I - LE ROYAUME DE FRANCE

8 . LE CRÉPUSCULE DU MOYEN ÂGE: LOUIS XI (1461 à 1483)

8 .2 . « Quentin Durward » de Sir Walter Scott

Roman paru en 1823. – La France en 1465. Charles le Téméraire veut marier sa pupille, la comtesse Isabelle de Croye (héritière de la riche province du même nom), à son favori, le condottiere napolitain Nicola di Monforte, comte de Campobasso. Elle refuse, s’enfuit et se réfugie à la cour de Louis XI à Plessis-lès-Tours. Le Téméraire exige son retour sous menace de guerre, et le roi se débarrasse de l’encombrante damoiselle en l’envoyant en Flandre chez l’évêque de Liège. Quentin Durward, un archer qui a sauvé la vie du souverain lors d’un accident de chasse, est chargé d’escorter la comtesse. Tenaillé par la pauvreté, Durward a quitté son Écosse natale pour entrer dans la Garde écossaise du roi de France, où son oncle Ludovic Lesley dit le Balafré a fait carrière. En réalité, Louis XI, retors, destine la comtesse à son allié, le brutal Guillaume de La Marck surnommé le « Sanglier des Ardennes », chef d’une armée de coupeurs de gorges sans foi ni loi, mais aussi seigneur de domaines considérables et qui pourrait mettre le duc de Bourgogne en difficulté. En cours de route, Quentin déjoue les tentatives d’enlèvement d’Isabelle imaginées par Louis XI. Celui-ci orchestre alors secrètement le soulèvement de la population de Liège contre l’évêque-gouverneur de la cité, Philippe de Bourbon (beau-frère du Téméraire), et la prise de la ville par La Marck. L’évêque est assassiné par les soudards au château de Schonwaldt (aux abords de Liège), Quentin et Isabelle leur échappent de justesse et sont capturés par les Bourguignons. A Péronne, chez le Téméraire qui l’accuse de fourberie, Louis XI feint tout ignorer et, en signe de paix, joint son armée à celle de son ennemi pour assiéger Liège et terrasser conjointement La Marck. Le duc de Bourgogne promet la main d’Isabelle à celui qui lui ramènera la tête du redoutable « Sanglier des Ardennes ». Au cours de la bataille, alors qu’il se mesure au « Sanglier », Quentin doit porter secours à Gertrude, la fille du syndic Pavillon importunée par la soldatesque, et c’est l’oncle de Quentin, Ludovic Lesley, qui décapite La Marck. Mais trop âgé pour se remarier, il cède sa place à son neveu, comme le souhaite Isabelle.

Nota bene :
- Le roman de Walter Scott a inspiré un opéra de François-Auguste Gevaert ("Quentin Durward", 1858) et un tableau d’Eugène Delacroix, "L’assassinat de l’évêque de Liège" (1829).

- La Garde écossaise (« archers de la garde du roy »), corps militaire d’élite à la cour de France, a été créé par Charles VII en 1422. Les princes écossais, issus de maisons bretonnes comme les Stuart, ou normandes, sont possessionnés en France et à ce titre vassaux du roi de France. L’opposition à l’Angleterre crée un lien supplémentaire. En outre, Louis XI a épousé en premières noces Marguerite, la fille du roi d’Écosse avec lequel il s’est allié pour prendre les Anglais à revers.

- Situé à un point stratégique entre la frontière de Bourgogne et la Flandre, le riche comté de Croye dépend directement du Téméraire. Or, la jurisprudence féodale permet à un seigneur de disposer de la main d’une vassale (ici la comtesse Isabelle), pour empêcher ainsi son héritage de tomber sous la dépendance d’un ennemi.

- En réalité, l’assassinat de l’évêque de Liège par La Marck eut lieu en août 1482, soit cinq ans après la mort de Charles le Téméraire. Excommunié par l’archevêque de Cologne, La Marck fut capturé lors d’une embuscade dressée par les troupes brabançonnes de l’empereur Maximilien Ier (qui a épousé la fille du Téméraire) et décapité à Maëstricht en juin 1485. Pour les besoins de l’intrigue, Walter Scott mélange cet épisode avec ceux de l’entrevue dramatique de Péronne et de la répression de l’insurrection liégeoise de 1468. Il peut ainsi reporter opportunément sur ce « Sanglier » les crimes du roi comme ceux du Téméraire.
1912Quentin Durward (FR) d’Adrien Caillard
Société Cinématographique des Auteurs et Gens de Lettres (S.C.A.G.L.)-Pathé Frères S.A. (Paris) no. 4921, 390 m. – av. René Alexandre (Quentin Durward), Claude Garry (Louis XI), Henri Etiévant (Guillaume de La Marck), Marie Ventura (Isabelle de Croye), Eugénie Nau.
Le scénariste Louis Mauzin condense l’action sur une vingtaine de minutes : Fuyant le mariage avec La Marck que veut lui imposer le Téméraire, Isabelle de Croye échappe aux soldats du « Sanglier des Ardennes » grâce à Quentin Durward. Le Téméraire est furibond. Louis XI remet la comtesse à l’envoyé du duc de Bourgogne, tout en avertissant La Marck du trajet que la belle empruntera sous faible escorte le long des étangs de Crépy et en chargeant simultanément Quentin d’arracher Isabelle à ses ennemis. – Spécialisé dans les rôles historiques chez Pathé, René Alexandre a déjà campé Fouquet, Cadoudal, André Chénier et le beau Phoebus de « Notre-Dame de Paris » (1911).

Robert Taylor et Kay Kendall dans le « Quentin Durward » flamboyant de Richard Thorpe (1955).
1955*The Adventures of Quentin Durward / US : Quentin Durward (Les Aventures de Quentin Durward) (GB/US) de Richard Thorpe
Pandro S. Berman/Metro-Goldwyn-Mayer British, 1h56 min. – av. Robert Taylor (Quentin Durward), Kay Kendall (la comtesse Isabelle de Croye [de Marcroy]), Robert Morley (Louis XI), Alec Clunes (Charles le Téméraire), John Carson (Louis, duc d'Orléans, futur Louis XII), Duncan Lamont (Guillaume de La Marck, dit le « Sanglier des Ardennes »), George Cole (Hayraddin Mangrabin, le gitan), Marius Goring (le comte Philippe de Créville, héraut de Bourgogne), Nicholas Hannen (le cardinal Jean de La Balue), Michael Goodliffe (le comte François de Dunois), Moultrie Kelsall (Lord Malcolm, ambassadeur d’Écosse), Wilfrid Hyde White (Olivier le Daim), Harcourt Williams (Louis de Bourbon, évêque-prince de Liège), Ernest Thesiger (Lord Crawford, oncle de Quentin), Laya Raki (la danseuse gitane), Eric Pohlmann (Gluckmeister), Frank Tickle (Petit-André), Bill Shine (Trois-Échelles).
Synopsis : L’action du roman de Walter Scott, salutairement simplifiée par l’écrivain et auteur dramatique Robert Ardrey, débute en Écosse, à Glen-Houlakin, dans le château du vieux Lord Crawford. Aussi riche qu’avare, celui-ci envoie son jeune neveu Quentin Durward en France pour lui faire un rapport sur sa future épouse, Isabelle de Croye (de Marcroy dans ce film), que Charles le Téméraire lui a promise contre argent sonnant et une alliance militaire. (Dans le roman, Lord Crawford est capitaine de la Garde écossaise du roi et l’oncle de Quentin, Ludovic Lesley, un de ses plus anciens archers.) Opposée à cette union, Isabelle se réfugie secrètement à Plessis-lès-Tours auprès de Louis XI. Aidé par le gitan Hayraddin, Quentin s’introduit de nuit dans le château royal et surprend le monarque dans son lit pour lui prouver l’inefficacité de sa garde et être engagé. Louis XI est impressionné par l’audace de l’Écossais et lui confie la comtesse pour l’amener à Liège, conscient qu’il périra dans un guet-apens dressé par La Marck avec sa propre complicité. Quentin est grièvement blessé en cours de route mais le couple arrive au château de l’évêque à Schonwaldt, aux abords de Liège ; Isabelle le soigne, l’amour naît. Par loyauté envers son oncle, Quentin quitte le fort qui, peu après, est pris d’assaut par les sicaires de La Marck. Le « Sanglier des Ardennes » exige d’épouser la comtesse, l’évêque refuse de bénir leur union et il est assassiné. Ayant rebroussé chemin, Quentin se fait passer pour un envoyé de Louis XI, sauve Isabelle et se bat en duel avec La Marck dans le clocher en flammes de l’évêché. Entre-temps à Péronne, le Téméraire accuse Louis XI d’avoir provoqué le meurtre de l’évêque et s’apprête à le faire incarcérer. Mais en ramenant la tête décapitée de la brute, Quentin disculpe le roi. Bonne nouvelle : son oncle étant décédé, il est délié de son serment et peut épouser Isabelle… Le film fait ainsi l’économie d’un onéreux assaut de Liège par les armées de France et de Bourgogne, renonçant par la même occasion à une pléiade de personnages secondaires (Campobasso, Hameline de Croye, Pavillon, Gertrude, Pieterkin Gieslaer, Maître Pierre, Tristan l’Hermite, etc.).
Louis XI (Robert Morley, à dr.) reçoit l’arrogant ambassadeur de Charles le Téméraire à Plessis-lès-Tours.
 Troisième et dernier film de chevalerie de la Metro-Goldwyn-Mayer fabriqué par le team « gagnant » Robert Taylor/Richard Thorpe/Pandro S. Berman, après le remarquable « Ivanhoé » en 1952 et « The Knights of the Round Table (Les Chevaliers de la Table Ronde) » en 1953, « Quentin Durward » ne peut malheureusement se prévaloir des moyens, des stars et des « production values » des bandes précédentes. La télévision ayant fait baisser les recettes de 20%, la firme au lion s’est mise à flirter dangereusement avec les chiffres rouges et des économies s’imposent. L’opération est à nouveau gérée depuis la filiale britannique de la MGM à Elstree pour utiliser des fonds gelés sur place, mais iI n’est plus question d’ériger des forteresses en dur, comme on le fit pour « Ivanhoé ». Afin d’enregistrer les aventures de cet Écossais égaré à la cour de l’Universelle Aragne, la société plante ses caméras CinemaScope et Eastmancolor en France. Les extérieurs sont filmés dans la région de Fontainebleau et en particulier autour des châteaux historiques de la Loire – pourtant édifiés un demi-siècle après Louis XI ! Le roi vit à Chenonceau (pour Plessis-lès-Tours), son ennemi le Téméraire à Chambord (pour Péronne). Le château de Maintenon représente Schonwaldt, le siège de l’évêque de Liège pillé par Guillaume de la Marck. On réalise en Angleterre les intérieurs aux studios d’Elstree (Borehamwood, Hertfordshire) et tout le début à Bodiam Castle (East Sussex) qui tient lieu du fief familial des Durward. N’empêche, les anachronismes pleinement assumés des châteaux de la Loire, qui susciteront évidemment une vague de sarcasmes dans l’Hexagone, constituent de sérieux atouts visuels et se fondent avec panache dans le tourbillon des cavalcades. Après tout, avec Louis XI, la Renaissance est à la porte. Enfin, cela fait de la publicité gratuite pour les sites touristiques de la France !

Un Lancelot écossais malmené par la « Realpolitik »
Le rôle d’Isabelle de Croye, celle dont l’affection « fera pencher l’équilibre des forces de l’Europe », est d’abord offert à Elizabeth Taylor, puis à Grace Kelly. Elles déclinent toutes deux et c’est la délicieuse Kay Kendall qui en hérite. Comédienne anglaise encore inconnue aux États-Unis, celle-ci livre une prestation pétillante d’ironie et d’intelligence mutine ; son numéro lui vaudra d’être engagée par George Cukor pour « Les Girls » (elle décédera d’une leucémie quatre ans plus tard, à 33 ans). Interprété avec malice et suavité par l’adipeux Robert Morley – qui donna déjà un Louis XVI mémorable dans le « Marie Antoinette » de W.S. Van Dyke en 1938 -, Louis XI possède ici une silhouette passablement enveloppée, très différente de l’image du monarque tordu, chétif et maigrelet que nous ont léguée les portraits de l’époque ; il n’en est pas moins retors et calculateur (« quand tout échoue, il faut s’en tenir au respect des promesses »), quoique ses rondeurs laissent deviner quelques faiblesses : il peut se montrer humain quand cela sert ses intérêts. Mais il « ne fait jamais confiance à quelqu’un qu’on ne peut acheter. » Quant à Robert Taylor, égal à lui-même après Ivanhoé et Lancelot, la cuirasse ornée de fleurs de lys sur fond bleu lui seyant à perfection, il apporte une touche de vulnérabilité et de mélancolie qui colle particulièrement à son personnage, suivant en cela un scénario plus profond qu’il n’y paraît mais dont Thorpe, faute de réelle sensibilité artistique, ne parvient pas à développer toutes les possibilités. Car Durward est un gentilhomme aussi vaillant qu’obsolète, un homme d’épée et de parole, attaché à une conception dépassée de l’amour et de la décence. La poudre à canon, le plomb et la rouerie déshonorante du roi (« je n’ai pas de fierté ») sont les signes extérieurs d’un monde qui a changé, devenu « politique, cérébral et cruel. » Louis XI est le symbole de ce nouvel âge, un souverain prêt à sacrifier tout et tout le monde pour le bien de l’État, allant jusqu’à mentir, tricher et s’abaisser machiavéliquement devant le Téméraire afin de maintenir l’unité du royaume. Imperturbable mais jamais naïf, Durward, Don Quichotte avant l’heure, persiste à vivre selon son credo (« je suis né quelques minutes trop tard »). Confrontées à son esprit chevaleresque d’autrefois, certaines personnes en perdent leur cynisme, d’autres la vie, tel Hayreddin, le bohémien. « Pourquoi es-tu tantôt brave, tantôt couard ou vendu ? » l’interroge Durward. « Parce que c’est le comportement que vous attendez d’un gitan », lui répond ce dernier.
Chambord, décor anachronique mais spectaculaire de ce « Quentin Durward » américain filmé partiellement en France.
 Pour un film d’aventures, ce « Quentin Durward » longtemps sous-estimé ne craint pas les séquences dialoguées (notamment entre le roi et son barbier, Olivier le Daim), dans lesquelles perce, entre deux traits d’humour ou d’ironie, un léger désenchantement post-marccarthyste : le monde n’est pas aussi schématique qu’on le souhaiterait, et les coups d’épée tranchent les têtes mais ne règlent pas les problèmes. En passant, le script brocarde l’incorrigible avarice de certains Écossais ; sans le sou, Durward doit plus d’une fois tendre la main. Richard Thorpe, artisan routinier mais parfois inspiré de ce type de cinéma, mène son récit avec beaucoup de dynamisme ; la facture impeccable fait regretter un devis relativement serré qui nous prive de tableaux plus spectaculaires. Signalons toutefois un moment d’anthologie dans le registre : le combat à mort que se livrent Durward et La Mark à Schonwaldt, dans le clocher envahi par les flammes, est aussi original que trépidant, avec les deux adversaires munis l’un d’une hache, l’autre d’une épée et d’une dague, suspendus dans le vide, tels des acrobates, aux cordes des cloches qui sonnent le tocsin… Ce « clou », qui vaut son pesant d’adrénaline, ne suffit hélas pas à rallier les foules, car les recettes se montent à 2,2 millions de $ seulement (moins d’un cinquième d’« Ivanhoé »), signifiant une perte de 1,2 millions. Le triple échec de « Moonfleet » (Fritz Lang), de « Diane de Poitiers » (David Miller) et de « Quentin Durward » au box office de 1955 pousse la MGM à abandonner la mise en chantier d’autres films d’époque. – DE, AT : Liebe, Tod und Teufel, IT : L’arciere del re, ES : Aventuras de Quintin Durward.

Nota bene: En mars 1962, songeant à un sujet qui pourrait intéresser Hollywood, Jean Renoir envisage de porter à l'écran le roman de Walter Scott, dont il confierait l'adaptation à Clifford Odets et le rôle-titre à Warren Beatty. On peut rêver.
L’Allemand Amadeus August dans son plus gros succès public, la série télévisée ORTF de Gilles Grangier (1971).
1971(tv) Quentin Durward - Les Aventures de l'archer de Louis XI (FR/DE) de Gilles Grangier
Roger Van Mullem, Colette Fleury/Maintenon Films (Paris)-Tele München-ORTF-ZDF (TSR 21.-30.12.70 / A2 28.1.-11.3.71 / ZDF 27.4.71), 7 x 52 min. – av. Amadeus August (Quentin Durward), Marie-France Boyer (Isabelle de Croye), Georges Marchal (Philippe de Crèvecœur d’Esquerdes, comte de Bourgogne), Noël Roquevert (Ludovic Lesley, l’oncle de Quentin), Philippe Avron (Bertrand), William Sabatier (Charles le Téméraire), Michel Vitold (Louis XI), Denis Savignat (Louis, duc d'Orléans, futur Louis XII), Jean Nergal (Guillaume de La Marck), André Valmy (Olivier le Daim), Jacques Monod (le cardinal Jean de La Balue), Clarisse Deudon (Harmeline de Croye, tante d’Isabelle), Robert Party (Nicola di Monforte, comte de Campobasso), Henri Nassiet (Louis de Bourbon, prince-évêque de Liège), Claire Maurier (Marion), Roger Pigaut (François, comte de Dunois), Guy Kerner (Tristan l’Ermite), André Oumansky (Hayraddin Mangrabin, le gitan), Denis Le Guillou (Erik de La Marck), Anne Varen (Jeanne de France, fille du roi), André Valtier (le capitaine Cunningham), Philippe Castelli (Trois-Échelles), Armand Meffre (le père MacLean), Roger Trapp (Petit-André), Olivier Descamps (Toison d’Or), Claude Evrard (Pavillon).
Synopsis : Ce « Quentin Durward » destiné au petit écran est un des derniers grands feuilletons de cape et d’épée de l’ORTF. Scénarisé par Pierre Nivollet, d’une durée de six heures, il ancre mieux l’intrigue romanesque dans l’histoire et la politique du XVe siècle, tout en reprenant la majorité des personnages du roman. Avec longueurs, diversions et quelques variantes quant aux péripéties. Ainsi, c’est pour échapper aux Ogilvies, ses ennemis héréditaires, que Quentin Durward, dernier descendant de son clan à Glen-Houlakin, doit ici fuir l’Écosse où ses adversaires étaient sur le point de le faire ordonner moine par la force (dans le roman, cet épisode est raconté à table à l’oncle de Durward). Plus tard, arrivé à Liège, des bourgeois exaltés croient reconnaître en Durward et en son compagnon Bertrand des émissaires secrets de Louis XI venus donner le signal de l’insurrection, alors que La Mark attaque Schonwaldt, le château du prince-évêque. Déguisés en marchands, Durward, Bertrand et les deux comtesses de Croye (Isabelle et sa tante Harmeline) fuient Liège en prenant Eric, le fils du « Sanglier », en otage. Ils sont poursuivis par La Marck, sauvés par les Bourguignons de Campobasso et conduits désarmés à Péronne où le Téméraire retient le roi de France prisonnier. Assiégé à Liège, La Marck fait porter à ses hommes les couleurs de l’armée française pour tromper l’ennemi, mais Durward déjoue la ruse, s’introduit par un souterrain dans la citadelle où s’est retranchée la brute et la tue en combat singulier.
Michel Vitold campe un Louis XI tout sauf caricatural, Marie-France Boyer une séduisante Isabelle (1971).
 Artisan appliqué de la production commerciale de l’Hexagone (dix films avec Jean Gabin, dont « Gas-oil » et « Archimède le clochard »), mais désœuvré depuis l’avènement de la Nouvelle Vague, Gilles Grangier parvient, pour sa première réalisation de télévision, à réunir une sérieuse affiche de cinéma : Marie-France Boyer, Georges Marchal, Noël Roquevert et Michel Vitold se donnent la réplique. Vitold fait un Louis XI fort convaincant, rusé sans ne jamais être caricatural. Le « Sanglier » La Marck de Jean Nergal est adipeux, ignoble et sauvage, et Campobasso, qu’interprète Robert Party, un mercenaire défiguré qui fait fuir d’effroi Isabelle. Le rôle-titre revient à Amadeus August, 29 ans, un jeune acteur allemand parfaitement francophone, imposé par les coproducteurs munichois. C’est la première apparition à l’écran de ce joli garçon un peu dépourvu de charisme, et aussi son plus grand succès public ; il décédera du sida en 1992 après avoir fait carrière au théâtre à Berlin, à Cologne et à Vienne, à la télévision dans les séries de « Derrick » et « Tatort »). La quasi totalité du feuilleton est photographiée en décors naturels à Carcassonne (pour Liège), en Touraine, au château de Montpoupon à Céré-la-Ronde (Indre-et-Loire), aux châteaux d’Assé et du Riveau, à Fajac en Val, Tours, Rivarennes, Bréhémont, Morienval, Île Bouchard, Meudon, la Ferté-Alais, Senlis et Mont l’Évêque. Grangier le tourne en couleur avec un dixième du budget de la version américaine (deux millions d’anciens francs), imaginant des solutions astucieuses pour masquer l’insuffisence générale des moyens, notamment lors du siège final (plans serrés, soldats signalisés de nuit par des flambeaux, assaut d’une seule muraille avec bombarde et échelles). Du travail honnête mais sans relief, les rebondissements et combats réglés par Claude Carliez étant délayés sur sept épisodes. En 1973, Grangier signera un autre feuilleton historique, « Les Mohicans de Paris » d’après Alexandre Dumas, toujours pour Maintenon Films.
Walter Scott revu par les Russes : Quentin Durward (Aleksandr Koznov, à g.) et l’oncle écossais, Lord Crawford (1988).
1988Prikljutcheniya Kventina Dorvarda, strelka korolevskoy gvardij (Les Aventures de Quentin Durward, archer de la garde royale) (SU/RO) de Sergej Tarassov
Mikhael Orlov-Mosfilm, Moscou-Filmstudio Bucuresti, 1h36 min. – av. Aleksandr Koznov (Quentin Durward), Olga Kabo (Isabelle de Croye), Aleksandr Lazarev (Louis XI), Aleksandr Yakovlev (Charles le Téméraire), Aleksandr Pashutin (Olivier le Daim), Yurij Kuznetsov (Tristan L’Hermite), Leonid Kulagin (Ludovic Lesley), Boris Khmelnitsky (Hayraddin Mangrabin, le gitan), Paul Butkevitch (Lord Crawford, l’oncle de Quentin), Boris Khimichev (Philippe de Crèvecœur d’Esquerdes, comte de Bourgogne), Andrej Yourenev (Nicola di Monforte, comte de Campobasso), Vitautas Tomkus (Guillaume de La Marck), Sergej Tarassov (Louis de Bourbon, prince-évêque de Liège), Aleksandr Inchakov (Horst).
Quatrième aventure médiévale de Sergej Tarassov, déjà réalisateur de « La Flèche de Robin des Bois » (1976), de « La Ballade du vaillant chevalier Ivanhoé » (1983) et de « La Flèche noire » (1985). Cette coproduction russo-roumaine en Sovcolor de la Mosfilm est tournée pour sa majeure partie en extérieurs réels en Ukraine, devant l’immense forteresse moldave de Khotyn (avec ses murs de 40 mètres de hauteur), et en Roumanie, notamment dans les châteaux de Hunyade et de Bran, enfin quelques scènes en studio à Bucarest. Le scénario suit très fidèlement le roman, le dernier quart d’heure excepté (Durward, et non son oncle, terrasse le « Sanglier des Ardennes »). Le récit débute par l’irruption impromptue, au petit matin, de Charles le Téméraire et de Campobasso qui exigent de voir Isabelle de Croye. La belle profite des brumes de l’aube pour s’enfuir, et Durward, qui cherche de l’embauche à la cour de France, la croise incognito dans une hôtellerie où il tombe sous le charme de son chant au luth. Ayant détaché un pendu de son arbre, l’Écossais doit se justifier devant le prévôt à Plessis-lès-Tours, mais son oncle, Lord Crawford, sauve sa peau et le fait engager dans la garde du roi. Plus tard, lorsque La Marck ravage l’évêché de Liège et tue Louis de Bourbon à Schonwaldt, Durward, ayant libéré Isabelle des griffes du « Sanglier » et innocenté le roi prisonnier à Péronne, participe à l’assaut du fief mené conjointement par Louis XI et le Téméraire.
Sur le chemin de Liège, Quentin Durward doit affronter les mercenaires du « Sanglier des Ardennes » (1988).
 Avec ses 300 figurants habilement placés, la production masque tant bien que mal les insuffisances du budget, alignant une profusion d’images nocturnes à l’éclairage naturel (feux de cheminée, flambeaux, clair de lune). La forteresse de Schonwaldt tenue par La Marck est investie sans résistance, la bataille se déroule dans la cour (pour ménager le patrimoine architectural) et le duel final est en partie filmé du point de vue de Durward, la caméra étant placée à l’intérieur du bassinet à fentes horizontales de son heaume. C’est une des rares idées visuelles de cette bande terne et sans humour, destinée en priorité à la jeunesse et qui ne semble pas avoir été distribuée en dehors du bloc soviétique. Une fois n’est pas coutume : les représentants de la féodalité et de la religion sont épargnés, la caution de Walter Scott étant plus forte que l’idéologie au pouvoir.