (Louis Constant Wairy), Françoise Pascal (Elzunia), Hana Maria Pravda (Marysia), Elma Soiron (comtesse Tyskiewicz), Donald Pelmear (Claude-François de Ménéval), Ronald Hines (Louis-Alexandre Berthier).
Le sixième épisode de la télésérie sur les amours de Napoléon (pour l’analyse globale, cf. p. 25) est entièrement consacré à Maria Walewska et, tout en retraçant les étapes connues, rajoute des touches inédites, la peinture d’une émotion particulière. Ayant rencontré la belle Polonaise à une réception donnée par Poniatowski, Napoléon est immédiatement subjugué par sa grâce, sa pureté et sa beauté altière. « J’ai juré de ne pas porter de couleurs autre que le blanc, le gris ou le noir – aussi longtemps que la Pologne ne sera pas libre », explique-t-elle toute de blanc vêtue à Napoléon qui se montre offusqué par le peu d’égards pour son Impériale Personne et par l’insensibilité à ses avances. En catholique et épouse loyale, elle précise : « J’adore plus Dieu que le plus grand homme au monde. » L’Empereur en perd ses moyens, n’en dort plus, lui avoue qu’il n’a jamais autant aimé, « sauf autrefois ... Joséphine a transformé mon cœur en pierre, en acier. Mais maintenant, je revis ... » Supplications, larmes, interventions de Talleyrand. « Je ferai tout pour la Pologne, dit-elle, mais je ne veux pas vous tromper, je ne ressens pas pour vous ce que vous appelez de l’amour. » Effondré, Napoléon la laisse partir. Lorsqu’elle revient, elle est vêtue de rose : « J’ai parlé à mon époux, je ne le reverrai plus, ni mon enfant. Je ne peux pas me partager. » Le couple « vit dans le péché », se revoit en Prusse, puis leur relation murit. Après Wagram (1809), Napoléon est ébranlé par la boucherie dans la neige. Maria, lucide : « Tu es deux hommes en guerre l’un contre l’autre, le premier est gouverné par la tête, le second par le cœur. » Talleyrand lui apporte de mauvaises nouvelles : Napoléon et le tsar se sont entendus à Tilsit, la Russie garde ses terres polonaises. Il n’y aura pas de royaume de Pologne, juste un petit duché sous protectorat français et gouverné par un roi saxon. Le « diable boiteux » la prie de lui pardonner tout le tort fait à sa vie par sa faute. « Détrompez-vous, rétorque Maria, j’ai une nouvelle loyauté : je suis son épouse polonaise. » Elle réapparaît brièvement dans les épisodes 7, 8 et 9 pour présenter leur fils commun à l’Empereur, lui laisser champ libre sur le plan sentimental (« Je n’ai jamais songé à vous épouser ») et, après Waterloo, lui proposer de l’accompagner en exil. « Vous êtes la seule femme totalement fidèle de ce monde », lui confie Napoléon ému, avant de lui demander d’épouser le général-comte d’Ornano : « Je t’absous de tes vœux de fidélité envers moi. »
L’interprète de Maria Walewska – peut-être la plus crédible de toutes – a de qui tenir : Catherine (von) Schell – de son vrai nom Katherina Frelin Schell von Bauschlott – est née à Budapest d’un baron et diplomate allemand lésé par les nazis et d’une comtesse hongroise. D’une retenue et d’un port d’une rare élégance, le sourire désarmant, elle confère à son rôle intégrité, bonté désintéressée et distinction naturelle. Or, bizarrement, sa carrière n’a rien d’aristocratique, elle qui fit ses débuts à demi-nue dans un mémorable nanar du cinéma-bis, la tarzanerie Lana, reine des Amazones de Geza von Cziffra en 1964. On l’a vue en James Bond Girl dans Au Service secret de Sa Majesté (1969) de Peter Hunt, et en lady prise de fou rire dans Le Retour de la panthère rose (1975) de Blake Edwards. Enfin, les fans de science-fiction lui vouent une admiration particulière pour son rôle d’extra-terrestre Maya dans la série culte Space : 1999 (1975).
1987® (tv) Napoleon and Josephine (US) de Richard T. Heffron. – av. Wendy Stokle (Maria Walewska).
1990/91(tv) Napoléon et l’Europe / Napoleon i Europa – 3. Marie Walewska / Napoleon w Warszawie (FR/DE/PT/ES/PL/BE/CA) de Krzysztof Zanussi
Télécip-La Sept-France 3-Filmów Telewizyjnych Poltel-Zespol Filmowy « Tor »-3SAT-TVE-RTP (FR3 25.1.91), 53 min. – av. JEAN-FRANÇOIS STÉVENIN (Napoléon), Joanna Szczepkowska (Maria Walewska), Daniel Olbrychski (le prince Jozef Antoni Poniatowski), Jacques Frantz (Joachim Murat), François Perrot (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord), Andrzej Seweryn (le tsar Alexandre Ier), Krzystof Luft (Friedrich Wilhelm III de Prusse), Monika Switaj (la reine Louise de Prusse), Adam Bauman (le prince Henryk Radziwill), Wiktor Skaruch (le comte Fryderyk Skarbek), Tadeusz Bradecki (Jozef Lonczynski), Jerzy Zelnik (Nicolas Chopin), Wojciech Wysocki (Fauvelet de Bourienne), Wojciech Pastuszko (gén. François-Joseph Lefebvre), Andrzej Grabaczyk (Auguste de Marmont), Kazimierz Mores (Régis de Cambacérès), Jerzy Kryszak (Joseph Fouché), Marek Kondrat (le prince Adam Czartryski), Jerzy Gudejko (Louis Constant Wairy), Artur Barcis (Czaja), Stanislaw Bielinski, Czeslaw Mroczek.
En automne 1806, à peine onze ans après la disparition de la Pologne des cartes de l’Europe, royaume démembré par la Russie, l’Autriche et la Prusse. Au lendemain des victoires en Italie et à Austerlitz, la jeunesse polonaise se rallie avec enthousiasme aux côtés de Napoléon et forme la Légion polonaise, un corps d’armée qui constituera une élite au sein des troupes du Premier Empire. A Varsovie, l’Empereur s’éprend de Maria Walewska. Devant ses promesses de rétablir la Pologne, Maria cède à ses avances pressantes. En 1807, lors du traité de Tilsit, Napoléon ressuscite un État polonais sur les terres accaparées par la Prusse, le petit et éphémère Grand Duché de Varsovie, soumis au Code Napoléon. Le prince Poniatowski prend le commandement de l’armée polonaise. Le traité de Schönbrunn en 1809 attribue au duché une partie de la Galicie ayant appartenu à l’Autriche, mais Napoléon est contraint de ménager les intérêts de son allié du moment, le tsar Alexandre, qui désapprouve fortement la renaissance de son voisin. Quant à Maria Walewska, elle donne un fils à l’Empereur qui deviendra ministre d’État sous Napoléon III.
Episode polonais d’une vaste coproduction télévisuelle européenne dont chaque partie entraîne le spectateur dans une région d’Europe ayant accueilli ou subi la Grande Armée ; chaque volet est réalisé par un téléaste du pays concerné. Celui-ci est signé par le cinéaste Krzysztof Zanussi, un des représentants les plus caractéristiques de la nouvelle vague polonaise, auteur d’un cinéma socio-politiquement engagé (Camouflage, 1977). Zanussi prétexte la liaison romanesque Napoléon-Walewska pour illustrer d’un regard sans complaisance les espoirs, les manœuvres, l’aveuglement, les petites lâchetés et les frustrations politiques de ses compatriotes sous le joug étranger. Et la fin des illusions en 1813, lorsque le duché est envahi par les Russes (commentaire général sur la série, cf. p. 28).
2002® (tv) Napoléon (FR/DE/IT) d’Yves Simoneau. – av. Alexandra Maria (Maria Walewska).
2012® 1812. Ulanskaya ballada (RU) d’Oleg Fesenko. – av. Svetlana Metkine (Maria Walewska).