I - LA FRANCE

8. LE DIRECTOIRE (1795 à 1799)

Le général Caffarelli (Michel Piccoli) accompagne Bonaparte (Patrice Chéreau) en Egypte
 Adieu Bonaparte » de Youssef Chahine, 1984).

8.8. L'expédition d'Égypte de Bonaparte

Dans le but d’infliger un sérieux revers à la Grande-Bretagne qui s’obstine à maintenir les hostilités contre la France révolutionnaire, Bonaparte décide de s’emparer de l’Égypte et de l’Orient. Son expédition militaire et doublée d’une expédition scientifique comportant 167 historiens, ingénieurs, botanistes et dessinateurs chargés d’étudier la civilisation pharaonique et percer le canal de Suez. Le corps expéditionnaire part de Toulon le 19 mai 1798, débarque à Alexandrie et entre au Caire le 23 juillet après la défaite des Mamelouks à Imbaba, devant les Pyramides. Entre-temps, l’amiral Horatio Nelson parvient à détruire la flotte française dans la rade d’Aboukir (1 er août) ; la Royal Navy prend ainsi le contrôle de la Méditerranée, empêchant dèsormais toute arrivée de renforts français. En octobre, Bonaparte écrase dans le sang une révolte populaire au Caire, puis organise une expédition ravageuse contre les Ottomans en Syrie ; elle prend fin devant Saint-Jean-d’Acre, dont le siège est interrompu par une épidémie de peste. Le 23 août 1799, alerté par les victoires austro-russes en Haute-Italie, Bonaparte quitte secrètement l’Égypte pour Paris, laissant le commandement de son armée au général Jean-Baptiste Kléber. Celui-ci est assassiné peu après et une nouvelle offensive turco-britannique pousse le corps expéditionnaire français à la capitulation le 31 août 1801. L’armée française est rapatriée par des vaisseaux anglais. Quant à Bonaparte, il soigne son image de « libérateur d’Égypte » par une propagande appuyée. Auréolé de prestige, il s’impose Premier Consul lors du coup d’État du 18 brumaire (novembre 1799).
1897Assassinat de Kléber (FR) de Georges Hatot ; Etablissements Frères Lumière (série « Vues historiques et scènes reconstituées »), catalogue no. 746, 15 m. (40 sec.) – Le 14 juin 1800, le général Jean-Baptiste Kléber, successeur de Bonaparte en Egypte, est assassiné par un mamelouk alors qu’il se promène dans son jardin au Caire. Un tableau photographié par Alexandre Promio à Paris en septembre 1897, devant un décor de Marcel Jambon.
1910Il caporale Durand (Le Caporal Durand) (IT) Cinès, Roma, 215 m. – Blessé et capturé par les Arabes, le caporal Durand s’enfuit et rentre en France où son épouse a refait sa vie.
1912L‘Anneau fatal (FR) de Louis Feuillade ; Films Gaumont, 907 m. – av. Jean Ayme (gén. Napoléon Bonaparte), René Navarre, Renée Carl, Max Darthigny. – Premier épisode du feuilleton : en Égypte, Bonaparte trouve dans un sarcophage un anneau qui porte malheur. Rentré en France, il en fait cadeau et une catastrophe s’ensuit.
1956(tv) Green Coat (US) de William Berke ; série « I Spy » (épis. 20), Edward J. Montagne/Rean Productions-Guild Films (Syndicated TV), 30 min. – av. Felix Deebank (John Barnett), Frank London (gén. Napoléon Bonaparte), Peter Pagen (Colin), Fred Eisley (Fournes), Lisa Howard (Pauline), Douglas Rutherford (Duprès), Raymond Massey (Anton the Spymaker, l’hôte). – En 1798, Barnett, un espion britannique, est envoyé au Caire pour surveiller Bonaparte.
1959Mameluk / Mamluqi (SU) de David Rondeli ; Grouzia Film-Qartuli Pilmi, Tbilissi, 98 min. – av. Otar Koberidzé (Mahmud-Bey, chef des mamelouks de Mourad-Bey), Liya Eliava (Zeinabi), Verico Andjaparidzé (Rodami), Zurab Laperdazé (Ali-Husseini), M. Londaridzé (Tsira), Dato Danelia (Khvitcha), Valiko Djodjua (Gocha), Akaki Khorawa (Ali-Bey), Giorgi Shavgulidzé (Aslan-Bey), Tariel Sakavarelidzé (gén. Napoléon Bonaparte). – En Georgie, deux inséparables amis d’enfance, les bergers Gocha et Khvitcha, sont enlevés par les Turcs et vendus en esclavage. Le premier échoue en Égypte, le second à Venise. Le destin les fait se rencontrer et croiser le fer trente ans plus tard, en juillet 1798 à Embabech, au pied des Pyramides, où la bataille fait rage entre les troupes de Bonaparte et celles du bey d’Égypte, Mourad-Bey. Khvitcha est devenu Mahmud-Bey, chef des mamelouks, tandis que Gotcha sert comme officier dans l’armée française. Mahmud-Bey reconnaît ce dernier à sa plainte en géorgien (« Vai, nana ! » – « Oh, maman ! »), à l’instant où il le tue d’un coup de sabre. Soldat blanchi dans les batailles, il sanglote sur le corps de son ami, esclave comme lui, mercenaire comme lui… Tourné en Sovcolor dans les studios de Tbilisi (Georgie) d’après une nouvelle d’Uiarago.
Bonaparte écrase l’insurrection de la population au Caire (« Adieu Bonaparte » de Youssef Chahine, 1984).
1977(tv) Bonaparte au Moyen-Orient (FR) de Guillaume Silberfeld et Chafir Chamaya (A2 30.8.77). –Documentaire agrémenté de scènes de fiction : Chamaya, téléaste égyptien, reconstitue avec une troupe de comédiens du Caire l’accueil que la population réserva à l’expédition française.
1978(tv) Das Lamm des Armen [Un caprice de Bonaparte] (DE) d’Oswald Döpke (ZDF 27.2.78), 99 min. – av. Horst Frank (ltn. François Fourès), Angelika Bender (Pauline Fourès, appelée Bellilotte), Wolf Roth (gén. Napoléon Bonaparte), Rolf Becker (Louis Alexandre Berthier, chef d’état-major), Günter Strack (gén. Dupuy), Hans Häckermann (Joseph Fouché), Elisabeth Goebel, Günther Ungeheuer, Wolfgang Weiser. – Téléfilm d’après la tragicomédie en trois actes de Stefan Zweig (« Un caprice de Bonaparte »), parue en 1929. Pendant la campagne d’Egypte en 1798, le général Bonaparte désire la femme d’un de ses jeunes lieutenants, François Fourès. Ce dernier fera vainement appel à la justice pour obtenir réparation. La pièce, peu connue et passablement amère (le titre original est « La brebis du pauvre »), dénonce l’arbitraire et l’abus de pouvoir des puissants. Zweig en a eu l’idée lors de ses recherches pour sa biographie de Joseph Fouché. La première théâtrale eut lieu à Breslau en 1930 avec Raoul Aslan (Napoléon), Ewald Balser (Fourès) et Hilde Wagener (Bellilotte).
1983(tv) Holt irások titkai [Les Secrets des écrits morts] (HU) d’Ilona Katkics ; série « Fürkész történetei [Les récits de Fürkész] », Magyar Televizió, 31 min. – av. István Mikó (gén. Napoléon Bonaparte), Gyula Benkö / Peter Benkö (Jacques Champollion), Dezsö Straub (Fürkész), Judit Czigány, János Dóczy, Glória Geszty, István Imre, József Kutas, Levente Moravetz. – Les découvertes des archéologues français lors de la campagne d’Égypte (série éducative).
1984**Adieu Bonaparte / Al-widâ yâ Bounapart (FR/EG) de Youssef Chahine ; Humbert Balsan/Misr International-Lyrics Int.-TF1-Renn Productions, 115 min. – av. Michel Piccoli (gén. Louis-Marie-Joseph-Maximilien Caffarelli du Falga, 1756-1799), Patrice Chéreau (gén. Napoléon Bonaparte), Christian Patey (Horace Say), Mohsen Mohieddine, Mohsena Tewfik, Jean-Pierre Mahot (Nicholas-Jacques Conté), Jacques Elissa (Gaspard Monge), Alain Monteil (Bourrienne), Claude Labertit (gén. Desaix), Bernard Fourage (gén. Berthier), Humbert Balsan (gén. Dupuis), Antoine Jouvain (gén. Bon), Yves Demestier (gén. Menou). - Partagé entre la fascination pour l’approche généreuse des Lumières et la répulsion pour la force brutale qui l’accompagne, Chahine nous fait découvrir le débarquement de Bonaparte à travers les yeux d’une famille de boulanger d’Alexandrie. Produit avec l’aide du ministère français de la Culture (le budget s’élève à 2’400’000 $), « Adieu Bonaparte » est filmé sur place à Alexandrie, au Caire (studios Galal à Koubbeh), au Fayoum, au fort d’Aïn-el-Sira et près du lac Qarûn, pendant douze semaines à partir de juin 1984 ; 750 soldats de l’armée régulière et des Français du Caire participent aux reconstitutions de la bataille des Pyramides à Imbaba, de l’insurrection du Caire, du bombardement d’Al-Azhar et du désastre à Saint-Jean-d’Acre. Présenté en compétition à Cannes 1985, le film, objet de malentendus, déconcerte le public et choque l’orgueil national par sa vision lucide, mais peu flatteuse du nouveau protecteur contre la domination ottomane venu d’Occident (« Français et Mamelouks, les deux nous suceront comme des sangsues », remarque, nullement dupe, la femme du boulanger). Napoléon est campé par Patrice Chéreau, le surdoué du théâtre français que Chahine a choisi pour son regard inquiétant d’intelligence : son général est un despote nerveux et roublard, dépourvu d’humour, brûlé à la fois d’ambition et de génie, bravant le ridicule et se donnant en spectacle (costumé en cheik ou s’efforçant de danser avec les derviches). Un scribouillard est chargé de lui préparer les mots historiques qu’il placera au bon moment (« du haut de ces pyramides, quarante siècles vous contemplent... ») : le Bonaparte de Chahine, propagandiste-né, sait utiliser les médias. À ce chef d’armée passionné et odieusement calculateur, le cinéaste oppose un héros claudiquant, le général du génie Caffarelli (Piccoli avec une jambe de bois), un homme de science, un utopiste humaniste qui refuse les poses héroïques, préférant la construction des moulins à celle des fortifications. Le film se veut une dissertation sur l’amour, notamment celui de Caffarelli qui tente d’approcher et mieux comprendre le peuple égyptien. Si Chahine ne maîtrise pas tout à fait sa fresque (les scènes pittoresques qu’il tire des péripéties historiques sont parfois agencées un peu confusément), ce défaut est largement compensé par la splendeur des images, l‘invention de la mise en scène et la générosité du propos. (Un autre film égyptien illustrant la campagne de 1798 a été annoncé pour la saison 1963/64 sous le titre de *« Qâher Napoleon » [=Napoléon le conquérant], mais il est vraisemblablement resté à l’état de projet.)
1998(tv) L’Aigle et le Sphinx (FR) de Jacques Barsaq, Mahmoud Hussein ; FR3-MFP-Aya-La Cinq (FR3 18.12.98), 55 min. – Docu-fiction av. animations : l’expédition d’Egypte, un fiasco militaire mais une réussite culturelle.
1998*Passion in the Desert / Simoom : A Passion in the Desert (US) de Lavinia Currier ; Roland Film-Fine Line Features, 91 min. – av. Michel Piccoli (Jean-Michel de Venture de Paradis), Ben Daniels (Augustin Robert), Paul Meston (le grognard), Kenneth Collrad (l’officier), Nadia Odeh (la fiancée bédouine), Mohammed Ali (le guérisseur), Auda Mohammed Badoul (le jeune berger), James Peck, Nicolas Sagalle, Abdul Latif Salazar (des soldats français). – Augustin Robert, un jeune officier, reçoit l’ordre de retrouver dans le désert l’eccentrique orientaliste Jean-Michel de Venture de Paradis (1739-1799), chargé par Bonaparte d’établir l’inventaire des monuments historiques égyptiens que l’armée a endommagés. Accompagné d’un petit détachement, il finit par le localiser mais les Français sont attaqués par des bédouins, puis surpris par une tempête de sable et se perdent dans les dunes. Seul, tiraillé par la soif, Venture de Paradis se suicide, tandis qu’Augustin aboutit dans une cité en ruine où il tombe sur un léopard femelle qu’il baptise Simoum et qui s’attache à lui. Une étrange relation, proche de l’amour, naît entre les deux, mais lorsque des soldats français partis à sa recherche s’approchent, le fauve l’agresse et il est contraint de le tuer. Fou de douleur, il disparaît dans le désert. – Un récit bizarre tiré de la nouvelle « Une passion dans le désert » d’Honoré de Balzac (1830), tourné à Moab (Utah) et dans les ruines de Petra et les sables de Wadi Rum, en Jordanie. Un tournage tendu, le léopard étant un fauve imprévisible et capricieux qu’il faut filmer à son insu, depuis une cage recouverte de toile, tandis que Ben Daniels, le comédien, risque sa vie à tout instant. Prix spécial du National Board of Review 1998, la réalisatrice est nominée à la Coquille d’or au festival de San Sebastian 1997.
1999(tv) Napoleon’s Lost Fleet (CA) de Christopher Rowley ; série « Undersea Treasures », Jane Armstrong, Christopher Rowley/CineNova Productions Inc. (Discovery Channel), 50 min. – av. SCOTT McCULLOCH (Napoléon), Laughlan Currie et John O’Leary (marins), Yuval David. – Docu-fiction sur Napoléon, Nelson et la bataille d’Aboukir (dite bataille du Nil), où la flotte française de l’amiral Brueys, embossée dans la rade, est annihilée par les 740 canons des vaisseaux de guerre anglais.
2003(tv) Sur les traces des pharaons (FR) de Franck Chaudemanche ; série « Quelle aventure ! » (FR3 9.2.03), 52 min. – av. Frédéric Courant. – Docu-fiction : avec Dominique Vivant Denon et Champollion sur les traces de Bonaparte en Egypte.
2005® (tv) Egypt – 5. The Mystery of the Rosetta Stone (GB/US/DE/FR) de Ferdinand Fairfax. – av. Hugh Ross (l’orientaliste Antoine-Isaac Silvestre de Sacy), Mahmoud Sabit (gén. John Hely-Hutchinson), Ikram Zalat (gén. Jacques-François de Menou). – Le 15 juillet 1799, lors de la construction de Fort Julien près de la ville de Rashid (Rosetta), dans le Delta du Nil, le capitaine Pierre-François Bouchard annonce au général Jean-François de Menou (1750-1810) la découverte d’un fragment de stèle gravée, baptisée « pierre de Rosette ». Après le départ de Bonaparte et l’assassinat de Kléber, Menou reprend le commandement des troupes de l’armée d’Egypte, épouse une Egyptienne, se convertit à l’islam et rentre en France en 1801. Les Anglais du général Hely-Hutchinson récupèrent la Rosette après la reddition d’Alexandrie, mais les Français en ont conservé une copie. Les inscriptions sur ce morceau de granit comportent un même texte en grec, en démotique et en hiéroglyphes, clé idéale pour déchiffrer ces derniers, ce que fera le linguiste Jean-François Champollion en 1822. Docu-fiction passionnant sur les progrès de l’égyptologie tourné à Assouan, Le Caire, Louxor et dans le désert de Sinaï. Cf. XIX e s. : France (9.5) et Angleterre (6.1).
2012(tv) Napoleon wal Mahrousa [Napoléon et l’Egypte] (EG/SY) de Chawki Al-Majri, [dir. art. : Bassam Petra] ; Ebla International Productions (Kuwait)-Rotana Audio & Visual-ART (Rotana Kalijia-Rotana Masreya-LBC 20.7.12 [Ramadan]), 30 x 35 min. – av. Laïla Oulwi (Nafisa la Blanche, dite Oum Al-Mamalik), Sherif Salama (Ali), GRÉGOIRE COLIN (gén. Napoléon Bonaparte), Xavier Auclair (Givel), Sameh El-Sereety (Sheikh Mustafa), Bahaa Tharwat (Hassan), Sabri Abdel Moneim (Haj Mansour), Ahmed Maher (Abdullah Cherkaoui, cheikh Al-Azhar), Saif Abdul Rahman (Mourad Bey), Nasser Othman (Bekir Pacha), Hadi Gayar (Abdul Rahman), Jasmine Rahmi (Lucy), Farah Youssef (Papier), Jihad Saad (Denon), Mohammad Marzban (Orchillan), Arwa Gouda (la veuve), Jérôme Marc, Abed Fahed, Mohammed Abou Daoud, Abdulaziz Mkhion, Sawsan Badr, Sahar Al Sayegh, Amr Kapil. – Un grand feuilleton historique égypto-syrien de 18 heures, concocté pour la période du Ramadan et diffusé de juillet à septembre 2012. Réalisé par le cinéaste tunisien Al-Majri (lauréat de l’Emmy Award 2007), le film est tourné aux studios de l’Egyptian Media Production City près du Caire, dans les vieux quartiers ottomans de la capitale, à Alexandrie (Fort Quaibey) et dans la région d’Al Fayoum pour les batailles, avec l’apport de plus de 2000 figurants. Les Français sont interprétés par des comédiens de l’Hexagone (Grégoire Colin a travaillé pour Claire Denis et Benoît Jacquot). Pour l’essentiel, Al-Majri et son scénariste Azza Shalaby illustrent les moments décisifs de la campagne d’Égypte (évidemment du point de vue du conquis, non du conquérant), l’affrontement de Bonaparte contre les Mamelouks de Mourad Bey à Embabeh (bataille dite des Pyramides) le 21 juillet 1798, et les deux grandes révoltes de la population cairote. Au delà de la grande histoire, le feuilleton s’intéresse en particulier à la vie des Egyptiens pendant l’invasion française, restituée à travers le sort de deux familles typiques dont on souligne la compassion et la forte conscience identitaire. Ces témoins appartiennent aux diverses communautés composant la société égyptienne en 1798-1801 : coptes et musulmans, aristocratie mamelouk et turque, bourgeois et petit peuple du Caire, clercs et ulamas de Al-Azhar. La révolution du « printemps arabe » a passé par là : pour la première fois, les très populaires « soap operas » du Ramadan délaissent les personnages historiques ou religieux d’autrefois pour aborder l’histoire récente du pays et sa confrontation avec les idées politiques de l’Occident moderne