I - LA FRANCE

7. LA RÉVOLUTION FRANÇAISE (1789 à 1795)

« A Tale of two Cities » de Ralph Thomas (1958).

7.11. "A Tale of Two Cities" de Charles Dickens

Roman paru à Londres en 1859. - 1789-1792 : Sydney Carton, un avocat anglais désabusé, libertin dissolu et misanthrope, monte sur la guillotine en remplacement de Charles Darnay, son rival en amour (et presque sosie), injustement condamné à payer pour les crimes de son oncle, le sinistre marquis de Saint-Evremond. L’égoïste intégral devient par amour l’altruiste suprême. Dans son roman, Dickens fustige certes la cruauté et l’indifférence d’une certaine aristocratie (à travers le portrait du marquis), mais il donne surtout une image terrifiante de la Révolution qui marquera durablement le public anglo-saxon. Le texte est resté pratiquement inconnu en France (où il fut traduit sous les titres de « Le Conte de deux cités », « Le Conte de deux villes » et « Paris et Londres en 1793 »).
1911A Tale of Two Cities (La Prise de la Bastille) (US) de James Stuart Blackton et William J. Humphrey 
Vitagraph Co. of America, 3180 ft./50 min. – av. Maurice Costello (Sydney Carton), Florence Turner (Lucie Manette), William Humphrey (marquis de Saint-Evremond), Charles Kent (Dr. Alexandre Manette), Leo Delaney (Charles Darnay), Julia Swayne Gordon (mère de Darnay), James Morrison (Jacques Defarge), John Bunny (bourreau), Lilian Walker (Jeanne Defarge), Kenneth Casey (Darnay enfant), Tefft Johnson (Ernest Defarge), Helen Gardner (Thérèse Defarge), William Shea (Jarvis Lorry), Norma Talmadge (couturière), Ralph Ince.
Tournée aux studios de Flatbush à Brooklyn, New York, cette version sort en trois parties (c’est alors le film le plus long adapté d’après Dickens), marque les débuts de Norma Talmadge et influence un cinéaste comme Rex Ingram, qui filmera avec brio la prise des Tuilieries dans son « Scaramouche » en 1923.
1917*A Tale of Two Cities (Un drame d’amour sous la Révolution) (US) de Frank Lloyd 
Fox Film Corp., 7 bob./98 min. – av. William Farnum (Sydney Carton/Charles Darnay), Jewel Carmen (Lucie Manette), Rosita Marstini (Thérèse Defarge), Charles Clary (Saint-Evremond), Herschel Mayall (Jacques Defarge), Josef Swickard (Dr. Alexandre Manette), Ralph Lewis (Roger Cly), William Clifford (Gabelle), Marc Robbins (Jarvis Lorry).
De l’illustration léchée mais sage, tournée aux Fox West Coast Studios à Los Angeles, sur Western Avenue. Originaire de Glasgow, Frank Lloyd (« Mutiny on the Bounty », 1935) déploie un savoir-faire, un respect de la source littéraire, un sens narratif et une sensibilité pour la matière historique qui ne passent pas inaperçu ; il est le premier à utiliser le même comédien pour les rôles de Carton et Darnay (en double exposition), quoique William Farnum soit un peu âgé et enveloppé pour un jeune premier. Une des productions majeures de la firme débutante et un gros succès au box office. Seul écart du roman: la conclusion montre Charles Darnay et Lucie Manette en heureux mariés, avec un fils baptisé Sidney Carton.
1922A Tale of Two Cities (GB) de Walter Courtenay Rowden 
Master Film Co.-Universal, 1174 ft. – av. J. Fisher White (Dr. Alexandre Manette), Clive Brook (Sydney Carton), Ann Trevor (Lucie Manette).
1925/26*The Only Way / Tale of Two Cities (GB) de Herbert Wilcox 
Herbert Wilcox Filmproductions (H. Wilcox, E.A. Bundy)-National Talkies, 10075 ft./127 min. – av. Sir John Martin-Harvey (Sydney Carton), Ben Webster (marquis de Saint-Evremond), Jean Jay (Jean Defarge), J. Fisher White (Dr. Alexandre Manette), Betty Faire (Lucie Manette), Mary Brough (Emily Pross), Clarence Burton (Jacques Defarge), Gordon McLeod (Ernest Defarge), Frederick Cooper (Charles Darney), Madge Stuart (Mimi), Frank Stanmore (Jarvis Lorry), Gibb McLaughlin (John Barsad), Harold Carton (C. J. Stryver).
Une adaptation qui prend pour modèle la version scénique du roman, The Only Way, due aux révérends Freeman Wills et Frederick Langbridge (1899), et écrite pour commémorer les cent dix ans de la Révolution française. Le comédien Sir John Martin-Harvey en est déjà la vedette (il interprétera Sydney Carton au théâtre près de 7000 fois, en Grande-Bretagne comme aux Etats-Unis) ; à l’écran, il incarne à la perfection l’Anglais noble, serein, faussement excentrique et seul face à la plèbe déchaînée de Paris, notamment dans la séquence du Tribunal révolutionnaire qui ne dure ici pas moins de dix-sept minutes. Les subtilités mimiques et le magnétisme peu ordinaire de l’acteur font que, lors de certaines projections à Londres, ce dernier est monté sur l’avant-scène devant l’écran, interrompant les images finales de la guillotine, et clamé viva voce les dernières paroles de Carton. La meilleure version muette du roman, malgré quelques maladresses de mise en scène, des lourdeurs et des lenteurs (intertitres trop longs). Une production de prestige couronnée de succès en salle, tournée aux studios de Twickenham pour 24'000 £.
La prise de la Bastille selon Jack Conway et Jacques Tourneur dans « A Tale of Two Cities » (1935).
1935**A Tale of Two Cities (Le Chevalier de Saint-Evremond) (US) de Jack Conway [et Jacques Tourneur, Robert Z. Leonard, Richard Rosson, Clarence Brown, W. S. Van Dyke] 
David O. Selznick/Metro-Golwyn-Mayer, 120 min. – av. Ronald Colman (Sydney Carton), Elizabeth Allen (Lucie Manette), Basil Rathbone (marquis de Saint-Evremond), Henry B. Walthall (Dr. Alexandre Manette), Donald Woods (Charles Darnay), Edna May Oliver (Emily Pross), Reginald Owen (C. J. Stryver), Blanche Yurka (Thérèse Defarge), Walter Catlett (John Barsad), Fritz Leiber (Gaspard), H. B. Warner (Gabelle), Mitchell Lewis (Ernest Defarge), Claude Gillingwater (Jarvis Lorry), Isabel Jewell (couturière), Lucille La Verne (Vengeance), Edward Hearn (Jourdan de Launay, gouverneur de la Bastille).
Le roman fait en 1935 l’objet d’une adaptation particulièrement soignée et onéreuse sous la houlette du jeune producteur David O. Selznick, alors encore au service de la prestigieuse MGM. Elle est réalisée par Jack Conway et, incognito (carrément une tradition chez Selznick), par une demi-douzaine d’autres confrères sous contrat, dont W. S. Van Dyke, Clarence Brown et Robert Z. Leonard.
Le film comporte une séquence de la prise de la Bastille stupéfiante tant par l’ampleur et le dynamisme de sa mise en scène que par la démesure toute américaine de la figuration : c’est le Français Jacques Tourneur et Val Lewton (son futur producteur) qui en sont les artisans inspirés, animant les taudis affamés de Saint-Antoine, puis lançant leurs 6270 sans-culottes et gardes nationaux contre l’immense prison fortifiée, le tout photographié en plongée par 15 caméras sur le « back lot » numéro 2 (« Prison Set ») du studio ; la publicité de la MGM parle même de 17’000 figurants. Tourneur-Lewton montrent comment « une rébellion devient une révolution », quitte à bousculer complètement les faits historiques : le feu des canons et des fusils pour la prise de la Bastille est sans fondement ! Agacée par la présence des soldats suisses, la population sabote le pont-levis, s’engouffre dans la forteresse, se fait décimer par une première salve d’artillerie, recule, est relayée par la Garde nationale qui tire et massacre les défenseurs. Créées en dur, les rues de Paris serviront à nouveau pour le « Marie Antoinette » de Van Dyke (1938) et plusieurs autres films d’époque. L’impressionnant Tribunal révolutionnaire et les geôles de la Conciergerie, où Carton (Ronald Colman dans peut-être son meilleur rôle) se substitue à un ami aristocrate pour se faire guillotiner à sa place, sont également conçus à Culver City. La scène, cauchemardesque, montre comment la foule suit le dernier qui a parlé, on condamne à mort sans même ouvrir les dossiers. Très belle reconstitution, exacte aussi pour la place de la guillotine avec le Louvre au fond. (Agacée, la censure française coupe trois plans de la guillotine.)
Par ailleurs, le film a vieilli, les personnages – les méchants sont très méchants, les bons très bons – et les situations étant à la limite de la caricature. On notera que ce film américain tiré d’un roman anglais noircit les Français de tous bords : les aristocrates dégénérés d’un côté, la plèbe sanguinaire de l’autre ; Londres, au contraire, semble être le cœur de la civilisation et de la démocratie (ce qui ne devait pas être l’avis des Américains de 1790 !). En fin de compte, un hyper-mélo très moral et bien pensant (la sentimentalité dickensienne est accentuée à Hollywood) sauvé par ses « production values » vraiment très spectaculaires. Ayant coûté 1,2 millions de $, il en rapporte 2,29 millions. Nominé à l’Oscar du meilleur film de 1937.
Le Tribunal Révolutionnaire en action (« The Only Way » de Herbert Wilcox, 1924).
1952(tv) A Tale of Two Cities (GB) de Pamela Brown 
série « How Does It End ? » (BBC1 31.7.52), 20 min. – av. Desmond Llewelyn (Sidney Carton / Charles Darnay), Sheila Shand Gibbs (Lucie Manette), Leslie Frith (Dr. Manette), Margot Van der Burgh (Mme Defarge), Francis De Wolff (Ernest Defarge), Robert McDermott (présentation).
1953(tv) A Tale of Two Cities (US) de Dik Darley 
Robert M. Banker Prod.-ABC Album, pour « The Plymouth Playhouse » nos. 4-5 (ABC 3.+10.5.53), 2 x 25 min. – av. Wendell Corey (Sydney Carton), Wanda Hendrix (Lucie Manette), Carleton Young (Charles Darnay), Judith Evelyn (Thérèse Defarge), Murray Matheson (Dr. Alexandre Manette), Esther Dale (Emily Pross), Lucille Pierlot (couturière), Bob Foulk (Ernest Defarge), Jerry LaZarre (John Barsad), Paul Cavanagh (John Stryver), Constance Cavendish (Vengeance).
1957(tv) A Tale of Two Cities (GB) de Kevin Sheldon
(BBC 28.7.-15.9.57), 8 x 30 min. – av. Edward de Souza (Charles Darnay), Peter Wyngarde (Sydney Carton), Wendy Hutchinson (Lucie Manette), Fred Fairclough (Dr. Alexandre Manette), Margaretta Scott (Mme Defarge), Kenneth Thornett (Ernest Defarge), Ronald Radd (Jerry Cruncher), Gordon Gostelow (John Barsad).
Episodes : 1. « Recalled to Life » – 2. « The Jackal » – 3. « The Gathering Storm » – 4. « The Honest Tradesman » – 5. « The Storm Breaks » – 6. « The Darkness » – 7. « A Hand at Cards » – 8. « The Footsteps Die Out ».
1958(tv) A Tale of Two Cities (US) de Robert Mulligan 
« The Dupont Show of the Month » no. 7 (CBS 27.3.58), 90 min. – av. James Donald (Sydney Carton), Eric Portman (Dr. Alexandre Manette), Rosemary Harris (Lucie Manette), Max Adrian (marquis de Saint-Evremond), Gracie Fields (Emily Pross), Agnes Moorehead (Thérèse Defarge), Denholm Elliott (Charles Darnay), Fritz Weaver (John Barsad), George C. Scott (Jacques), Bruce Gordon (Ernest Defarge), Walter Fitzgerald (Jarvis Lorry), Alfred Ryder (Gaspard).
1958(tv) A Tale of Two Cities (GB) de Rudolph Cartier (aussi prod.)
(BBC1 2.10.58). – av. John Cameron (Sydney Carton), Heather Harper (Lucie Manette), Alexander Young (Charles Darnay), Heddle Nash (Dr. Alexander Manette), Amy Stuart (Thérèse Defarge), Michael Langdon (marquis de Saint-Evremond), Ronald Lewis (Jarvis Lorry), John Camburn (Gabelle), Janet Howe (Emily Pross).
La musique du téléfilm est d’Arthur Benjamin (Royal Philharmonic Orchestra), l’auteur de l’opéra « A Tale of Two Cities. Romantic Melodrama in six scenes » (1949/50), présenté à la BBC le 17.4.1953.
1958*A Tale of Two Cities (BE : Sous la Terreur) (GB) de Ralph Thomas 
Betty E. Box/Rank Film, 117 min. – av. Dirk Bogarde (Sydney Carton), Dame Dorothy Tutin (Lucie Manette), Cecil Parker (Jarvis Lorry), Stephen Murray (Dr. Alexandre Manette), Christopher Lee (marquis de Saint-Evremond), Donald Pleasence (John Barsad), Athene Seyler (Emily Pross), Paul Guers (Charles Darnay), Marie Versini (Marie Gabelle), Ernest Clark (John Stryver), Guy Mills (Jourdan de Launay, gouverneur de la Bastille).
Ce remake britannique en noir et blanc se contente d’un Paris recréé dans les vieux quartiers de Bourges ; on y voit une prise de la Bastille (avec « matte painting ») à laquelle participent 3000 soldats américains stationnés à Orléans et des plans filmés au château de Valençay (le palais du vil Saint-Evremond campé par Christopher Lee). Les cellules de la Conciergerie sont construites aux studios de Pinewood, près de Londres. Réalisation terne mais casting assez intéressant (Dirk Bogarde, Dame Dorothy Tutin, Donald Pleasence). Tournage de juillet à septembre 1958. Bogarde fait un Carton plus introverti et sombre que celui de Ronald Colman. Non distribué en France, le film est exploité en Belgique sous le titre de « Sous la Terreur ». La percée définitive de Christopher Lee, en aristocrate arrogant et cruel. Regret unanime: que le film ne soit pas en couleurs, Ralph Thomas ayant insisté pour le noir et blanc qu'il estimait plus "réaliste", or c'est tout le contraire qui arriva.
1965(tv) A Tale of Two Cities (GB) de Joan Craft
(BBC1 11.4.-13.6.65), 10 x 25 min. – av. Nicholas Pennell (Charles Darnay), John Wood (Sydney Carton), Kika Markham (Lucie Mannette), Rosalie Crutchley (Thérèse Defarge), Patrick Troughton (Dr. Alexandre Manette), Leslie French (Jarvis Lorry), George Selway (Ernest Defarge), Ronnie Barker (Jerry Cruncher), Alison Leggatt (Emily Pross).
1980(tv) A Tale of Two Cities (GB) de Michael E. Briant 
Barry Lets-BBC (BBC1 5.10.-23.11.80), 8 x 30 min. – av. Paul Shelley (Charles Darnay/Sydney Carton), Sally Osborn (Lucie Manette), Ralph Michael (Dr. Alexandre Manette), Judy Parfitt (Thérèse Defarge), Morris Perry (marquis de Saint-Evremond), Vivien Merchant (Emily Pross), Nigel Stock (Mr. Lorry), Stephen Yardley (Etienne Defarge), Peter Cleall (Jerry Cruncher), Harold Innocent (John Stryver), Michael Goddard (Gaspard).
1980(tv) A Tale of Two Cities (US) de Jim Goddard 
Hallmark Hall of Fame-Norman Rosemont-Marble Arch (CBS 2.12.80), 2 x 90 min. – av. Chris Sarandon (Charles Darnay/Sydney Carton), Peter Cushing (Dr. Alexandre Manette), Kenneth More (Dr. Jarvis Lorry), Barry Morse (marquis de Saint-Evremond), Flora Robson (Emily Pross), Alice Krige (Lucie Manette), Nigel Hawthorne (C. J. Stryver), Norman Jones (Ernest Defarge), David Suchet (John Barsad), Valérie de Tilbourg (couturière), George Innes (Jeremiah Cruncher), Anna Manahan (Vengeance). – Tournage passablement onéreux en extérieurs au château de Vincennes (Val-de-Marne), à Senlis et aux studios de Pinewood.
1984[(tv) A Tale of Two Cities (AU) de George Stephenson ; série « Animated Classics », Burbank Film Australia-Consolidated Prod., 73 min. – Dessin animé.]
1989(tv) Un conte de deux villes / A Tale of Two Cities (FR/GB) de Philippe Monnier 
A2-Granada-Dune-BBC (A2 24.12.89 / ITV 21.5.89), 2 x 95 min. / 3 x 60 min. – av. James Wilby (Sydney Carton), Jean-Pierre Aumont (Dr. Alexandre Manette), Xavier Delluc (Charles Darnay), Serena Gordon (Lucie Manette), Kathie Krieges (Thérèse Defarge), Gérard Klein (Ernest Defarge), John Mills (Jarvis Lorry), Jean-Marc Bory (marquis de Saint-Evremond), Anna Massey (Emily Pross).
Coproduction anglo-française diffusée pour le deux-centième anniversaire de la Révolution.