I - LA FRANCE

6. LOUIS XVI (1774 à 1792)

Stewart Granger et Mel Ferrer ferroyent au Théâtre de l’Ambigu à Paris (« Scaramouche » de George Sidney, 1952).

6.6. "Scaramouche" de Rafael Sabatini

Roman d'aventures paru à Londres en 1923. - Pour échapper aux aristocrates qui ont juré sa perte, André-Louis Moreau, révolutionnaire et député du Tiers État aux États généraux, se cache dans une troupe de théâtre ambulant sous le masque de Scaramouche, « né avec un don pour le rire, et l’idée que le monde était fou ». En 1931, Sabatini publiera une suite, "Scaramouche the King-Maker".
Scaramouche est par ailleurs un personnage de la commedia dell’arte créé à Paris par l’acteur Tiberio Fiorilli (1608-1694), le maître de Molière qui sert aussi de modèle à divers films figurant ci-dessous (cf. « Vie de Scaramouche » d’Angelo Constantini, 1695).
1923**Scaramouche (Scaramouche – Le Roman d’un Roi) (US) de Rex Ingram 
Rex Ingram/Metro Pictures Corporation, 3002 m./10 bob./132 min. – av. Ramon Novarro (Scaramouche, alias André-Louis Moreau), Alice Terry (Aline de Kercadiou), Lewis Stone (marquis de la Tour d’Azyr), Lloyd Ingraham (Quintin de Kercadiou), Julia Swayne Gordon (comtesse Thérèse de Plougastel), William Humphrey (chevalier de Chabrillon), Otto Matieson (Philippe de Vilmorin), Bowditch M. Turner (Le Chapelier), George Siegman (Danton), De Garcia Fuerburg (Robespierre), Roy Coulson (Marat), Edwin Argus (Louis XVI), Clotilde Delano (Marie-Antoinette), Slavko Vorkapitch (ltn. Napoléon Bonaparte).
Étudiant en droit, orphelin, André Moreau se rallie à la cause révolutionnaire lorsque son meilleur ami, Philippe, est tué en duel par l’arrogant marquis de la Tour d’Azyr, le meilleur escrimeur de France. Recherché par la police du roi, André entre dans une troupe de saltimbanques, caché sous le masque de Scaramouche, et arrive à Paris au moment où éclate la Révolution. Il découvre pourtant que son père est le marquis de la Tour d’Azyr et sa mère une comtesse. Il sauve sa mère en lui faisant quitter Paris, mais son père est tué par la foule.
Une adaptation relativement fidèle et flamboyante du roman de Sabatini que Rex Ingram filme à grands frais avec son épouse Alice Terry et Ramon Novarro, sa nouvelle vedette de « The Prisoner of Zenda »(1922) – il deviendra mondialement célèbre deux ans plus tard dans « Ben-Hur » – , aux studios Ren-Mar de Metro Pictures, sur Cahuenga Boulevard, Hollywood : 412 tonnes de pierres pour paver les rues de Paris, de Rennes et du village fictif de Gavrillac sur une étendue de 9000 m 2. Cela nous vaut plusieurs séquences dans la Grande salle des États généraux de 1789 à l’Hôtel des Menus Plaisirs à Versailles (où André Moreau est député du Tiers État), puis le massacre de la Garde suisse dans la cour et sur les escaliers des Tuileries, le pillage des appartements royaux, tableaux d’époque saisissants et magnifiquement éclairés (photo : John F. Seitz). Le soin de la reconstitution et le sens visuel d’Ingram frappent dans les moindres détails, en dépit des libertés prises avec l’Histoire (Danton mènant l’assaut du palais royal à la pointe de 1500 figurants !). A l’exemple de « Orphans of the Storm » de D. W. Griffith (1921, cf. 6.7) où Danton prend d’assaut la Bastille (sic), le bouillant orateur politique est dépeint d’abord comme un personnage « positif » face à la morgue de l’Ancien Régime, mais qui se trouve vite dépassé par la foule incontrôlable et les jacobins assoiffés de sang, un renvoi indirect aux dérapages de la révolution bolchévique traumatisant Hollywood. Une séquence en Technicolor a été écartée du montage final.
1952***Scaramouche (US) de George Sidney 
Carey Wilson/Metro-Goldwyn-Mayer, 118 min. – av. Stewart Granger (André Moreau/Scaramouche), Eleanore Parker (Léonore), Janet Leigh (Aline de Gavrillac), Mel Ferrer (marquis Noël de Mayne), Nina Foch (Marie-Antoinette), Henry Wilcoxon (chef des gardes), Richard Anderson (Philippe de Valmorin), Robert Coote (Gaston Binet), Lewis Stone (Georges de Valmorin), Elizabeth Risdon (Isabelle de Valmorin), John Dehner (Doutreval), Aram Katcher (lieut. Napoléon Bonaparte).
Pour ce somptueux remake en Technicolor, apothéose du film de cape et d’épée, chef-d’œuvre du genre, dramatique, élégant, racé et plein d’humour, le roman de Sabatini est adapté très librement par Willis Goldbeck. Après la mort en duel de son ami Philippe (qui signait des pamphlets révolutionnaires sous le pseudonyme de Marcus Brutus), André Moreau affronte sans le savoir non son père, décédé, mais son propre (demi-)frère, le marquis Noël de Mayne, un proche de Marie-Antoinette, distingué, arrogant et le chef de file des royalistes aux États généraux. Pour échapper à ses sbires, André se transforme en Scaramouche dans la troupe de Gaston Binet dont la vedette est Léonore, qui devient sa maîtresse. Il prend secrètement des leçons d’escrime auprès du maître d’armes du marquis et devient membre du Tiers-État. Parallèlement, se croyant le fils naturel du comte de Gavrillac, il renonce passagèrement à courtiser Aline de Gavrillac, la fiancée officielle du marquis. Lors du duel final au cœur de la salle bondée du Théâtre de l’Ambigu, André finit par désarmer de Mayne, mais refuse de tuer l’adversaire humilié. Peu après, son tuteur lui révèle ses véritables origines : il est, lui aussi, un de Mayne.
Le film contient le plus beau duel de l'histoire du septième art, réglé comme une chorégraphie par Jean Heremans, raffiné, élégant et superbement filmé (d'une durée de 6 minutes, il a nécessité une semaine entière de tournage, et pour Stewart Granger, six mois d'entraînement quotidien à l'épée). Trois fins ont été tournées. La première est tragique, comme celle du roman : dans le rues, la population se soulève et de Mayne est assassiné par la foule en colère, malgré l’aide d’André qui défend son demi-frère l’épée à la main. Intimidée par le maccarthysme, la toujours prudente MGM se rétracte et évacue toutes les scènes de révolution, dont les slogans auraient un relent de marxisme (une fin dont seules subsistent des photos retrouvées par Patrick Brion) au profit d’un dénouement plus enjoué. En fait, depuis « The Black Book / Reign of Terror » d’Anthony Mann (1949), Hollywood a banni la Révolution française des écrans, et ce pour plusieurs décennies. Dans la deuxième fin, on trouve André au lit avec sa nouvelle épouse Aline, la foule l’appelle de la rue : « On va prendre la Bastille, rejoins-nous ! », il répond « J’ai mieux à faire ! » et referme la fenêtre... La fin choisie en définitive se clôt par le mariage d’André et d’Aline. La comédienne Léonore (magnifique Eleonore Parker) assiste au cortège nuptial depuis sa fenêtre. Délaissée, elle se tourne alors vers son nouvel amant, un jeune officier à l’avenir prometteur : Bonaparte (en costume d’empereur, alors que nous sommes en 1789 !). Ce gag final sera coupé lors de la première exploitation du film en France. Lewis Stone, qui fait le tuteur de Moreau, jouait le cynique marquis dans la version muette d’Ingram. Au départ, Ava Gardner et Elizabeth Taylor devaient interpréter Léonore et Aline. Les appartements à Versailles sont érigés à Culver City, Hollywood, les décors de rues « françaises » sont ceux du backlot no. 2 de la firme (ayant déjà servi dans « A Tale of two Cities » en 1935, « Marie-Antoinette » en 1938 et « The Three Musketeers » en 1948), le château du marquis en « matte painting » est très lointainement inspiré par le Pierrefonds d’avant Viollet-le-Duc, mais les opérateurs n’ont évidemment jamais mis les pieds en France (contrairement à ce qu’affirment certaines sources). L’Ambigu est le théâtre permanent du plateau 6 construit pour « The Great Ziegfeld » (1936). Extérieurs au « Formal Garden » (Cohn Park) du backlot MGM, puis à Monterey et au Golden Gate Park à San Francisco.
La fin inédite de « Scaramouche » (1952) : André Moreau tente de sauver son demi-frère assailli par les révolutionnaires.
1956(tv) O Scaramouche (BR) de João Silvestre 
Televisão Tupi Prod., São Paolo (2.5.56), feuilleton. – av. José Parisi (André Moreau, dit Scaramouche), Marly Buano (Aline de Gavrillac), Geraldo Louzano, Carlos Menon, David Neto, Douglas Norris, Fransicco de Assis.
Scénario de J. Silvestre, d’après le roman de Rafael Sabatini (et le film de George Sidney, cf. supra). Un immense succès public qui introduit une série de films de cape et d'épée sur les petits écrans brésiliens.
1960(tv) Scaramouche (FI) de Seppo Wallin 
Suomen Televisio (ST 19.10.60), 60 min. – av. Klaus Salin (Scaramouche), Liisa Taxell (Blondelaine), Oiva Ollikkala (Leilon). – Ballet pantomime ( ?).
1963La máscara de Scaramouche / Le avventure di Scaramouche / Scaramouche (ES/IT/FR) d’Antonio Isasi-Isasmendi 
Benito Perrojo-CCM, 93 min. – av. Gérard Barray (Scaramouche, alias Robert Lafleur), Michèle Girardon (Diane de Sourchil), Yvette Lebon (Alice de Popignan), Gianna-Maria Canale (Suzanne), Gonzales Cañas (Pierrot), Georges Rigaut (le ministre Lacoste), Alberto de Mendoza (marquis de La Tour), Rafael Bruguera (marquis de Souchil), Andrés Mejuto (M. de Villancourt), Antonio Gradoli (abbé Christian).
L'action située à Paris en 1730 ( ?), vraisemblablement sous Louis XV, avec un Premier ministre du nom de Lacoste ( ?). Tournage à Madrid (studios CEA et le parc de Casa de Campo), à Burgos (cathédrale, rosace et parvis, en remplacement de Notre-Dame de Paris) et au château de Chenonceau (demeure du marquis de La Tour). Le nom de Sabatini ne figure pas au générique : ce Scaramouche là, alias le saltimbanque Lafleur, récupère le duché qui lui revient de droit après avoir tué en duel le marquis de La Tour qui a hérité du domaine ducal suite à un échange de bébés à la naissance. Aucune mention d’une époque précise ni de troubles révolutionnaires. Confrontation facile entre le monde des comédiens « libres, fantaisistes, aimés du peuple » et la société aristocratique. Scaramouche est adoré des femmes, coureur de jupons. Barray fait un excellent bretteur, très agile, énergique, facétieux et acrobate, mais son sourire est niais et son jeu limité. Il anime une longue série de duels réglés par Claude Carliez pour tenter (vainement) de rivaliser avec le film de 1952.
1963® Cyrano et d’Artagnan (FR) d’Abel Gance. – av. Davide Montemurri (Scaramouche, alias le comédien Tiberio Fiorilli). – cf. (1.8c).
1965(tv) Scaramouche (IT) de Daniele D’Anza
(RAI 9.10.-6.11.65), 5 épis. – av. Domenico Modugno (Scaramouche, alias le comédien Tiberio Fiorilli), Elsa Vazzoler (Alba Fiorillo), Giuseppe Porelli (Silvio Fiorillo), Carla Gravina (Marietta Biancolella), Vittorio Congia (Memmo), Franco Sportelli (Salvatore Biancolella), Michele Abruzzo (Spartivento), Umberto D’Orsi (grand-duc de Toscane), Mariolina Bovo (Miranda), Dina Sassoli (grande duchesse de Toscane), Liana Orfei (Irina Papandrei), Raffaella Carrà (Constance de Mauriac), Gianni Agus (Louis XIII), Franco Scandurra (vice-roi de Sicile), Gabriele Antonini (Maurice de Sève), Michele Riccardini (baron de Monreale), Luciano Melani (Don Josè de Villalba). – Le maître de Molière sur scène (sous Louis XIII), d’après un scénario de Bruno Corbucci et Giovanni Grimaldi.
1967® (tv) Marion Delorme (FR) de Jean Kerchbron. – av. Marcel Scampel (Tiberio Fiorilli, alias Scaramouche). – cf. Louis XIII (1).
1969(tv) Une aventure de Scaramouche (FR) de Philippe Joulia 
ORTF (22.12.69), 4 x 25 min. – av. Michel Le Royer (Scaramouche), Claude Cobast, Philippe Joulia. – Série pour la jeunesse.
1970La grande avventura di Scaramouche (IT) de Piero Pierotti 
Armando Bertuccioli, Antonio Palumbo/Garigliano Film-Work 16 Soc. Cooperativa, 89 min. – av. Christian Hay (Scaramouche), Grit Freyberg (Marietta), Milly Vitale (Anne d'Autriche), Erna Schurer (la comtesse Rossana), Franco Fantasia (D'Arcy), Ivana Novak (Angela), Vito Pandolfi.
Pendant la Fronde, sous la Régence d’Anne d’Autriche, le comédien Tibero Fiorilli alias Scaramouche, devenu agent de Mazarin, déjoue un attentat contre le jeune roi. Tourné en Telecolor en 1970, mais sorti en 1972, après le décès du réalisateur Pierotti.
1973Da Scaramouche : or se vuoi l’assoluzione baciare devi’sto... cordone ! (IT) de Frank G. Carroll [=Gianfranco Baldanello] 
Puma Film, 86 min. – av. Tony Kendall [=Luciano Stella], Ettore Manni, Stan Cooper [=Stelvio Rosi], Gino Santercole, Mario Brega, Dada Gallotti.
1975Le avventure e gli amori di Scaramouche / La Grande Débandade / On m’appelle Scaramouche / Opération Scaramouche / Scaramouche, der Teufelskerl / Skaramus u ratu i ljubavi / The Loves and Times of Scaramouche (IT/FR/DE/YU) d’Enzo G. Castellari [=Enzo Girolami] 
Epee Cinematografica-Zefilm-Lisa Film-Jadran Film-AVCO Embassy Pictures, 105 min. – av. Michael Sarrazin (Scaramouche), Ursula Andress (Joséphine de Beauharnais), Aldo Maccione (gén. Napoléon Bonaparte), Giancarlo Prete (Fischio, le barbier), Michael Forest (Danglar), Romano Puppo (Rostand, le mamelouk), Salvatore Borgese (Chagrin, le conspirateur).
Paris en 1795 : Joséphine de Beauharnais trompe son illustre époux avec Scaramouche, un coureur de jupons qui devient le barbier de Bonaparte, évente un complot contre ce dernier et participe à la campagne d’Italie. Une farce de bas étage, avec un Napoléon grotesque et mentalement attardé, une Josephine voluptueusement déshabillée, le tout filmé en Telecolor à Rome, aux cascades de Montegelato et à Zagreb (Croatie). Sans rapport aucun avec le roman « Scaramouche » de Rafael Sabatini.
1976Los hijos de Scaramouche (ES) de George Martin 
ABC, 91 min. – av. Paco Calatrava, Manolo Calatrava, George Martin, Salvatore Borgese, Susan Scott, Didi Sherman. – Les aventures de deux saltimbanques, fils illégitimes de Scaramouche (comédie).