Ib - LA FRANCE APRÈS 1815

6. LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE (dès 1870)

Le procès Dreyfus dans « I Accuse » de et avec José Ferrer (1958)

6.2. L’affaire Dreyfus

Le capitaine Alfred Dreyfus (1859-1935), victime des préjugés antisémites de ses collègues de l’état-major, est accusé à tort d’espionnage pour l’Allemagne. Malgré l’absence de preuves et les avis contradictoires des experts, il est arrêté, dégradé et condamné à la déportation à vie en Guyane, à l’île du Diable. L’affaire politique divise la nation, révélant à la fois l'ampleur de l'antisémitisme dans la société française (phénomène qui suscitera indirectement la création du mouvement sioniste) et la mauvaise foi de la droite nationaliste, catholique et revancharde, humiliée jusqu'à l'aveuglement par la défaite de 1870/71. Dreyfus sera réintegré dans l’armée après son acquittement en 1906. Le véritable coupable est le major Ferdinand Walsin-Esterhazy, couvert notamment par le général Boisdeffre, chef de l’Etat-Major, et par le général Mercier du Paty de Clam, ministre de la Guerre. Le premier procès de Dreyfus se tient du 19 au 22 décembre 1894, l’intervention retentissante et déterminante d’Emile Zola en sa faveur (« J’accuse ! ») date du 13 janvier 1898.
1898Dreyfus (FR) de Francis Doublier 
Etablissements Frères Lumière. ( ?)
1899L’Affaire Dreyfus (FR) de Georges Méliès 
Star-Film no 206-217, 11 tableaux de 20 m./249 m. (13 min.) – av. Georges Méliès (Maître Fernand Labori, l'avocat de Dreyfus).
La dictée du bordereau et l’arrestation, le jugement militaire, Dreyfus au bagne où il est attaché à son lit la nuit, le suicide du colonel Henry, le retour en France de Dreyfus par une nuit d’orage. « Actualités reconstituées » ouvertement dreyfusardes, filmées dans le studio de Montreuil pendant ou très peu après le procès en révision de Dreyfus (7 août-9 septembre 1899). Le premier film politique et judiciaire de l’histoire du cinéma. Un grand succès public, vente internationale. – Tableaux : 1. « La dictée du bordereau » – 2. « La dégradation » – 3. « A l’île du Diable » – 4. « Mise au fers de Dreyfus » – 5. « Suicide du colonel Henry » – 6. « Débarquement à Quiberon » – 7. « Entrevue de Dreyfus et de sa femme à Rennes » – 8. « Attentat contre maître Labori » – 9. « Bagarre entre journalistes » – 10. « Le conseil de Guerre en séance à Rennes » – 11. « Dreyfus allant du lycée de Rennes à la prison ».
1899L’Affaire Dreyfus (FR)
Pathé no. 516-523, 8 tableaux/155m. – av. Jean Liezer (Alfred Dreyfus). – Apprenant que son grand concurrent Méliès a filmé l’affaire Dreyfus, Charles Pathé fait exécuter dans ses studios à Vincennes un film similaire qu’il met en vente huit jours après celui de son rival. Tableaux : 1. « Arrestation, aveux du colonel Henry » – 2. « Au Mont Valérien : suicide du colonel Henry » – 3. « Dreyfus dans sa cellule à Rennes » – 4. « Entrée au Conseil de guerre » – 5. « Audience au conseil de Guerre » – 6. « Sortie du conseil de Guerre » – 7. « Prison militaire de Rennes, rue Duhamel » – 8. « Avenue de la gare, à Rennes ».
Dreyfus (Joseph Schildkraut) dégradé dans « The Life of Emile Zola » de William Dieterle (1937)
1899Amann, the Great Impersonator (GB)
British Mutoscope & Biograph Company (London), 1 min. - av. Ludwig Amann (Emile Zola/Alfred Dreyfus).
1899Dreyfus Receiving His Sentence (US)
American Mutoscope & Biograph no. 1231, 52 ft. – av. Bernard H. Paris (Alfred Dreyfus), Mr. Lafayette. – Tourné au New York City Studio de la Mutoscope.
1899The Trial of Captain Dreyfus at Rennes / The Dreyfus Case (US) de Sigmund Lubin
S. Lubin Mfg., 400 ft. – Probablement un remontage pirate du film de Pathé, cf. supra.
1908The Dreyfus Affair / Captain Dreyfus, or Devil’s Island (L’Affaire Dreyfus) (FR) de Lucien Nonguet et Ferdinand Zecca (supervision ?) 
Pathé no. 2237, 370 m./1213 ft. – Une nouvelle version de l’affaire destinée, semble-t-il, exclusivement au marché américain, et tournée dans le plus grand secret par Nonguet et Zecca.
1930* Dreyfus / Affäre Dreyfus (DE) de Richard Oswald 
R. Oswald Produktion GmbH Berlin-Südfilm AG Berlin, 116 min. – av. Fritz Kortner (Alfred Dreyfus), Grete Mosheim (Lucie Dreyfus), Erwin Kalser (Mathieu Dreyfus), Heinrich George (Emile Zola), Albert Bassermann (col. Georges Picquart), Oskar Homolka (major Ferdinand Walsin-Esterhazy), Paul Bildt (Georges Clemenceau), Fritz Kampers (Maître Labori), Ferdinand Bonn (gén. Mercier), Fritz Reiff (Jean Jaurès).
Une restitution rigoureuse, presque documentaire, quoique un peu théâtrale de l’affaire, interprétée par les meilleurs comédiens du cinéma allemand. Un film très courageux – un des derniers d’Oswald avant son exil forcé – , dénonçant l’antisémitisme, le militarisme et la corruption du pouvoir dans une Allemagne déjà sérieusement gangrénée par Adolf Hitler (le film obtient la mention officielle « Künstlerisch volksbildend », de valeur éducative et artistique). Juifs, Oswald, Fritz Kortner et Oscar Homolka se réfugient aux États-Unis. Ironie du sort : le « J’accuse ! » de Zola est magistralement rendu par Heinrich George, un ancien communiste qui deviendra un des pontes du cinéma nazi. Tournage aux ateliers Ufa à Berlin-Tempelhof. Une version anglaise pour British International Pictures (1930) ne se concrétisera pas, et le film ne sera pas distribué en dehors des pays germanophones. Officiellement interdit en France « par crainte d’émeutes ».
1931Dreyfus / US : The Dreyfus Case (GB) de Friedrich Wilhelm Kraemer et Milton Rosmer 
British International Pictures, 90 min. – av. Cedric Hardwicke (Alfred Dreyfus), Charles Carson (col. Georges Picquart), George Merritt (Emile Zola), Sam Livesey (Maître Labori), Beatrix Thompson (Lucie Dreyfus), Garry Marsh (maj. Ferdinand Walsin-Esterhazy), Leonard Shephard (George Clemenceau), Arthur Hardy (gén. Mercier).
Adaptation d'une pièce de l'auteur dramatique berlinois Hans J. Rehfisch (avec la collaboration de Wilhelm Herzog) centrée sur le procès d'Émile Zola, "The Dreyfus Affair" (1929), pièce que Rehfisch sortit à la Berliner Volksbühne sous le pseudonyme de René Kestner. Juif, passagèrement inquiété par la Gestapo, Rehfisch put s'enfuir à Londres via Vienne.
Zola (Paul Muni) prend la défense de Dreyfus (« The Life of Emile Zola » de William Dieterle, 1937)
1937** The Life of Emile Zola (La Vie d’Emile Zola) (US) de William Dieterle 
Henry Blanke/Warner Bros., 116 min. – av. Paul Muni (Emile Zola), Gale Sondergaard (Lucie Dreyfus), Joseph Schildkraut (Alfred Dreyfus), Gloria Holden (Alexandrine Zola), Donald Crisp (Me Labori), Louis Calhern (maj. Dort), Henry Davenport (maj. Boisdeffre), Robert Warwick (maj. Henry), Gilbert Emery (gén. Mercier), Paul Everton (gén. Gonse), Frank Mayo (Mathieu Dreyfus), Dickie Moore (Pierre Dreyfus), Rolla Gurvitch (Jeanne Dreyfus), John Litel (Charpentier, éditeur), Henry O’Neill (Picquart), Morris Carnovsky (Anatole France), Robert Barrat (maj. Walsin-Esterhazy), Vladimir Sokoloff (Paul Cézanne), Grant Mitchell (Georges Clemenceau).
Le film traite la période de 1862 à 1902, des premiers succès de l’écrivain avec « Nana » à sa mort accidentelle, mais s’attache pour sa plus grande partie à l’affaire Dreyfus. Le Code Hays interdisant l’utilisation du mot « juif » plus de trois fois par film (par crainte de réveiller de vieux démons racistes), la Warner doit retirer deux passages relatifs à l’antisémitisme. Du cinéma solennel, daté, avec Paul Muni qui a tendance à surjouer, mais qui conserve toute sa force dénonciatrice : la reconstitution du procès ignoble (une première pour le cinéma américain) avec sa cascade d’irrégularités, le cynisme du pouvoir, la parodie de justice finissent par balayer les objections. Il s’agit de sensibiliser le public américain à ce qui se trame en Europe en 1937 : l’Allemand naturalisé américain William (Wilhelm) Dieterle - qui n'est pas juif, mais résolument antifasciste et a gagné Hollywood en 1930 déjà - dirige intentionnellement son propos contre la politique raciste du Troisième Reich et le lobby belliciste, restitue la manipulation de et par la presse, l’hystérie des foules, les brimades antidémocratiques, etc. Tournage à Burbank et à Goff Island, Laguna Beach, Calif.
Un triomphe critique (« un des films les plus adultes que Hollywood ait produit », dit la presse anglo-saxonne) et aussi public aux États-Unis, récompensé de trois Oscars 1938 (dix nominations) : meilleur film, scénario et Joseph Schildkraut. New York Film Critics Award. Le film est interdit en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Pologne, au Canada, mutilé en Grèce. Annoncé au festival de Venise, le film est retiré de la compétition après une démarche officielle du gouvernement Daladier. Considéré comme "insultant pour l'armée française", il sera également victime d’une totale interdiction en France jusqu’en 1952 (bénéficiant d'une "autorisation exceptionnelle", il est alors montré dans une version amputée de 27 minutes) ; la première et unique diffusion en version intégrale dans l’Hexagone n’aura lieu que le 9 janvier 1977 à la télévision (« Cinéma de minuit » sur FR3, merci Patrick Brion). Le projet d’un film américain sur Dreyfus remonte à 1930, quand la Paramount proposa « *The Zola Trial » à S. M. Eisenstein, alors en visite à Hollywood. Ne pouvant faire passer ses propres idées à ce sujet, le cinéaste soviétique s’en désintéressa. En mai 1937, après la sortie de son film, Dieterle est officiellement invité en Union soviétique pour y rencontrer Eisenstein et Poudovkine, séjour qui lui vaudra de sérieux ennuis avec le House Un-American Activities Committee (HUAC) de J. Parnell Thomas et Joseph McCarthy après la guerre et, malgré son passeport américain, le forcera à retourner en Allemagne en 1956.
José Ferrer dans son « I Accuse ! » (1958)
Thierry Frémont dans « L’affaire Dreyfus » (tv, 1995)
1953(tv) The Dreyfus Case (October 15, 1894-1906) (US) de Sidney Lumet 
série « You Are There » No. 18 (CBS 31.5.53), 30 min. – Un reporter donne ses aperçus sur l’affaire, vue par le cinéaste-téléaste progressiste Sidney Lumet.
1955® (tv) The Life of Emile Zola (US) de Buzz Kulik ; « Lux Video Theatre » (NBC 10.3.55). – av. Lee J. Cobb (Emile Zola), Joy Paige (Lucie Dreyfus), Robert Warwick (chef d’Etat-Major), Paul Richards (Esterhazy), Dayton Lummis (col. Georges Picquart), Lawrence Ryle (major Hubert Joseph Henry). – cf. Emile Zola (9.1).
1956(tv) The Man Who Hated Dreyfus (FR) de William Berke
série "I Spy", Edward J. Montagne/Rean Productions-Guild Films (Syndicated TV), 30 min. - av. Bernard Lenrow (Dreyfus), Frederic Tozere (Henry), Theo Goetz (Schwartzenkoppen), Bram Nossen (Esterhazy), Steve Gethers (Picquart), Sanford Seeger (Brucker), George Rome (Turnkey), Maria Reid (Mme Bastian), Raymond Massey (Anton the Spymaster, l'hôte).
1958I Accuse ! / Captain Dreyfus (L’Affaire Dreyfus) (GB) de José Ferrer 
Sam Zimbalist/Metro-Goldwyn-Mayer British, 99 min. – av. José Ferrer (Alfred Dreyfus), Anton Walbrook (maj. Ferdinand Walsin-Esterhazy), Leo Genn (col. Georges Picquart), Emlyn Williams (Emile Zola), David Farrar (Mathieu Dreyfus), Donald Wolfit (gén. Mercier), Herbert Lom (maj. Du Paty de Clam), Viveca Lindfors (Lucie Dreyfus), Harry Andrews (maj. Hubert Joseph Henry), Peter Illing (Georges Clemenceau), George Coulouris (col. Sandherr), Malcolm Keen (Emile Loubet, président de la République).
Une belle prestation de José Ferrer (qui fut une des cibles de la « chasse aux sorcières » maccarthyste et sait donc de quoi il parle), sur un scénario virulent de Gore Vidal. Tourné en CinemaScope noir et blanc aux MGM British Studios de Borehamwood et en extérieurs en Belgique (la France ayant refusé d'accueillir les cinéastes). Le film est un échec public, avec une perte de 1,4 millions de dollars.
1959(tv) Affäre Dreyfus (DE) de Hanns Farenburg 
NWRV Hamburg (ARD 20.8.59), 151 min. – av. Albrecht Schoenhals (Alfred Dreyfus), Gerhard Ritter (gén. de Boisdeffre), Herbert Hübner (gén. de Pellieux), Robert Meyn (col. Henry), Konrad Wagner (lieut.col. du Paty de Clam), Ruth Hausmeister (Lucie Dreyfus), Hans Hinrich (Emile Zola), Werner Hessenland (Mathieu Dreyfus), Ursula Lingen (Blanche Monnier), Dieter Borsche (col. Georges Picquart), Hans Hessling (Jean Jaurès), Konrad Mayerhoff (Georges Clemenceau), Richard Häussler (major Ferdinand Walsin-Esterhazy). - La pièce de Wilhelm Herzog et Hans Rehfisch portée à l'écran en 1931.
1960Ime athoos [Je suis innocent] (GR) de Dinos Katsouridis
Klearchos Konitsiotis-Finos Films, 89 min. – av. Alekos Alexandrakis (Alfred Dreyfus), Dimitris Myrat (Emile Zola), Voula Zoumboulaki, Lambros Konstandaras, Yiannis Argyris, Byron Pallis. - Un scénario du compositeur et auteur dramatique grec Manolis Skouloudis.
1965[L’Affaire Dreyfus (FR) de Jean Vigne, court métrage. – Documentaire.]
1966(tv) Devil’s Island (US) de Jerry Hopper 
« The Time Tunnel », Irwin Allen-20th Century Fox (ABC 11.11.66), 50 min. – av. Ted Roter (Alfred Dreyfus), Marcel Hillaire, Theo Marcuse, Oscar Beregi Jr., Steven Geray. [voyage dans le temps]
1968(tv) L’affare Dreyfus / Il caso Dreyfus (IT) de Leondro Castellani 
série « I giorni della storia » (RAI1 17.+19.11.68), 2 parties, 180 min. – av. Vincenzo De Toma (Alfred Dreyfus), Vittorio Sanipoli (gén. Georges-Gabriel Pellieux), Gianni Santuccio (Émile Zola), Tino Bianchi (le ministre Hanotaux), Ennio Balbo (cdt. Hubert Henry), Luigi Montini (lieut.col. Marie-Georges Picquart), Luigi Caselato (le major Du Paty), Leonardo Severini (Schwartzkoppen), Alessandro Sperli (l'avocat Fernand Labori), Carlo Cataneo (le colonel Ferdinand Walsin Esterhazy), Manlio Busoni (Auguste Mercier), Consalvo Dell'Arti (Dupuy), Mario Valgoi (le procureur général), Carlo Castellani (l'huissier), Vittorio Duse (le chancelier), Manlio Guardabassi (l'accusateur).
1968(tv) Affäre Dreyfus (DE) de Franz Josef Wild 
Zweites Deutsches Fernsehen, Mainz (ZDF 8.+13.+15.11.68), 3 x 90 min. – av. Karl Michael Vogler (Alfred Dreyfus), Hartmut Reck (col. Georges Picquart), Romuald Peckny (major Ferdinand Walsin-Esterhazy), Siegfried Wischnewski (gén. Mercier), Alexander Kerstl (gén. de Boisdeffre), Bernhard Wicki (Emile Zola), Dietmar Schönherr (Maître Labori), Wolfgang Büttner (Jean Jaurès), Richard Münch (Georges Clemenceau), Ursula Lingen (Lucie Dreyfus), Werner Schumacher (major Henry), Hubert Suschka (major du Paty de Clam). – D’après un scénario de Maria Matry et Answald Krüger, en couleurs.
1974[Dreyfus ou l’intolérable vérité (FR) de Jean A. Cherasse. – Documentaire.]
1978** (tv) Emile Zola ou la Conscience humaine (FR) de Stellio Lorenzi
(A2 29.4.+4.5.+6.5.+11.5.78), 4 x 155 min. – av. Jean Topart (Emile Zola), Dominique Davray (Alexandrine Zola), Pierre Vernier (col. Georges Picquart), Roger Montsorel (Alfred Dreyfus), Jacques Lalande (Du Paty de Clam), Roland Menard (Alphonse Daudet), Paul Barge (Léon Daudet), Yvon Sarray (gén. Mercier), François Chaumette (Maître Labori), André Valmy (Georges Clemenceau), François Maistre (Anatole France), William Sabatier (Jean Jaurès), Charles Millot (maj. Ferdinand Walsin-Esterhazy).
A l'instar de William Dieterle en 1937 aux Ètats-Unis, l'éternel troublion de l'ORTF Stellio Lorenzi (proche du PCF et responsable de la célèbre série de "La Caméra explore le temps" étouffée par De Gaulle) s'attaque à l'affaire Dreyfus par le biais d'Emile Zola, caution littéraire s'il en faut. Parler des combats sociopolitiques de l'auteur de L'Assommoir semble être l'unique possibilité, semble-t-il, dans l'Hexagone, d'aborder ce sujet brûlant. De la télévision instructive et utile. Le feuilleton illustre le ses sept dernières années de la vie de l'écrivain qui va prendre partie pour Dreyfus et qui, dans le même temps, traverse une crise sentimentale, parté entre sa femme et sa maîtresse. Le feuilleton privilégie la thèse de l'assassinat pour expliquer la mort de Zola.
1980® (tv) La Faute de Monsieur Bertillon (FR) d’Alain Dhénaut. – av. Alain Mottet (Alphonse Bertillon), Philippe Laudenbach (col. Georges Picquart), François Perrot (Maître Labori), Jean Bollery (cpt. Alfred Dreyfus). – Succès et limites de l’anthropométrie de Bertillon, système d’identification judiciaire ayant « démontré » la culpabilité du capitaine Dreyfus – cf. biographies science
1991Prisoners of Honor (Une affaire d’honneur) (GB) de Ken Russell 
Etude, 84 min. – av. Richard Dreyfuss (col. Georges Picquart), Oliver Reed (gén. Boisdeffre), Peter Firth (maj. Hubert Joseph Henry), Martin Friend (Emile Zola), Jeremy Kemp (gén. de Pelifaux), Kenneth Colley (Alfred Dreyfus), Lindsay Anderson (ministre), Brian Blessed (gén. Glonse), Peter Vaughan (gén. Mercier). - Un film qui adopte le point de vue du colonel Picquart, comme Polanski en 2019.
1991(tv) Can the Jew Be Innocent? (GB) de Sam Mendes
série "In My Defense", Bill Shepherd/Oyster Television-BBCtv (BBC2 30.6.91), 30 min. - av. Derek Jacobi (Emile Zola). - Emile Zola défend Alfred Dreyfus devant le tribunal (script de Jack Emery).
1994(tv) Rage et Outrage / Rage and Outrage: The Dreyfus Affair (CA/FR/GB) de Raoul Sangla
(Arte/Channel Four 18.5.95). - av. Jean-Marc Bory (Emile Zola), Lambert Wilson (Edouard Drumont), Ute Lemper (la chanteuse). - Pièce musicale d'après la trilogie The Dreyfus Affair de l'Anglais George R. Whyte, auteur dramatique et compositeur d'opéras et de ballets. Direction musicale de Diego Masson.
1995*** (tv) L’Affaire Dreyfus (FR/IT/BE/CZ) d’Yves Boisset 
Dominique Ambiel, Philippe Cottereau/Anabase Production-Arte-France 2-RAI-RTBF-SFP-Ceská Televize (Arte 18.+19.5.95), 104+100 min. – av. Pierre Arditi (maj. Ferdinand Walsin-Esterhazy), Gérard Desarthe (Du Paty de Clam), Christian Brendel (col. Georges Picquart), Thierry Frémont (Alfred Dreyfus), Philippe Volter (Mathieu Dreyfus), Georges Wilson (de Boisdeffre), Laura Morante (Lucie Dreyfus), Bernard-Pierre Donnadieu (Henry), Rita Brantalou (Edouard Drumont), Jean-Claude Drouot (Emile Zola), Daniel Mesguich (Léon Blum), Mathieu Demy (Marcel Proust), Petr Popelka (Théodore Herzl).
Un scénario remarquable de Jorge Semprun d'après le livre incontournable de Jean-Denis Bredin. Le cinéaste Yves Boisset, qui n'a jamais eu froid aux yeux (l'affaire Ben Barka dans "L'Attentat", 1972, la guerre d'Algérie dans "R.A.S:", 1973, le racisme dans "Dupont Lajoie", 1974, etc.) s'y attaque en dépit de l'hostilité déclarée de l'armée française à toute évocation cinématographique du cas. Le ministère de la Défense multiplie les pressions pour faire capoter le projet, et seul le soutien musclé du ministre François Léotard (frère du comédien Philippe) permet à Boisset de filmer à l'École militaire, à l'Assemblée nationale, au mont Valérien et aux Invalides à Paris; les autres extérieurs sont tournés à Prague, dans la citadelle de Terezin (l'ancien camp de concentration de Theresienstadt!) et au large d'Hammamet, en Tunisie, pour l'île du Diable. Un excellent téléfilm, efficace, clair, détaillé et passionnant de bout en bout, primé à Sydney, Monte-Carlo, etc. Du cinéma engagé comme sait le faire Boisset, destiné - ou plutôt confiné - ici au petit écran (le film sera diffusé en RFA, en Pologne et en Hongrie). Depuis Méliès, on attend toujours une version de l'Affaire produite en France pour les salles de cinéma (André Cayatte et Costa-Gavras l'ont tenté en vain). Un peu de courage, citoyens!
2011* (tv) Drumont, histoire d'un antisémite français (FR) d'Emmanuel Bourdieu
Jacques Kirsner/France 2 (FR2 19.3.13), 90 min. - av. Denis Podalydès (Edouard Drumont), Thibault Vinçon (Bernard Lazare), Eric Ruf (Gustave Mery), Thibault de Montelembert (Alphonse Daudet), Jérôme Kircher (Emile Zola), Jacques Bonnaffé (Edmond de Goncourt), Valérie Dashwood (India), Scali Delpeyrat (Joseph Reinach), Manuel Le Lièvre (Georges Duval), Caroline Piette (Julia Daudet).
Théoricien de "La France juive" (son best-seller de 1886), calomniateur illuminé, poète raté devenu journaliste, pamphlétaire et député enragé, Edouard Drumond (1844-1917), surnommé l'"ogre" de la IIIe République était un antisémite mystique soutenu par Alphonse Daudet et les frères Goncourt. Drumont joua un rôle majeur dans la propagation en France de la pensée raciste et xénophobe à la fin du XIXe siècle.
Ce biopic télévisuel qui ne manque pas d'audace en illustrant la folie antisémite qui s'empare de l'Hexagone, notamment lors de l'affaire Dreyfus (dans sa deuxième partie), a eu de la peine à obtenir une diffusion en prime time, accordée in extremis (après un bras de fer entre Podalydès et France 2) deux ans après sa réalisation. Ne serait-ce que pour cette initiative, le film mérite quelque attention - en on lui pardonnera volontiers la maladresse de certaines reconstitutions. Le récit explique en quoi l'antisémitisme était un courant de pensée fermement établi en France, soutenu par l'Église catholique (à travers le père Stanislas du Lac, un jésuite influent): la haine des juifs était un moyen efficace d'unir ses fidèles contre un ennemi commun, en l'occurrence le gouvernement républicain qui tentait de limiter l'étendue de son pouvoir.
2019*** J'accuse / L'ufficiale e la spia / An Officer and a Spy (FR/IT) de Roman Polanski
Alain Goldman/Légende Films-RP Production-Gaumont-France 2 Cinéma-France 3 Cinéma-Eliseo Cinema, 132 min. - av. Jean-Dujardin (lieut.col. Marie-Georges Picquart), Louis Garrel (cpt. Alfred Dreyfus), Emmanuelle Seigner (Pauline Monnier), Grégory Gadebois (cdt. Hubert Henry), Hervé Pierre (gén. Charles-Arthur Gonse), Melvil Poupaud (Fernand Labori), André Marcon (Émile Zola), Mathieu Amalric (Albert Bertillon), Vincent Perez (Maître Leblois). Gérard Chailloud (Georges Clémenceau).
Le point de vue et l'action décisive du colonel Picquart (1854-1914). Personnage peu sympathique, opportuniste, ouvertement antisémite et antidreyfusard, mais animé par le sens du devoir, il n'a de cesse de faire triompher la vérité, non par sympathie pour l'accusé, mais par le désir de rendre justice à un innocent et, surtout, de protéger l'image de l'armée (sachant que l'erreur judiciaire finirait par être reconnue). Ayant découvert que le document qui mettait en cause Dreyfus était un faux, fabriqué pour faire accuser le capitaine, il informe sa hiérarchie qui tente d'étouffer l'affaire. Pour éviter le scandale, l'état-major l'écarte, puis le met en prison pendant plusieurs mois. Il sera relâché après le suicide du commandant Henry; la présence d'un militaire de métier issu d'une vieille famille catholique parmi les dreyfusards générera des adhésions importantes en haut lieu (Picquart sera par la suite nommé ministre de la Guerre).
Pour Polanski, qui dans son enfance était parvenu à s'évader du ghetto de Varsovie tandis que sa famille finissait dans les chambres à gaz, ce projet était capital et sa mise sur pied demanda sept ans de travail, notamment au co-scénariste britannique Robert Harris (déjà scénariste de "The Ghost Writer"). Également producteur et scénariste, Polanski réussit un film visuellement splendide, haletant, fouillé, frappant d'authenticité et particulièrement soigné (avec un Dujardin remarquable) qui récolte à juste titre le Lion d'or à Venise suivi d'onze nominations aux César, enfin trois César pour la meilleure réalisation, l'adaptation et les costumes. Certes, Picquart n'était pas le justicier sans peur et sans reproche que semble dépeindre le script et les lignes de fracture autour du procès de Dreyfus et de Zola étaient bien plus complexes. Certes, le cinéaste y a projeté une part du harcèlement dont lui-même se sent victime, quoique ce sentiment de paranoïa traverse une bonne partie de son oeuvre. En raison des accusations de pédocriminalité dont Polanski est la cible, "J'accuse" a été décrié par les mouvements féministes, entraînant quelques déprogrammations à Paris. Mais à un moment où l'antisémitisme refait surface dans l'Hexagone, on ne peut que se féliciter de la réussite - et du succès public (plus d'un million de spectateurs) - d'un film aussi fort que nécessaire.